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Nous sommes après la fin de la guerre, le monde des sorciers est sauvé, Minerva McGonagall est devenue directrice de Poudlard et a recruté quelques nouvelles têtes...


Library is the new sexy

Le professeur McGonagall se montra assez sceptique quand Lissa Faraday, la nouvelle bibliothécaire de Poudlard, lui soumit son projet d'action culturelle. Rencontres d'auteurs, expositions, club de lecture, concours d'écriture : tout ça, c'était très beau sur le papier, mais enfin, la première mission de la bibliothécaire consistait à s'occuper des livres !

« Oh, ne vous inquiétez pas pour ça, balaya la jeune sorcière. J'ai commencé à faire le point sur nos collections : certaines références sont vraiment datées, il est grand temps de les rafraîchir un peu. Et le fonds loisir a le meilleur taux de rotation de toute la bibliothèque ! »

Ne souhaitant pas révéler à son ancienne élève qu'elle ignorait ce qu'était un taux de rotation, la directrice se fia à l'enthousiasme de cette dernière pour décréter qu'il s'agissait d'une excellente nouvelle.

« C'est pour ça que je veux développer l'action culturelle, enchaîna Lissa avec entrain. Pour attirer et fidéliser de nouveaux publics ! Et puis, nos lecteurs les plus fidèles sont très intéressés, figurez-vous. Miss Granger connaît tellement bien les collections qu'elle aurait certainement des tas d'idées de thématiques à mettre en valeur, Miss Lovegood pourrait animer un atelier poésie puisque son premier recueil vient d'être publié – nous en avons acheté un exemplaire, d'ailleurs – et Mr Peeves a pensé à quelque chose de tout à fait intéressant en ce qui concerne les usagers fantômes… »

Avec un soupir, Minerva McGonagall reconnut que dynamiser la bibliothèque ne serait sans doute pas un mal, et Lissa se retint de lui proposer plutôt de la dynamiter – au sens figuré, bien entendu.

« Combien tout cela va-t-il nous coûter ? s'inquiéta la directrice.

– Quasiment rien, en réalité, ne vous inquiétez pas, la rassura aussitôt Lissa. Juste quelques accessoires, une ou deux grilles d'accrochage pour les expositions, un phonographe pour le projet de Mr Peeves – encore qu'Argus pense que nous en avons peut-être un dans les réserves – le gîte et le couvert pour les auteurs invités…

– Vous avez déjà contacté quelqu'un ? releva McGonagall.

– Je connais quelqu'un qui ne dirait pas non, nuança Lissa, mais bien sûr il me faut votre accord.

– De qui s'agit-il ?

– D'un doctorant. Il travaille sur la naissance et le développement des instances de régulation du quidditch au niveau national et international », proclama fièrement Lissa.

Le professeur McGonagall fronça le nez d'un air sceptique.

« Et vous pensez que cela intéressera les élèves ? Je sais que beaucoup d'entre eux sont passionnés de quidditch, mais j'ai peur que ce sujet leur passe largement au-dessus de la tête.

– Il ne s'agit pas de tout leur exposer en détail, expliqua Lissa. Plutôt de leur en faire découvrir les grandes lignes. En fait, au-delà de l'exemple particulier, je pense qu'il est important de leur montrer que la recherche peut être un débouché après leur sortie de Poudlard, et qui mieux qu'un thésard pour leur expliquer en quoi cela consiste ?

– Miss Granger sera sans doute curieuse d'en savoir davantage, convint la directrice. Mais à part elle et les plus mordus de nos fans de quidditch, je doute fort que votre conférencier attire grand monde.

– Eh bien, nous verrons, Minerva, dit Lissa d'un air mystérieux, nous verrons… »

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L'image de la bibliothèque avait bien changé depuis la rentrée, sans parler de celle de la bibliothécaire. Exit la vieille et acariâtre Mme Pince et sa tête de vautour ! Dès le premier jour, la présence de Miss Faraday avait agi comme un aimant sur les élèves les moins portés à la lecture, en particulier les garçons. Jeune et souriante, la nouvelle recrue n'était pas tout à fait une inconnue en raison de sa précédente carrière de mannequin sorcier en Croatie ; sa blondeur, ses yeux gris-bleu brumeux et sa silhouette de rêve faisaient d'elle le membre du personnel le plus esthétique de l'école, et de loin. Et comme, en plus de l'habitude de se teindre les cheveux, elle avait ramené des Balkans un certain nombre de robes de créateur, les filles aussi fréquentaient régulièrement la bibliothèque afin de s'imprégner du style de la jeune femme, toujours au fait des dernières tendances. Les plus audacieuses tentaient d'imiter sa démarche qui, lorsqu'elle avançait dans les couloirs du château comme sur un catwalk, coupait même le sifflet du chevalier du Catogan.

Le jeune sorcier qu'elle invita à venir présenter son travail aux usagers de la bibliothèque de Poudlard, élèves, personnels et fantômes, ne possédait ni sa beauté ni son allure ; pourtant, l'affluence fut telle que trois soirées furent nécessaires pour accueillir la totalité du public intéressé – anticipant le succès de l'événement, Lissa avait décrété que l'accès à la conférence se ferait sur réservation, les places étant limitées.

Le doctorant était mince, un peu voûté, et il marchait les pieds en canard ; les traits guère avenants, le nez arrondi, ses épais sourcils noirs lui donnaient un air d'oiseau de proie ; il avait la voix grave, avec un accent étranger qui lui donnait une élocution traînante, et il roulait les r. À l'annonce de sa venue, le château tout entier avait frémi d'excitation, et maintenant qu'il était là, les cœurs battaient, les mains devenaient moites et les joues d'Hermione Granger rosissaient.

« Merci à tous d'être venus si nombreux, déclara Lissa le premier soir, debout sur la petite estrade dressée au fond de la bibliothèque, sur laquelle son invité se tenait en retrait, attendant d'être introduit. Je suis particulièrement heureuse de recevoir notre tout premier conférencier, qui n'est bien sûr plus à présenter. En plus d'être un joueur de quidditch de rang international, il se distingue également par la qualité de son travail de recherche académique. Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, merci d'accueillir comme il se doit Mr Viktor Krum ! »

L'apport du doctorant à l'historiographie des instances de régulation du quidditch intéressa certainement quelques personnes, à commencer par le professeur Binns qui n'avait jusque-là jamais envisagé d'évoquer ce sujet dans ses cours. Les explications qu'il donna concernant les études et la recherche au sein de cet établissement d'enseignement supérieur sorcier hélas méconnu qu'était l'Université Libre de Magie – au passage, le plus prestigieux d'Europe continentale – fascinèrent bon nombre d'élèves qui n'en avaient jamais entendu parler ; Hermione se promit d'ailleurs de creuser la question. Et le reste du public fut littéralement happé par l'aura de cette célébrité de premier plan qu'était Krum, star internationale du sport de très haut niveau, héros malheureux de la Coupe du Monde 1994. Ginny Weasley se permit quelques questions pertinentes sur sa carrière d'attrapeur, qu'il poursuivait en parallèle de ses recherches. La soirée s'acheva en séance d'autographes au milieu des flashes de l'appareil-photo dont Rusard s'était muni pour immortaliser l'événement. Hermione se sentait étrangement émue, Krum était satisfait d'avoir démontré qu'il n'était pas un tas de muscles sans cervelle, et Lissa triomphait.

La Gazette du sorcier se fit l'écho de ce succès fracassant, à tel point que le professeur McGonagall se mit à recevoir des propositions d'éditeurs, académiques ou littéraires, désireux de faire apparaître leurs auteurs dans la programmation culturelle de la bibliothèque de Poudlard.

« The place to be, se réjouit Lissa lorsque la directrice l'en eut informée. Nous sommes devenus trendy, Minerva, mais ne vous inquiétez pas : il n'est pas question de recevoir n'importe qui. Nous avons un niveau à maintenir. »

La fréquence avec laquelle Miss Faraday utilisait l'expression « ne vous inquiétez pas » commençait à inquiéter franchement McGonagall, mais la jeune sorcière semblait savoir ce qu'elle faisait. Elle avait lancé un récolement des collections, surveillait avec attention leur taux de rotation, animait l'association des amis de la bibliothèque (ça, au moins, la directrice comprenait ce que ça signifiait) et parlait maintenant d'acquérir un fonds de livres audio, pour les fantômes disait-elle.

« Avez-vous prévu d'organiser bientôt une nouvelle rencontre d'auteur ? » soupira McGonagall, résignée à ce que ces mots entrent dans le vocabulaire courant de leurs échanges.

Le sourire de Lissa ne lui dit rien qui vaille.

« J'ai une petite idée, répondit la jeune sorcière. F. F. Osborne. C'est un chercheur étranger mais je crois savoir qu'il viendra prochainement dans notre pays, alors ce serait dommage de ne pas en profiter.

– Jamais entendu parler, déclara McGonagall. Sur quoi travaille-t-il ? »

Le sourire de Lissa s'accentua et se fit malicieux.

« L'histoire de l'esclavage des elfes de maison dans les Caraïbes, Minerva, répondit-elle. Plus précisément, de son abolition. »