En rentrant chez lui, son ami d'enfance sur les talons, le jeune homme souriait, il était heureux de passer du temps avec Oikawa car plus ils étaient de plus en plus difficile de se voir à cause de leurs obligations respectives. Iwaizumi aimait être seul mais pour autant il savait qu'il avait besoin de compagnie, de divertissement et d'une surveillance discrète mais présente. Sa principale tremblait légèrement mais cela ne le gênait pour l'instant nullement et il n'y a pas plus d'attention.
-Je vois que tu as acheté le livre dont tu m'a parlé l'autre fois, remarqua son ami en observant le petit salon où ils venaient de pénétrer. Iwaizumi n'était pas dupe, il savait que son ami cherchait quelque chose et il savait quoi, mais pour autant il ne releva pas, appréciant simplement la présence de l'autre tout en le remerciant mentalement pour sa discrétion.
-Oui en effet je suis allé le chercher dès que j'ai eu suffisamment d'économie de côté.
-C'est un bel ouvrage, constata son interlocuteur en feuilletant les pages.
Durant un instant ils ne dirent plus rien et Iwaizumi savait que son ami était en grande réflexion. S'il avait pu acheter ce livre avec ses "économies" cela voulait dire qu'il ne les avait pas dépensé dans un autre choisi, cette autre chose qui encore aujourd'hui lui mène la vie dure et qui avait bien failli la détruire plusieurs fois par le passé.
-C'est toujours ok pour que je reste dîner avec toi?
-Bien sûr je ne te l'aurais pas proposé sinon espèce d'idiot.
Tooru sourit mais il y avait un message derrière ses dernières paroles: "J'ai remarqué". Un soupir parcourut l'air et le locataire des lieux partit à la cuisine sans bruit. Il prit discrètement un petit médicament avant de commencer la préparation du repas comme si de rien était. Il n'était pas très bon en cuisine et pour autant il aimait bien ça, la préparation le détendait.
Tooru fit comme chez lui et lanca la télévision sur une chaîne de dessins animés qu'Iwaizumi trouver parfaitement idiot.
En vérité le châtain ne regardait pas vraiment, il avait bien vu le léger tremblement de son ami et il n'aimait pas ça. Il le savait encore fragile et se faisait un devoir de le protéger et de veiller sur lui, a choisi qu'il n'était pas parvenu à faire à temps par le passé et qu'il regrette amèrement. Au début personne ne voyait rien mais au fil du temps Hajime s'était isolé et personne n'avait compris pourquoi car à chaque fois qu'il voyait il apparaissait en pleine forme, peut-être même un peu moins renfermé qu'avant et tout le monde avait apprécié ce changement.
Puis Oikawa avait eu des doutes, son ami commençait à avoir un comportement étrange de temps à autre, il avait l'impression de voir une autre personne, une personne plus heureuse, plus ouverte, plus sociale ... Bref que des choses qui au premier coup d'œil était sur ne peut plus positifs. Mais pour autant le doute ne se dissipa nullement et il se mit à faire des recherches et à surveiller son ami d'un peu plus près jusqu'à cette soirée où il avait enfin compris.
Ils étaient tous deux sortis ce soir-là dans le seul mais de se promener dans les lumières du soir, Iwaizumi avait l'air fatigué mais Oikawa ne voulant pas gâcher le moment, se dit qu'il avait sûrement eu une grosse journée et que c'était parfaitement normal. Ils discutèrent plusieurs heureux couchés dans l'herbe d'un parc à regarder les étoiles, quand le corps du brun avait commencé à trembler de plus en plus violemment, ce qui eut pour effet de le faire juré.
Évidemment Tooru ignorant, s'était alors approché de son ami avec inquiétude en lui demandant ce qui n'allait pas. Il chercha la réponse dans les yeux de son ami qui s'était vidé d'un coup comme si celui-ci était parti très loin pendant plusieurs secondes avant de revenir à lui le corps toujours tremblant et une pellicule de sueur perlant son visage déformé, les vomissements ont été la goutte de trop.
-Tu veux que j'appelle les secours? Questionna le plus grand avec inquiétude
-NON ! Hurla l'autre, mais c'était déjà trop tard, son ami n'avait nullement attendu la réponse et les secours étaient intervenus. C'est ce jour-là qu'Oikawa avait appris, qu'il avait reçu la réponse à ses questions, le fondement de ses doutes.
-Tu peux mettre la table? interrogea l'objet de ses pensées depuis la cuisine, le faisant revenir à l'instant présent.
Il fit donc ce que son ami lui demanda en le surveillant du coin de l'œil, il lui faisait confiance mais ne pouvait s'empêcher d'être inquiet pour lui.
Il était hanté par les images de ce soir là, le soir ou il avait entendu CE mot. Il poussa un soupire s'efforçant de ne plus y penser, à présent son ami allait mieux et il avait bien plus besoin de soutien que de pitié et il le savait.
Ils discutèrent de tout et de rien durant le repas jusqu'à ce que le sujet soit amené sur la table par Hajime.
-J'ai vu le psychiatre et l'addictologue hier…
-Et alors? Interrogea Oikawa avec un mélange de crainte et d'espoir
-Les médicaments font effet, je suis presque sévère mais je n'ai toujours pas le droit de toucher à l'alcool sauf nécessité absolue.
-Iwa-chan allons, les médicaments ne font pas tout c'est surtout grâce à ta volonté et ta force que tu en est là aujourd'hui et je ne te féliciterai jamais assez ... Je suis tellement fière de toi.
-C'est aussi grâce à toi ... Merci
-De rien, allons tu es mon meilleur ami je n'ai pas l'impression d'avoir fait quelque chose d'incroyable, le volume de sa voix diminua soudainement. Au contraire j'ai mis tellement de temps à me rendre compte ... je suis désolé j'aurais dû le voir et m'inquiéter plus tôt ... Et puis je t'ai abandonné.
-Nous avons déjà parlé Oikawa, tu as fait ce qu'il fallait, point. Maintenant arrête de te culpabiliser, tu m'agaces.
La discussion s'arrête là et Tooru plongea dans ses souvenirs.
-Votre ami une addiction à l'alcool. Lui avait annoncé le spécialiste et le jeune homme était tombé des nues. Comment est-ce possible? Il avait remarqué des changements bien sûr mais rien qui impliquait la boisson alors pourquoi?
Il avait réfléchi longtemps, persuadé d'être responsable de la situation, il connaissait Iwaizumi depuis si longtemps qu'il se sentait honteux et indigne d'être son ami.
Hajime voulait un sevrage à domicile mais sa famille avait insisté, il allait être hospitalisé.
Durant tout le temps que passa Hajime à la clinique son état s'empira, privé trop brutalement d'alcool il en faisait des crises de violence. Il tremblait de telle façon que tout le monde en avait peur, à tel point qu'Oikawa arrêta tout simplement de lui rendre visite le peu de fois où il en avait l'autorisation. Mais surtout Iwaizumi était dans le déni le plus complet ce qui l'empêchait d'avancer, à ses yeux il n'y avait aucun problème.
Il fallut six mois pour qu'enfin les gens se rendent compte que cela ne servait à rien et celui qui était à présent catégorisé comme "alcoolique" pu rentrer chez lui afin de finalement prendre conscience et sevrer à son rythme dans la sécurité et le confort de son foyer.
C'est à ce moment-là que les progrès commencent. La quantité d'alcool diminua rapidement et fut suivie de la quantité de médicaments pour aider au sevrage. Parfois une bouteille ou deux tombèrent au combat et le plus dur dans ces moments-là était l'immense culpabilité du malade qui vivait la choisi comme un échec cuisant et honteux.
Il fallut encore deux mois suite à la sortie du jeune homme pour qu'Oikawa ne se décide à lui rendre à nouveau visite, il était rongé par la honte et le regret de ne pas avoir été aux côtés de celui qui avait toujours battu pour lui, qui étudie l'épauler dans tous les moments compliqués de sa vie.
-Je t'ai dit d'arrêter de te culpabiliser, grogna le brun en mangeant goulûment.
-Je ne peux pas, comprend moi j'ai fait la pire des choses possible, je t'ai laissé tomber au moment où tu avais le plus besoin d'aide, j'ai eu peur de toi alors que je te faisais confiance, je suis ridicule.
Iwaizumi ne répond pas, effrayé à l'idée de s'énerver et préféra se lever pour serrer son ami dans ses bras en silence. Ils restèrent ainsi plusieurs minutes, ne ressentant nullement le besoin de parler, ils se comprenaient.
La suite du repas fut remplie de discussions futiles et légères bien loin de la réalité et cela leur faisait un bien fou.
-Je vais rentrer Iwa-chan, Testu m'attend.
-Bien sûr, salut le de ma part.
Ils s'enlacèrent une dernière fois et Oikawa partit.
En se retournant Hajime remarqua que l'un des bibelots qui décorent son meuble télé avait disparu et il sourit tristement. Il n'était pas le seul à se battre contre lui-même.
