CH 5 Les amants
Les deux hommes avaient traversé la zone de quarantaine sans soucis, n'aillant rencontré que quelques gardes qui regardaient d'un œil torve le docteur vampire. La demeure du chevalier était toute simple et se noyait parmi ses semblables, ce fut Geoffrey qui toqua à la porte. Un homme aux cheveux châtain, ses yeux noisette fatigués semblaient sans âge, mais usés par la fatigue, une barbe grisonnante lui grignotant le visage, les rides ondulantes le cernaient et ne portait que du noir.
"-Oui ? Demanda l'ekon d'un ton fatigué.
-Sir John Cornwall ? Interrogea Reid.
-Lui-même, soupira l'homme après de longues secondes. Et vous êtes ?
-Docteur Jonathan Reid et Geoffrey McCullum, présenta le médecin. Nous aurions quelques questions à vous poser.
Le chevalier s'écarta et invita les deux hommes à rentrer, il les conduisit ensuite vers le salon. La maison était remplie d'armes d'époques et de continents différents, l'ancien combattant s'écrasa dans un fauteuil usé et montra le divan à ses hôtes.
-Et pourquoi cette visite tardive ? Interrogea le soldat.
-Henry Morgan a été trouvé mort sur les docks il y a quatre soirs, déclara Geoffrey. Où étiez-vous ?
-Ici, soupira le vampire. C'est un vampire qui l'a tué ?
-Vous ne semblez pas surpris, releva Reid.
-J'ai senti la peine de ma fille, suite à votre annonce. Et je suppose que vous me soupçonnez.
-Vous êtes allé faire chanter son père pour qu'il poursuive son mariage avec Margaux, expliqua le praticien.
-S'il y a bien une chose que je déteste, c'est voir mes enfants malheureux, énonça l'ancien chevalier. Je voulais que ma fille soit heureuse, mais lorsque j'ai compris que Henry en aimait un autre, je n'ai pas insisté. Ma fille tombera à nouveau amoureuse, comme à chaque fois qu'elle voit un beau jeune homme.
-Voyez-vous qui aurez pu vouloir assassiner Henry ?
-Non, mais qui que ce soit, il aura eu tort de faire du mal à mon pauvre Dylan, déclara fermement le guerrier. Il n'est peut-être plus l'ekon qu'il était, mais il reste ma Progéniture et je n'accepte pas que l'on lui cause des tourments !
-Mais en attendant, releva Geoffrey. Vous restez tranquillement ici.
Jonathan commençait à être habitué au franc parlé de son allié, même s'il n'appréciait pas beaucoup cette méthode, elle avait donné des résultats plutôt satisfaisants. Il trouvait cela presque enviable en fait, cette partie si honnête de Geoffrey, si libre et détachée des bonnes manières. Reid reporta son attention au chevalier vampire.
-Qu'est-ce que cela peut vous faire ? Gronda le vampire en s'approchant menaçant. Je ne vais pas vous dire comment agir avec vos hommes, chasseur McCullum. Margaux ou Dylan feront payer très cher à celui qui leur a enlevé Henry, c'est tout ce qui m'importe.
Geoffrey étudia le regard de l'ekon face à lui, mais fini par se lever. Il salua le chevalier et entraîna Reid dehors. Une fois dans la rue, l'homme fouilla ses poches nerveusement, trouvant enfin le paquet de cigarette aplati. Sa main en tira le saint Graal et l'alluma aussitôt, inspirant la fumée dans ses poumons.
-Tu fumes ? Interrogea Reid
-Si tu comptes me faire la morale Johnny, gronda l'irlandais. Oublie !
En fait, le vampire avait une cigarette au coin des lèvres et s'était téléporté tout près de Geoffrey pour l'allumer grâce aux cendres de celle du chasseur. Ils marchèrent un moment et s'accoudèrent aux barreaux qui longeaient la Tamise, observait la nuit londonienne.
-On n'a rien, râla le chasseur.
-Non, rien de solide en tout cas, soupira le docteur.
-Tu ne devrais pas être au Pembroke ?
Le vampire n'avait pas senti son cœur devenir aussi froid depuis qu'il avait remis sa sœur en terre, son regard triste se posa sur Geoffrey qui ne l'observait même pas, ses yeux braqué sur les bateaux amarrés.
-Quoi ?
-Ils doivent t'attendre, continua l'homme fixant toujours le bâtiment nautique. Ils n'ont plus de médecin ni de directeur, et tu n'as plus rien à faire ici.
-Mais...se lamenta le docteur
-Je tâcherais de maintenir mes hommes loin de toi Jonathan, coupa le garde. Tu m'as prouvé que tu n'étais pas si mauvais et que j'ai eu tort de t'accuser d'avoir collaboré avec ce serpent de Swansea.
Le souffle semblait manquer au chirurgien, comment Geoffrey pouvait le repousser comme ça alors qu'ils avaient fait tant de progrès ensemble ?
-Ce n'est plus ton combat, poursuivit le garde. Je dois continuer seul, retourne sauver des vies.
-Geoffrey...je...je ne veux pas...
-Laisse-moi Johnny, contra le trentenaire en s'écartant avant de disparaitre dans la nuit."
Jonathan aurait pu le retrouver sans problème grâce à ses sens vampiriques, le rattraper sans être essoufflé, mais un poids énorme avait enfoncé ses jambes dans les dalles de la ruelle. Une larme de sang traça une ligne sur sa joue, il l'essuya d'un revers de manche et retourna au Pembroke. Il ne voulait pas que sa mère le voie dans cet état. En un rien de temps, il avait traversé Londres et retrouvé son bureau, il salua Lisa d'un air absent avant de s'allonger sur le lit, inerte.
Geoffrey le savait, il n'aurait pas dû agir ainsi avec Reid, il regrettait de ne pas avoir dit exactement ce qu'il voulait dire. Il avait été maladroit, comme toujours dans ce genre de situations, dès que quelqu'un s'approchait de trop près, commençait à le connaitre ou le supporter, il s'éloignait. Alors que les patrouilles faisaient leur rapport, le chef ne les écoutait même pas, les chassant d'un geste fatigué. Pourquoi Jonathan Reid persistait dans son esprit ? Il avait écarté plus d'une personne comme ça, mais il les oubliait vite, alors pourquoi pas lui ?
L'esprit vagabondant dans ses souvenirs, étirant la nuit qui s'écoulait paresseusement. Le garde se rendis compte qu'il appréciait beaucoup sa présence, ses inquiétudes, ses manies de bobo, ses petits rictus satisfait quand ils discutaient d'égal à égal, laissant derrière eux le vampire et le chasseur, l'anglais aisé et l'irlandais modeste, le calme et le fougueux. Il voulait le voir. Son esprit réclamait la présence du vampire à ses côtés, son corps hurlant son besoin de sentir ses mains glacées sur sa peau, il voulait gouter la texture de ses muscles entre ses doigts, s'approprier ses lèvres si promptes à se lever au moindre contact visuel. Décidément, Geoffrey avait tout fait de travers avec Jonathan, le prenant pour un ennemi, puis pour l'assistant du scientifique fou avant de rejeter son alliance. Mais il s'était remis en question après leur combat, il avait accepté de dialoguer avec lui et lui donner du sang d'Arthur. Et encore une fois, il s'apercevait qu'il avait tort.
L'homme se redressa vivement, quittant le théâtre d'un pas décidé, le matin guidant ses pas vers l'hôpital, étant sûr de le trouver. Il ignora les infirmières, forçant au premier étage, filant vers la porte du fond, emportant l'ouverture dans son élan. Le cœur battant, il n'osait bouger, attendant la réaction du médecin. L'anglais se redressa, étudiant le garde sur le pas de son antre. Il remercia l'infirmière, la rassurant et l'invitant à s'en aller. Jonathan fini par ce lever contournant le garde pour fermer l'issue de son bureau. Geoffrey n'avait pas bronché, il patientait que le médecin revienne devant lui. Le médecin l'interrogea, lui demandant si tout allait bien, le garde attrapa les bords de la veste du costume du noble pour l'attirer contre lui, ses paupières se fermèrent et ses lèvres se posèrent sur celles de l'homme en face de lui. D'abord surpris, Jonathan ne réalisa pas vraiment, puis, son corps se détendit, ses mains glissèrent sur les hanches de Geoffrey, fermant à son tour les yeux, il entrouvrit les lèvres pour profiter de celles de son vis-à-vis. Le garde gouta chaque morceau de la bouche du vampire avec un attachement profond, voulant s'accaparer tout ce qu'il pouvait lui offrir. Reid s'écarta lentement, et osa jeter un regard sur son conquérant. L'amant plongea ses yeux bleus sur son œuvre, esquissant une moue conquise.
"-J'aurais dû commencer par ça tout à l'heure, expliqua le garde.
-Et je n'aurais pas dû te laisser partir, accorda l'ekon. J'ai cru que...
-Je sais, gronda l'irlandais. C'est ce que je voulais, ne plus te revoir, mais...Je suis un idiot.
-Je ne te l'ai pas dit, susurra le vampire. Mais j'aime ton côté idiot."
Jonathan le bouscula gentiment en riant et Geoffrey l'attira avec lui en s'écrasant sur le lit, laissant exploser sa joie de retrouver son chasseur à ses côtés. Il l'enlaça contre lui avant de fermer les yeux et dormir.
