Merci pour votre intérêt pour cette histoire, je suis ravie que Eric reçoive autant de compliment :D
LE PRISME DE VERRE
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Chapitre 5 : Rose
Sherlock reste un moment recroquevillé contre la porte, le visage reposant contre le battant pendant qu'il regarde dans le vide, uniquement présent de manière physique dans le salon. Sherlock ne sait plus quoi faire. Il sait que c'est quelque chose de courant, notamment chez les adolescents et les jeunes adultes, mais il aurait aimé ne jamais vivre le trouble d'être attiré par deux personnes. Et ne pouvant s'empêcher de se faire mal à la tête, il rejoue en boucle tous ses souvenirs préférés avec John. Ils sont nombreux, précieux et marqués au fer rouge dans son palais mental, ce lieu imaginaire ayant toute une immense salle rien qu'à l'honneur du médecin. Mais en face de cette pièce, seulement séparée par un mince couloir semblable à celui du 221B, il y a une autre pièce. Elle est pour le moment petite, mais il y plane une odeur indescriptible, faite de plusieurs parfums. Sherlock y perçoit tout de même une odeur du matin, quand on prépare un petit déjeuner, ainsi que celle d'une literie propre.
La chambre, car c'est une chambre, est éclairée par une lumière tamisée, comme celle d'un lampadaire traversant les rideaux d'une fenêtre ouverte. Les murs sont couverts de divers posters de groupes de musiques, et de plusieurs exemplaires du tableau Le baiser de Gustave Klimt. Il y a une grande étagère, rempli de livres, mais où chaque page est blanche. À côté de l'étagère, il y a un lit. Attiré par le confort qui lui est présenté, Sherlock s'allonge dans le lit, et y hume alors un nouveau parfum, qu'il reconnaît tout de suite. C'est celui de Eric. Il se rappelle très bien de l'odeur que dégageait sa peau, notamment lorsqu'il l'embrassait, ou qu'il était contre son dos pendant-
La lumière clignote un bref instant, au même moment où une intense chaleur parcourt le corps de Sherlock. Une larme s'échappe de son œil gauche. Il aime aussi Eric, et pas seulement parce que cet homme lui a donné une étreinte charnelle. Il l'aime pour son empathie, son écoute, et sa générosité sans limite. Pourquoi diable cet homme est-il toujours célibataire ? Sherlock ne comprend pas. Ne voulant pas s'égarer dans des souvenirs source de vertige, Sherlock se force de quitter son palais mental, se retrouvant à nouveau dans le salon, assis par terre contre la porte. Il se lève lentement, rassuré que le cachet qu'il a prit soulage bien son crâne. Sans cela, il aurait sûrement eu le tournis. D'un pas tranquille, Sherlock se rend dans la salle de bains.
Il s'observe dans le miroir, soulagé que son hématome au dessus de la tempe se voit à peine. Avec de la simple glace, John a fait du bon travail. Oui, du bon travail, comme tout médecin devrait le faire. Sherlock se répète ces mots pendant une ou deux minutes, voulant se persuader que John l'a soigné en tant que docteur, et non en tant qu'ami ou… autre chose. Pourtant, son traître de cerveau lui renvoie plusieurs regards que John lui a jeté i peine quelques minutes. Sherlock ne sait guère par quelle force il s'est retenu. Peut-être le fait que John soit désormais fiancé. C'est vrai. La magnifique alliance qui orne son doigt. Il imagine une bague similaire être portée par Mary. Le détective se demande alors quand est-ce que John lui a fait sa demande ? Pas au restaurant, étant donné les circonstances liées à sa réapparition. Alors quand ? Là encore, son cerveau semble chercher à le faire souffrir, lui faisant visualiser John faire sa demande dans l'intimité d'une chambre quelconque que lui et Mary partagent probablement depuis un moment, et après avoir accepté, Mary, étant donné son caractère espiègle évident, aurait accepté avec joie, le regard pétillant, avant d'emporter John au lit, pour y faire toutes sortes de choses.
Un frisson parcourt Sherlock, ayant désormais froid. John n'est clairement pas un adepte des vieilles traditions. Il a d'une part eu déjà plusieurs rencards s'étant conclus à des soirées torrides, et il n'est pas du style à attendre le mariage pour pimenter sa vie de couple. Et de ce qu'il a pu apercevoir d'elle, il en est de même pour Mary. Sherlock se tient un instant sur le bord du lavabo pour ne pas chanceler, constatant une évidence. John a souffert, c'est certain. Il était en deuil, seul, et peut-être déprimé. Comment ne pas tomber sous le charme de Mary, qui a du lui apparaître comme un ange gardien ? Finalement, elle et Eric se ressemblent de ce côté-là. Sherlock ne sait guère ce qu'il ferait aujourd'hui s'il n'avait pas rencontré cet homme. Mais une chose est sûre, il est devenu en peu de temps une pièce importante du palais mental. La taille des salles n'est pas forcément proportionnelle à l'importance de ce qu'elles représentent, et Sherlock se demande maintenant si la chambre qui illustre Eric va s'agrandir. En tout cas, il aime cette pièce.
Penché au dessus du lavabo, Sherlock hoche la tête, se sentant stupide. Le débat intérieur qui anime son cœur et sa tête est bien trop fatigant après une telle journée. Une larme, cette fois-ci bien réelle, en profite pour glisser sur sa joue avant d'atterrir dans le lavabo.
Pour se changer les idées, Sherlock enlève ses vêtements d'infiltration, fourrant la chemise à carreaux, le jean noir, les chaussettes et le caleçon dans le panier de linge sale, tandis que les bottines sont délaissées dans un coin de la salle de bain. Sherlock entre dans la douche, fermant doucement les battants. D'habitude, après une enquête, il aime prendre un bain (la pièce ayant le luxe d'avoir une douche et une baignoire), mais son humeur actuelle ne lui donne pas envie, préférant rester sous l'eau chaude pendant un quart d'heure, les mains posées contre le mur carrelé blanc. La chaleur de l'eau soulage autant son crâne, que tout son corps, particulièrement son dos qui est désormais bien cicatrisé. Malgré le jet coulant rapidement sur sa peau, Sherlock se remémore le doux contact des doigts de Eric pendant qu'il le soignait. Il tremble, et après une brève hésitation, il tente tout de même quelque chose. D'un geste incertain, le détective essaye de reproduire les caresses de son amant sur son mamelon gauche, bien plus sensible que le droit. S'appuyant d'une main, il s'applique de l'autre sur son bouton de chair, variant entre caresses timides autour, puis pincements.
- Ah !
Sherlock halète sous la sensation, se mordant la lèvre pour ne pas faire de bruit. Prit d'une violente impulsion, il bouge ses doigts de manière plus affamée, roulant le mamelon entre son index et son pouce, poussant toutes sortes de soupirs. D'autres pincements se produisent, un peu plus prononcés à chaque fois, laissant le détective pantelant. Finalement, il arrête d'un coup son activité, se sentant trop fiévreux pour terminer. À la place, il se savonne, se dépêchant au niveau de l'aine, pour ne pas être tenté…
Deux minutes plus tard, il se sèche le corps avec une grande serviette, puis se vête d'un pyjama et de sa fidèle robe de chambre bleue en soie. Il se sèche ensuite en une dizaine de minutes ses cheveux, ayant la chance d'avoir une tignasse qui se met en place toute seule sans avoir recourt à de longues séances de coiffage ou à l'utilisation de produits capillaires. Maintenant propre et sec, Sherlock retourne dans la cuisine, se préparant un thé. En temps normal, il n'est pas recommandé d'en boire le soir, car pouvant perturbé le sommeil, mais le détective en a grand besoin. Et même si la boisson n'a pas la même qualité que celle préparée par madame Hudson ou John, le thé que vient de se confectionner Sherlock est relativement bon, la saveur apaisant sa gorge et réchauffant tout son corps endolori pour diverses raisons.
Assis dans son fauteuil en cuir, les yeux fermés, Sherlock ne remarque pas tout de suite la venue de sa logeuse. Le petit hou hou qu'elle pousse pour signaler sa présence fait esquisser un petit sourire au détective, ce son familier l'ayant manqué sans qu'il ne s'en rende compte. Sans un mot, il invite la dame à s'asseoir, ce qu'elle fait, prenant place dans ce qui était le fauteuil de John. Sherlock soupire à nouveau en constatant cela. Quel nom moins déprimant donner à ce fauteuil ? Le brun n'en a pour le moment pas la moindre idée, et pour être honnête, il n'a pas envie de réfléchir pour le moment pour ce genre de détails. À la place, il donne toute son attention à sa logeuse souriante.
- Je suis tellement contente de vous voir de nouveau ici ! s'exclame t-elle.
- Je pense avoir compris, étant donné que c'est la cinquième fois que vous le dîtes, répond avec un air amusé Sherlock.
- Je sais, je sais, mais je n'en reviens toujours pas !
- Ça, c'est la troisième.
- Et vous prenez toujours un plaisir pour taquiner.
Madame Hudson constate cela avec son éternel sourire à la fois joyeux et contaminant. Cependant, Sherlock ne parvient guère à faire plus qu'un petit rictus. Malgré la douche, le thé et la bonne humeur de la logeuse, le détective continue de broyer du noir. Ce que son amie remarque assez vite, son regard devenant plus mélancolique.
- Sherlock, mon chéri, qu'est-ce qui ne va pas ?
Le détective relève la tête qu'il avait baissé sans le vouloir, n'étant même pas étonné que la vieille dame décèle son trouble, acceptant simplement l'idée qu'il est désormais assez transparent. Cependant, ce qui le tracasse, c'est le fait qu'il ne sache pas comment aborder le sujet de ses angoisses. Elles sont clairement identifiées, mais aussi en même temps très floues sur plusieurs plans. Il y a des réponses évidentes, mais elles ne sont pas aussi simples à appliquer. Il a beau réfléchir, Sherlock n'a pas une solution à cette énigme. Finalement, il se confesse, espérant secrètement que sa logeuse pourra l'éclairer sur une ou deux choses.
- C'est à propos de John, entre autre.
- Il vous en veut encore ? demande Hudson d'un ton désolé.
- Non, non. Nous venons d'en parler tout à l'heure, et… il, nous nous sommes chacun excusé. Enfin, surtout lui. Je n'ai toujours pas pu lui expliquer. Je ne sais pas en fait si je devrai lui expliquer.
- Je pense qu'il est comme moi. L'essentiel, c'est que vous soyez revenu.
- Oui. C'est ça… C'est ça.
- Alors qu'est-ce qui vous trouble ?
- Est-ce qu'il vous a dit qu'il est fiancé ?
- Oui, c'est une merveilleuse nouvelle, et avec une femme ! Je dois dire que j'étais assez étonnée.
- V...Vraiment ? demande Sherlock, à la fois surpris et amusé.
- Et bien, je pensais que lui et vous étiez…
- Vous vous trompez, madame Hudson. Nous n'avons jamais été en couple.
- Je sais. John me l'a bien fait comprendre.
En voyant la mine désormais attristée de Sherlock, Hudson comprend qu'elle vient très certainement de faire ce qu'on appelle dans le jargon une boulette. Elle aurait dû y penser avant de dire tout ça. En voyant son garçon préféré ainsi, elle a l'impression d'être devant un enfant qui vit son premier chagrin d'amour. Sauf que peu importe l'âge, ces fameux chagrins font toujours mal au cœur, et elle aimerait pouvoir aider Sherlock. Mais comment ? John est fiancé, et de ce qu'elle a aperçu du médecin quand il a accompagné Sherlock à l'étage pour le soigner tout à l'heure, il avait l'air d'avoir reprit du poil de la bête depuis l'autre visite, celle avec sa moustache qu'il a (Dieu merci) rasé. Maintenant, la vieille dame a envie de faire connaissance avec la femme qui partage sa vie avec John, mais pour le moment, elle doit soutenir Sherlock. D'un ton incertain, elle essaye diverses questions, se disant qu'elle n'aurait jamais pensé un jour les poser au détective.
- Est-ce que vous en avez parlé à quelqu'un d'autre ? Ou envisager une relation avec une autre personne ?
Le sourire bref que fait Sherlock semble être un bon début de piste, et Hudson est rassurée. Elle l'est davantage quand le détective se confesse.
- J'ai rencontré quelqu'un, oui. Et… disons qu'on s'est déjà avoué beaucoup de choses.
Sherlock espère ne pas rougir face à sa logeuse, se demandant à la place pourquoi presque chaque situation le ramène à Eric. Non pas que ça le déplaise, mais cela remet en question toute sa situation sentimentale plus que chaotique. Sherlock ose tout de même un regard en direction de Hudson, espérant se faire comprendre par un contact visuel, et cela semble fonctionner, étant donné le sourire détendu et soulagé de la vieille dame.
- Cette personne, demande t-elle, elle est importante ?
- Qu'est-ce que vous entendez par « importante » ?
- Pour vous. Du côté personnel, et même sentimental.
Pour se donner une contenance, Sherlock porte sa tasse à ses lèvres, avalant le fond de thé qui restait, ne pouvant guère dissimuler sa gêne qu'un court instant. Il est tout de même reconnaissant que ce soit son amie qui lui pose ces questions. Avec Mycroft (étant la seule autre personne venant à l'esprit de Sherlock), la conversation n'aurait d'abord jamais eu lieu, et son frère aurait deviné la source de ses tourments en moins de vingt secondes. Sherlock est d'ailleurs étonné que Mycroft ne l'ait pas recontacté depuis son retour à Londres. Il lui a certes donné la consigne de « Ne pas l'envahir et de le laisser tranquille », mais il ne s'attendait pas à ce que son aîné continue d'appliquer la règle. Chassant finalement son frère de ses pensées, Sherlock avoue tout à Hudson. Avec elle, il est sûr que les secrets sont bien gardés.
- Oui. On ne se connaît que depuis peu, et pourtant, il est déjà très important.
- C'est ça qui vous trouble, n'est-ce pas ?
- Quoi donc ?
- Vous ne comprenez pas pourquoi votre cœur est tourné vers deux personnes, c'est ça ?
- Vous auriez dû faire psychologue, ou conseillère en amour.
- Sherlock…
Le détective déglutit, sa blague n'ayant clairement pas eu l'effet cherché. Mais il n'a guère pu s'empêcher de la dire à voix haute, peut-être pour éviter de s'aventurer sur un terrain dangereusement miné. Mais madame Hudson garde tout de même un air compréhensif, à l'écoute, attendant simplement une vraie réponse de la part du détective. Elle sait que c'est compliqué pour ce dernier de parler de ce genre de choses. Ce qu'elle ignore, c'est à quel point c'est compliqué. Prenant tout son sérieux, Sherlock inspire profondément, prêt à vider son sac déjà bien entamé.
- Vous avez raison. Je suis… amoureux de deux personnes. Et je ne sais absolument pas quoi faire.
Le petit rire cristallin qu'émet Hudson fait tiquer Sherlock. Sa logeuse n'est pas d'un caractère moqueur, mais ses tourments actuels altèrent toute forme de jugement, et il ne sait guère si la dame rit de manière nerveuse, taquine ou rassurante. Il faut croire que la réponse est plus évidente pour elle, et quelque part, ça agace Sherlock, n'aimant toujours pas être dans la position de faiblesse de celui qui n'a pas la solution à un problème. Quand Hudson le regarde de nouveau, les yeux à la fois pétillants et rassurants, le détective se détend.
- Je comprends que ce que vous ressentez, et c'est normal. Je crois que nous vivons tous ça à un moment ou un autre dans la vie.
- Vous êtes sûre ?
- Je n'ai pas demandé à chaque personne que j'ai croisé, mais de ce que j'en sais, je peux vous assurer que c'est courant.
Sherlock soupire, de soulagement. Précision, c'est un début de soulagement. L'idée de vivre quelque chose de commun est rassurant. Le détective a en lui des souvenirs liés à des troubles que peu de personnes ont vécues, et duquel il en parlera à priori jamais, ou du moins, pas explicitement, et pas à n'importe qui. Il savait depuis longtemps que l'amour est toujours source de complications et de tourments, étant une des premières raisons d'une quelconque histoire d'enlèvement, de chantage ou de meurtre. Mais Sherlock n'a jamais étudié en profondeur ce sentiment sur sa propre personne.
Ce n'est guère la première fois qu'il est en proie à l'amour. Ce n'était pas au même degré, mais il se rappelle bien de quelques souvenirs d'enfance, partageant un amour innocent avec un garçon de sa classe en dernière année de maternelle. Dès le début, Sherlock a éprouvé toute son affection envers la gente masculine, et c'est une chose qu'il n'a jamais cherché à élucider. Il est attiré exclusivement par les hommes, et c'est quelque chose qui lui paraît aussi simple que le fait d'avoir les yeux bleus ou les cheveux bruns. Quand il avait cinq ans, c'était pareil. Cependant, à l'adolescence, à l'université, bon nombres de personnes ont tentés de le faire douter, en vain, lorsqu'il est sorti pendant plusieurs mois avec un garçon d'une autre classe. Là encore, lui et son petit ami ne se posaient nulle question quant à leur relation. Sherlock ne se souvient que très vaguement de ce jeune homme. La seule chose qu'il garde en mémoire, c'est que c'est lui qu'il l'a fait découvrir le sexe, et Sherlock n'avait pas apprécié, ayant ressenti bien plus de mal que de plaisir. Après quoi, au fil des ans, il n'a jamais cherché à avoir une vraie relation, jusqu'au jour où il a rencontré John. Il ne l'a pas tout de suite désiré. Ce n'est qu'une fois au fin fond du Guyana, pendant sa mission, qu'il s'est rendu compte qu'il n'avait pas seulement une attirance sentimentale pour John. Et le savoir aujourd'hui avec une femme est très douloureux.
Sa rencontre avec Eric lui a alors rappelé que, soumis à de bonnes stimulations, son corps s'avère être particulièrement sensible et récepteur de toute forme de tendresse. Repenser à tout cela fait réaliser à Sherlock qu'il a au final déjà bien parcouru du terrain sur ce chemin particulier. Et il commence à comprendre là où madame Hudson souhaite en venir. Cette dernière continue de lui parler de sa voix rassurante.
- Une fois, j'ai regardé un documentaire sur le système solaire, et j'ai apprit que la Terre n'est pas la seule planète à avoir un satellite. Mars en a deux, Neptune en a quatorze, et Jupiter en a soixante neuf !
- Quel est le rapport ? demande Sherlock, le sourcil levé.
- Je sais que ce genre de choses ne vous intéresse pas, mais si une planète a parfois besoin de plusieurs dizaines de satellites pour bien fonctionner, alors pourquoi devrait-on se limiter à un seul comme la Terre ?
- Je n'y connais rien en astronomie. Et puis être attiré par quatorze personnes n'est pas dans mes plans.
- Bien sûr, répond Hudson après un petit rire. Ce que je veux vous dire, c'est que si vous avez deux satellites, pourquoi ne pas essayer d'en suivre un plutôt que l'autre ?
- Je devrai parler à… l'autre personne ?
- Ce n'est que mon avis.
Madame Hudson appuie ses dires d'un petit hochement de tête, un sourire tendre aux lèvres. Elle se lève, pose brièvement sa main sur l'épaule de Sherlock en guise de soutien, et le laisse ainsi à ses réflexions, ayant terminé de donner son avis. Elle murmure tout de même un Bonne nuit avant de refermer la porte de l'appartement, descendant les escaliers, le cœur léger à l'idée d'avoir eu la confiance de Sherlock quant à certains de ses secrets.
De son côté, Sherlock reste assis un bon moment dans son fauteuil, la tasse posée à côté sur la petite table. Cette histoire de satellite marche plus que Sherlock ne l'aurait pensé, bien qu'un peu trop poétique à son goût. Mais ce qu'il a désormais saisi, c'est que comme John avec Mary, il a aussi trouvé une épaule sur laquelle il peut entièrement s'appuyer. Et plus qu'un soutien, Eric est une seconde chance. Non, pas une seconde chance, un autre chemin lumineux, comme un rai de lumière qui se séparerait en deux. Et ce rayon de lumière l'invite à faire un choix.
Sherlock se lève prestement de son fauteuil. Si John a fait le sien, le détective aussi. Il faut qu'il le fasse, ou il ne pourra plus prendre un seul chemin.
Sherlock regarde la veste en cuir accrochée à la patère de la porte, et récupère dans l'une des poches son téléphone portable. D'un mouvement fluide du doigt, il déverrouille l'écran, et appuie sur l'icône d'appel. Il se souvient du numéro que lui a griffonné Eric sur le papier, et c'est quelque peu nerveusement que Sherlock compose le numéro, après s'être assis au bord de son lit, la chambre étant maintenant la seule pièce éclairée, le reste de l'appartement désormais plongé dans le noir. Sherlock mordille le bout de l'ongle de son pouce, tandis qu'il entend une sonnerie, puis une deuxième puis une-
- Allô ?
Le détective sursaute brièvement en entendant la voix grave de Eric. Le téléphone altère à peine la sonorité de sa voix, et Sherlock en est quelque part ravi.
- Eric, c'est moi, Sherlock.
- Sherlock ! Tu vas bien ? Personne ne m'a recontacté depuis que le flic est parti te chercher !
- Je vais bien, juste quelques égratignures, rien de grave.
- Tu ne dis pas ça pour me rassurer, mh ?
- Non, non, je t'assure que je vais bien.
- D'accord, je te fais confiance.
Un silence suit la dernière phrase de Eric, et Sherlock se rend compte qu'il ne sait pas quoi dire. Cette frustration universelle de vouloir parler à quelqu'un sans avoir aucune idée de comment lancer une conversation n'échappe pas non plus au détective. Ce dernier sait pourtant une chose, c'est qu'il veut entendre la voix de son amant. Même via une conversation téléphonique. Il remarque alors que son interlocuteur respire rapidement et de manière assez auditive, ayant fait un grand effort avant de décrocher. Entendre chaque inspiration et expiration de Eric galvanise les oreilles de Sherlock, qui ferme les yeux pour mieux s'en imprégner. Ressentant subitement une intense chaleur dans le bas ventre, il a maintenant une idée, mais là encore, c'est une demande compliquée à transmettre avec des mots. Heureusement, son amant l'aide.
- Tu… Tu as besoin de quelque chose ? demande Eric d'un ton plein de douceur, sa respiration revenant petit à petit à la normale.
- J'avais envie de t'appeler, répond en tout honnêteté Sherlock.
- Ça me fait plaisir de te l'entendre dire. Tu es chez toi ?
- Oui. Dans ma chambre. Dans mon lit.
Sherlock s'installe plus confortablement, retirant la couverture pour s'y glisser à moitié en dessous, le tissu couvrant ainsi ses jambes. La tête posée sur l'oreiller, Sherlock regarde le plafond tandis qu'il maintient le téléphone près de son oreille, un étrange sourire aux lèvres. Il essaye d'imaginer où se situe Eric, mais il lui manque des informations. Autant les demander au concerné.
- Tu faisais du sport ?
- Ouais, j'essaye de faire au moins tous les deux jours des tractions, ça me fait du bien.
- Je ne t'ai pas interrompu trop brusquement ?
- Non, ne t'inquiètes pas, et puis ça me rassure de prendre de tes nouvelles. Te voir poursuivre un fou furieux et ne plus rien connaître de la suite, ça me tracassait bien plus que tu ne peux imaginer.
- Tu étais inquiet à ce point ? demande Sherlock, clairement touché.
- Ça t'étonne ?
- Pour être honnête… C'est déstabilisant. Je ne pensai pas que quelqu'un d'autre pouvait se faire autant de soucis.
- Arrête de te sous estimer, Sherlock, tu vaux bien plus que tu ne penses.
Le détective est troublé. Ce n'est pas une question de confiance en soi, c'est plus cette constatation d'être important à une nouvelle personne qui est perturbant. Sherlock a plusieurs personnes de son entourage qui s'inquiètent souvent pour lui, mais pour des raisons disons logiques. Mycroft et ses parents s'inquiètent car ils sont sa famille. Madame Hudson est une mère poule à ses heures perdues. Lestrade s'inquiète comme un collègue avec qui on s'entend bien plus qu'avec les autres. Et John… John. Lui c'est une toute autre histoire. Comment perçoit t-il Sherlock ? Le détective dirait d'abord en tant qu'ami, mais le médecin exprime parfois certaines choses qu'il serait difficile d'associer avec une quelconque amitié. Alors quoi ? Il est avec Mary. Comment voit-il le détective ?
- Sherlock ? Ça va ?
- Oui… Je… Eric, je crois que… Non, je ne crois pas. J'en suis sûr. J'ai… J'ai envie de te voir. J'en ai besoin.
- Ah. Écoute, ce soir, je ne suis pas disponible, j'ai quelque chose d'important à régler. Mais on peut se voir demain, qu'est-ce que tu en dis ?
- Pas de soucis. Qu'est-ce que c'est que tu dois régler ? Si ce n'est pas trop indiscret ?
- Un bazar administratif, rien de bien passionnant, répond Eric avec un rire nerveux.
- Je vois, bon courage.
- Merci !
Cette fois-ci, le rire de Eric est vraiment franc, et Sherlock frissonne. C'est la première fois qu'il entend ce son de la part de son amant. Le détective commence à avoir vraiment trop chaud, dégageant la couverture d'un ample coup de pied. Il peut sentir son cœur battre plus vite et sa respiration devenir quelque peu laborieuse. Étant donné que Eric faisait à l'instant du sport, il est très certainement habillé légèrement pour ne pas avoir trop chaud. Peut-être… Peut-être qu'il ne porte pas de haut. Sherlock gesticule dans son lit, son palais mental lui renvoyant en une fraction de seconde les moindres détails des tatouages de Eric. Pour un peu, il pourrait sentir le piquant des ronces des bras de Eric, la douceur des pétales de roses et des plumes, et la chaleur provoquée par le feu du phénix. Cela n'empêche guère un autre feu de brûler les entrailles de Sherlock, qui ne peut plus attendre.
- Eric… ?
Il est surprit d'entendre sa voix aussi grave.
- Oui ?
- Tu es seul ?
- Je suis chez moi, et je vis seul.
- Tu es… dans ta chambre ?
- Sherlock, tu as la même idée ?
Le détective se sent bête en hochant la tête pour acquiescer, n'étant pas physiquement avec Eric. Pourtant, il peut sentir sa peau réagir à la moindre syllabe prononcée par cet homme. Et il est ravi d'avoir le même train de pensée. Sa main frémit alors qu'il commence à caresser son ventre. Malgré le peu de lumière dans la chambre, Sherlock voit bien ses tétons se dresser à travers son t-shirt, de même que sa poitrine qui se mouve rapidement. Il n'a guère besoin d'un miroir pour vérifier si ses pommettes sont rouges et ses pupilles dilatées. Il perçoit très bien la chaleur lui manger les joues, et sa vue est légèrement floue, ayant du mal à se concentrer sur quoique ce soit. Cependant, Sherlock entend très bien le son qui suit, charmant l'oreille située juste à côté du téléphone. Un soupir. Un soupir lascif. Sherlock déglutit.
- Eric, tu… Qu'est-ce que tu fais ?
- Déduis, monsieur le détective consultant.
- Je ne peux pas deviner, tu sais…
- Alors laisse parler ton imagination.
Oh, ça, Sherlock est sûr de réussir. Quand il le souhaite, il peut partir très loin. Ce n'est pas pour rien que son palais mental est aussi riche en détails et bien architecturé. Sherlock se concentre donc, essayant d'entendre le moindre soin que produit Eric. Il peut légèrement percevoir des sons de tissus frictionnés, comme quand on cherche une bonne position dans son lit, mais le détective entend surtout la voix et les soupirs de Eric, ce dernier ayant apparemment commencé. Sherlock imagine alors les bras secs de son amant se mouvoir, ses biceps se contracter pendant qu'il effleure du bout des doigts sa peau. Il le visualise aussi en train de se mordiller la lèvre pour essayer d'étouffer ses gémissements, sans succès. C'est au tour de Sherlock de soupirer, et n'en pouvant plus, il retire rapidement son t-shirt et sa robe de chambre, sursautant en frôlant ses mamelons devenus hypersensibles. Il en a déjà touché un tout à l'heure, et n'était guère allé jusqu'au bout. Là, une faim indescriptible le dévore. La main agrippée au téléphone, Sherlock fait glisser l'autre main sur son cou, sentant son rythme cardiaque, jusqu'à la clavicule, puis la poitrine. En fermant les yeux, il imagine sans peine Eric lui refaire ce qu'il a fait l'autre jour dans son lit.
- Sherlock… Tu te touches… ? demande Eric, sa voix bien plus basse que d'habitude ayant du mal à articuler toute une phrase.
- Je commence, oui. Co- Comment tu es habillé ?
- J'ai mon caleçon et mon jean, et toi ?
- Un caleçon, pareil, et mon bas de pyjama.
- Tu n'as plus ta tenue de tout à l'heure ?
- N-Non.
- Tu sais que ce foutu jean noir te moulait bien ? Ah, putain…
- Pas vraiment. Eric, tu te touches où ?
- Les tétons.
- Pareil.
- J'ai adoré toucher les tiens. Ils sont fins, fermes, et ils durcissaient très vite. Tu les touches ?
- Ou-Oui.
- Prends celui que tu préfères. Le gauche ? D'accord. Pince-le légèrement. Encore. Encore… Plus fort maintenant.
Sherlock manque de se fendre la lèvre tant il la mordille pour réduire le son de sa voix. Les paupières fermement closes, il visualise la scène de l'autre soir, se remémorant la main à la peau olive caressant son buste, avant que des doigts fins ne glissent délicatement autour des boutons de chair, pour ensuite les faire rouler et les pincer, parfois tout doucement, parfois plus fermement, témoignant d'un profond désir de marquer. Sherlock aimerait pouvoir toucher ses deux mamelons, mais il perdrait le contact avec Eric, et ne plus entendre la voix de ce dernier est impensable. Eric continue ainsi de le guider, lui demandant de sa voix onctueuse de se pincer d'abord à gauche, puis à droite. Comme hypnotisé, Sherlock obéit sans broncher quand son amant lui dit de descendre et de toucher son nombril. D'abord dubitatif, le détective y introduit son index, et commence à caresser. Il s'avère qu'il est bien trop chatouilleux à cet endroit pour y ressentir du plaisir. Les petits gloussements qu'il émet font d'ailleurs beaucoup d'effet à Eric.
- J'adore ton rire, Sherlock, j'adore ta voix. Guide-moi maintenant. Je veux t'entendre me donner des ordres.
Sherlock tremble, se tournant brusquement sur le côté tout en pliant un peu les jambes. Dans cette position, sa poitrine n'est plus vraiment accessible, mais son entrejambe est toujours aussi exposée, et le détective compte bien maintenant s'attarder sur cette zone. Il inspire et expire profondément, les yeux toujours fermés, son oreille toujours aux aguets quant aux sons que fait Eric, lui aussi impatient de connaître la suite.
- Eric, touche-toi en bas. Enroule ta main, frotte ton gland avec le pouce.
Sherlock fait de même pendant qu'il donne ses instructions, ayant prestement enlevé son pantalon de pyjama , sentant ainsi le liquide pré-séminal couler le long de son doigt. Très vite, le détective se perd dans ses ordres, n'ayant jamais eu ce genre de conversation téléphone auparavant. Cela ne dérange guère Eric, qui sait comment se faire plaisir, soupirant dans différents tons le prénom de son amant. Sherlock sourit. Qu'est-ce qu'il aimerait être avec Eric en ce moment même. Qu'il le touche comme il se touche, qu'il l'embrasse, qu'il le prenne dans ses bras musclés, qu'ils dorment ensemble. Qu'ils...Qu'ils…
- Eric… J-Je…
- Vas-y, Sherlock.
La voix grave est douce, intimant cet ordre. Sherlock y obéit quelques secondes plus tard, se répandant sur le drap et sur ses cuisses. Il ne crie pas, mais son long soupir d'extase est haché, le détective oubliant un bref instant comment respirer. Son amant ne l'aide pas, poussant lui un bref cri, sa voix basse donnant presque un second orgasme à Sherlock tant ses oreilles ont faim de ce son si particulier. Un moment de silence demeure pendant une minute, seulement rythmée par les respirations des deux hommes redevenant plus calmes et régulières. C'est Sherlock qui reprend en premier la parole, murmurant pour ne pas fatiguer ses cordes vocales désormais épuisées.
- Eric, à quelle heure je pourrai te voir demain ?
- Vers vingt heures. Devant l'entrée nord de Regent's Park.
- D'accord. J'y serai.
- Sherlock ?
- Oui ?
- Prends soin de toi. À demain.
Sherlock soupire de soulagement en entendant la tonalité, Eric ayant raccroché. Il se remet dans une position allongée au milieu du lit, frissonnant avec délectation, mélange d'impatience, de plénitude et froid une fois le retour à la normale de sa température corporelle. Sherlock récupère quelques compresses dans sa table de nuit, servant habituellement au cas où ses cicatrices se rouvrent, et essuie le sperme sur sa peau et le drap. Il hésite, mais n'ose pas poser sa langue sur le carré de tissu qui n'est désormais plus stérile. Le détective est encore pudique pour certaines choses, et il se demande s'il aura un jour le courage de s'aventurer plus loin. En attendant, il met les compresses usagées dans une corbeille, et récupère le drap et la couverture échoués au sol, s'en recouvrant pour ne pas attraper froid. Recroquevillé dans le lit, il s'endort très vite, un mince sourire demeurant sur son visage apaisé.
Plus tard dans la nuit, Sherlock se retrouve dans son palais mental. Il est courant qui le mette à jour pendant une phase paradoxale du sommeil, ce qu'il fait se rapprochant d'un rêve lucide. Là, il se rend d'un pas ferme vers la chambre représentant Eric. Il prend ainsi le temps de déplacer les posters pour les rendre plus harmonieux, de même qu'il fait apparaître d'autres tableaux de Gustave Klimt, afin d'accompagner le premier, rendant tout un mur de la pièce jaune, avec des motifs floraux et d'autres plus complexes, entremêlés de couples et de silhouettes à l'expression sereine. Les livres de l'étagère sont maintenant beaucoup moins nombreux, mais n'ont plus aucune page blanche. L'un contient de nombreuses paroles de chansons, Eric ayant un amour évident pour la musique, chaque couplet et refrain correspondant au caractère de cet homme. Un autre livre contient toutes les propriétés du sucre, bénéfiques comme ceux plus néfastes, mais aussi celles en lien avec la science, l'ouvrage dégageant une agréable odeur de barbe à papa dès qu'on l'ouvre.
C'est avec ce doux parfum que Sherlock termine son sommeil, rêvant cette fois-ci d'un majestueux phénix planant dans le ciel.
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À suivre...
