Une année entière était passée depuis l'arrivée des premiers Blocards. Huit mois que Mélanie était rentrée dans leur vie, et depuis Winston, six nouveaux étaient arrivés. Tous des garçons. Pas une seule fille à l'horizon. Et cela rendait Mélanie de moins en moins joyeuse. Elle se demandait même parfois si elle n'était pas un garçon déguisé, car c'était carrément illogique d'enfermer trente-et-un garçons et une seule fille dans un bloc entouré de murs gigantesques abritant un labyrinthe dont la formation changeait chaque jour. Mélanie tentait, chaque jour, de se dire qu'elle n'avait pas de soucis, que ce devait être le rêve de toutes les filles d'être entourée par des dizaines de garçons, dont la plupart n'était pas si mal physiquement. Mais elle en avait tellement marre. C'est vrai, il y avait des choses dont on ne pouvait littéralement pas parler entre filles et garçons.

C'était le jour de l'arrivée. Comme tous les mois à la même date, les Blocards se faisaient impatients de savoir qui leur arriverait. Alby et Newt tentaient de tenir leurs amis en place, mais voilà, pour une grande vingtaine d'entre eux, il s'agissait de l'anniversaire de leur arrivée. Alors, ils voulaient faire une fête bien plus grande que la normale. Cela leur remontait le moral à tous de s'amuser.

Minho, Newt, et Paul, les trois coureurs, avançaient dans leurs recherches. Ils avaient même commencé a créer des cartes. Minho comprenait mieux le fonctionnement du Labyrinthe. Il y avait en tout huit sections différentes, dont l'entrée des numéros paires correspondaient aux quatres portes du Bloc. Les quatre autres étaient accessibles par là. Les cartographes avaient beaucoup plus de travail maintenant. Ils devaient désormais se charger de classer les différentes cartes de manière à pouvoir ainsi former le plan complet. Et comme les sections ne s'ouvraient pas tous les jours – une seule par jour – les cartographes avaient du temps pour tenter d'élucider le mystère des murs qui bougent.

La découverte du mouvement régulier des sections avaient laissé un espoir dans le cœur de chaque Blocard. Un espoir de pouvoir enfin sortir de cet endroit funeste et horrible. Quoi qu'il en soit, comme tous les jours d'arrivée, les coureurs ne partaient que le matin, afin d'assister à la venue de la boîte. Quand la cloche se mettait à sonner, ils l'entendaient du Labyrinthe et accouraient alors. C'était pratique.

Les Bâtisseurs étaient occupés à rénover la cabane du réfectoire quand la cloche retentit dans le Bloc. Mélanie n'y prêta même pas attention. C'était comme ça depuis les cinq derniers mois, après l'arrivée du Blocard qui l'avait suivie. Elle continua à enfoncer le clou dans la planche de bois qui rebouchait le trou dans la toiture. En effet, deux jours avant, l'une des planche s'était détachée et avait atterrit sur la table où mangeaient des Blocards, dont Mélanie et Newt, qui lui s'était même fait écraser la main. Et tout le monde avait bien rit. Newt y comprit, même quand Jeff lui avait dit qu'il risquait d'avoir des douleurs et des difficultés à utiliser sa main durant quelques jours. Alors, pour éviter des incidents pareils, les Bâtisseurs avaient changé chaque pièce du toit. Ils avaient reçu, via la Boîte la semaine précédente, le nécessaire, comme si ceux qui les avaient enfermés là-dedans avaient prévu le coup depuis longtemps.

La demi-heure passée, les Coureurs revenus du Labyrinthe, la Boîte arrivée à bon port, Mélanie daigna descendre de son échelle bancale pour aller accueillir le nouveau Blocard. Son maton et ses camarades avaient déjà arrêté de travailler, mais elle tenait à rester jusqu'à la fin du temps. Elle rejoignit les autres autour de la boîte et ne tenta même pas de se frayer un chemin entre les garçons pour apercevoir la sortie du nouveau Blocard. Quand il fut sortit, sa voix s'éleva.

- Où est-ce que je suis ? Qui êtes-vous ? fit-il.

Un garçon. Encore.

- Bienvenue le bleu ! Tu es au Bloc, et nous sommes les Blocards ! Tu ne dois te souvenir de rien pas même de ton prénom, c'est normal ! Pas d'inquiétude, tu retrouveras ton identité d'ici un ou deux jour ! entendit Mélanie.

C'était Newt qui avait parlé. Il avait récité ces phrases comme un automate, trop habitué à le faire maintenant. C'était devenue si... banal pour lui que Mélanie en avait presque de la peine. Elle tourna les talons avant même d'avoir vu à quoi ressemblait le garçon qui venait de les rejoindre dans cet enfer, retournant à ses occupations. Si les cinq premiers mois, elle avait adoré son boulot de Bâtisseuse, elle s'en était maintenant lassée. Cependant, elle se taisait, faisait ce qu'elle avait à faire et savourait les moments de répit, différents du reste de la journée. Ce qu'elle regrettait le plus, c'était qu'à force de vivre H-24 avec les mêmes personnes, c'était assez dur de discuter de choses nouvelles entre eux.

Mélanie remonta sur l'échelle, son marteau à la main. Elle n'avait pas vraiment l'allure des autres Bâtisseurs. Les garçons étaient tous assez grands et fort, elle était plutôt petite et frêle. Mais elle savait faire ses preuves. D'ailleurs, elle avait réussit à construire plusieurs éléments que Volt n'avait pas été capable de faire. Elle s'était affirmée, et tout le monde la respectait à présent, sauf bien sûr Roos et ses Briquetons, qui ne supportaient toujours pas la jeune fille.

Le soir arriva assez vite. Le feu avait été allumé plus tôt, juste avant la fermeture des portes du Labyrinthe en fait. Mélanie avait discuté avec le nouveau, un jeune garçon d'une quinzaine d'année, pas plus. C'était un garçon aussi grand que les autres, avec la peau et les yeux sombres, comme Alby. Il avait l'air vraiment perdu. Peut-être plus que les autres au même moment à l'époque de leur arrivée. Il avait demandé à la jeune fille comment cela se faisait qu'elle était la seule fille, et Mélanie, qui avait pourtant retrouvé le sourire, s'était levée sans lui répondre et était partie rejoindre ses coéquipiers.

La fête fut en effet plus grandiose que les autres. Gally avait inventé une boisson étrange qui ressemblait fort à de l'alcool. Tous les Blocards en buvaient lors des fêtes de bienvenue depuis quatre mois maintenant. À chaque fois, l'un d'entre eux finissait par faire des choses si folles que tout le monde se mettait à rire d'une seule et même voix. Cette fois-ci, c'était le tour de Winston de devenir complètement fou. Il se mit à imiter un cochon qui courait partout alors qu'on venait de le relâcher dans la nature. Mélanie, assise à côté de Newt, était pliée en deux. Ce n'était pas forcément drôle, mais le stress, la détresse, l'enfermement, tous cela faisait qu'elle avait besoin de décompresser.

- Hey, mon cher collège ! Tu me ressers un peu de ton breuvage s'il te plaît ? demanda t-elle tandis que Gally passait devant elle.

- Mel ! Tu es à la limite de finir comme Winston !

- Mais ne t'occupes pas de ça Gal ! Allez, donne-moi un peu de ton truc !

Mélanie se leva et tituba jusqu'à Gally qui tenait une bouteille en main. Il la regarda sans bouger, sourcils froncés... Enfin plus que d'habitude. Arrivée à sa hauteur, elle trébucha sur un bout de bois qui traînait là et s'étala de tout son long au pied du Bâtisseur.

- Mel... appela Newt en se levant, arriva à côté d'elle et s'accroupi.

- Newtie... Je crois que je suis tombée !

- Je crois bien aussi ! Allez, vient, on va retourner à la Ferme, tu vas te coucher et te reposer. Tu es as bout de nerf ! Tu craques complètement !

- Pas du tout Newt !

- Si Mélanie. Regarde toi... Tu étais si joyeuse quand tu es arrivée ici. Malgré tout ce que nous avions subi, notre perte de mémoire, notre enfermement, tout ça, tu vivais et croquais la vie à pleines dents. Et maintenant, tu n'es plus que l'ombre de toi-même. Tu sembles... Tu vis en ce moment ce que nous avons tous vécu en arrivant. Tu le fais un peu à l'envers.

- Tu dis n'importe quoi Newt ! Regarde, je suis joyeuse ! Je m'amuse ! Et je veux boire de ce truc qu'à fait Gally.

- Mélanie. Tu vas te relever pour commencer. Ensuite, tu vas me suivre !

Mélanie se redressa, assise, et jeta un regard noir à son meilleur ami. Elle repoussa la main qu'il lui tendait et se releva d'elle-même. Elle leva la tête haute et s'en alla. Newt et Gally se regardèrent, penaud. Leur amie commençait à faire n'importe quoi.

- Je crois qu'on devrait faire quelque chose... murmura Gally.

- Oui, mais quoi ? Les autres... Non, nous nous en sommes tous remis de nous-même. Si la Mélanie du début se voyait maintenant, je pense qu'elle voudrait que nous la laissions se débrouiller seule, tu sais comme elle aime montrer qu'elle est à égalité avec nous... Mais je ne veux pas la laisser comme cela. Elle me fait peur parfois.

- A moi aussi Newt. Tu vas peut-être me prendre pour un fou, mais dés qu'elle a tenu tête à Volt et à Roos le jour de son arrivée, j'ai su que j'allais l'apprécier. Et c'est le cas. Je l'aime beaucoup cette gamine !

- Elle a ton âge Gally, ne la traite pas de gamine ! sourit Newt.

Gally émit un léger rire avant de se diriger vers le reste des Blocards. La soirée battait son plein lorsque des cris retentirent dans les alentours du Terminus. C'était ceux d'une fille. Gally regarda Newt et Minho. Tous les trois avaient la même idée. Ils coururent vers l'endroit tandis que les cris devenaient des mots.

- Lâchez-moi bande de salauds ! Lâches !

Les cris se firent bientôt plus étouffés. Elle bougeait. Contre son gré apparemment. Mais elle était entraînée dans le bois. Les trois garçons, suivit par quelques autres Blocards, couraient en suivant les cris qui n'étaient plus que des murmures.