Quelques petites heures après le départ de Mikasa, Livaï était toujours réveillé, assis sur son lit, légèrement penché au dessus de la petite table basse, un stylo plume dans la main, surplombant une feuille avec un tableau à deux colonnes, des noms étaient inscrits dans la première et une annotation dans l'autre :
En vie
Blessé(e)
A succombé(e) à ses blessures
Disparu(e)
Mort(e)
La simple et habituelle liste d'émargement à remplir après chaque expédition. Les soldats se présentaient en rangées devant une table avec de deux ou trois sous-officiers qui inscrivaient la mention « En vie » ou « Blessé(e) » suivant l'état du soldat devant eux. Puis ils se rendaient ensuite à l'infirmerie pour faire le tour des « Blessé(e) » ou « A succombé(e) à ses blessures ». Ensuite la liste faisait le tour des officiers et supérieurs qui remplissaient les blancs par « Disparu(e) » si ni témoin ni cadavre ou « Mort(e) » si témoin ou cadavre pour le confirmer.
Les yeux gris et ternes du Caporal-Chef parcourraient la liste de noms et statuts familiers, parfois le visage appartenant au nom écrit apparaissait fugacement dans son esprit.
...| Disparu.
... | Mort.
... | Mort.
... | Morte.
... | Disparu.
... | Mort.
... | Mort.
... | Disparue.
... | Mort.
... | Mort.
Caporal-Chef Livaï |
Il posa la ponte de son stylo sur la feuille et commença à écrire son statut suite à l'expédition d'hier en traçant avec application cinq petites lettres :
Caporal-Chef Livaï | Blessé.
« Blessé » ... Écrire cela lui était peu familier car c'était bien la première fois depuis qu'il avait rejoint le Bataillon d'exploration il y a environ six ans qu'il inscrivait un autre statut que : « en vie » en face de son nom sur cette maudite liste. Jamais il n'avait eu ne serait-ce qu'une seule égratignure, une seule blessure.
Physiquement en tout cas.
Il ne s'attarda pas plus et lut le nom en dessous du sien avant d'inscrire le statut correspondant :
Eren Jäger | En vie.
Ses yeux passèrent à la ligne du dessous, lisant avec un regard impassible le nom ainsi que ceux qui suivaient, après un petit temps d'hésitation c'est avec un sang-froid exemplaire qu'il commença à mettre le statut de ses subordonnés.
Enfin ex-subordonnés à présent.
Erd Gin | Mort.
Gunther Schültz | Mort.
Petra Ralle | Morte.
Auruo Bossard | Mort.
Le regard terne de Livaï s'attarda sur les noms et les statuts qu'il venait d'inscrire, après quelques secondes ses yeux parcoururent à nouveau la liste de manière superficielle. Il n'aimait pas les morts inutiles, il n'aimait pas la mort tout court mais il était conscient que c'était une chose qui entourait, menaçait et arrivait indéniablement à tout être vivant. Humains, animaux, végétaux et même les titans, aucun ne pouvait y échapper, que ce soit par vieillesse, extermination, maladie, famine. La fin était la même pour tous, même si les armes à leur disposition pour y remédier était injustement réparties.
Ayant grandit dans les bas-fonds où mort, famine, maladie et violence régnaient tandis que juste au dessus de leurs têtes vivaient sereinement les nobles de la Capitale, le Caporal avait alors conscience de l'injustice de ce monde depuis son plus jeune âge. Ce n'était pas celui qui avait le plus faim qui avait à sa disposition le plus de nourriture... Sa mère aimante n'avait pas connu une vie tout aussi douce qu'elle, la vie qu'elle aurait méritée si les choses étaient justes.
Souffrance et Mort étaient des choses auxquelles Livaï était tristement et incroyablement accommodé mais il n'en restait pas pour autant totalement insensible. Juste il savait que c'était ainsi et qu'il ne servait à rien de s'attrister plus que nécessaire.
Pleurer ne ramenaient pas les morts.
S'attarder sur le passé ne les feraient pas revenir.
Évidement il n'oublierai pas, jamais il ne pourrait mais être un survivant, être un témoin du dernier souffle de tant de personnes était un fardeau avec lequel Livaï avait appris à vivre, un poids avec lequel il composait depuis de nombreuses années. Il avait également cet instinct de survie exacerbé qui l'empêchait d'abandonner. Même dans une situation désespérée il ne baissait jamais les bras et continuait à se battre quoi qu'il advienne...
Bien évidement il mourrai un jour, il le savait et se doutait que ça serait sûrement dans une manière brutale et violente au vu de la vie qu'il avait choisi mais aussi par expérience car après tout il n'avait jamais connu quelqu'un mourir paisiblement après une vie longue et prospère... Mais il ne partirai pas sans se battre de toutes ses forces, jusqu'à sa fin il voulait vivre puis partir sans regret.
Mikasa Ackerman | En vie.
Cet ensemble de nombreuses lettres composant un prénom, un nom et un statut le sortir de sa demie stase. Instinctivement, ses yeux remontèrent le long de liste pour y retrouver son nom et son statut :
Caporal-Chef Livaï | Blessé.
Blessé.
Le moment où la jeune femme allait se faire écraser par le dos de la main du titan féminin se rejoua dans l'esprit de Livaï... Tout s'était passé très rapidement, il s'était interposé en un clin d'œil, il avait agit sans presque réfléchir, l'adrénaline avait parcouru son corps comme jamais, les battements de son cœur étaient forts et lourds alors que sa vision s'était réduite à la soldate qui allait se faire écraser, il ne voulait pas d'une mort de plus et encore moins d'en être spectateur sans rien faire... Il n'avait pas quitté de ses yeux encore écarquillés d'effroi la silhouette tombante de la jeune femme qu'il avait poussée hors de la trajectoire fatale. Quand Mikasa s'était retournée avec une expression d'incompréhension pour voir ce qui venait de se passer, un bref instant, la voir saine et sauve avait fait naître une faible exaltation en Livaï. Mais comme une piqure de rappel, une affreuse douleur vive dans sa jambe le ramena à la réalité et son instinct et ses réflexes de survie avait rapidement reprient le dessus.
Les yeux de Livaï jonglaient tour à tour entre leurs noms. S'il n'avait pas fait le choix de la sauver, certaines choses ne seraient pas ce qu'elles étaient maintenant.
Mikasa Ackerman | Morte.
Morte.
Caporal-Chef Livaï | En vie.
Morte & En vie.
En vie & Blessé.
En posant sa main sur son genou blessé, encore une fois, Livaï se fit la réflexion que ça en valait la peine.
Une inscription « Blessé » valait mieux qu'une énième inscription « Morte » .
Une blessure valait mieux qu'un énième cadavre, qu'une perte de plus.
Il n'avait aucun regret.
Même si son état actuel le frustrait, peu importe si c'était son erreur à elle et que c'était lui qui en avait payé le prix... Il n'était pas en colère contre elle, il pouvait comprendre ce qui avait poussé la soldate à foncer sur la nuque de l'ennemi. Il comprenait la rage que la jeune recrue avait eu à ce moment-là, il était lui aussi passé par là lors de sa toute première et plus douloureuse expédition.
Mais cette fois-ci la fin fut différente, contrairement à lui, Mikasa n'avait pas perdu d'être cher. C'était un peu comme une revanche, il avait réussi à préserver quelqu'un de la même épreuve qu'il avait lui-même dû traverser.
Pour cette fois et pour le moment en tout cas.
Comme à chaque retour d'expédition, ils perdaient plus que ce qu'ils gagnaient et celle-ci n'avait pas fait exception... Livaï avait beaucoup perdu, mais il avait sauvé, il avait plus que jamais fait la différence. Il était parvenu à récupérer Eren pour lequel son escouade avait été décimée pour protéger ce gamin, ils n'étaient alors pas morts en vain. Il avait fait son devoir, rien de plus, rien de moins.
Et en échange d'une jambe blessée il avait sauvé une vie.
Il y avait toujours un prix à payer pour une victoire, un sacrifice à faire pour gagner. Livaï avait compris cela depuis longtemps. Cependant, même s'il savait à quel point la vie n'était pas spécialement juste, il espérait malgré tout qu'un jour tous ces sacrifices auront un sens, tous, chacun d'entre eux. Du plus insignifiant au plus coûteux, du plus ancien au plus récent.
Flagon, Sairam, Erd, Gunther, Auruo, Petra... Farlan, Isabel... Et tant d'autres...
Les premiers et timides rayons du soleil plongèrent délicatement la chambre du Caporal dans un petit halo orangé, Livaï observa mélancoliquement l'astre se profilant petit à petit à l'horizon. C'était un nouveau jour, encore un jour de plus... Il souffla sur la bougie presque entièrement fondue qui lui avait servit de lumière toute cette nuit et se leva, il se débarbouilla le visage avec un peu d'eau propre, peigna rapidement mais soigneusement ses cheveux noirs puis lissa ses vêtements froissés par la position assise des dernières heures. À présent suffisamment présentable à son goût, il sortit de sa chambre et referma doucement la porte, conscient que tous n'étaient pas encore réveillés.
Il arpentât tranquillement les couloirs déserts pour se diriger vers le réfectoire. Quand il eut franchit les portes il marqua un bref arrêt en constatant que, contrairement à hier où il était tombé nez à nez et avec surprise sur une certaine gamine, la pièce était totalement vide et sombre à cette heure matinale.
Il entra dans la cuisine où il fut enthousiasment salué par Heinrich qui s'affairait à sortir les petits pains du four, Livaï prépara son thé en échangeant quelques banales paroles avec l'intendant avant d'aller s'installer dans le réfectoire. Il commença à prendre son petit déjeuner seul en profitant du calme sachant que le silence n'allait pas tardé à être perturbé par l'arrivée des premiers soldats. Quelques minutes plus tard, Erwin et Mike rejoignirent le Caporal à sa table, Hansi ne fit pas acte de présence ayant la responsabilité d'Eren qui restait par sécurité à l'écart des autres et possibles traîtres.
Erwin balaya des yeux le réfectoire, il attendit quelques minutes supplémentaires afin que les derniers retardataires arrivent à leur tour. Une fois que tous les soldats semblaient être présents, il échangea un regard compris avec Mike et Livaï. Les trois hommes se levèrent et se placèrent devant leur table, se tenant bien en évidence afin que chacun puisse les voir et qu'ils puissent également voir chaque soldat. Tous interrompirent leur petit déjeuner et conversations pour accorder toute leur attention au Major se tenant droit comme un i, les mains croisées dans le dos, Mike toujours aussi sérieux et imperturbable à sa gauche, Livaï les bras croisés contre son torse avec son habituelle expression ennuyée à sa droite.
Erwin balaya la salle et les visages du regard en prenant une discrète inspiration. " Comme vous le savez, nous avons obtenu la tutelle d'Eren Jäger lors de son procès à la condition de rapporter des résultats bénéfiques à l'humanité grâce à son pouvoir de titan. Résultats que nous avons garantit obtenir en organisant la 57-ème expédition. Mais au vu du désastre aussi bien sur le bilan humain, matériel et financier de cette expédition. Nous pouvons nous avancer sans se tromper que le Bataillon risque d'être disloqué et qu'Eren devra être remis comme convenu aux autorités centrales d'ici peu. " Erwin marqua une courte pause le temps d'observer quelques visages devant lui, certains un peu inquiets, d'autres simplement déjà défaitistes. " Cependant, nous n'allons pas nous laisser faire ni rester sans agir. Nous allons faire mine de collaborer, quand je recevrai la convocation, une partie d'entre nous se rendra à la Capitale afin de n'éveiller aucun soupçon. Je plaiderai en notre faveur et tenterait de convaincre de notre utilité ainsi que de celle d'Eren Jäger en tant que nécessité et fer de lance de l'humanité. Mais il est fort probable que cela ne soit suffisant, dans ce scénario nous allons être amenés à nous opposer ouvertement au gouvernement. Alors afin d'assurer qu'un minimum d'entre nous restent effectifs, certains d'entre vous seront dirigés par le Chef d'escouade Mike Zacharias et se rendront au Sud afin de pouvoir rester libre de leurs mouvements et éventuellement se dissimuler dans la population pour échapper aux Brigades Spéciales. "
Livaï, tout comme Mike et Erwin, avaient observé attentivement chaque visage tout le long des explications afin d'éventuellement remarquer toute expression ou attitude suspicieuse. Alors que le Major énumérait le nom des soldats qui allaient faire partis de l'équipe de Mike. Le Caporal se concentra plus sur deux visages en particulier, ceux des deux amis d'enfance d'Eren. Ils faisaient tous deux partis de la poignée sélective de soldats actuellement au courant du véritable plan. Ils étaient ceux que Livaï connaissait le moins en plus d'être également de très très jeunes recrues et les plus proches des suspects qui étaient malheureusement ou bizarrement issus de leur promotion. Mais aucun des deux ne laissa transparaître une quelconque attitude ou expression inhabituelle, si ce n'est quelques gouttes de sueur Armin restait comme à son habitude attentif et ses yeux bleus brillants de réflexion fixés sur le Major. Quant à Mikasa, Livaï se demanda même si elle ne jouait pas un peu la comédie... Son regard s'était assombri quand Erwin avait dit qu'ils allaient remettre Eren aux autorités. Les yeux du Caporal-chef déjà étroits s'étaient un peu plus plissés sur la soldate dont il scruta chacun de ses traits particulièrement tendus si on y faisait un peu attention.
Non, elle ne jouait définitivement pas la comédie, même en sachant le véritable plan, il pouvait deviner que la jeune femme n'était ni ravie de la situation ni que son précieux Eren serve d'appât sûrement. C'était une bonne chose pour le coup, en "agissant" ainsi personne ne trouverait l'attitude de la soldate suspecte et cela pouvait même consolider la couverture du véritable plan.
Une fois qu'Erwin eut finit son discours, il fit le salut militaire de rigueur, tous l'imitèrent, le Major hocha simplement la tête pour les dispenser de plus de formalité, Mike s'avança d'un pas en s'éclaircissant la gorge. " Nous partons dans une heure. Préparez vos affaires et vos chevaux. Rendez-vous dans la cour. " Sur ces derniers mots, Erwin, Livaï et Mike revinrent à leur table et continuèrent discrètement leur observation des soldats qui reprirent place pour continuer leur petit déjeuner.
À l'une des tables des jeunes recrues issues de la 104-ème brigade d'entraînement se trouvaient Mikasa, Armin, Jean, Conny, Sasha, Ymir, Christa, Berthold et Reiner. L'ambiance était encore un peu plombée suite à la dernière expedition, même s'ils avaient pu avoir un avant goût de l'enfer sur terre lors de la bataille de Trost... " Vraiment ? À peine rentrés nous devons déjà repartir?! "
" De quoi tu te plains Conny ? Vous autres allez tranquillement paresser dans le sud tandis Armin, Mikasa et moi on va sûrement se rendre jusqu'à la Capitale en espérant ne pas se faire mettre aux arrêts et exécuter pour rébellion ! " Répondit Jean avec amertume, pour lui qui avait prévu d'intégrer les Brigades Spéciales afin de vivre une vie tranquille et pénarde il en était bien loin en faisant finalement le choix d'intégrer le Bataillon après l'attaque de Trost.
" Il ne se doute de rien et personne d'autre ne semble émettre des soupçons... " pensa Armin en observant rapidement chacun de ses camarades.
" Mais ne vaudrait-il pas mieux qu'Eren vienne également au sud avec nous afin d'être le plus hors d'atteinte possible ? " demanda presque dans un songe Reiner en prenant son menton entre ses doigts.
" Peut-être que le Major a une autre idée en tête et qu'il prévoit d'éloigner Eren de la Capitale aussi mais ailleurs... " expliqua Armin en essayant de jouer le jeu. " Même si le Bataillon fait mine de suivre les ordres, il n'est pas impossible que cette division passe totalement inaperçue. Alors entre un groupe qui se dirige vers la Capitale, un autre stationné au sud, il attire alors l'attention à deux endroits sans exclure la possibilité d'un troisième, plus discret... "
Un petit silence s'installa, qu'ils comprenaient ou non la situation, ils n'étaient que des soldats, de jeunes recrues et devaient exécuter les ordres sans poser de question. Ils avaient choisit, avec plus ou au moins de facilité pour certains, cette vie il n'y avait plus de retour en arrière possible.
" Quoi qu'il en soit, nous ferions mieux de commencer à nous préparer, nous devons partir dans moins d'une heure. " rompit la voix douce de Christa qui offrit un petit sourire maladroit afin de tenter de réchauffer l'atmosphère et réconforter ses camarades. La petite blonde se leva suivit par Ymir, puis ce fut le tour de Reiner et Berthold et enfin Sasha et Conny. Tous se rendirent dans leurs chambres respectives afin de préparer leurs affaires avant de descendre et d'aller à l'écurie pour sceller et équiper leurs chevaux. Chacun leur tour, ils se rendirent avec leur monture dans la cour où se tenaient déjà Mike, Nanaba, Gelbar, Henning et Line. Les cinq soldats discutaient entre eux en regardant de temps en temps les nouveaux arrivés. Une fois tout le monde présent, Mike enfourcha sa monture, imité par son escouade, il lança son cheval au galop sans un dire un mot ni même un ordre.
Quelques heures après le départ de Mike et son escouade et après s'être acquittés de leurs corvées Mikasa, Armin et Jean attendaient patiemment attablés au réfectoire pour déjeuner. Armin et Jean étaient dans une banale conversation que Mikasa écoutait d'une oreille. Quand elle entendit les portes du réfectoire s'ouvrir elle tourna alors son regard dans leur direction. " Eren ! " s'exclama la jeune soldate avec surprise et une certaine nécessité dans la voix.
Interloqués, Armin et Jean tournèrent alors leur attention vers les portes du réfectoire où se trouvait effectivement Eren avec Hansi et Livaï juste derrière lui alors que les portes se refermaient dans leurs dos.
Mikasa et Armin furent les premiers à se lever pour rejoindre leur ami, suivit par un Jean nonchalant. Une fois devant Eren, la soldate prit ses mains dans les siennes. " Eren ! Comment tu vas ? Ils ne t'ont pas malmenés ? " demanda-elle avec inquiétude alors que ses yeux inspectaient le visage du jeune homme abordant de récentes traces de transformation avant de se diriger brièvement sur Hansi qui sursauta presque nerveusement, la réputation de la jeune Ackerman n'étant plus à faire.
" Oï, ILS, sont juste ici. " s'exprima Livaï avec un air renfrogné en croisant les bras.
Eren sursauta à la voix du Caporal retentissant dans son dos, il retira rapidement ses mains de la prise de la jeune Ackerman, gêné d'une telle situation devant ses supérieurs en particulier devant le Caporal, un homme qu'il admirait profondément et devant qui il ne voulait pas paraître comme un petit garçon couvé par sa grande sœur ou sa mère. " Je vais bien Mikasa. "
" Tu t'entraînes toujours à maîtriser ton titan ? " demanda Armin avec un petit sourire en s'approchant de ses deux amis. Lui aussi avait bien remarquer les traces de transformation sur le visage de son meilleur ami.
" Ouais, enfin je le maîtrise parfaitement depuis quelques semaines donc là j'essaie surtout d'améliorer mon endurance. " Expliqua presque avec fierté Eren, il avait apprit à avoir la maîtrise de son titan les semaines précédant la 57-ème expedition. Mais il devait encore travailler sur son endurance, se transformer en titan était physiquement éreintant et plus longtemps il était transformé plus son corps pouvait fusionner avec le corps du titan et plus il pouvait perdre conscience et donc le contrôle.
" D'ailleurs nous reprendrons l'entraînement après le déjeuner. À tout à l'heure Eren. " Hansi adressa un petit signe de main au jeune homme avant d'aller à la table des supérieurs suivi par Livaï.
Les quatre jeunes recrues firent de même et rejoignirent leur table où ils déjeunèrent en discutant principalement des transformations d'Eren, Armin se montrant comme à son habitude particulièrement curieux tandis que Jean taquinait Eren de temps en temps.
À la fin du repas, Erwin profita de la présence de tous ses soldats dans le réfectoire pour présenter dans les grandes lignes le véritable plan. Jean fut abasourdit et bouche-bée au fur et à mesure qu'il entendait les informations émises par la voix solennelle du Major.
Annie Leonhart.
Annie était le titan féminin.
Annie.
Elle était également soupçonnée d'être la coupable de l'exécution non autorisée des deux titans : Sonny et Bean. Et il y avait une crainte qu'elle puisse avoir des complices parmi la 104-ème brigade d'entraînement... Jean fut encore plus sous le choc quand il entendit qu'Annie avait présenté l'équipement de Marco Bott pour passer au travers de l'enquête des Brigades Spéciales. Était-elle liée à la mort de Marco ? Ce n'était pas possible...
Avec la voix du Major en fond, Jean ne put s'empêcher de regarder avec incompréhension et choc ses trois camarades, Armin baissa les yeux comme pour dire désolé alors que Mikasa était totalement impassible. Eren quant à lui regardait fixement le Major en fronçant les sourcils. Aucun des trois n'avaient l'air surpris, ce qui rendit Jean encore un peu plus confus, il baissa ses yeux écarquillés sur le sol. " Ils sont déjà au courant ? Bordel, qu'est-ce qui se passe ? "
Le reste de l'après-midi se déroula tranquillement, Armin fut convoqué par Erwin pour aider à l'élaboration et au peaufinement du plan de capture d'Annie Leonhart. Eren retourna auprès d'Hansi pour poursuivre son entraînement. Mikasa se retrouva alors avec Jean, ils effectuèrent les corvées qui leur avaient été attribuées, passèrent un peu de temps à s'entraîner ensemble.
Jean, sûrement encore sous le choc, était un peu plus silencieux qu'à l'accoutumé. Il essaya tout de même de faire un bout de conversation de temps en temps. Mikasa étant de nature taciturne, Jean lui demanda des conseils sur le combat au corps à corps, avec son attitude sérieuse habituelle elle lui expliqua et lui montra comment se tenir, où placer les mains, quel endroit viser, ceux à protéger... Ils finnisèrent leur petite session d'entraînement par du renforcement musculaire. Pendant que Jean faisait des pompes, il observa du coin de l'œil Mikasa en train de faire des abdos. Il n'arrivait toujours pas à savoir comment elle faisait pour être toujours aussi calme après toutes ses révélations... Lui était toujours encore bouleversé et il n'avait pas l'impression que ça allait lui passer tout de suite.
Ils se séparèrent tous les deux pour prendre une bonne douche et revêtir leurs habits civils avant de se retrouver dans la cuisine, tous deux étant en charge du dîner de ce soir sous la supervision d'Heinrich, l'intendant cuisinier.
" J'arrive toujours pas à y croire... " Lâcha dans un soupir le châtain avant de jeter un regard en coin à la noiraude qui restait silencieuse. " Depuis quand êtes-vous dans la confidence avec Eren et Armin ? "
" Armin en a eu la confirmation après l'expédition, il m'en a parlé hier avant qu'on aille voir le Major puis le soir même nous avons eu une réunion à ce sujet avec les chefs d'escouade et Eren. " Répondit simplement la jeune femme qui garda son attention sur les légumes qu'elle était en train de découper.
" Et tout ça te va ? Rien ne te choque ? Annie serait le titan féminin ? Annie avec qui on a fait nos classes ? " Il ne criait pas mais il y avait comme une certaine détresse dans le ton de sa voix.
Mikasa releva les yeux sur lui, elle le regarda calmement, elle comprenait que tout cela puisse être compliqué à digérer. " Peu importe ce que je pense ou non, c'est un fait. Si Annie est bien le titan féminin alors c'est une menace. C'est tout ce que j'ai besoin de savoir. "
Aussitôt elle reporta son attention sur les légumes et reprit sa tâche, Jean l'observa, comme à son habitude Mikasa faisait preuve d'un sang-froid à tout épreuve, elle semblait être prête à affronter une ancienne camarade avec laquelle elle avait vécue pendant trois ans. Certes les jeunes femmes n'étaient pas de grandes amies, elles s'étaient même affrontées une fois... Mais quand même...
" Peu importe ce que je pense [...] c'est une menace. [...] j'ai besoin de savoir. "
Menace.
Jean ne put s'empêcher de fixer le couteau dans la main de Mikasa, il n'entendait plus que le choc de la lame contre le bois, c'était angoissant, il sentait une sueur froide descendre le long de son échine.
Ils avaient toujours étaient cernés par la menace et maintenant la menace était également entre les murs, parmi eux. Il n'y avait nulle part où fuir ni aucun moyen de repli. Aucun lieu était sauf, aucun avenir était certain.
Avenir.
Les yeux de Jean se levèrent sur Mikasa et zoomèrent sur ses cheveux trop courts mais noirs... Puis ses cheveux devinrent longs, elle était toujours de dos, habillée d'une longue robe blanche, il ne pouvait voir son visage alors il s'approcha d'elle doucement, petit à petit par dessus son épaule il vit qu'elle tenait par les aisselles un petit bébé de plusieurs mois gazouillant de bonheur, le nourrisson avait des cheveux courts mais noirs. Il savait que c'était son fils, son rêve, l'avenir qu'il voulait depuis toujours.
Le choc de la lame de Mikasa, coupant puis glissant contre le bois de la planche à découper dans un geste parfaitement maîtrisé et sec, le ramena à la réalité. Les cheveux longs redevinrent courts, la femme de son rêve fut remplacée par Mikasa, son fils par le couteau entre ses mains.
Jean serra les poings. Tant qu'il y aurait cette Menace, il n'y aurait aucun Avenir.
Ni pour lui, ni pour personne.
" Ohé jeune fille, doucement ! On va éviter les morceaux de bois dans le ragoût, je suis presque sûr que ça n'est pas au goût de tout le monde. Haha. " La voix taquine d'Heinrich coupant l'atmosphère lourde présente dans la cuisine. Mikasa se stoppa instantanément, si elle était particulièrement calme en apparence, elle semblait évacuer sa frustration au travers de la lame sans s'en rendre elle-même compte alors que cela n'avait pas échappé à l'ouïe ultra développée de l'intendant aveugle.
Mikasa fit soigneusement glisser les légumes coupés dans le bouillon avec le plat de la lame, elle inspecta la planche à découper, il y avait quelques rayures anciennes et récentes mais il n'en manquait aucun morceau. Heinrich exagérait elle n'y allait pas aussi fort.
En attendant que le dîner cuisse, Jean et Mikasa lavèrent minutieusement le réfectoire comme leur avait spécifié Heinrich. Ils eurent juste le temps de déposer les assiettes et couverts qu'il était déjà l'heure et les soldats commençaient à arriver. Les deux jeunes recrues firent alors le service, passant de table en table avec chacun une grande marmite dans les mains pour remplir les écuelles.
Eren était attablé avec Armin, tous deux semblant être dans une de leurs petites discussions, Mikasa s'approcha d'eux et posa délicatement la marmite sur la table avant de prendre tour à tour leurs assiettes pour les servir. Eren expliquait avec entrain et dans les moindres détails son entraînement à Armin qui même en restant attentif, prit soin de remercier Mikasa. Elle les observa quelques petites secondes, Eren semblait être heureux et discutait joyeusement avec Armin... Un peu comme quand ils étaient des enfants. Voir ses deux amis ainsi, fit naître un mince mais tendre sourire sur le visage de Mikasa.
Mais elle ne put s'attarder plus longtemps car il restait encore quelques tables à servir, notamment celle des supérieurs qui n'avaient pas étés servis en premier comme il était implicitement convenu, elle soupira doucement avant de se diriger vers eux. Elle pouvait voir Hansi dos à elle, agiter de temps en temps ses bras, elle semblait en grande discussion avec ses deux collègues, Erwin l'écoutait attentivement, glissant un mot de temps en temps ou hochant la tête simplement. À côté du Major se tenait le Caporal adossé nonchalamment contre le dossier de sa chaise, parcourant la salle de son regard ennuyé, alors qu'il tapait impatiemment ses doigts contre la table.
Notant l'approche de Mikasa, il la fixa le regard toujours aussi illisible, elle prit soin de se faire aussi discrète que possible pour ne pas interrompre la discussion de ses supérieurs, essentiellement axée sur les moyens et stratégies de capture d'un titan. Elle servit le Major en premier, puis Hansi et enfin Livaï, elle sentit d'ailleurs le regard de ce dernier sur elle tout du long et le surpris à particulièrement fixer le bandage autour de son poignet droit qui n'était pas dissimulé par les manches de sa chemise relevées jusqu'au coude. Elle repartie aussi vite et discrètement qu'elle était arrivée, une fois qu'elle et Jean eurent fini le service, ils allèrent à leur tour rejoindre Eren et Armin pour dîner.
Pour une fois, peut-être parce qu'Eren était un peu fatigué et Jean relativement moralement un peu abattu suite aux récentes révélations, il n'y eu aucune altercation entre les deux soldats au caractère sanguin. Ils parlèrent de leur journée amenant du coup le sujet du titan féminin, d'Annie, des possibles traîtres dans la 104-ème...etc
Armin, de nature peu sûr de lui, confia ses doutes quant à ses capacités pour participer à l'élaboration du plan de capture d'Annie. Eren le réconforta vivement en se contentant de lui dire qu'il était capable d'y arriver comme s'il énonçait une stricte vérité. Jean plus pragmatique lui expliqua qu'il n'en serait pas là sans le raisonnement du petit blond. Mikasa se contenta de souligner les propos d'Eren et Jean et de dire à Armin qu'il devait prendre confiance en lui.
Une fois le dîner fini et après avoir discuté un tout petit peu plus longtemps, ils sortirent du réfectoire, Mikasa se sépara des garçons afin de regagner sa chambre dans une autre aile du château que celles des garçons. Armin lui fit un petit signe de la main, Jean fit de même mais plus timidement, Eren lui se contenta de la regarder s'éloigner avant qu'à leur tour ils regagnent tous trois leurs chambres. Maintenant que des possibles traîtres n'étaient plus là, Eren eut l'autorisation de dormir dans une vraie chambre.
Ce soir-là quand Livaï entendit les deux coups frappés contre sa porte, il n'eut ni surprise ni sensation de déjà-vu, il connaissait d'avance qui se trouvait derrière la porte. " Entres. "
Aussitôt Mikasa entra, Livaï ne prit même pas la peine de lever ses yeux de son livre, alors que la soldate déposa son plateau sur la petite table basse et sans dire un mot elle s'agenouilla devant Livaï, releva son pantalon jusqu'au milieu de sa cuisse. Elle prit un peu d'onguent qu'elle travailla et chauffa entre ses mains avant de l'appliquer en massant avec grande précaution et douceur la peau toujours vivement colorée. Au contact Livaï sursauta un tout petit peu, la sensation était différente des deux autres soirs. Il dériva ses yeux de sa lecture pour les planter sur la jeune femme devant lui. " Oï celle-ci est différente... C'est chaud. "
" Je vous l'ai déjà dis d'abord il faut un effet froid ensuite au contraire appliquer de la chaleur pour détendre les muscles. " expliqua-elle simplement en restant concentrée sur son massage. Livaï l'observa silencieusement, la sensation de chaleur sur son genou était vraiment agréable, il sentait ses muscles se détendre petit à petit. Il baissa ses yeux sur les mains entrain de le masser, c'était agréable ça aussi, les gestes étaient doux, elle faisait scrupuleusement attention à la pression qu'elle exerçait afin de ne pas lui faire mal. Livaï se surpris à apprécier peut-être un peu plus le contact physique que la sensation de chaleur, être "chouchouté" était... pas trop mal.
Il n'en n'avait jamais vraiment fait l'expérience avant... ou peut-être il y a très longtemps quand il n'y avait que lui et sa mère qui était la personne la plus gentille et douce qu'il avait rencontré jusque là. À contrario, Kenny n'était pas du tout du genre à dorloter, bien au contraire. Puis après le départ de l'homme au chapeau, Livaï ne s'était jamais plus retrouvé en position de faiblesse, il ne s'était jamais retrouvé blessé, n'était jamais tomber malade, n'avait plus jamais ressenti une faim profonde creuser son estomac car il volait ou allait jusqu'à se battre avec succès pour la nourriture.
Quand il avait fait la rencontre de Farlan et quelques temps plus tard celle d'Isabel, il était déjà devenu bien trop fort sur de nombreux points pour être pris en charge par quelqu'un ou pour qu'on prenne soin de lui. Et après son intégration dans le Bataillon, après la perte de ses deux amis malgré les liens plus ou moins profonds qu'il avait tissé avec Erwin, Mike, Hansi, ses subordonnés, ce n'était pas dans l'esprit de l'armée ni forcément dans le caractère ou le type de relation que ce soit professionnelle ou amicale avec le peu dont il était le plus proche, qu'il avait pu se retrouver dans une situation avec une personne qui prenait littéralement soin de lui.
Le Caporal reposa ses yeux sur son livre qu'il tenait dans l'une de ses mains, sans pour autant parvenir à se concentrer suffisamment sur sa lecture. Il commença à jeter de petits coups d'œil à Mikasa, d'abord très fugace, juste une seule seconde, puis petit à petit de plus en plus souvent et de plus en plus longtemps. Il n'était ni ennuyé ni énervé par les visites tardives de la noiraude comme il l'aurait pu l'être en temps normal. Il sentait comme une petite pointe d'intérêt s'éveiller au fond de lui.
Mikasa était de nature plutôt calme et taciturne, sa présence était discrète ce qui était plutôt agréable et reposant. Mais elle n'était pas pour autant muette et le peu de conversation qu'ils avaient échangées jusque là avaient étés autant sérieuses et matures que taquines voire moqueuses. Elle savait faire preuve de franchise et de mordant tout en restant relativement calme et maîtrisée.
Livaï continua son observation de la soldate, il prêta tout d'abord attention aux gestes doux et maîtrisés de ses mains sur son genou endolori, il devait peut-être mémoriser les mouvements ça pourrait être utile un jour qui sait. Le Caporal avait toujours était un grand et fin observateur c'est ainsi qu'il apprenait, simplement en regardant attentivement. Puis finalement Livaï scruta sans aucune réserve le visage de Mikasa, il avait toujours eu cette mauvaise habitude de fixer les gens, c'était impoli mais lui n'en n'avait que faire. Livaï savait d'expérience que le langage corporel était souvent plus parlant et honnête que des paroles ou au contraire qu'un silence.
Mais il y avait surtout quelque chose qui l'intriguait un peu dans le visage de Mikasa. Ce n'était pas par rapport à ses traits peu communs hérités de ses origines asiatiques, ni par sa beauté. Livaï n'était pas spécialement sensible au physique des autres c'était beaucoup trop superficiel pour lui. Mais il n'était pas stupide, la jeune femme était jolie sans aucun doute, même si elle ne pouvait bien sûr ne pas être le type ou l'idéal de tous.
Ce qui fascinait Livaï dans le visage de Mikasa était l'équilibre qui y régnait et sa presque parfaite symétrie. Ses sourcils étaient finement dessinés et accentuaient parfaitement ses yeux noirs en amande qui n'étaient ni trop grands ni trop petit, son nez ni trop rond ni trop pointu, ses lèvres ni trop fines ni trop pulpeuses. Tous ses traits s'accordaient parfaitement entre eux. Le seul défaut qu'il pouvait trouver dans l'équilibre de ce visage était cette cicatrice sous son œil droit. Pas qu'il trouvait que cela la défigurait, non c'était juste que cette cicatrice brisait l'harmonie.
Le Caporal émergea de ses songes quand Mikasa cessa son massage et s'essuya les mains sur un chiffon avant de commencer à panser le genou dans une longue bande de tissu propre. Livaï referma son livre et le déposa à ses côtés en lâchant un petit soupir résigné. Il avait été incapable de se concentrer sur sa lecture depuis l'arrivée de Mikasa de toute manière. Il se pencha sur la table basse pour se servir une tasse de ce que la jeune femme lui avait apporté et inintentionnellement il se pencha sur Mikasa.
Chacun avait l'épaule de l'autre presque devant le nez, ils pouvaient sentir autant l'odeur que la chaleur émanant de la nuque de l'autre. Si l'un d'entre eux tournait la tête, il se retrouverait avec le nez plongé dans le cou de l'autre. Ils se tendirent tous deux dans une petite ambiance un peu maladroite quelques secondes avant que Livaï attrape la théière pour se servir et Mikasa continua de faire le bandage comme si de rien.
Quand Livaï vit le liquide clair dans la tasse blanche il grimaça. " Je pensais t'avoir dit que je préfère le thé noir. " reprocha-il en se redressant sans dissimuler le dégoût dans sa voix et son expression.
" Et je pensais vous avoir dit que le thé énervait et pouvait empêcher de dormir. " Mikasa qui avait finit le bandage releva ses yeux sur Livaï. Elle posa son index sous l'un de ses propres yeux pour désigner des petites cernes à peine visibles sur elle mais grandement proéminentes sur le visage de son supérieur. " Et je crois que la dernière chose dont vous avez besoin est de quelque chose qui vous maintienne éveillé. "
Livaï fronça un peu ses sourcils et claqua la langue contre son palais. " Je suis le supérieur je te rappelle. Tu es censée prendre au minimum en considération ce que je peux dire. " Répondit-il plus pour répliquer que par réelle conviction.
" Je viens sur mes heures libres et non sur votre commande ni par devoir... " Répliqua-elle vivement avant de prendre soin de rajouter un peu plus, histoire d'enlever toute éventuelle méprise à ses paroles. " Enfin... Pas par ce genre de devoir. " Certes, elle venait de sa propre volonté, elle n'y avait été obligée par personne mais elle ne venait pas non plus pour profiter de la légendaire chaleureuse compagnie du Caporal, même si elle devait reconnaître que pas une seule fois il avait été aussi exécrable qu'elle se l'était imaginé. Quoi qu'il en soit ce n'était pas par devoir de soldat qu'elle se retrouvait ici mais par son devoir en tant que personne, il s'était blessé en la sauvant alors le soigner était la moindre des choses à faire.
Livaï regarda de ses yeux ternes l'intérieur de sa tasse. " Le thé n'est pas ce qui m'empêchera de dormir de toute façon. "
Mikasa observa silencieusement son supérieur, les soucis de sommeil ou d'insomnie était légion au sein des soldats du Bataillon d'exploration. Confronté à une horreur sans nom, même si vous survivez à une ou plusieurs expéditions, jamais vous n'en sortez totalement indemne d'une manière ou d'une autre. " Quand avez-vous dormi pour la dernière fois ? " demanda-elle d'une voix plus douce et basse qu'elle ne l'avait vraiment voulu.
Livaï la sonda du regard en prenant une gorgée avant de lui répondre avec nonchalance. " ... La veille de l'expédition. "
Mikasa fronça ses fins sourcils, deux nuits et trois jours donc qu'il n'avait pas dormit. Cependant même si ses cernes étaient plus noires et creusées qu'habituellement, elles avaient toujours été là depuis le peu de temps qu'elle connaissait le Caporal-Chef. Même si elle se doutait de la réponse, elle se risqua à poser la question. " Cela vous arrive souvent ? De ne pas dormir pendant plusieurs jours ? "
Livaï s'adossa contre le mur, il plia sa bonne jambe devant lui et déposa avec désinvolture son bras sur son genou, tenant toujours le rebord de sa tasse du bout des doigts. " De temps en temps. Il suffit juste d'attendre un peu, ça finit toujours par passer et après j'arrive de nouveau à dormir quelques heures. " Répondit-il en haussant les épaules comme si tout cela était normal.
" Quelques heures ? " demanda Mikasa sur un ton tout aussi suspicieux que son regard.
Livaï ne répondit pas tout de suite et observa l'air inquisiteur de son interlocutrice pendant quelques secondes, il pourrait la renvoyer balader en lui disant que ce n'était pas ses affaires et qu'il n'avait aucun compte à lui rendre. Cependant, qu'ELLE, qui ne le portait pas dans son cœur, lui accorde un peu d'attention et s'intéressait un peu à lui le faisait se sentir presque un peu... flatté. " Deux ou trois heures. "
" Vous ne dormez que deux ou trois heures, en plus de faire des nuits blanches régulièrement ? " Livaï la regarda simplement en clignant lentement des yeux sans dire un mot. Mikasa prit l'absence de réponse comme une confirmation. Elle fut un peu impressionnée, il arrivait à être aussi fort et efficace au point d'avoir acquit le titre de soldat le plus fort de l'humanité en menant un rythme de vie complétement déséquilibré... Mais elle ressentit quand même une petite inquiétude, aussi fort soit-il, le corps humain avait ces limites. " Vous ne pouvez pas continuer comme ça, c'est... " Elle ne termina pas sa phrase car ce n'était pas comme si c'était volontaire de sa part, elle ne pouvait pas l'en blâmer, il en était victime après tout.
" J'ai survécu jusque-là. "
Mikasa ne put s'empêcher d'avoir un peu de compassion pour cet homme, non seulement cela devait être éreintant d'avoir un tel rythme, beaucoup aurait sombré dans la folie mais en plus elle se doutait que cela devait être dû à un ou plusieurs traumatismes. Pourtant il ne se cherchait pas à se débattre, il acceptait simplement de vivre avec. Elle avait remarqué cela depuis qu'elle venait le soigner, elle lui trouvait une certaine force tranquille d'esprit qui lui permettait d'encaisser plus que les autres. Si au départ elle avait mit ça sur le compte d'une insensibilité émotionnelle maintenant elle commençait à voir que c'était tout autre... Livaï était capable d'encaisser plus que n'importe qui, il ne laissait pas les choses le submerger, il avait juste un incroyable sang-froid à tout épreuve et une parfaite maîtrise de soi et de ses émotions.
" Arrêtes de me regarder avec ses yeux de chiots. Ce n'est pas aussi mauvais qu'il y paraît. "
Mikasa, qui ne s'était pas aperçu qu'elle devait le regarder avec pitié, fut un peu gênée et fronça ses sourcils en détournant le regard en marmonnant. " Cela semble assez mauvais pour moi... "
Livaï haussa les épaules. " J'y suis habitué. D'aussi loin que je me souvienne j'ai toujours eu un sommeil catastrophique. Ça s'est détérioré jusqu'à des phases d'insomnie chronique. " Livaï retourna son attention sur sa tasse et reprit quelques petites gorgées. " Mais j'ai appris à mettre ce temps à profit. "
Mikasa désigna d'un petit signe de tête le livre posé à côté de la hanche de Livaï. " En lisant j'imagine... "
Livaï regarda le bouquin avant de s'en saisir et de le tourner et retourner. C'était un petit et vieux livre à la couverture en cuir marron et usé. " Ouais, j'ai même fini par connaître celui-là par cœur. "
Mikasa le regarda avec de grands yeux avant de les plisser de manière suspicieuse. " Ce n'est pas possible de mémoriser un livre en entier, même aussi fin. "
Livaï la regarda toujours impassiblement deux petites secondes avant de lui tendre le livre. " Va-y, testes-moi. "
Mikasa l'observa toujours aussi suspicieusement avant de prendre le livre avec hésitation, elle l'ouvrit au hasard lut quelques lignes dans sa tête avant de jeter un regard toujours méfiant à Livaï. " Dans les ténèbres qui m'enserrent-"
" Noires comme un puits où l'on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu'ils soient,
Pour mon âme invincible et fière.
Dans de cruelles circonstances,
Je n'ai ni gémi ni pleuré,
Sous les coups du hasard,
Ma tête saigne mais reste droite.
En ce lieu de colère et de pleurs,
Se profile l'ombre de la mort,
Et bien que les années menacent,
Je suis et je resterai sans peur.
Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme. "
Mikasa ne pouvait s'empêcher de regarder Livaï avec de grands yeux tandis que sa bouche s'était entrouverte de stupéfaction, restant toujours interdite sous le regard impassible de Livaï. " C'est un poème nommé Invictus, c'est une langue morte cela veut dire... Invaincu. Le ga qui a écrit ça disait que ce poème était une démonstration de sa résistance à la douleur. "
Le discret mais profond souffle de Mikasa franchissait ses lèvres entrouvertes, elle était encore totalement abasourdie par la tirade du Caporal-Chef. " C-c'est... impressionnant. " souffla-elle dans un simple murmure comme si elle se parlait à elle-même, mais sa voix n'était pas assez basse pour être inaudible pour son interlocuteur.
" J'ai une bonne mémoire et beaucoup de temps... " déclara Livaï toujours avec nonchalance en prenant une gorgée de sa tasse d'infusion insipide.
" Je n'aurai pas soupçonné qu'un homme comme vous soit fervent de poème cela dit. " Répliqua pensivement Mikasa en regardant le vieux livre entre ses mains, elle traça du bout des doigts les lettres en or du titre avant de tendre le bouquin à son supérieur.
Livaï fronça les sourcils en prenant le livre tendu par la soldate assise à même le sol devant lui. " Un homme comme moi ? Qu'est-ce que tu veux dire ? "
" Vous parlez d'une manière vulgaire alors je trouve juste que c'est... un peu ironique ? "
" Ouais... J'ai un langage de merde, je ne vois pas l'intérêt d'utiliser de jolis mots quand la situation est loin de l'être. " Toujours avec son air ennuyé habituel, Livaï mit le livre en évidence avant d'ajouter : " Et ce n'est pas que j'en suis fervent, c'est surtout qu'il y a pas vraiment beaucoup de choix de lecture. Entre les livres retraçant notre pauvre et pathétique histoire depuis l'apparition des titans, les romans policiers où les soldats des Brigades Spéciales sont des putains d'héros et les romances affreusement niaises et totalement stupides. Les recueils de poème sont les plus supportables à lire. Et certains sont pas trop mal. Celui que je viens de te citer est même celui que je préfère. "
Il est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de choix de lecture, il est fermement interdit aux écrivains d'écrire des histoires sur le monde à l'extérieur des murs, des histoires aux intrigues politiques basés sur un gouvernement manipulateur ou pouvant endommager l'image de la famille royale et de la haute société... Les romans doivent également respecter les mœurs en vigueur, pas d'infidélité, pas d'histoire d'amour entre un pauvre et une fille noble ou inversement, pas de messages incitant au soulèvement des pauvres contre les riches. Le système instauré doit rester tel qu'il est, même la presse doit se tenir à carreau et avoir l'approbation des Brigades Spéciales avant de publier leurs articles. Et peu de livres avaient survécus à l'exode entre les murs et ces derniers étaient hautement prohibés...
Comme celui d'Armin parlant d'une immense étendue d'eau salée appelée "mer", de l'eau en feu, des terres de glaces, des champs de sable... Découvrir tout cela était le rêve d'Eren et Armin, même s'ils étaient amis tous les trois depuis des années, chaque fois que ses deux amis en parlaient, elle se sentait mise à l'écart. Elle n'aspirait pas à découvrir plus de ce monde, au fond tout ce qu'elle souhaitait était une vie simple et paisible comme quand elle était enfant.
" Oï, gamine. "
La voix graveleuse de Livaï ramena une Mikasa plongée dans ses souvenirs et ses songes. Elle papillonna rapidement des yeux pour sortir de sa petite absence, quand sa vue s'ajusta elle vit son supérieur en train de la regarder en haussant l'un de sourcils. " Désolée. " Elle se retourna légèrement pour placer le bol d'onguent et la théière sur le plateau. " Ce doit être lassant de lire des livres que vous connaissez par cœur. " ajouta-elle pour essayer de ne pas penser à ce sentiment familier de solitude qu'elle ressentait quand elle songeait au rêve d'Eren et d'Armin ou à son enfance passée.
Livaï observa Mikasa ranger ce qu'elle avait amenés comme si elle cherchait simplement une occupation. Il avait bien vu que quelque chose l'avait un peu perturbée et qu'elle cherchait simplement à dévier la conversation et son attention. Un peu intrigué, il observa le profil de son visage quelques secondes. " Ça ne l'est pas, c'est juste devenu familier. Ce n'est pas quelque chose de mauvais à mes yeux. " Il marqua une pause en scrutant la jeune soldate qui lui semblait encore un peu ailleurs et... morose ? Alors plutôt que lui demander ce qui la tracassait, il fit ce qui pensait être le mieux et ce qu'elle lui avait implicitement demandé : distraction. " Pendant mes insomnies j'essaye de m'occuper comme je peux, je fais le ménage, un peu de paperasse, de l'exercice physique, je recopie des livres, j'ai même appris à écrire aussi bien avec la main gauche que la droite. J'ai appris à dessiner pas trop mal, travailler le bois pour faire des meubles, le fer pour forger des armes- ... " Livaï s'interrompit en voyant les yeux de Mikasa s'écarquiller légèrement en le regardant. Il avait réussit à la distraire, tellement bien qu'il s'était lui-même distrait en se confiant autant et si naturellement.
La jeune femme fut impressionnée une seconde fois non seulement par le nombre de choses qu'il savait faire mais aussi cela l'a fit tristement réaliser qu'il avait appris ou fait toutes ces choses sur un temps que l'on attribuait pour dormir. Dormir deux à trois heures par nuit ou pas du tout représentait une énorme quantité de temps. " Effectivement, vous avez su mettre ce temps à profit... "
" Ouais... Mais ici c'est un peu plus compliqué. " Sous le petit air interrogatif de Mikasa, il regarda la pièce autour de lui en ajoutant. " On est venu dans ce château car c'était le plus sûr et le plus pratique pour surveiller Eren. Contrairement à la caserne, ici je ne peux pas faire grand chose à part lire les quelques bouquins que j'ai pris avec moi, écrire, dessiner... " Il posa une main sur son genou, il pouvait sentir même à travers du tissu de son pantalon l'effet chaud de la pommade. " Mais avec ma jambe je suis un peu plus limité sans compter qu'on ai au milieu de nulle part et qu'Erwin ne veut même pas que je monte à cheval... "
Le revoilà, ce maudit sentiment de culpabilité qui se répandait désagréablement à travers son corps et son esprit... Mikasa laissa ses yeux vaquer lentement d'un endroit à un autre sans réellement prêter attention. " J'ai peut-être une solution. " Sa voix était évasive et lointaine mais Mikasa capta alors le regard un chouïa curieux de Livaï. Elle regarda son supérieur dans les yeux et c'est avec un sang-froid exemplaire qu'elle lui donna sa solution. " Je pourrais vous frapper jusqu'à ce que vous vous évanouissez. "
Les yeux de Livaï s'écarquillèrent légèrement pendant un petit moment sur le visage de la jeune femme qui essayait de rester totalement stoïque, ce qu'elle arrivait presque parfaitement à faire même si elle se mordait imperceptiblement les lèvres entre elles pour empêcher ces dernières de se retrousser très très légèrement. Le Caporal se reprit rapidement et plissa ses yeux sur la presque impassible soldate. " Oh ? Je suis sûr que t'as la chance de pouvoir en rêver hein ? "
S'il savait... Mikasa haussa les épaules avec désinvolture et leva les mains innocemment devant elle. " Je vous offre juste mon aide, Caporal-chef. "
" Bien sûr... " Répondit-il, pas convaincu pour un sous, il faut dire qu'elle n'était pas douée pour jouer un minimum la comédie. Il en était certain, cette satanée gamine devait rêver de lui mettre la misère depuis qu'il avait battu Eren au tribunal. Qu'est-ce qu'elle pouvait être rancunière mais il pouvait comprendre. Il avait été lui-même extrêmement violent quant des petites brutes s'en étaient pris à Isabel il y a de longues années maintenant. Quand son amie rousse était revenue avec les vêtements et la peau écorchés, l'une de ses couettes coupées, il n'avait pas cherché à comprendre il avait retrouvé les coupables et... Disons qu'ils n'étaient pas prêts de s'en reprendre à Isabel de sitôt... À côté de lui à cet époque, Mikasa et sa rancune n'était qu'un petit chaton faisant le dos rond en soufflant. Et elle était sûrement moins extrême que lui sinon elle ne viendrait pas tous les soirs pour le soigner. " Mais réfléchis bien, si tu fais ça tu ne fera que rallonger ton petit numéro d'infirmière. Si tu viens prendre soin de moi car tu m'as indirectement blessé, je n'ose imaginer ce que tu ferai si tu le faisais directement. "
Elle n'aimait pas ça... Cette petite lueur moqueuse dans ces yeux gris... " Ce n'est pas la même chose ! Je viens vous soigner parce que vous vous êtes blessé pour me sauver. Je rembourse ma dette. Si je vous tabasse pour venger Eren... Et bien je rembourse une autre dette en quelque sorte. " Son ton était presque affreusement sérieux comme si elle essayait de lui expliquer que 1+1=2.
Elle en était presque convaincante, mais Livaï n'était pas du genre à se laisser taper dessus même pour une rancune plus ou moins méritée, même s'il été en tort il ne se laissait jamais faire, ni même pour cette petite lueur dansante dans ces yeux sombres. " Tu es honnête et c'est une bonne chose de l'être. Peu importe que ce soit positif ou négatif ne le garde pas pour toi en attendant un moment parfait qui ne pourrai jamais venir. "
Mikasa s'attendait à une réplique cinglante ou une réprimande mais pas à ça... Ça sonnait presque comme un compliment mais aussi une triste réflexion. L'atmosphère taquine avait était alors balayée par ce silence de sous entendu et de non-dits... Ils se regardèrent tous deux dans les yeux, cela arrivait de plus en plus souvent et ils n'en n'étaient pas gênés mais plus ils le faisaient plus ils sentaient quelque chose s'agiter dans leur estomac, incapable de dire si c'était une bonne ou une mauvaise chose, si c'était agréable ou non, c'était juste... inconnu.
" Je devrais y aller. " Mikasa fut la première à rompre leur échange visuel un peu trop long, elle se leva et se dirigea vers la porte sous le regard de Livaï qui reposa sa tasse sur la table avant de se lever à son tour. En entendant des pas derrière elle, Mikasa regarda par dessus son épaule et vit son supérieur debout juste derrière elle. " Qu'est-ce que vous faites ? "
" Je vais à la cuisine me faire du thé. " Répondit-il le plus simplement du monde en la regardant avec son habituel regard ennuyé et fatigué. Les yeux de Mikasa dérivèrent des prunelles aciers pour fixer les cernes noires et creusées. Elle hésita une seconde à lui faire un sermon comme quoi il devrait mieux essayer de dormir plutôt que de se préparer quelque chose qui ne ferai justement que le maintenir éveillé... Mais en plongeant à nouveau dans les yeux ternes du Caporal qui la fixait sans sourciller, elle n'en fit rien. C'était sa vie et sa santé après tout, elle n'était pas sa mère.
Mikasa sortit sans rajouter quoi que ce soit, elle entendit la porte se refermer peu après suivit par des bruits de pas juste derrière elle. C'est dans un profond silence interrompu seulement par le claquement de leurs semelles contre le sol en pierre qu'ils déambulèrent dans les couloirs froids et vides du vieux château éclairés par quelques torches accrochés aux murs. Livaï marchait à peine un mètre derrière et en diagonal de Mikasa, aucun ne prononçait un mot ni n'échangeait un regard.
Arrivés devant des escaliers, Mikasa commença à monter les marches pour rejoindre sa chambre vide depuis le départ de Sasha ce matin. Durant son ascension et même une fois sur le pallier, elle sentait les yeux de Livaï dans son dos ce qui la fit se tendre imperceptiblement, c'était gênant et dérangeant alors elle s'engouffra rapidement dans sa chambre et referma la porte sans regarder en arrière.
Livaï resta quelques petites secondes de plus à fixer la porte avant de continuer son chemin et de se rendre à la cuisine où il se fit une bonne théière de thé noir, son préféré. Il dégusta une tasse en s'adossant contre le plan de travail, un peu songeur.
" Le thé n'est pas ce qui m'empêchera de dormir de toute façon. "
Il n'avait pas menti, le thé n'avait jamais été ce qui l'avait empêcher de dormir. Ça n'avait pas non plus l'effet de le faire somnoler mais l'odeur qui parvenait à ses narines, le goût de l'arôme un peu amer sur ses papilles, sentir le liquide chaude descendre le long de sa gorge, de son sternum pour ensuite répandre une agréable chaleur dans son estomac. Tout cela parvenait à apaiser un tout petit peu son esprit.
Le temps passait, les gens allaient et venaient mais le goût du thé restait pour lui inchangé et satisfaisant. Livaï aimait la constance, la routine, ce qui pouvait être ennuyeux pour certains avait un côté rassurant pour lui. Il avait eu suffisamment d'aventures, de drames et de frissons pour plusieurs vies.
Cependant, en observant à la dérobée Mikasa lors de leur marche silencieuse, il s'était fait la réflexion que la soldate lui donnait l'impression d'une inconnue dans une équation. Elle était imprévisible et elle était parvenu à le surprendre à quelques reprises... Il ne savait pas comment il devait se sentir à propos de cela, il ne savait pas non plus comment interpréter cet intérêt qu'il ressentait à son sujet depuis ce regard au tribunal, si c'était appreciable ou non. Il se sentait concerné peut-être car plus il apprenait à la connaître plus il voyait les similarités qu'ils partageaient mais également et étonnamment combien ils pouvaient être diamétralement opposés sur d'autres points.
Livaï avait un sang-froid à tout épreuve, il contrôlait parfaitement son corps et son esprit. Mikasa savait elle aussi faire preuve du même sang-froid mais se retrouvait totalement en proie à ses émotions dans certaines situations. Il n'y avait pas de juste milieu, c'était tout ou rien avec elle. Elle était forte, plus que la moyenne tout comme lui, ils avaient un instinct aiguisé, des réflexes presque imparables. Livaï mettait sa force au service du bien commun alors que Mikasa œuvrait pour la protection d'un seul, même s'il avait bien vu qu'elle n'était pas non plus totalement insensible aux sorts des autres à en juger comment elle avait voulu exterminer le titan féminin car il avait tué un grand nombre de leurs camarades, comment elle était venue au secours à l'un des soldats qui avaient désobéi aux ordres pour récupérer le cadavre d'un ami, comment elle montrait son inquiétude au petit blondinet qui s'était blessé à la tête lors de l'expédition. Et même si elle affirmait venir le soigner par devoir, il voyait bien qu'elle se souciait au moins le minimum syndical pour lui... Parfois.
Livaï lâcha un profond soupir en portant sa main libre dans ses cheveux dans un geste las. Qu'est-ce qui lui prenait de réfléchir autant sur une nouvelle recrue ? Il devait vraiment manquer de sommeil pour s'attarder sur des détails aussi ridicules. Mais au moins, cela avait le mérite de le divertir des réflexions et douloureux souvenirs anciens et récents qui le malmenait en ce moment.
" Cela vous arrive souvent ? De ne pas dormir pendant plusieurs jours ? "
Sa voix était douce, ses yeux le regardait comme si elle se souciait, compatissait. Même si elle savait, elle demandait quand même, pas pour elle mais pour lui. Au vu de comment il avait traiter son précieux Eren, il se doutait qu'elle ne le portait pas dans son cœur... Pourtant elle se souciait quand même de lui, pas du Caporal-Chef ni de l'homme le plus fort de l'humanité, il savait qu'elle n'en n'avait que faire de ces deux titres. Vraiment de lui en tant que personne et cela faisait du bien.
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Hey !
J'espère avoir réussit à vous faire ressentir les ambiances que j'ai essayé d'instaurer.
J'avais lu quelque part que l'on été attiré par les visages avec une symétrie presque parfaite ( on est jamais parfaitement symétrique ) alors je trouvais que c'était une manière assez originale et intéressant de montrer l'attirance/l'intérêt physique de Livaï envers Mikasa plutôt que de simplement dire qu'il la trouve jolie.
Voilà, voilà.
J'espère que ce chapitre vous a plut !
A bientôt ! 😉
