Endormi dans une chaise à côté du lit, il se réveilla soudainement, entendant l'alarme audible que par lui. La jeune Serpentard venait de se réveiller.

– Vous êtes à Poudlard, vous avez perdu connaissance dans le train, calmez-vous, déclara Severus, en invoquant une petite lumière.

Il entendait la respiration rapide et difficile de Maëva, entrecoupée de toux.

– Tenez, c'est une potion pour faire tomber votre fièvre, et vous faire dormir. Je comprends que vous ayez énormément de questions, et je vous promets d'y répondre, mais demain. Vous devez d'abord vous reposer.

– Je suis vraiment désolée, déclara subitement Maëva en essayant de se lever. Je ne voulais pas m'endormir, je vais aller au magasin, je, je …

– Miss Parker, vous êtes en sécurité à Poudlard. Restez allongée et arrêtez de bouger.

Sans prévenir, pour une raison qui le dépassait, cette dernière se mit à pleurer à chaudes larmes en répétant qu'elle était désolée. Comprenant que sa fièvre la faisait délirer, il envoya directement les potions dans son sang à l'aide d'un enchantement. Cela n'était pas aussi efficace qu'une potion avalée, mais au moins cela allait l'aider quand même.

Il soupira, se frottant le visage, lasse.

– Va te reposer, je la surveille, déclara Harry, en arrivant dans l'infirmerie.

– Car tu en as quelque chose à faire de cet enfant ?

– Je suis comme toi Severus, je veux l'aider. Il n'est pas trop tard pour lui montrer que tout le monde n'est pas comme son père. Je ne suis pas un monstre insensible.

Le maître des potions regarda longuement Harry, pensif. Ce dernier avait beaucoup changé, et c'était éloigné de la copie conforme des maraudeurs. Il s'était même excusé pour tout ce qu'il avait fait durant sa scolarité. Ils n'étaient pas amis, mais ils pouvaient se qualifier de collègues.

– Merci.


– Elle a besoin d'être surveillée constamment, ou d'être dans une pièce où elle ne pourra rien utilisée contre elle, déclara le spécialiste, qui devait être proche de la retraite. Elle est dangereuse pour elle-même. Et pour les autres.

– Non elle a besoin d'être soutenue, et pas jugée, corrigea Severus. Elle n'est pas dangereuse.

Il était à peine 8 heures. Exceptionnellement, il avait mis ses classes de la matinée en étude avec un devoir, tout comme son collègue Harry Potter l'avait fait, à son grand étonnement. Ils voulaient être présents quand le soi-disant psychomage de sainte mangouste allait venir. Soi-disant, car depuis tout à l'heure il déblatérait des paroles absurdes.

– Il faut faire très attention, elle peut se suicider à tout moment. Une étude a prouvé que les nés moldus ont beaucoup plus de difficultés d'intégration dans le monde magique et scolaire, ce qui…

– Le problème ce n'est pas qu'elle est née moldue, c'est que son père la frappe, corrigea Harry.

– Non, non je suis formel, elle s'inflige elle-même ses bleus. Elle veut attirer l'attention.

Harry et Severus échangèrent un regard atterré. Était-il vraiment médicomage, spécialisé en psychologie infantile ? était-il bête au point de ne pas voir les signes évidents ? Severus était persuadé que l'automutilation était en lien avec ce que son père lui infligeait, et non pas à cause du fait qu'elle soit une sorcière. Enfin, c'est ce qu'il avait déduit.

Un mouvement presque imperceptible lui fit comprendre qu'elle était réveillée depuis un moment, et qu'elle avait tout entendu. Vous êtes comme les autres, tout le monde sait, mais personne ne fait rien.

Comment accorder la confiance à une personne qui était venue pour l'aider si celle-ci ne la croyait pas, et la traitait de folle ? Si jamais il l'intégrait à la conversation, le psychomage allait sauter sur l'occasion, et déduire des choses purement imaginaires.

– Et la pneumonie aussi, elle se l'est infligée elle-même ?

– Elle est volontairement allée dehors sans manteau ? Enchaîna Harry.

– Je suis persuadée qu'elle avait vraiment envie de passer une semaine gavée de potion à la couleur et l'odeur plus que douteuse, s'amusa Severus, échangeant un regard complice avec le professeur de DCFM.

– Qu'en pensez-vous, Stéphanie ? demanda Minerva, partagée entre écouter ses collègues et faire confiance au spécialiste.

– Hum, euh, je… bégayai cette dernière. Je suis d'accord sur le fait qu'il faut l'empêcher de se blesser. De toute façon, avec la pneumonie, je vais la garder un moment ici, donc je vais la surveiller. Je rejoins l'idée du Psychomage, je pense qu'elle est psychotique.

– Bon, dans tous les cas elle sera gardée sous surveillance au moins pour cette semaine, décréta la directrice. Ensuite, nous aviserons, en fonction de comment elle se sent et de ce qu'elle nous dit.

– Très bien, je repasserai lui parler dès qu'elle sera réveillée.

Harry secoua légèrement la tête de droite à gauche, avant de capter une nouvelle fois le regard de Severus. Severus reconsidéra son jugement. Le Portoloin, la surveillance hier soir, être la quand le psychomage allait venir. Harry aussi voulait aider cette jeune fille. Il salua le spécialiste, par politesse, et laissa Minerva et Stéphanie le raccompagner.

– Ils sont incompétents, grommela le maître des potions. Dommage que Poppy ait pris sa retraite.

– Je ne suis pas suicidaire, murmura la jeune fille, en se redressant. Ce n'est pas moi qui ai fait ces bleus…

– Je vous crois.

– Moi aussi, déclara-t-elle le souffle court après un long instant. Vous n'êtes pas comme les autres.

Repoussant une mèche de cheveux collante, elle regarda le professeur Potter ne sachant pas dans quelle catégorie le considérer.

– Je suis de votre côté aussi. Je veux vous aider.

Le regard empli de reconnaissance le fit sourire, le confortant dans sa décision.

.

Mardi matin. Elle avait très mal dormi, surtout après avoir dû écouter l'infirmière la veille lui expliquant les nouvelles règles : un sort qui lui empêchait de se mutiler, impossible d'être sans surveillance, sauf pour le petit coin, ce qu'elle trouvait humiliant. Différentes potions à prendre, pour sa pneumonie, pour sa soit distante psychose… repas sous contrôle, des fois qu'elle se planterait le couteau ou la fourchette dans la main. Enfin, les couverts en plastique hein, il ne faudrait pas qu'elle tente de tuer quelqu'un, sait-on jamais.

Se sentant nauséeuse, elle demanda à aller au petit coin, ce qui lui fut accordé. À peine avoir fermé la porte, elle se mit à vomir le repas et les potions qu'elle venait à peine d'avaler. Au lieu d'être dégoûtée, de pleurer, elle eut un intense sentiment de soulagement. Comme quand elle se coupait. Après s'être rincé la bouche, elle se regarda dans le miroir. C'était eux trois contre les autres.

Elle se dépêcha de sortir, ne voulant pas éveiller les soupçons. Quand elle sortit, elle vit que l'infirmière n'était plus seule.

Défaitiste, elle se recoucha dans le lit. Elle était épuisée, ses poumons lui faisaient mal, et n'avait vraiment aucune envie de parler au psychologue. Ou psychomage, elle ne savait pas trop la différence.

– Alors ma petite, que ressentez-vous en vous blessant ? Vous vous frappez pour quelle raison ? demanda-t-il, en entrant directement dans le vif du sujet. Est-ce que c'est une voix qui vous ordonne de le faire ?

– Ce n'est pas moi … c'est… c'est mon père…

– Allons, allons, ne dites pas de bêtises. Vous en tirez quoi ? De la satisfaction ? Vous souhaitez que votre père s'occupe plus de vous ?

– Non ! Non, je n'ai rien fait … je vous le jure, pleura Maëva.

– Vous êtes dans le déni. Ce n'est pas comme ça qu'on va pouvoir vous aider.

.

Elle n'avait même pas mangé à midi, s'étant écroulée de fatigue peu après le départ du spécialiste. Pourquoi ne voulait-il pas comprendre ? Elle s'était réveillée vers 16 heures, avait bu des potions, était allée les vomir. Elle ne pouvait plus se couper, alors elle se faisait vomir.

De retour dans son lit après une douche qui n'était même pas bienfaitrice, elle eut la surprise de voir le professeur Rogue regarder les faits et gestes de l'infirmière d'un air méfiant.

– Bonjour, murmura-t-elle. Je suis contente de vous voir.

– Je vous ai apporté quelques livres de métamorphose qui devraient répondre à vos questions, déclara-t-il, s'autorisant un petit sourire.

– C'est dangereux, elle peut très bien se couper avec une page, se frapper avec le livre ! Intervenit Stéphanie, en retirant vivement les livres des mains de l'enfant.

– Le jour où une personne mourra d'une hémorragie à cause d'une coupure avec un livre, je serai professeur de divination.

Maëva se mit à sourire. Tous les Serpentard savaient ce que leur responsable de maison pensait de cette matière. Après des négociations, il avait réussi à lui laisser les livres à la condition de les enchanter pour qu'il n'y ait aucune arête tranchante et qu'il se transforme en mousse quand il était trop serré.

– Je ne suis pas un bébé ! Cria Maëva, de toute sa force possible, avant de tousser énormément, inquiétant Severus.

– Ça suffit, vous vous comportez comme un bébé en vous blessant pour avoir de l'attention, alors nous vous traitons en bébé.

Ignorant l'infirmière, elle se leva pour aller aux toilettes et vomir encore une fois, appréciant la brûlure dans sa gorge.

Sortant, elle vit en plus du professeur Rogue toujours présent, le professeur Potter, lui aussi avec des livres.

– Vous allez avoir des livres pour la semaine ! Ils sont peut-être un peu compliqués cependant, mais … déclara Harry, en posant les affaires.

– Je les ai déjà lus, avoua-t-elle, en baissant les yeux. En fait, j'ai déjà appris le programme théorique jusqu'à la fin de l'année. Désolé…

– Vous me faites penser à une amie. Comme vous, elle aimait étudier, avait une curiosité sans fin. Maintenant, elle est ministre de la Magie. Alors, ne vous excusez pas. Je vais vous en trouver d'autres.

Le regard ahuri de Maëva le fit rire.

.

Mercredi, jeudi, vendredi. Elle n'avait plus la force de lutter. Elle se contentait d'acquiescer à tout ce que disait le spécialiste. Elle était amorphe, vomissait tout ce qu'elle ingérait. À la fois de sa propre décision, et à la fois à cause de la toux. Elle préférait mourir plutôt que de retourner chez elle. Sa seule consolation était le professeur Rogue et le professeur Potter qui venait la voir tous les jours. Sa pneumonie ne s'améliorait pas, la fatiguant encore plus, pour le plus grand agacement de l'infirmière.

Infirmière en ce vendredi soir qui était occupé à se disputer avec le maître des potions. L'accusant de lui fournir des potions inefficaces, de l'empêcher de faire son travail comme il faut…

Severus souffla, regardant autour de lui pour ne pas lancer un doloris à cette nouvelle infirmière qui osait remettre en doute la qualité de ses potions. Son regard tomba sur Maëva, recroquevillée dans un lit. Elle était pâle, grelottante, transpirante.

– Vous êtes incompétente, s'énerva Severus, oubliant toute retenue. Vous ne voulez pas avouer que vous ne connaissez pas tout, et être face à un cas de maltraitance vous a fait peur alors vous vous persuadez qu'elle ment.

– Puisque vous êtes si sûr de vous, vous n'avez qu'à vous occuper d'elle, moi je dois partir ! S'exclama Stéphanie, hors d'elle, avant de passer les portes de l'infirmerie.

Une bonne chose de fait, décréta Severus, avant d'aller voir la petite fille qui dormait.

– Je sais très bien que mes potions fonctionnent, murmura-t-il. Mais ce que je ne sais pas, c'est pourquoi et comment, vous arrivez à ne pas les prendre sans que Mrs Reeces s'en aperçoive.

Il secoua légèrement la tête, avant de déposer un linge frais sur le front brûlant. Il enchanta les draps pour qu'ils s'adaptent à la température du corps, et demanda à un elfe d'apporter un pichet d'eau avec un verre et une paille. Il s'était trop attaché à cet enfant pour son propre bien.

Quittant sa robe de potion, il transfigura la simple chaise en un fauteuil confortable, puis feuilleta par curiosité les livres apportés par Harry.

– Elle fait partie des autres, chuchota Maëva, sans regarder Severus, de longues minutes plus tard. De ceux qui savent et qui ne font rien, et ceux qui me traitent de menteuse. Vous savez, je pourrais briser le verre et m'ouvrir les veines.

– Et je vous fais confiance. Je sais que vous n'allez pas le faire. C'est pour ça que vous ne prenez pas les potions ?

– À quoi bon se soigner pour retourner dans l'enfer ? Plutôt mourir.

– Je ne vous laisserai jamais retourner chez vous, gronda Severus, je vous le promets. Est-ce que vous avez confiance en moi ? Ne vous ai-je pas montré ma confiance en vous défendant ?

– Oui, j'ai confiance en vous.

Maëva toussa, avant de se frotter le thorax douloureux. Voyant son inconfort, Severus mit plus de coussins dans son dos pour qu'elle soit plus élevée, et lui donna un verre d'eau, qu'elle but avec soulagement.

– Maintenant que je sais pourquoi, comment arrivez-vous à ne pas prendre les potions ? Vous les cachez sous le lit ? plaisanta-t-il, en regardant sous le lit. À moins que ce soit Monsieur lapin qui les boivent ?

Le rire de l'enfant fut une mélodie magnifique.

– Vous n'allez pas me juger hein ? murmura-t-elle, en jouant avec sa peluche.

– C'est promis.

– Je me fais vomir… j'ai besoin de me couper, c'est plus fort que moi. Mais on m'en empêche… Alors je me fais vomir, la douleur m'apaise, pleura Maëva, dépassée. Je n'en peux plus, personne ne me croit, je ne suis pas folle ! Je me coupe pour contrôler la douleur, pour oublier ce qu'il m'a fait ! Cette douleur là c'est moi qui me l'inflige, et non lui… je la contrôle… pour oublier que je suis seule… Je veux juste être aimée…

S'asseyant au bord du lit, il la prit contre lui, indifférent au fait qu'elle soit son élève. C'était juste une enfant qui avait besoin d'aide.