J'ouvris les yeux. Ma vue était embrumée et ma tête martelait farouchement. Je me frottai les paupières pour faire disparaître la fatigue, et me redressai lourdement. La lumière du jour filtrait à travers la fenêtre, annonçant un beau temps.
Je quittai mon lit pour me diriger vers la salle de bain. Dans le miroir se reflétait ma figure. Non seulement j'avais dormi avec les vêtements de la veille, mais j'avais surtout l'air bien amochée. Des cernes énormes tombaient de mes yeux et mes cheveux étaient hérissés. J'entrai dans la douche pour laisser l'eau fraîche vivifier mon esprit, puis sortis rapidement m'habiller.
Soudain, les souvenirs de la soirée me revinrent en mémoire. Je revis défiler tous les moments qui nous avaient rassemblés, les sourires heureux et la joie qui s'envolait au plus haut dans le ciel nocturne.
C'est une belle bande bien bruyante.
Je me remémorai le jeu que j'avais glorieusement remporté. Puis le visage de Ace m'apparut mentalement. Des plaques de rougeurs naissaient sans doute sur mes joues, puisque je les sentais me chauffer. Enfin bon... J'avais quand même gagné un gros paquet avec tous ces vaincus ! Et c'est sur ces idées optimistes que je me lançai à grandes enjambées hors de ma cabine.
Sur le pont, je trouvai Ace qui donnait des directives.
« Bonjour Commandant, quelles sont les nouvelles ?
— Hm ? Oh Nami, tu viens seulement de te lever ?
— Il est tard ?
— Il doit être environ midi.
— Midi déjà ?! Mince...
— Tu as dû beaucoup souffrir d'hier, me nargua-t-il.
— En attendant, vous me devez tous mille berrys. Je patienterai gentiment » lui répondis-je sur le même ton moqueur.
Il grimaça sous mon rire narquois, mais je m'arrêtai soudainement, tétanisée à la vue d'un gigantesque phœnix bleu enflammé qui volait à grande vitesse vers nous. Ace rit à son tour.
« Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as peur de ça ?
— Q-Que...
— C'est moi le « ça » ? »
Le phœnix se percha tranquillement sur le bord du bateau. Il se transforma, et...
« Marco-san ?!
— Bonjour Nami, bien dormi ?
— C-C'est ton pouvoir ?
— C'est exact. J'ai mangé le Fruit du Phœnix.
— Alors tu es un type zoan ? Comme Chopper...
— Ton ami ?
— Oui, c'est le médecin et le plus jeune membre de notre équipage. Il était initialement un renne, mais il a été rejeté par sa famille après avoir consommé le Hito Hito no Mi, Fruit de l'Homme. Maintenant, il n'est ni exactement un renne ni un humain, mais c'est notre précieux compagnon.
— Je vois, il n'a pas dû avoir la vie facile.
— Pas vraiment non. Mais maintenant il nous a nous, donc ça devrait aller ! J'espère qu'il s'en sort tout seul... »
Ace s'interposa entre Marco-san et moi, et se pencha face à moi, de sorte à planter ses yeux plein de sérieux dans les miens.
« Il va bien » articula-t-il.
Je restai silencieuse, le regardant sans trop le voir. Je devais avoir la mine triste. Il posa ses deux mains sur mes épaules et me tint fermement.
« Il va bien ! Alors ne t'en fais pas, il s'en sortira parfaitement.
— Tu as raison. Il va sûrement bien, je fais confiance en sa force. Désolée... Merci. »
Il se redressa et m'ébouriffa les cheveux d'un air heureux et satisfait.
« Nami, tu voulais que je t'apprenne deux ou trois bricoles sur la navigation dans le Nouveau Monde ? demanda Marco-san.
— Oui, tout à fait ! Tu as du temps ?
— Je ne suis pas occupé, on peut faire ça maintenant si tu veux. »
J'allais répondre, quand Ace me prit le bras. Il avait le regard plongé dans la mer.
« Dis, Nami... Avant ça, tu veux bien qu'on parle un peu ?
— Oui bien sûr, à quel sujet ?
— Alors je file, viens me voir quand tu seras prête » lança Marco-san en s'en allant.
Ace lâcha mon bras et s'assit en tailleur sur le bord du navire. Je m'accoudai à ce même bord et le regardai, attendant patiemment qu'il commence à parler.
« Je voulais te demander... Comment va Luffy ?
— Ah ce n'était que ça ? Tu m'as fait presque peur. En ce moment je ne sais ni où il est, ni ce qu'il fait, comme tu le sais. Mais une chose est sûre, il va bien. Tu ne le sais probablement pas, mais Luffy est très fort. Bien plus fort qu'il n'y paraît.
— Je le sais. Il a toujours été un gamin innocent qui ne fait que des bêtises, mais il a sans aucun doute gagné la force de se battre pour ceux qu'il aime.
— Oui, c'est bien Luffy. Il nous met dans le pétrin, puis il nous protège de tout ce qu'il a. Mais tu sais, tu as l'air comme ça toi aussi.
— Moi ? Peut-être bien. Je pense qu'on se laisse trop animer par nos émotions. Mon équipage me l'a déjà reproché plusieurs fois mais... Luffy et moi ne pouvons lutter contre la colère qui nous submerge lorsque nos amis sont en danger. C'est sûrement un défaut, notre principale faiblesse.
— Cette colère... je l'ai déjà vue. Mais je ne la vois pas seulement comme un défaut. C'est grâce à elle qu'il m'a sauvée. J'étais prisonnière d'un pirate pendant huit longues années. Un pirate sanguinaire qui a pris possession de mon île, de mon village et de la liberté de tous ses habitants. Nous n'avons pas eu la vie facile pendant toutes ces années. Mais un jour, j'ai rencontré Luffy. Il n'avait encore que Zoro comme compagnon. Nous avons voyagé un temps ensemble, puis je l'ai trahi et je suis rentrée dans mon village. Mais alors que je croyais ne plus jamais le revoir, il est venu me chercher. Je lui ai dit des choses horribles, mais malgré ça, il m'a aidée et a vaincu le pirate qui malmenait nos vies.
— Je vois... Il a dû être enragé de voir son amie aux bottes d'un enfoiré.
— Tu vois, ce n'est pas une si mauvaise chose. Et puis, on est là pour l'empêcher de se laisser aller. Tes amis doivent sans doute t'aider aussi. Quand tu es en difficulté, tu peux compter sur eux et te laisser épauler, parfois. Ne porte pas tous les fardeaux sur ton dos. C'est quelque chose que notre Capitaine comprend de plus en plus avec le temps.
— Ouais... ça ne sonne pas mal. »
Nous regardions le vaste horizon bleu avec un sourire, lorsque le ventre d'Ace gargouilla. Nous rigolâmes et décidâmes d'aller manger sur le bateau principal qui réunissait la plupart des Commandants. Nous rejoignîmes ensuite Marco-san pour qu'il m'en apprenne un peu plus sur la traversée du Nouveau Monde.
« Prête ? me demanda-t-il.
— Prête ! »
Il commença d'abord par me parler des monstres marins, de leurs tailles, leurs manières d'agir, les plus connus et où ils vivaient. Il me dicta les différents problèmes climatiques qui se posaient fréquemment et où ils se trouvaient. En fait, il m'apprit énormément de choses utiles. Je l'écoutai avec attention pendant qu'Ace nous observait en bâillant.
« Et donc, si vous passez par les îles du Sud pour recharger votre Log Pose aux trois aiguilles, vous rencontrerez sans doute, juste ici, d'énormes cascades en chute libre d'un mur colossal qui semble infranchissable, m'expliqua-t-il en pointant du doigt la carte. Mais ne te laisse pas prendre au piège : ce n'est qu'un mirage dressé par on ne sait qui afin d'empêcher les pirates d'embêter les îles sur le chemin.
— Incroyable... »
Je notai mentalement toutes les informations à retenir. J'étais si concentrée que je faillis ne pas remarquer le grondement de l'air. Je me retournai vivement, les yeux grands ouverts. Le vent avait changé de direction et la température avait anormalement chuté.
« Nami ? »
Ace me regarda en fronçant les sourcils.
« Quelque chose ne va pas ? me demanda Marco-san.
— Un orage... non, une tempête approche.
— Une tempête ? Mais le ciel est complètement dégagé, et le soleil est tout juste là.
— Non, je suis sûre de moi. Il faut faire quelque chose tout de suite. Marco-san, Ace, appelez tout le monde, j'aimerais leur parler. »
Ils parurent surpris, mais ne voulurent pas m'offenser et connectèrent tout l'équipage par escargophone.
« Oui, ici le Commandant de la deuxième division. J'en appelle à tous les navires. Il y aurait un- »
J'arrachai rapidement l'escargophone de ses mains.
« Ici Nami. Ecoutez-moi bien. Nous fonçons droit dans un cyclone. Il faut à tout prix l'éviter. Si nous n'agissons pas tout de suite, c'est la catastrophe assurée. »
L'incompréhension générale se fit entendre au bout du fil. Les voix de chaque Commandant se mélangeaient et formaient une bouillie vocale absolument grinçante. Ils n'avaient pas l'air d'apprécier qu'une jeune inconnue sortie de nulle part leur dicte des ordres à exécuter. Je pouvais comprendre après tout, de quel droit osais-je leur dire tout cela ? Mais nous n'avions plus le temps de nous poser des questions ; il fallait agir.
« Je sais que je n'ai pas d'ordre à vous donner, mais nous devons nous dépêcher. Soyez attentifs à mes consignes, je ne me répéterai pas. Marco-san, quelle est la disposition de tous les navires ?
— Les navires de quatre divisions sont à l'Est, pas trop loin, ceux de quatre autres divisions à l'Ouest et ceux des cinq restantes, en dehors de nous-mêmes, au Sud.
— Ceux qui occupent l'aile Est, identifiez-vous et donnez votre position.
— Vista, Curiel, Joz, Kingdew. Nous sommes à 80 mètres de vous.
— Très bien, et l'aile Ouest ?
— Rakuyô, Izô, Haruta, Speed Jill. Nous sommes à 120 mètres.
— La flotte du Sud est dirigée par Atmos, Blenheim, Fossa, Namur et Blamenco, m'annonça Marco-san.
— Ace, Marco-san, Thatch-san et tous les autres, repliez les voiles. Toutes les flottes de l'Est, tournez à tribord à trois heures. Pour les navires plus proches du centre, tournez à quatre heures, vous contournerez les autres. À l'Ouest, tournez à bâbord à neuf heures. Ceux du Sud-
— QU'EST-CE QUE C'EST QUE ÇA ! hurla un marin rapidement suivi des autres.
— UN ÉNORME CYCLONE DROIT DEVANT NOUS ! IL N'Y AVAIT RIEN IL Y A CINQ MINUTES ! D'OÙ ÇA SORT ?! GROUILLEZ-VOUS, REPLIEZ LES VOILES !
— Taisez-vous, ne m'interrompez-pas, nous n'avons que très peu de temps ! Au Sud tournez à six heures. Marco-san, nous tournons à six heures également. Placez tous les canons à l'arrière le plus vite possible et attendez mon signal pour les allumer tous en même temps. »
Tout le monde s'était activé à la vue de l'effroyable tempête dans laquelle nous rentrions. Le vent était électrique et les nuages entièrement chargés. La foudre ne demandait qu'à s'abattre. Je sortis mon Climat Tact attaché à mon short, puis courus au devant du bateau. Ace tenta de m'arrêter lorsqu'il me vit faire, mais je me dégageai soigneusement avant de me diriger vers la proue. Le vent était assez fort pour tenter le Cyclone Burst que je n'avais encore jamais pu expérimenter. Je séparai mon arme en trois pièces, et tandis que l'une, dirigée vers le bas, produisait des « Heat Balls », l'autre, que je faisais tournoyer au-dessus de moi, projetait quant à elle des « Cool Balls » dans les airs. La chaleur qui remontait grâce à mon arme créa un courant ascendant suffisamment puissant pour provoquer un cyclone plus ou moins important qui permit de disperser le nuage noir d'un orage en approche, prêt à lancer ses éclairs.
Cela fait, je sautai de la proue et me rendis sur le pont. Même s'il s'était dispersé, le nuage allait sans doute reprendre le dessus aussitôt, sans compter que nous nous rapprochions toujours plus du vrai cyclone. Il ne fallait plus tarder. Le vent qui soufflait était de plus en plus violent, et la pluie glacée giclait férocement sur nos corps et sur le bateau. Je repris l'escargophone.
« Tout est prêt ?
— Oui, répondirent-ils tous.
— Très bien, accrochez-vous ! Un, deux, trois... Feu ! »
Tous les canons avaient été déclenchés. Avec les dizaines de canons par navire — munis de Jet Dials —, nous fûmes propulsés à une incroyable vitesse. Nous rallumâmes les mèches pour recommencer une dernière fois, et pûmes finalement sortir de la tempête. Le calme était revenu.
« Dépliez la grande voile, nous allons profiter du vent pour contourner le nuage par l'Est. Ceux qui sont à l'Ouest, tournez à six heures pour nous rejoindre. Au Sud, à neuf heures. Et nous aussi, ordonnai-je à Marco-san. Si nous prenons une grande marge, il ne devrait plus y avoir de problème. Merci à tous pour votre confiance, vous avez fait du bon travail. »
Je raccrochai l'appel en soufflant.
« Merci à toi, tu nous as sauvés, déclara Ace en s'approchant de moi.
— Je n'ai rien fait de spécial, c'est mon boulot.
— Comment t'as fait ça ?
— Fait quoi ?
— Comment t'as su qu'il y avait une tempête ? Personne n'a rien vu. Et puis ce cyclone que t'as créé avec ton arme, c'est ce qui nous a fait gagner du temps.
— Je l'ai senti, c'est tout. Le vent avait tourné et il faisait plus froid d'un coup. Et puis ça, c'est mon Climat Tact, il me permet de contrôler la météo.
— Contrôler la météo ? T'es incroyable...
— Mais non... Bon O.K., c'est vrai que je ne suis pas trop mal ! ironisai-je.
— Et c'est peu dire. Sans toi on aurait été dans de beaux draps ! » s'exclama Marco-san, soutenu par Thatch-san et toute la troupe. Barbe Blanche qui avait assisté à toute la scène posa une grande main affectueuse sur ma tête en signe de gratitude, et tous me remercièrent (et me donnèrent chacun les mille berrys qu'ils me devaient). Je savais pourtant que si je n'avais pas été là, ils s'en seraient tout de même sortis...
La nuit tombée, après avoir écrit toute cette aventure sur le journal de bord que Thatch-san m'avait généreusement offert, j'aperçus Ace regardant les étoiles sur le pont, accoudé sur le bord du bateau.
« Je peux me joindre à toi ? lui demandai-je en m'approchant.
— Avec plaisir. Tu ne dors toujours pas ?
— J'ai un peu trop dormi hier. J'essaie de rattraper le temps perdu.
— Avec moi ?
— Bien sûr, si ça avait été quelqu'un d'autre ça aurait été mieux ! »
Il rit doucement, puis se retourna et se laissa glisser sur le plancher, le dos contre le bois. Je le suivis dans son mouvement. La brise nocturne me fit frissonner, et je ramenai mes jambes contre moi.
« Tu as froid ? me demanda-t-il. Tu as le nez tout rouge.
— Un peu.
— Rapproche-toi, je vais te réchauffer. »
Avant que des idées déplacées ne se forment dans mon esprit, il fit apparaître devant moi une grande flamme dans sa main. Je collai mon épaule à son bras et me laissai adoucir par l'apaisante chaleur.
« C'était vraiment cool ce que t'as fait aujourd'hui. On ne savait pas que t'étais capable de ça. Tout le monde n'a parlé que de tes exploits ! rit-il.
— Tu exagères, ce n'était pas grand chose.
— Non, je t'ai trouvée vraiment classe. »
Il me regarda intensément. Ces yeux si profonds... Combien de fois les avait-il plongés dans les miens ? Je n'arrivais jamais à m'en détacher. Il avait le visage tout proche du mien. Nos nez n'étaient qu'à quelques centimètres et il continuait de me regarder avec cet air calmement sérieux. J'avais l'impression qu'à tout moment... on allait...
Hein ? Que... Il vient de...
« Ace ?! Tu vas bien ? »
Il venait de s'écrouler sur mon épaule et sa flamme s'était éteinte. Je commençais à paniquer, quand j'entendis un ronflement discret. Cet idiot venait de s'endormir ?!
Quelle frayeur pour rien...
Je caressai délicatement ses cheveux noirs. La douceur de ses mèches ondulées me surprit et je continuai de jouer avec entre mes doigts, quand peu à peu, je m'endormis moi aussi.
