Chapitre 4 : Numéro 13 ( ?)
Samedi 8 octobre 2005
Blaise Zabini était étendu sur le ventre. Les mains qui l'auscultaient le faisaient avec un professionnalisme qu'il avait toujours détesté mais il n'aurait changé de médicomage pour rien au monde.
-Ta blessure a l'air bien, fit la voix calme de Hermione Granger. Tu as eu mal ce mois-ci ?
-Non, le dosage était parfait.
Elle retira ses mains de son corps et nota quelque chose sur son carnet.
-Je vais renouveler tout ça, dit-elle. Tu peux te rhabiller.
Blaise se redressa et remit docilement sa chemise. Une fois rhabillé, il la regarda avec une impassibilité qu'il était loin de ressentir. Elle était toujours aussi belle et elle le resterait sûrement à jamais à ses yeux.
Elle avait été à lui dans une autre vie.
Il avait aimé son corps, caressé sa peau, embrasser ses lèvres. Elle avait été à lui...
Blaise eut un sourire amer. Il se racontait n'importe quoi, Hermione Granger ne lui avait jamais appartenu. Ils avaient été amants mais elle ne l'avait jamais regardé comme s'il était son monde. Pour cela, il aurait fallu qu'il se change en belette et fort heureusement, il n'était jamais tombé aussi bas.
Il avait collectionné les maîtresses après elle. Mais il n'en trouvait aucune qui lui arrivait à la cheville.
-J'ai appris que vous alliez bientôt vous marier, articula-t-il. Félicitations.
Ce dernier mot lui écorcha la gorge mais ça aurait été bizarre qu'il ne le dise pas. Hermione le regarda enfin dans les yeux et il eut une envie presque douloureuse de la serrer dans ses bras.
-Oui, sourit-elle. Ron m'a fait une demande complètement foireuse, rajouta-t-elle en riant et la lueur dans son regard fut sans équivoque quand elle prononça le prénom de l'autre. Mais tu sais comment il est...
Oui, il savait que Weasley était un crétin incapable de se comporter avec élégance. Il savait aussi que sa demande à lui aurait été parfaite mais que ce n'était pas ce que la femme en face de lui attendait. Non, elle voulait la maladresse, la passion, et ce grand con de Weasley.
Il se souvenait avec précision du moment où il avait compris ça. Ils étaient encore ensemble à l'époque. La guerre les avait rapprochés. Lui et la sang-de-bourbe : c'était risible. Il l'avait aimé, trouvant la paix dans ses bras alors que le monde sorcier se déchirait. Et elle...elle l'appréciait. Ce qui était déjà beaucoup compte tenu de leur passif.
Le jour où il avait enfin compris qu'il aurait - au mieux - seulement la seconde place dans le coeur de Granger, était aussi le jour où il avait reçu sa blessure dans le dos. Cette dernière restait même encore aujourd'hui moins douloureuse que son fichu coeur brisé.
Ils étaient dans une rue de Londres ce jour là, parant des attaques de Mangemorts avec plus ou moins de réussite. Il se tenait près de Granger quand ils avaient été encerclés et quand Weasley leur avait hurlé de se tirer. Weasley le détestait mais ce jour là, Blaise avait vu dans ses yeux qu'il le tuerait s'il n'emmenait pas Hermione à l'abri.
Weasley était amoureux lui aussi -déjà à Pouldard ça se voyait- mais il ne faisait rien pour essayer de conquérir Granger. Blaise en avait profité tout en le traitant d'idiot. Ce fut des années plus tard qu'il comprit que Weasley avait attendu la fin de la guerre. Il ne voulait pas l'aimer et risquer de mourir ensuite. C'était un putain de chevalier blanc, avec une mentalité bien trop pure. Y repenser avait de quoi lui filer la nausée. Weasley n'avait rien d'un preux chevalier pourtant. Ce jour là, il ressemblait plutôt à un psychopathe avide d'en découdre. Sombre et cinglé, c'était exactement ce qui se dégageait du rouquin en cet instant.
Blaise avait attrapé Hermione par la taille pour la sortir de là mais elle s'était débattue. Elle lui avait hurlé de la lâcher. Il avait failli le faire, complètement choqué de la voir péter les plombs, elle qui avait toujours la tête sur les épaules, mais il s'était repris à temps, la retenant de force. Cependant elle ne voyait que le miséreux en train de se faire attaquer, en train de se mettre en danger pour les sauver. Le type qu'elle ignorait la plupart du temps quand ils se croisaient dans la maison de Black, à présent elle tremblait pour lui. Elle se débattait pour lui.
Blaise était sur le point de les faire transplaner de force quand un sort l'avait touché dans le dos. Il s'était écroulé à genoux, transpercé par une douleur atroce. Elle s'était dégagée de son étreinte. Il ne se souvenait pas qu'elle lui ait même jeté un coup d'oeil. Il la revoyait parfaitement courir vers Weasley puis se battre à ses côtés. Elle était devenue une lionne et ce n'était pas pour lui qu'elle se battait. Il n'était que le type à terre. Condamné à ouvrir les yeux sur un amour pourtant palpable.
Près de quatre ans s'étaient écoulés mais il revoyait toujours cette scène comme si elle avait eu lieu la veille.
Il l'avait gardée quelques semaines après cette histoire puis elle l'avait quitté. Il supposait qu'elle s'était rendue compte qu'il ressentait pour elle quelque chose de sérieux et elle ne voulait pas le blesser. Ou alors c'était Weasley qu'elle ne voulait plus blesser.
Ces deux-là avaient passé encore pas mal de temps à jouer au jeu du chat et de la souris et aujourd'hui ils allaient se marier.
La vie était quand même une belle conasse parfois.
-Comment va Lupin ? demanda-t-il plus pour accaparer encore un peu l'attention de Granger que par réelle envie de connaître l'état de santé de l'ancien professeur de Défense Contre les Forces du Mal.
-Mieux, répondit Hermione. Ses blessures se cicatrisent bien. A présent, il faut qu'il se réveille.
-Il le fera, reprit Blaise d'un ton confiant. C'est un battant.
C'était une phrase cliché mais Granger sembla apprécier. Cependant son sourire se figea bien vite et elle fronça les sourcils.
-Dis-moi. Tu es toujours l'avocat de Draco Malfoy ?
Blaise haussa les sourcils, surpris qu'elle parle de lui. Personne ne lui parlait jamais de Draco Malfoy, à part peut-être Lucius.
-Oui. Je l'ai vu dimanche dernier d'ailleurs.
Elle eut l'air étonné.
-Tu le vois souvent ? demanda-t-elle. Toutes les semaines ?
Blaise secoua la tête, de plus en plus intrigué par cette conversation.
-Non. Les prisonniers ont droit à une seule visite par mois, sauf cas de force majeure.
Il ne rajouta pas que c'était un cas de force majeure qui l'avait amené à voir le blond. Personne n'avait besoin de savoir que Avery avait déposé plainte contre lui.
-Comment était-il ?
Cette question n'était pas logique. « Comment allait-il ? » à la rigueur et encore, en quoi cela intéressait Granger ?
Blaise décida cependant de répondre à sa question, juste pour voir ce qu'elle allait faire de ses informations.
-Il était plutôt mécontent à cause d'un nouveau codétenu envahissant. Et il avait l'air fatigué aussi. Mais à Azkaban tout le monde a cet air-là.
Granger hocha lentement la tête.
-Est-ce qu'il a l'air d'être bien traité ? questionna-t-elle encore. Je veux dire ... je sais que Azkaban a changé, que ce n'est plus aussi horrible qu'avant mais j'ai entendu dire que ça restait très dur.
Blaise fronça les sourcils. Depuis quand Granger s'inquiétait-elle pour Draco ? Il décida d'être franc avec elle.
-Avant la guerre, Azkaban rendait la plupart des gens fous. Les plus fragiles mouraient vite. Aujourd'hui, le système est plus équitable : ils meurent quand même, mais tous à petit feu.
Granger hocha la tête et lui sourit à nouveau mais son sourire était forcé.
-Je dois te laisser, dit-elle très vite, j'ai des paperasses à faire et ... à plus tard.
Il la regarda partir sans faire un geste pour la retenir, se demandant pourquoi elle avait l'air si bouleversée.
Hermione entra dans son bureau en trombe. Une fois confinée, elle shoota dans sa chaise qui se renversa bruyamment et se mit à insulter le vide.
Que Harry fasse l'idiot avec sa vie, passe encore - il semblait ne savoir faire que ça - ! Mais Ronald Weasley avait intérêt à faire attention à lui !
Elle se traita aussi de tous les noms. Elle aurait dû se montrer plus persuasive. Ron aurait peut-être fini par entendre raison...
Non, il y serait quand même allé. Et c'était pour cette raison aussi qu'elle l'avait laissé faire : ils s'inquiétaient tous les deux pour Harry.
-Fichus Aurors ! grogna-t-elle encore.
Puis elle se força à se calmer, ramassa sa chaise et se vautra dessus. Pas très élégant de la part du plus prometteur des médecins sorciers de ce siècle mais à cet instant elle s'en moquait.
Harry et Ron étaient ensemble maintenant.
Ils allaient faire attention l'un à l'autre.
Et ça irait.
Et peut-être que si elle se répétait cette phrase assez souvent, alors ça irait vraiment. En attendant elle devait prendre sur elle. Elle n'aimait pas ça. Fichus Aurors.
°O°O°O°O°
Ron Weasley observa sans rien dire Lestrange donner une PPM à Goyle Senior. L'homme, les mains tremblantes, goba la pastille presque immédiatement avant de lancer un regard infiniment reconnaissant à son ami. Ron pensa immanquablement au fils du mangemort. Gregory Goyle qui était mort pendant la guerre et qui regardait souvent Malfoy de cette façon, comme s'il était une sorte de Dieu vivant.
Lestrange posa ses yeux sombres sur lui.
-En voulez-vous? lui demanda-t-il comme s'il lui proposait des petits fours et non de la magie en capsule.
Ron n'eut pas vraiment de mal à avoir l'air dégoûté.
-La drogue c'est bon pour les faibles, dit-il.
Lestrange eut un sourire en coin et fit signe à Greyback de ne pas intervenir avant d'avaler à son tour une Pastille de Poussière de Magie.
-Vous ne direz pas la même chose dans quelques semaines, répondit-il. Et je ne serai peut-être pas aussi généreux.
Il eut un léger frisson alors que la magie voyageait dans son corps et ses pupilles se dilatèrent assombrissant encore plus son regard.
-Price arrive ! annonça Yaxley qui faisait le guet.
-C'est bon, on a terminé, murmura Lestrange.
Cinq secondes plus tard, le gardien venait vers eux.
-A quoi vous jouez dans votre coin ? demanda-t-il en dévisageant plus particulièrement Lestrange. Je croyais vous avoir déjà dit que je voulais toujours vous avoir en visuel.
-On discutait, c'est tout, balbutia Pettigrow.
Price fronça les sourcils.
-Allez discuter ailleurs que devant les toilettes ! ordonna-t-il. Je ne veux plus vous voir traîner dans ce coin, c'est clair ?
-Et si on veut pisser ? demanda Greyback. On le fait sur vos pompes ? Moi j'adorerais marquer mon territoire. Ma pisse chaude ne demande que ça.
-La ferme Greyback, grogna Price. Et toi Lestrange, tiens donc ton chien en laisse. La pleine lune n'est pas encore assez proche pour que j'ai à supporter ce genre d'attitude.
-Oui Monsieur, susurra le veuf de Bellatrix tout en passant devant le gardien, mais ce n'est pas un chien. C'est un loup.
Comme pour appuyer ces dires, Greyback dévoila un rictus carnassier. Ron se rappela que c'était le seul du groupe à ne pas avoir pris de PPM. Il était aussi le seul de toute cette fichue prison à avoir l'air de se porter comme un charme.
Ce n'était pas trop difficile à comprendre pourquoi. Fenrir était une créature magique. Les autres détenus étaient en manque de la magie mais pas lui. Il allait tous les enterrer et Lestrange avait en effet raison de l'avoir à sa botte. C'était un allié de poids.
Il manquait heureusement au loup garou le discernement acéré de Lestrange. Greyback contrairement à Remus, avait décidé de se fier la plupart du temps à ses pulsions animales plutôt qu'à son humanité. Son intelligence était instinctive, pas assez travaillée pour être une menace dans une optique de planification d'attaques. Ron ne voyait que Lestrange ou Malfoy dans les anciens Mangemorts capables d'organiser les assauts à l'extérieur sans bouger d'Azkaban.
Restait à savoir comment.
Il fallait aussi qu'il prévienne Harry qu'il était là. A deux, ils iraient plus vite. Et ils sortiraient enfin de cet enfer.
Ron n'était là que depuis trois jours et il n'en pouvait déjà plus. Azkaban lui faisait l'effet d'un lieu qui n'existait pas vraiment - ou plutôt qui n'aurait dû jamais exister -. C'était comme si l'île venait tout droit d'une autre dimension. Et pas d'une dimension sympathique, plutôt d'un endroit où les plantes crèvent et où des démons se bouffent entre eux.
C'était comme pénétrer dans un cauchemar, sauf qu'ici tout était réel. Les lois n'étaient pas les mêmes à Azkaban. L'atmosphère y était malsaine. Même les murs semblaient suinter de choses mauvaises et lugubres.
Ron avait dû lécher les godasses d'un gardien lors de son premier soir.
Comme toujours quand il y repensait, il se sentait à la fois haineux et honteux. Et il avait envie de gerber.
Il avait aussi envie d'aller retrouver le gardien et de lui éclater la tête contre le sol.
Il fallait vraiment qu'il parle à Harry. Qu'il lui dise de garder cet épisode pour lui.
Personne ne devait jamais savoir.
°O°O°O°
Harry était en train de regarder la gazette du sorcier de la veille, pâlissant à vue d'oeil.
La photo magique était on ne peut plus explicite : Harry Potter était en train de danser le menuet à un bal donné au ministère.
L'article relatait que c'était le héros lui-même qui avait demandé ce genre de musique. Harry se demanda ce qui était passé par la tête de Ron.
Quand Malfoy avait eu le journal sous les yeux, Harry l'avait vu hausser un sourcil amusé -traduire par : il était intérieurement mort de rire et en train de se foutre de sa gueule -.
Harry cessa de lire lorsque quelqu'un s'assit sur le muret à côté de lui. Il crut d'abord que c'était Djih mais quand il se retourna, il n'eut aucun mal à reconnaître le nouveau.
Et pour tout dire, le numéro treize était encore plus beau de près.
Harry se demanda quand même ce qu'il faisait là. D'habitude, il traînait avec son codétenu, mais Lestrange et ses amis n'étaient pas en vue.
-Harry, murmura le numéro 13 en prenant le journal qu'il venait de poser, c'est moi. Ron.
L'Auror qui avait senti son coeur manquer un battement en entendant son prénom, tourna si brusquement la tête vers le prisonnier qu'il entendit les os de sa nuque craquer.
-Je ne connais pas de Ron, répondit-il. Et je ne m'appelle pas Harry.
-Les jumeaux m'ont créé un bracelet aussi, reprit le numéro 13 toujours derrière son journal, je ne pouvais pas te laisser seul ici.
Harry poussa un soupire agacé. Il était évident que ce mec était Ron.
-Tu aurais dû rester dehors, dit-il entre ses dents. Cet endroit est dangereux.
-On est coéquipier ou pas ? demanda Ron.
Et en posant cette question, il savait qu'il venait de gagner.
-C'est ma mission, siffla Harry tout de même. Hermione doit être furieuse. Merde, pourquoi faut-il toujours que tu te mettes en danger ? Et pourquoi t'as cette apparence ?
-Je te plais ? demanda Ron et il y avait de l'humour dans cette voix qui n'était pas la sienne.
Harry eut un petit rire. Il ne pouvait pas s'en empêcher, savoir que Ron était ici avec lui, c'était comme si on lui amenait un bol d'air pur après avoir passé des journées à respirer des relents putrides.
-Non, mentit Harry pour ne pas risquer de le mettre mal à l'aise. Mais je m'étonne que tes frères t'aient fait aussi beau.
-Ils en étaient dégoûtés, sourit Ron. Mais que veux-tu, c'est ma nature d'être torride !
Harry leva les yeux au ciel.
-Ta nature c'est d'être un grand comique, répondit-il. Mince Ron ... Je suis content que tu sois là.
Il y eut un silence et Harry rajouta : « Crocker paiera pour ce qu'il t'a fait » parce que c'était la vraie chose importante qui devait être dite entre eux à cet instant. La mission pouvait encore attendre. Pas cette phrase.
-Je sais, murmura enfin Ron. On y arrivera tous les deux Harry. Mais ils ne vont pas tarder à revenir et je ne dois pas parler avec toi. Officiellement, je suis un petit con allergique aux moldus, aux sorciers sédentaires et à plein d'autres choses. En gros, je n'aime que les miens.
-A ce propos, jolie imitation de Malfoy, dit Harry bien décidé à alléger l'atmosphère.
Son ami renifla dédaigneusement.
-Tu croyais quoi Harrison ? demanda-il d'un ton traînant. Je suis le meilleur.
Harry ne sourit pas à cette parodie car une horrible pensée venait de lui traverser l'esprit.
-Ron, articula-t-il lentement. Si tu es ici ...Qui se fait passer pour moi dans les journaux ?
-Bon, je vais y aller, répondit son meilleur ami un peu trop précipitamment.
-Weasley, gronda Harry. A qui as-tu filé mon foutu Polynectar ?!
-Écoute Harry. Je n'ai pas eu le choix. C'était leur condition pour me faire un bracelet...
-Non, t'as pas fait ça ? Cette fois, la voix de Harry montait dans les aigus. Pas tes frères ?
-Désolé vieux.
-Le menuet Ron ! siffla Harry dangereusement.
Son meilleur ami n'avait même pas l'air vraiment désolé, bon sang ! En tous cas pas assez aux yeux de Harry.
-Je dois y aller. On en reparlera.
-Le menuet ! répéta Harry. Et ce n'est que le début !
Ron, ou plutôt Shandor De Lucia, grimaça et il était toujours aussi beau même ainsi. La vie était injuste. Harry le regarda partir, n'arrivant toujours pas à croire que sa vie publique soit à présent entre les mains de Fred et George Weasley.
Ses yeux se posèrent à nouveau sur la Gazette, que Ron avait laissée, et plus particulièrement sur cette image de lui en train de danser.
Il secoua la tête et détourna le regard.
N'empêche, son coeur était plus léger. Ron était là. Et dehors deux idiots devaient bien se marrer.
Ce n'était pas si mal.
°O°O°O°O°
Ce soir là les gardiens les rassemblèrent. Harry jeta des coups d'oeil aux autres pour savoir de quoi il retournait mais ils avaient l'air aussi circonspect que lui.
Il se trouva entre McLeod et le numéro 130, un type qui bossait en cuisine avec Lestrange. Il repéra Ron avec le groupe des anciens Mangemorts - sa couverture était décidément bien plus efficace que la sienne -. Il ne vit pas Malfoy par contre, mais Louis Djih quelques mètres devant lui fit un petit signe de main.
-T'es pote avec ce type, hein ? murmura McLeod.
-Jaloux Duncan ? railla Harry en souriant de toutes ses dents.
-C'est un sang-de-bourbe, renifla le numéro 81.
-Pourquoi es-tu ici ? demanda Harry qui ne voulait surtout pas entrer dans ce débat.
La question sembla prendre l'Irlandais au dépourvu. Avec son accent il lui rappelait Seamus mais c'était bien le seul point commun entre les deux hommes. Harry avait hâte de revoir ses amis. Même Neville qui traînait bien trop dans l'allée des embrumes lui manquait. A Azkaban, une semaine vous paraissait durer un mois.
-Je suis là pour trafic de stupéfiants, marmonna McLeod. Mais je suis innocent, j'ai été piégé par un juge véreux.
Harry essaya de ne pas sourire. Cette déclaration d'innocence était ridicule quand tout le monde savait ici que McLeod était celui qui procurait des PPM aux prisonniers qui avait de quoi payer. Ce type fournissait presque n'importe quoi si on y mettait le prix. Harry ne savait pas comment il se débrouillait - et il n'était pas là pour enquêter sur McLeod - mais c'était comme ça.
-C'est fou, répondit Harry. Dès que je pose cette question je ne tombe que sur des gens non coupables. La justice est vraiment mal faite.
McLeod lui jeta un regard peu amène et le gardien - un grand noir qui s'appelait José Finn-Lange - réclama le silence.
Puis il se lança un Sonorus et l'attention des prisonniers fut rivée sur l'homme et sur la magie qui émana encore quelques secondes autour de lui.
Dès qu'un gardien lançait un sort, ils devenaient tous comme des chiens limiers qui auraient reniflé une piste. Djih avait expliqué à Harry que le gardien pourrait tout aussi bien leur agiter des photos de femmes à poil sous leur nez au lieu de jeter un sort. Ça attirait leur intérêt de la même façon. Puisqu'ils étaient sevrés à la fois des femmes et de la magie. Et plus le sort était puissant, plus l'effet agissait sur les prisonniers.
Harry ne ressentait pas de manque. Cela faisait dix jours qu'il n'utilisait plus sa baguette mais il savait qu'il pouvait toujours y avoir recours. Lui n'avait aucune force extérieure qui obstruait toute magie en lui.
-Bouclez là une minute ! ordonna Finn-Lange aux détenus et sa voix magiquement amplifiée résonna dans toute la salle. Bien, cette année encore, le 29 octobre, vous ne travaillerez pas, par contre contrairement à l'année dernière, les visites ne seront pas autorisées.
Il y eut des grognements et des insultes furent sifflées entre les dents. Le gardien haussa un sourcil.
-Estimez-vous déjà heureux d'avoir un jour de congé, lâcha-t-il.
Il leur fit signe d'aller voir ailleurs et fit cesser le sort sur sa voix.
Quand Harry passa devant lui, le gardien l'attrapa par le bras mais ne prit même pas la peine de le regarder dans les yeux.
-Quarante-Deux, commença-t-il d'une voix laconique, à partir de lundi, tu changes de travail. Tu iras en cuisine avec le groupe F. Ordre du directeur.
Harry hocha la tête et l'homme lâcha son bras. Il allait enfin pouvoir s'approcher de Lestrange.
-Félicitation Sean, fit Djih en lui donnant une tape sur l'épaule, le faisant sursauter. Depuis huit ans que je suis là, c'est la première fois que je vois quelqu'un passer aussi vite du groupe A au groupe F. T'es un sacré veinard !
-Oui j'imagine, répondit Harry en fronçant les sourcils.
Il n'avait pas vu l'homme approcher et cela l'agaçait. Il avait l'impression que dans cet endroit ses capacités s'émoussaient. Il n'avait pas avancé d'un pouce dans son enquête depuis dix jours qu'il était là. Malfoy ne parlait pas.
Harry était habitué à l'action dans son travail. Dans sa vie en général d'ailleurs, depuis qu'il avait mis les pieds à Poudlard.
Ici, il piétinait. A Azkaban, on n'avait pas le droit à l'erreur. Alors pour le moment, Harry devait se contenter de ne pas merder et de ne pas faire de vagues. Il avait horreur de ça.
°O°O°O°O°
Lundi 10 octobre 2005
Les détenus avançaient déjà en file indienne pour le repas. Ce premier jour en cuisine avait été plutôt une réussite. Lestrange ne lui avait même pas demandé pourquoi il avait eu cette « promotion » inattendue. Et ils avaient passé la matinée à parler du vol de la banque de Gringotts. Apparemment il était très intéressé par l'exploit de Sean Harrison.
Il était le seul ancien Mangemort en cuisine. La direction de la prison avait sciemment séparé les fidèles de Voldemort pour ce qui concernait le travail. C'était déjà ça de gagné.
Pourtant, même ici, Lestrange était visiblement le chef du groupe. Tout comme Greyback l'était pour le groupe A. Harry se demanda ce qu'il en était des autres et à quel point les Mangemorts avaient de l'influence sur les autres prisonniers.
-Prêts ? demanda Lestrange alors que les premiers hommes affamés arrivaient vers eux.
Le Mangemort retroussa ses manches, dévoilant la marque des Ténèbres. Harry hocha la tête, incapable de lâcher des yeux le hideux tatouage. L'oncle de Malfoy leva sur lui un regard curieux.
- Ça a fait mal ? demanda Harry en désignant du menton l'avant-bras de Lestrange.
-La souffrance faisait partie du rituel, répondit Lestrange. La douleur a duré plusieurs jours. Et dès que le Maître nous
appelait, elle revenait. A présent, ce n'est plus qu'un simple tatouage.
-Vous ne souffrez plus au moins, commenta Harry.
-C'était un honneur de souffrir pour lui. Au travail à présent Monsieur Harrison. Les hommes avec le ventre vide sont de vrais sauvages. Et la barbarie n'a d'intérêt que si elle est appliquée sur des moldus ou des sangs-de-bourbe, vous ne trouvez pas ?
-Je ne sais pas, je n'ai jamais pratiqué, répondit Harry.
Cela fit rire Lestrange et Harry détesta ce rire : froid et cynique. Il aurait voulu le faire taire mais il résonna encore un long moment dans ses oreilles.
L'Auror avait peut être servi cinquante détenus à coup de louches de purée de pois quand Omura, le préposé aux yaourts lui donna un coup de coude.
-Malfoy arrive ! lui dit-il. Crache dans son plat.
-Pardon ?
-C'est comme ça qu'on fait pour ce planqué.
Harry fronça les sourcils.
-Je ne ferai pas ça, dit-il.
-Allons Monsieur Harrison, fit Lestrange dans son dos. C'est un rituel, là aussi. Ne vous en faites pas, mon neveu est au courant. Et il mange quand même, je pense que ça doit mettre du goût à son plat.
-Je ne ferai pas ça, répéta Harry en serrant les dents.
-Dans ce cas, on peut passer à l'étape suivante, murmura le Mangemort. Ça fait plusieurs fois que Smith me demande s'il peut se branler sur son repas.
-Vous êtes dégueulasses, siffla Harry, la main crispée sur sa louche.
-Je me demande si Draco le mangera quand même ? continua Lestrange sur le ton de la conversation. D'après ce que j'en sais, ce ne serait pas la première fois qu'il avalera du foutre. Qui sait, il va peut-être adorer ça, n'est ce pas Smith ?
-Moi j'adorerais voir ça en tous cas, répondit Smith égrillard. Allez Quarante-deux, n'ai pas de pitié pour ce type. C'est un pourri. Crache un bon coup dans son plat, tu verras, ça défoule !
Ces mecs sont cinglés, pensa Harry soudainement nauséeux.
-Alors ? s'éleva dans son dos la voix de Lestrange mortellement sérieuse. Que faisons-nous ?
-Je vais le faire, grinça Harry entre ses dents.
Smith - le branleur fou - le félicita de sa décision en lui ébouriffant les cheveux et Omura lui donna un nouveau coup de coude. Youpi, il faisait à présent partie de la grande famille des enflures !
Résigné, il regarda Malfoy approcher. Ce dernier haussa un sourcil étonné en le voyant derrière les fourneaux mais ne fit aucun commentaire.
-Bon appétit Draco, fit Lestrange en posant une pomme sur son plateau.
-Merci, répondit le blond d'une voix égale.
Harry cracha dans la purée de Malfoy. L'ancien serpentard ne sourcilla même pas et se contenta de poser ses yeux gris sur lui.
-Merci, dit-il à nouveau quand Harry lui donna son assiette.
L'Auror le regarda partir, se sentant comme le pire des minables. Comment Malfoy faisait-il pour supporter de se faire diminuer ainsi jour après jour ? Ça restait un mystère pour Harry mais il l'admirait pour ça. Sauf que ressentir de l'admiration pour Malfoy n'était pas prévu au programme.
Harry pensa aux personnes que Malfoy avait tué et torturé et son admiration fondit comme neige au soleil, emportant ses remords dans la foulée. Un peu de salive dans sa nourriture n'était finalement pas cher payé pour ce qu'il avait fait.
°O°O°O°
-Je suis désolé.
Draco qui sortait des toilettes, se lava les mains. Harry en fit autant.
-Je ne savais pas que tu étais aux cuisines, répondit Malfoy ne relevant pas les excuses de l'Auror. Tu as fait comment pour atterrir là si vite ?
Harry haussa les épaules.
-Je n'en sais rien. Je pense qu'ils ont dû se planter quelque part dans les bureaux, mais je ne vais pas me plaindre.
Malfoy hocha la tête et un coin de sa bouche se releva dans un sourire narquois, dévoilant des dents blanches.
-C'est évident. Alors il te plaît ce boulot ?
-C'est mieux que de bosser dans le groupe A, répondit Harry prudemment. Au moins on est au chaud et on s'abîme moins les mains.
Qu'est ce qu'il prenait à Malfoy d'être aussi aimable avec lui ? Harry avait présenté ses excuses pour revenir dans ses petits papiers - enfin autant que faire se peut - mais il ne s'attendait pas à ce que le blond lui accorde autant d'intérêt.
-Dis-moi Quarante-deux. Tu étais à Poudlard à ce qu'on m'a dit ?
-Oui, maison des Serdaigles.
Malfoy eut un signe de tête qui ne semblait rien vouloir dire de particulier mais que Harry connaissait bien. Il lui avait toujours trouvé une certaine élégance quand il faisait ce geste. C'était à mi-chemin entre un acquiescement et une forme de condescendance. Cette fois ci encore, Harry fut un instant fasciné -juste par un foutu mouvement de tête !-.
-Je ne me souviens pas de toi, dit-il.
-Je suis plus âgé, répondit Harry. Je devais déjà être parti quand tu as intégré l'école. Je ne me souviens pas de toi non plus.
-Je dois retourner à la bibliothèque, murmura l'ancien serpentard.
Harry l'attrapa par le poignet et Malfoy le fusilla du regard.
-Je suis désolé d'avoir craché dans ta purée, répéta Harry. Ils ne m'ont pas laissé le choix.
Le blond plissa les yeux et se dégagea brusquement.
-Je me moque de ça, grinça-t-il. Ne t'en fais pas, je ne vais pas venir t'étrangler dans ton sommeil alors arrête de t'excuser. Tu recommenceras cette merde demain et tous les autres jours.
-Pourquoi ne dis-tu rien aux gardiens ? demanda Harry.
-Par Salazar, je n'y avais pas pensé ! s'exclama Malfoy. Heureusement que tu es là Quarante-deux ! Je vais de ce pas écrire une lettre au directeur...Non, au Ministre ! Je suis persuadé qu'il va faire le nécessaire pour me venir en aide et que ma vie va être belle et paisible après ça. Vraiment merci mille fois !
-Tu n'es pas obligé d'être aussi cynique, siffla l'ancien gryffondor.
Malfoy ne prit même pas la peine de répondre et quitta les toilettes.
Après un instant, Harry sortit à son tour.
Dans la cour les prisonniers formaient des petits groupes et la fumée de leurs cigarettes moldues s'élevait dans les airs.
C'était bien la seule chose qui s'échappait d'Azkaban et l'ancien gryffondor aurait bien aimé pouvoir partir avec elle. Il frissonna, il faisait de plus en plus froid. Les bâtiments étaient chauffés et plutôt bien, mais personne n'avait semble-t-il songé à donner des pulls aux prisonniers.
Ce soir-là, juste après le souper, Harry se vit sur la gazette du Sorcier en train de faire des oreilles d'âne au Ministre de la Magie sur la photo officielle sensée les représenter en train de se rendre au monument aux morts. Il allait tuer les jumeaux. Ça lui faisait une nouvelle motivation pour finir cette mission au plus vite.
Le journal avait déjà fait le tour de leur bâtiment et les réactions étaient moqueuses ou incrédules. Il en avait entendu plus d'un dire que l'Elu était en train de devenir cinglé. Harry chercha des yeux Malfoy pour voir sa réaction mais quand il le trouva, le blond n'avait l'air ni amusé, ni étonné.
Son visage était livide et il fixait quelque chose au fond de la salle.
Harry se retourna et plissa les yeux. Un prisonnier roux, d'une quarantaine d'années, qui portait une queue de cheval basse, se tenait dans l'encadrement de la porte. Il semblait lui aussi chercher quelqu'un des yeux. Harry le vit esquisser un sourire inquiétant quand son regard s'arrêta finalement sur Malfoy.
Les deux hommes se fixèrent un long moment puis Malfoy baissa les yeux le premier et cacha ses mains sous la table.
Pas assez vite cependant, Harry avait eu le temps de les voir trembler.
Le nouveau venu eut l'air satisfait et ne fit plus attention à lui. Il se dirigea d'un pas tranquille vers Lestrange et sa bande.
Harry fronça les sourcils.
Avery venait de faire son apparition.
A suivre...
