Chapitre 6 : De crocs et de plumes.

-Harry ? Tu m'écoutes ?

Harry sursauta, pris en flagrant délit. Trop tard, Ginny venait de voir ce qui l'avait tant captivé.

Malfoy et sa mère venaient d'entrer dans le salon de Thé où Ginny et lui avaient décidé de se poser après avoir vaillamment affronté les magasins bondés des fêtes de Noël. Il fut un peu choqué de voir les yeux de la rouquine s'attarder plus que nécessaire sur la silhouette de l'ancien Serpentard.

-Et bien, commenta-t-elle, amusée, en détournant enfin le regard, Malfoy avait déjà du potentiel du temps de Poudlard mais il semblerait qu'il soit devenu physiquement très intelligent. Maintenant la question à cent gallions : Est-ce toujours un connard de premier ordre ?

-Il reste assez bien classé, répondit Harry évasivement.

Plusieurs sensations étaient en train de polluer l'ancien Gryffondor et il était bien trop occupé à essayer de les juguler pour parvenir à insulter le blond correctement. Le sang lui battait aux tempes et il se sentait ridiculement étourdi, simplement parce que Malfoy était là. En même temps, il n'appréciait pas que Ginny trouve l'ancien Serpentard physiquement à son goût. Il dut se retenir de l'informer que Malfoy était gay - et qu'il l'avait baisé encore et encore les trois dernières nuits qu'ils avaient passées à BeauxBâtons.

Cette crise de possessivité ne lui ressemblait pas et n'avait pas lieu d'être. S'il réagissait aussi bizarrement, c'était probablement dû à l'effet de surprise.

Bien qu'ils n'en aient pas parlé ensemble, Harry avait soupçonné que l'ancien Serpentard passerait ses vacances de Noël en Angleterre avec sa mère mais il ne s'était pas attendu à le voir débarquer tout d'un coup devant lui. Il ne put s'empêcher de le regarder à nouveau. En parfait gentleman Malfoy était en train d'avancer une chaise pour Narcissa. Le blond ne l'avait pas remarqué. Rien d'étonnant, Ginny et lui se trouvaient dans un coin en retrait. Ils choisissaient toujours cette table pour éviter d'être importunés.

-Comment ça se passe avec lui ? demanda Ginny. Ron m'a dit qu'il s'était plutôt bien comporté lors de la première épreuve.

-Il est - incroyablement chaud - mieux qu'à Poudlard, je suppose, répondit-il en haussant les épaules. Il a grandi. Comme nous tous.

Ginny posa son regard brun sur lui.

-Tu es bien évasif, commenta-t-elle en mettant ses deux mains sous son menton.

-Peut-être parce que je n'ai pas spécialement envie de parler de lui, répondit Harry, mais ça ne sembla pas satisfaire la jeune femme qui fronça les sourcils.

Et comme il ne voulait surtout pas qu'elle devine qu'ils avaient couché ensemble, il décida d'étoffer un peu son exposé sur Malfoy.

-Je ne sais pas trop quoi penser de lui en réalité, soupira-t-il. D'un côté c'est un bon professeur, attentionné avec ses élèves, et de l'autre, il reste persuadé que la Magie Noire a besoin d'être étudiée.

-Peut-être n'est-ce pas une si mauvaise chose, répondit Ginny avec hésitation.

Harry la fusilla du regard et elle leva les mains en signe de paix.

-OK, dit-elle, on ne débat pas là-dessus. Pas ce soir.

Harry hocha la tête un peu sèchement avant de faire dévier le sujet sur la saison de Quidditch. Mais son attention revint rapidement sur la table des Malfoy. Cela ne faisait que trois jours qu'il était revenu en Angleterre et il s'était, à son grand désappointement, rapidement rendu compte du manque qu'il avait du blond - de son corps indécent plus précisément -.

Et le savoir si proche sans pouvoir le toucher commençait à le rendre inconfortable. Il essaya de se concentrer sur ce que disait Ginny mais échoua lamentablement.

-Et si on rentrait ? proposa-t-elle enfin. Je n'en peux plus de toute cette foule.

Harry se tendit. Pour parvenir à la Cheminette du Salon de Thé, ils allaient devoir passer devant Malfoy et sa mère. Et c'était totalement ridicule d'être anxieux à cette idée. Malfoy ne l'impressionnait pas.

-Oui, répondit-il en posant l'argent sur la table. Allons-y.

Ginny remit son écharpe et enfonça son bonnet coloré sur sa tête. Ça lui donnait l'allure d'une adolescente ce qui fit sourire Harry, mais ça avait été très pratique dans les magasins. Les sorciers, trop occupés par leur propre préparation des fêtes de fin d'année, n'avaient pas remarqué qu'il s'agissait de la célèbre poursuiveuse des Harpies. Harry attrapa leurs paquets mais renonça à remettre son bonnet et la grande échappe qui lui mangeait habituellement la moitié du visage. Il voulait que Malfoy le reconnaisse quand il passerait devant lui. Alors il les saluerait, lui et sa mère, d'un bref signe de tête et continuerait son chemin. Distant mais poli. Parfait pour cette situation.

Il suivit Ginny, les mains un peu moites, se demandant s'il n'aurait pas dû vérifier l'état de ses cheveux. Il grimaça tout de suite après avoir eu cette pensée. Si la rouquine avait l'allure d'une adolescente, lui en avait le comportement.

-T'as quand même pas craché dedans ? demanda un des serveurs alors que Harry passait près du bar.

Il jeta un bref coup d'oeil à la porte entrouverte qui menait à la cuisine. La seconde personne répondit par un ricanement et la porte se referma sur eux, empêchant Harry d'en entendre davantage. Il fronça les sourcils et remarqua finalement l'ambiance morose du Salon du Thé. La plupart des clients ne souriaient plus. Certains d'entre eux regardaient ouvertement les Malfoy sans cacher leur aversion.

-Comment osent-ils s'asseoir ici ? murmurait un vieil homme sur la gauche de Harry.

-... dit qu'il était le disciple favori de Vous-Savez-Qui, entendit-il chuchoter un peu plus loin.

Harry continua d'avancer sans se rendre compte qu'il serrait à présent les anses de ses sacs à s'en faire mal.

Toujours aussi belle et distinguée, Narcissa Malfoy restait impassible comme si elle ne se rendait pas compte qu'elle et son fils étaient considérés comme des pestiférés. Mais Malfoy, la mâchoire serrée, fixait froidement ceux qui tentaient de soutenir son regard. Il semblait sur le point de jeter des maléfices à la moindre provocation.

« Parce que tu crois que la société sorcière anglaise va m'accueillir les bras ouverts ? Ouvre les yeux, Potter, je suis un paria. »

Malfoy lui avait dit ça il n'y avait pas si longtemps. Et Harry se rendait compte de ce que cela signifiait. Il se demanda si cela se passait toujours de cette façon dès qu'il mettait un pied dehors. Il avait envie de s'asseoir à côté de Malfoy, de frotter son nez contre sa nuque pâle et sensible et de lui murmurer que ce n'était pas grave. De le voir se détendre contre lui et de sentir le poids de son bras qui viendrait entourer ses épaules.

Harry se secoua. C'étaient des pensées qu'il ne pouvait pas avoir. Pas pour Malfoy. Il attrapa Ginny par son manteau, elle se tourna vers lui d'un air interrogateur.

-Rentre chez Ron et Hermione sans moi, lui dit-il. J'ai quelque chose à dire à Malfoy. A propos d'un élève.

C'était une excuse bidon et il se demanda si Ginny s'en rendait compte.

-Maintenant ? dit-elle en plissant les yeux. Ça ne peut pas attendre après les vacances ?

Harry haussa les épaules et lui fit un sourire rassurant.

-Je ne serai pas long, dit-il en espérant qu'elle n'allait pas essayer de rester avec lui.

Mais elle semblait avoir compris qu'il voulait qu'elle s'en aille car elle n'insista pas. Cependant Harry sentait qu'il allait lui devoir des explications une fois rentré.

Malfoy ne le remarqua que lorsqu'il fut à deux tables de la sienne. Ses yeux s'écarquillèrent légèrement et son corps se tendit imperceptiblement. Merde, il était encore plus beau de près, même avec son air acculé et hostile. Harry le savait pourtant. Il aurait dû être moins sensible à son charme à présent qu'il avait satisfait ses bas instincts avec lui mais en réalité c'était encore pire. Parce que maintenant, il savait qu'il avait de bonnes raisons de fantasmer sur les lèvres de l'ancien Serpentard.

Il savait que ses yeux devenaient sombres et brillants, que son souffle se coupait et que tout son corps était aussi tendu qu'une corde sur le point de se rompre quand il jouissait. Que son cul était toujours aussi étroit mais chaud et accueillant comme s'il avait été fait juste pour la bite de Harry. Il savait que Malfoy essayait de retenir ses gémissements parce que c'était plus pratique de ne pas montrer à quel point il aimait ça. Harry connaissait le goût de sa bouche. Le goût de sa peau. Le goût de son sperme. Et il aimait. Tout.

Il ferma brièvement les yeux, se rendant compte qu'il ne voulait plus seulement que les clients du Salon de Thé le voient parler avec les Malfoy. Il voulait revoir Malfoy et avant la rentrée.

-Bonsoir Madame Malfoy. Malfoy, dit-il en leur souriant une fois qu'il fut devant leur table.

Narcissa Malfoy leva les yeux vers lui et lui rendit son salut d'une voix calme. Si elle était surprise par sa brusque apparition, elle n'en montra rien. Malfoy quant à lui paraissait encore plus sur ses gardes, bien que son regard s'attardât sur le corps de Harry. Même si c'était plutôt un bon point, Harry n'avait pas besoin de ça en ce moment. Avoir une érection devant une assemblée d'inconnus et Narcissa Malfoy était à proscrire.

-Potter, répondit Malfoy en hochant vaguement la tête et il détourna sagement ses yeux sur son thé.

Harry avait conscience que le Salon de Thé était devenu étrangement silencieux à présent. Il se rendit aussi compte qu'il ne pouvait pas inviter Malfoy chez lui sans inviter Narcissa. Que ce serait de la plus grande impolitesse. Enfin il supposait. Il n'avait aucune idée de ce que les vieilles familles de Sang-Pur considéraient comme respectueux ou pas.

Il savait juste qu'il lui fallait une excuse pour que les Malfoy viennent au square Grimmauld.

-Monsieur Potter, comment allez-vous ? demanda Narcissa, les sortant de ce silence gênant.

C'était étrange de se retrouver face à la femme qui lui avait sauvé la vie. Harry ne l'avait jamais remercié. Il avait voulu le faire plusieurs fois mais il n'avait jamais su comment s'y prendre. Il ne pouvait que constater qu'elle était restée belle, même si elle semblait plus émaciée que dans ses souvenirs. Harry avait toujours trouvé que Malfoy ressemblait beaucoup à son père mais à présent qu'il était plus âgé, on voyait qu'il possédait aussi les traits plus délicats des Black.

-Très bien et vous ?

-A merveille. Avez-vous terminé vos emplettes de Noël ?

Harry remarqua la réponse brève et le rapide changement de sujet mais n'insista pas. Il supposait que c'était normal de ne pas aller très bien au milieu d'une foule hostile. Il souleva ses sacs.

-Oui, je crois que j'ai tout. Je...J'ai fait du tri au square Grimmauld, inventa-t-il à l'intention de Narcissa. Il y a tout un tas d'affaires dont je ne veux plus et comme ils appartenaient à votre famille, il serait normal que vous veniez voir si quelque chose est susceptible de vous intéresser.

Narcissa Malfoy haussa un sourcil exactement de la même manière que le faisait son fils. Harry s'aperçut, à sa grande horreur, qu'il venait de lui proposer de venir récupérer des vieilleries. Malfoy esquissa un sourire méprisant, ce qui décida Harry à ne pas l'informer qu'un serveur avait probablement craché dans son thé quand il commença à le siroter.

-Et on prendra le thé aussi, bien entendu, rajouta-t-il. Je veux dire ... si ça vous intéresse.

Bordel, il aurait dû se contenter du thé et pas de cette foutue histoire de vide-grenier.

-Mon fils est-il invité aussi ? demanda Narcissa d'une voix douce.

Elle le fixa sans ciller et Harry sut que derrière cette question anodine, elle voulait qu'il confirme devant une cinquantaine de sorciers que Draco Malfoy, un ancien Mangemort, était le bienvenu chez Harry Potter. Il accepta cette petite manipulation de bonne grâce.

-Il l'est, répondit-il en regardant Malfoy.

Il fut ravi de voir les yeux du blond s'assombrir dangereusement. Que ce soit de colère ou de désir, c'était toujours excitant de mettre cet homme dans cet état.

-Quand veux-tu que nous venions? demanda Malfoy avec l'air de s'ennuyer à mourir.

Répondre « Ta mère reste ici mais je veux bien t'accompagner tout de suite à l'endroit de ton choix si ça me permet d'avoir accès à l'intérieur de ton pantalon » était malheureusement exclu, alors Harry se décida pour un « Quand ça vous arrange. De toute façon je ne pars pas.»

-Le 28 alors ? proposa Narcissa.

C'était dans cinq jours, d'un côté ça laissait à Harry le temps de ranger effectivement l'ancien QG de l'Ordre mais de l'autre, ça lui paraissait incroyablement long.

-Parfait, répondit-il en parvenant à détacher ses yeux de la bouche de Malfoy.

Mais ce n'était pas parfait. Ça ne le serait pas tant que Malfoy ne serait pas de retour dans son lit.

°O°O°O°

-Comment ça tu vas passer le reste de tes vacances au square Grimmauld ? Tu n'es pas bien ici ?

Hermione le regardait avec inquiétude. Ron se tourna vers eux avant de vérifier à nouveau la cuisson de sa viande.

-Je suis très bien chez vous, Mione. Je veux juste profiter des vacances pour faire du rangement.

-Du rangement ? Mais tu n'aimes pas cette maison. Tu comptes t'y installer finalement ?

Harry avait vécu au Square Grimmauld juste après la guerre quand il avait voulu devenir Auror mais il s'était vite aperçu que Poudlard lui manquait et qu'il était fatigué de se battre. C'était là-bas chez lui et c'était pour cette raison qu'il était devenu professeur. Pour rester là où il se sentait le mieux. Il avait eu besoin de ça à l'époque. La maison des Black était grande, froide et austère et Harry ne voulait toujours pas s'y installer mais il ne pouvait pas dire à Hermione qu'il y avait invité les Malfoy.

-Non. Juste la ranger.

-Laisse-le un peu tranquille Hermione, dit Ron en s'affalant sur une chaise. Harry a probablement besoin d'une garçonnière pour décompresser.

Hermione rougit légèrement mais Harry était probablement le plus mal à l'aise des deux. Pourtant techniquement Ron n'avait pas tort. Harry faisait tout cela dans l'espoir de coucher avec Malfoy.

-Tu sais Harry, se reprit-elle, tu peux inviter qui tu veux ici. Ce n'est vraiment pas un problème.

-Oui, comme ça, s'il te manque du lubrifiant ou certains objets qui ont la bonne idée de vibrer, tu n'auras qu'à nous en demander, dit Ron en souriant de toutes ses dents.

Hermione lui envoya un coup de coude dans les côtes, rougissant encore plus.

-Quoi, tu ne veux pas prêter tes jouets ? demanda Ron innocemment.

-Crétin, siffla-t-elle.

Elle n'osait plus regarder Harry dans les yeux.

-Elle n'a jamais aimé prêter ses affaires, renchérit Harry entrant dans le jeu du rouquin.

Cette fois Hermione lui envoya un regard noir.

-C'est bon, j'ai compris, grommela-t-elle. Tu feras tes cochonneries dans la très vieille et très respectable Maison des Black.

-Je suis heureux d'avoir ton approbation.

-Ah c'est sûr que le plaisir n'aurait pas été pareil sans ça ! reprit Ron.

Harry hocha la tête.

-La débauche ne prend toute sa mesure que si Hermione l'approuve avant.

-Vous vous rendez compte que vous perdez dix ans d'âge mental dès que vous vous retrouvez dans la même pièce ? soupira Hermione. C'est assez affligeant.

Harry allait répondre mais une chouette tachetée gratta à la vitre de la cuisine.

-Je ne la connais pas celle là, commenta Ron en allant lui ouvrir.

L'air frais s'engouffra dans la petite cuisine en même temps que le rapace, faisant frissonner Harry.

-C'est pour toi ! dit Ron en lui tendant la lettre.

Son nom était en effet marqué sur l'enveloppe. Il reconnut immédiatement l'écriture penchée et régulière et il sentit les coins de sa bouche se relever.

-Je ... vais la lire au salon, dit-il après avoir constaté l'expression avide sur le visage de ses meilleurs amis.

Cela sembla attiser encore plus leur curiosité mais ils le laissèrent tranquille. Dès qu'il fut dans la pièce voisine, Harry décacheta la lettre et son sourire s'agrandit.

« Un vide-grenier Potter...

Sérieusement ?

Personne n'a jamais osé proposer une chose pareille à ma mère.

Si tu voulais me voir, il suffisait de m'envoyer un hibou. Sans rire, tu ne la connais pas, elle a émasculé des hommes pour moins que ça.

Entre nous, ça aurait été dommage.

D.M.»

Harry chercha une plume sur le bureau du salon. Il y avait quasiment un bureau dans chaque pièce de la maison. La salle de bain avait été épargnée. Il écrivit rapidement sa réponse au dos du mot de Malfoy.

« Malfoy,

J'ai bien vu à ta tête que j'avais fait une erreur.

Je te remercie d'ailleurs pour ton aide à ce sujet.

Cependant je reste persuadé que ta mère a apprécié mon impulsivité.

C'est ce qui fait mon charme.

Et oui ne plus pouvoir le faire m'aurait manqué. Surtout avec toi.

PS : Le serveur a craché dans ton thé.

PS2 : Comment va Marc-Antoine ?

H.P. »

Il fut content de constater que la chouette de Malfoy l'avait suivi dans le salon. Ça éviterait à Ron et Hermione de le voir répondre avec autant d'empressement. La chouette le fixait de ses immenses et quelque peu intimidants yeux noirs, attendant patiemment la lettre. Il accrocha le parchemin à sa patte et lui ouvrit la porte d'entrée.

Ils étaient au milieu du repas lorsqu'il reçut la réponse de Malfoy.

-J'imagine que c'est encore pour toi, maugréa Ron en se levant pour ouvrir la fenêtre.

La chouette de Malfoy semblait un peu fatiguée.

-Tout juste Auguste, répondit Harry. Vous n'avez pas quelque chose pour elle ?

-Placard tout à fait à gauche, répondit Hermione, troisième compartiment.

Alors qu'il cherchait dans le placard de quoi nourrir la chouette, il entendit Ron lire l'entête de l'enveloppe.

A l'intention de Harry-Connard-Potter », ton admirateur ou admiratrice secret semble t'en vouloir quelque peu.

Harry lui arracha presque l'enveloppe des mains.

-Je vais la lire dans le salon, prévint-il.

Ron leva les yeux au ciel et Hermione lui lança un sourire tranquille. Génial, à présent, ils devaient savoir à coup sûr que c'était Malfoy qui lui écrivait. Il avait presque envie de se justifier et de leur certifier qu'il s'agissait d'un échange purement professionnel entre deux professeurs. Mais ça confirmerait au contraire leurs soupçons.

Peut-être qu'il devrait leur dire qu'ils couchaient ensemble et que ce n'était pas sérieux. Après tout ils étaient là quand il avait appris que Malfoy était gay. Ils l'avaient vu bêtement s'étouffer avec sa bière. Bon sang, Hermione avait probablement deviné avant lui qu'il désirait le snobinard ! Le fait de cacher leur relation lui donnait une importance qu'elle n'avait pas. Malfoy et lui c'était simplement physique. Et il fallait qu'il arrête de se prendre la tête avec ça.

Il se laissa tomber sur le canapé et sourit malgré lui en revoyant l'écriture de Malfoy. L'ancien Serpentard avait repris un parchemin vierge. Harry imagina qu'il avait dû grimacer en constatant qu'il avait répondu au dos de sa dernière missive.

« Tu aurais pu prévenir enfoiré !

PS : Marc-Antoine t'enjoint d'aller te faire foutre. »

C'était tout. Il avait l'air d'être énervé par le coup du crachat dans son thé. Malfoy était bandant quand il était énervé.

Harry l'imagina débouler chez lui, la rage au ventre, le plaquer contre un mur et faire de lui tout ce qu'il voulait. Harry n'avait jamais été en dessous et ne se sentait pas prêt pour passer ce cap mais ce mec lui donnait des envies inédites.

Alors peut-être que ... La gorge soudainement sèche, il écrivit une nouvelle fois sa réponse au dos du parchemin.

« J'aurai pu, en effet, te prévenir mais j'aurais eu l'air alors de te sauver. Et je sais que tu détestes ça.

PS : Quelle délicate attention de la part de Marc-Antoine. Peut-être que je vais suivre ses conseils. »

Il hésita à demander clairement à Malfoy de venir chez lui cette nuit mais l'invite était assez limpide. S'il en avait envie aussi, il rappliquerait probablement.

Sauf que plusieurs heures plus tard, alors qu'il se trouvait seul au Square Grimmauld, à attendre une réponse dans le pire des cas, Malfoy en personne dans le meilleur, il fut obligé de constater qu'il était le seul à ressentir ce besoin de l'autre.

Et ce constat lui laissait un goût amer.

Quand finalement il décida d'aller se coucher dans une des chambres froides de la maison des Black, quelque chose gratta à la fenêtre du salon. Harry s'empressa d'ouvrir au hibou. Ce n'était pas la chouette de tout à l'heure. Peut-être qu'elle avait eu un souci et que c'était pour cette raison que la réponse était arrivée aussi tard. Pour s'autopersuader qu'il n'était pas pressé de savoir ce que Malfoy avait écrit, il ouvrit l'enveloppe proprement, en prenant son temps. Sauf que ce n'était pas l'écriture de l'ancien Serpentard. C'était celle, désinvolte et un peu brouillonne, de Denis Crivey.

« Salut Harry,

J'ai appris que tu étais de retour parmi la faune anglaise pour les vacances.

On peut se voir si ça te dit.

Denis »

Harry haussa les épaules, essayant de juguler sa déception. Il croyait que Denis avait un copain en ce moment. Mais peut-être était-ce terminé ? Quoi qu'il en soit ce n'était pas son problème. Il écrivit là aussi au dos du parchemin, sachant que Denis, lui, ne s'en formaliserait pas.

« Oui, ça me dit.

Ce soir, je suis au 12 Square Grimmauld et j'ai froid. Tu es donc plus que le bienvenu.

Harry »

°O°O°O°

-Oh, quelqu'un s'est fait beau pour Noël ! cria Ginny après avoir ouvert la porte d'entrée.

-Je suis juste allé chez le coiffeur, répondit Harry en passant une main dans ses cheveux plus courts, et je suis toujours beau.

-Mais toujours moins beau que moi ! annonça Ron en s'appuyant lourdement sur l'épaule de sa petite soeur, bloquant ainsi totalement l'entrée. Mais c'est bien de continuer d'essayer Harry. J'aime ça la ténacité.

Harry se contenta de hausser un sourcil septique. Ron eut un rictus avant de se pencher vers lui.

-Malfoy, sors de ce corps ! incanta-t-il.

Harry lui envoya un regard noir.

-Je peux entrer ou tu attends que je sois gelé ? demanda-t-il avec impatience.

-Ça dépend. Tu as mon cadeau ? demanda Ron.

-Pardon ?

-Ron n'admet les gens chez lui que s'ils ont pensé à lui amener un cadeau de Noël, lui expliqua Ginny en levant les yeux au ciel.

Le rouquin hocha la tête et croisa les bras sur son torse, apparemment très fier de lui.

-Quoi ? Mais c'est contre l'esprit de Noël ! s'insurgea Harry.

-Rien à battre.

-Je vais être dans l'obligation d'en informer Hermione.

Ron sembla momentanément incertain mais se reprit vite.

-Pas grave, dit-il en haussant les épaules.

Harry esquissa un sourire mauvais.

-Bon, dans ce cas. Je vais le dire à ta mère. Mollyyyy ?

Ron regarda par-dessus son épaule d'un air affolé et s'écarta immédiatement de la porte d'entrée.

-Entre, je t'en prie mon ami !

-Trop aimable.

Molly sortit de la cuisine à ce moment-là.

-Quelqu'un m'a appelé ? demanda-t-elle. Oh, Harry te voilà !

Harry se laissa embrasser sur les deux joues par la mère de son ami.

-C'est comme ça qu'ils font en France, non ?

-Oui, sourit Harry.

Il vit Molly froncer les sourcils et regarder derrière lui.

-Tu es venu seul ?

-Oui.

Elle eut l'air déçue.

-Et qu'en est-il de cette jeune fille qu'on a vue avec toi sur le journal ?

-Maman je t'ai déjà dit de ne pas croire tout ce qu'insinuent les journaux, soupira Ginny. Il suffit que Harry serre la main d'une femme et pour eux, c'est comme s'il venait de la mettre enceinte.

Harry fronça les sourcils avant de se souvenir.

-Parvati est simplement une ancienne camarade de classe, expliqua-t-il à Molly. Je l'ai croisé à l'hôpital. Il se trouve que sa mère est la cousine de Monsieur Rayat.

-J'ai cru que c'était Padma moi dans le journal, dit Ron en fronçant les sourcils. Comment va Rayat ?

-Les médicomages l'ont plongé dans un coma artificiel pour que son état ne se dégrade pas trop vite mais ils n'ont pas beaucoup d'espoir.

Harry était allé à Sainte Mangouste voir le père de Rayanta et il y avait rencontré Parvati Patil. Ils avaient discuté et il lui avait proposé de prendre un café, sachant pertinemment que des journalistes les prendraient en photo. Ça l'arrangeait qu'ils le croient en pleine romance. Ça les occuperait et ça leur éviterait de chercher ailleurs dans la vie sentimentale de leur héros. Le seul souci restait Molly.

Il avait clairement dit à Ron, Hermione et Ginny qu'il était gay. Il pensait que le reste des Weasley s'en doutait même s'ils n'en avaient jamais parlé. Mais Molly continuait d'espérer qu'il allait se marier avec une gentille fille et avoir une ribambelle d'enfants. Harry avait tellement peur de la décevoir qu'il remettait chaque fois la discussion à plus tard.

En tous cas, il n'allait pas lui annoncer ça le soir de Noël.

Il y eut pourtant une annonce quelques heures plus tard. Dominique, la seconde fille de Fleur et Bill, grimpa sur une chaise et leur apprit que Victoire et elle allaient bientôt avoir une petite soeur.

-Ou un petit frère, corrigea Fleur d'une voix douce. On ne sait pas encore.

Les félicitations fusèrent. Harry était aussi heureux que s'il allait réellement avoir une nouvelle nièce ou un nouveau neveu. Il paria avec Percy et Charlie et contre George et Ron que ce serait un garçon. Bill vint discrètement miser de leur côté.

-Je sais, dit-il, l'essentiel c'est que le bébé soit en bonne santé. Mais je ne pense pas survivre avec quatre femmes dans la maison.

Harry jeta un coup d'oeil du côté de Fleur. Elle parlait avec ses beaux parents et Hermione. La meilleure amie de Harry tenait Fred Junior, le fils de George et de Angelina, sur ses genoux. Le gamin commençait à dodeliner de la tête.

Hermione lui rendit son sourire.

O°O°O°O

-Et là Ginny a foncé sur le souaffle ! s'extasia Audrey, la femme de Percy, fan de Quidditch de son état. Tu aurais dû voir ça, Harry ! Leur gardien a juste eu le temps de cligner des yeux et boom elle a marqué !

Il ne restait plus que Ginny, George, Audrey et Harry dans le salon. La plupart des autres invités étaient allés se coucher. Ron était parti chercher des bières à la cuisine depuis un moment et n'était pas réapparu. Harry se leva difficilement de son fauteuil.

-Oui, je sais. J'ai loupé trop de matchs, soupira-t-il. Je vais chercher les bières puisque Ron semble nous avoir lâchement laissé tomber.

-Bien vu, dit George en lui montrant sa bouteille vide. Il commence à faire soif.

-On devrait planquer ses cadeaux de Noël pour la peine, renchérit Ginny.

Quand il fut devant la porte de la cuisine, Harry entendit du bruit venant de l'intérieur. Alors Ron était toujours là

finalement. Il ouvrit la porte.

-Alors Ron, elles viennent ces biè...

Harry s'arrêta net. Dans la cuisine Hermione pleurait dans les bras de Ron.

-Désolé, s'empressa de dire Harry, ne sachant s'il devait faire demi-tour pour les laisser seuls ou tenter de savoir ce qui se passait et s'il pouvait être utile.

Hermione se détacha de son mari et essuya ses larmes.

-Ce n'est rien Harry. Tout va bien, dit-elle avec un pauvre sourire. Je suis juste fatiguée ... Ce n'est rien, répéta-t-elle.

Harry jeta un regard à Ron mais il avait les yeux fixés sur Hermione.

-Je vais me rafraîchir le visage, dit-elle. Je reviens d'ici dix minutes.

Ron lui attrapa doucement le poignet.

-Tu veux que je vienne avec toi, ma reine ? demanda-t-il.

Harry sursauta, c'était la première fois qu'il entendait Ron donner ce surnom à Hermione. Et pourtant il avait l'habitude de lui en donner tout un tas, tous très ridicules. Mais jamais sur ce ton-là. Ou du moins pas devant Harry. Pourtant

Hermione eut l'air de comprendre quelque chose et cette fois son sourire fit briller ses yeux.

-Non. C'est bon je t'assure, répondit-elle en embrassant Ron sur la mâchoire.

Et encore une fois, Harry se sentit comme s'il n'aurait pas dû voir ça. C'étaient des mots et des gestes qui n'appartenaient qu'à eux. Il n'eut pas le temps de se sentir trop gêné car Hermione pressa son épaule en passant devant lui.

-Ne t'inquiète pas, lui dit elle et elle disparut dans l'escalier.

L'instant d'après il vit voler vers lui une canette de bière qu'il attrapa de justesse.

-Viens, dit Ron, on va parler dehors.

Harry le suivit, la mine sombre. Le froid le réveilla un peu.

-Ne fais pas cette tête, lui dit Ron quand ils furent sur le perron. Il n'y a rien de grave.

-Je n'ai pas l'habitude de voir Hermione pleurer, se défendit Harry.

Ron shoota dans un caillou.

-Ouaip, dit-il. Ça me fait mal de la voir comme ça. Physiquement mal, je veux dire. C'est une sensation étrange. Je veux qu'elle soit heureuse. Tout le temps. Mais ce n'est humainement pas possible d'être heureux constamment.

-Elle est heureuse avec toi, répondit Harry en décapsulant sa bière.

Ron se tourna vers lui et lui sourit.

-Oui, j'aime à le croire, dit-il. Tu sais, on veut des enfants. On ne te l'a pas dit mais ça va faire trois ans qu'on essaie.

Mais ça ne marche pas. Alors même si elle est très heureuse pour Bill et Fleur, ça lui a fichu un coup.

Harry fronça les sourcils. Il resta silencieux. Ron ouvrit sa propre bière et en but une gorgée.

-Mais tu connais Hermione, reprit il, elle aime réussir tout ce qu'elle entreprend. Les médecins ont dit que tout allait bien chez nous deux. Il faut juste laisser la nature faire les choses. Alors, moi je sais qu'on aura des gosses.

-J'en suis sûr aussi, répondit Harry.

Cela sembla rassurer Ron. Et Harry oublia sa propre envie de fonder une famille. Il était homosexuel. Il aimait les hommes mais ne se voyait sûrement pas avoir un compagnon pour la vie. Il refusait de s'attacher à ce point.

-Est-ce que tu vois Malfoy ? demanda Ron subitement.

Harry avala de travers et toussa. Ron sembla amusé.

-Et ben quoi, c'est l'heure des confidences non ? reprit le rouquin.

Le brun songea un bref instant à tout nier mais Ron allait savoir qu'il mentait. C'était un truc qu'il savait toujours. Une sorte de radar anti-mensonge juste dirigé sur lui.

-Oui, souffla-t-il mais ce n'est pas sérieux. C'est Malfoy après tout, ricana-t-il.

D'accord, ce n'était pas sérieux. Alors pourquoi s'était-il senti mal à l'aise en couchant avec Denis ? Il n'avait pas eu l'impression de tromper Malfoy pourtant. Non, il avait eu l'impression de se tromper lui-même. Coucher avec un mec simplement parce qu'il était contrarié, ça ne lui ressemblait pas.

Ron eut une grimace presque comique.

-Bon, ce que je vais te dire n'est pas facile. Mais je t'ai observé Harry. Depuis la fin de la guerre, alors qu'on cherchait tous à sortir de cette enfance qui n'en a pas vraiment été une, toi tu t'es enfermé à Poudlard. Enfermé dans tes souvenirs.

-Je ne m'y suis pas enfermé, coupa Harry. Je suis allé enseigner là bas.

-C'est pareil. Tu sais aussi bien que moi que le château n'est pas le meilleur endroit pour se faire de nouveaux amis. Des amis adultes, j'entends.

Harry haussa les épaules et s'obligea à boire sa bière même s'il avait la gorge serrée.

-La première fois qu'on t'a parlé par Cheminette quand tu étais en France, poursuivit Ron. Hermione a remarqué à quel point tu paraissais en forme. Elle avait raison. Pour la première fois depuis des années, tu avais l'air vraiment bien. Et ça n'a fait que se confirmer au cours des mois qui ont suivi. Personnellement, je ne pense pas que ça soit dû à l'air de la Méditerranée. Je pense que c'est Malfoy qui te fait cet effet.

-Quoi ? Tu essaies de me donner ta bénédiction ? ricana Harry.

-S'il arrive à te rendre heureux alors oui, c'est ce que je suis en train de faire.

-C'est Malfoy, répéta Harry en secouant la tête. Si ça devient sérieux avec lui, ça finira obligatoirement mal. J'y laisserais bien trop de plumes.

Ron lui fit un sourire compatissant.

-Et moi je lui casserais la gueule.

-Tu me ramèneras son scalp ?

-Ouais et ses bijoux de famille en prime.

Harry sourit à son tour et lui tendit la main.

-Tope-la, dit-il.

°O°O°O°

Harry vérifiait une énième fois que son salon était dans un état présentable lorsqu'on frappa à la porte.

Il redressa ses lunettes sur son nez, prit une grande inspiration et alla ouvrir. Les Malfoy se tenaient devant lui. Il remarqua que l'ancien Serpentard dépassait sa mère de plus d'une tête. Ils échangèrent les salutations d'usage et Harry fut un instant décontenancé par le regard glacé que le blond posa sur lui. Il s'effaça cependant rapidement pour laisser entrer ses visiteurs.

Sa main toucha brièvement celle de Malfoy lorsqu'il voulut le débarrasser de son manteau et il se sentit rougir à ce contact. Bon sang, ça commençait mal.

-Pour vous Monsieur Potter, dit Narcissa en lui tendant un petit paquet sobrement mais élégamment emballé. Joyeux Noël.

-Mais je ... je n'ai rien pris pour vous, balbutia Harry.

La mère de Malfoy lui lança un regard oblique.

-Je sais ce que vous avez fait pour nous au salon de Thé. Nous tenions à vous remercier. N'est-ce pas Draco ?

-Oui. » La voix de Malfoy suintait l'ironie. « C'est réellement aimable à toi de nous avoir invités Potter. Ça n'a pas dû être évident de nous caser dans ton emploi du temps chargé. Je suppose que tu avais beaucoup d'amis à retrouver durant ton retour en Angleterre.

-Quelques-uns en effet, répondit Harry sur la défensive.

Il se demanda pourquoi Malfoy était aussi hargneux. Etait-ce encore à cause de l'histoire du thé ? Il avait l'air d'être venu à contrecoeur et pourtant Harry sentait déjà l'air se charger de tension entre eux. S'il n'y avait eu pas sa mère, hargneux ou non, Harry se serait chargé de Malfoy. Il lui aurait fait oublier tous ses griefs contre lui.

Il les emmena dans le salon, tenant son cadeau bien serré dans sa main.

-Ça fait tellement longtemps que je ne suis pas venue ici, constata Narcissa Malfoy en regardant autour d'elle. Je n'ai jamais vécu dans cette maison mais lorsque j'étais jeune, c'était ici que ma famille se réunissait pour les fêtes.

-Ça a beaucoup changé ? demanda Harry en l'invitant à s'asseoir.

Son service à thé était dépareillé mais il avait acheté du bon thé et il supposait que c'était l'essentiel. Et les gâteaux

venaient tout droit d'une pâtisserie sorcière renommée.

-Oui, répondit Narcissa. Mais les changements ne sont pas toujours de mauvaises choses, n'est-ce pas Monsieur Potter ?

Harry approuva tout en se demandant où elle voulait en venir.

-Vous pouvez m'appeler Harry si vous voulez, dit-il.

La mère de Malfoy hocha la tête. Malfoy s'installa presque négligemment sur le dernier fauteuil libre autour de la table basse. Il semblait à sa place ici. Harry avait remarqué ça depuis longtemps chez Malfoy. Sa façon de s'approprier les lieux. Il faisait ça tout le temps. Déjà à l'époque de Poudlard il marchait dans les couloirs comme s'il possédait le château. Et en classe, il donnait l'impression d'y être mais simplement parce que ça le divertissait et pas parce que c'était obligatoire. Ici c'était la même chose. Malfoy venait de prendre possession du salon du Square Grimmauld.

-Vous n'ouvrez pas votre cadeau, Harry ? demanda Narcissa.

-Si bien sûr ! répondit-il précipitamment.

Il se demanda si l'impression de marcher sur des oeufs allait bientôt cesser en présence de cette femme.

-Draco, tu n'as qu'à nous servir le thé en attendant, dit-elle.

Harry ouvrit son cadeau. Il aurait probablement dû être plus prudent puisque c'était un présent venant des Malfoy. Mais ça lui occupait les mains et ça lui évitait de regarder Malfoy qui s'était penché vers lui pour remplir sa tasse.

Il s'agissait de gants pour le Quidditch. En cuir de dragon. Et il y avait plusieurs sortilèges posés dessus : contre le froid, contre l'usure et antitranspirant aussi. C'était probablement ce qu'on faisait de mieux à ce niveau. Et ça avait dû leur coûter une petite fortune.

Cette fois il ne put s'empêcher de regarder Malfoy. Le cadeau venait de lui, c'était sûr. Il s'était souvenu de ses gants vieux et usés alors il lui en avait trouvé d'autres.

-Merci, dit-il les yeux fixés sur Malfoy. Ils sont supers.

Les yeux gris se plissèrent légèrement et Malfoy hocha la tête. Harry eut une envie folle de l'embrasser. A la place, il avala une gorgée de son thé.

-Je ne vous ai jamais remercié d'avoir sauvé mon fils pendant la guerre, dit soudainement Narcissa. Il m'a appris ce qui s'était passé dans la Salle sur demande.

Les sourcils de Malfoy se froncèrent et il regarda fixement le mur derrière Harry.

-Vous m'avez sauvé aussi, dit Harry. Dans la Forêt Interdite.

La mère de Malfoy esquissa un demi-sourire.

-Ce n'était pas une bonne période, pour aucun de nous trois, dit-elle. Mais nous nous en sommes sortis.

-Oui, répondit Harry. Je sais qu'on vous a pris la plupart de vos biens après la guerre. Je ne sais pas si ça compte mais je n'ai jamais cautionné ça.

Malfoy semblait toujours perdu dans de sombres pensées.

-Savez-vous Harry, demanda Narcissa d'un ton dégagé, que l'emblème de la famille Malfoy est le paon ?

Harry esquissa un sourire. Il trouvait que l'animal collait plutôt bien en effet.

-Je l'ignorais, dit-il. Mais ça explique quelques trucs.

A sa grande surprise Narcissa esquissa un léger sourire.

-Vous avez raison. Lucius était sans conteste un paon. Et Draco en est un aussi.

-Pardon ? objecta Malfoy en adressant à sa mère un regard offusqué.

-Voyons, ce n'est un secret pour personne que tu aimes les belles choses, la puissance et le pouvoir. Tu as toujours adoré montrer aux autres à quel point tu valais mieux qu'eux.

-Dans ce cas tu es un paon toi aussi, grogna Malfoy.

Narcissa envoya à son fils un regard plein de pitié. Harry essaya de ne pas se mettre à rire. Les Malfoy étaient assez divertissants finalement.

-Non mon chéri, les Black sont des loups, voyons.

Draco ricana.

-C'est étrange, j'ai toujours cru que l'emblème des Black était le lévrier, dit-il.

-Il y a plusieurs interprétations, répliqua Narcissa sèchement. Tout ça pour vous dire Harry, que ce que le commun des mortels voit chez le paon, ce sont ses plumes. Ça n'a donc pas été vraiment une surprise de voir les gens du Ministère s'emparer de nos biens. La grandeur de notre famille était un affront à leurs yeux. Leur plus grosse erreur est de nous croire à présent totalement hors jeu.

Elle esquissa un nouveau sourire qui cette fois n'avait rien de rassurant.

-Peut-être qu'un jour je vous parlerai de la devise des Malfoy, termina-t-elle.

-Vous n'allez pas attaquer le Ministère, j'espère ? demanda Harry faussement inquiet.

Un éclair agacé passa dans les yeux de Malfoy. Apparemment il n'appréciait pas que Harry entre dans le jeu de Narcissa

-Ma mère s'imagine que notre famille va retrouver sa place d'antan dans le monde sorcier, intervint-il d'une voix coupante. A moins d'un effacement de mémoire collectif, je ne vois pas comment cela peut être réalisable.

-Et mon fils s'imagine que le monde entier lui en veut personnellement et que rien de bon ne peut advenir dans sa vie à présent, répliqua-t-elle.

Malfoy soupira et son regard insondable croisa de nouveau celui de Harry.

-Et si tu nous montrais les objets dont tu ne veux plus Potter, dit-il en se levant.

Harry hocha la tête.

°O°O°O°

Malfoy ne le touchait pas et ne le regardait même pas mais Harry se sentait étouffer dans cette pièce. Il avait essayé de mettre de côté des objets en bon état et avec un minimum de valeur. Mais il n'y connaissait pas grand-chose.

-J'aimerais bien voir le reste de la maison, annonça Malfoy d'un ton neutre. Après tout c'est celle de mes ancêtres. Enfin si ça ne te dérange pas de rester seule quelque temps, maman.

Il lança un regard sans équivoque à Harry ce qui fit accélérer son rythme cardiaque. Narcissa était en train d'examiner un tableau représentant une sorcière qui discutait au bord d'un lac avec un groupe de sirènes. L'une d'entre elles s'aperçut que les deux jeunes hommes la regardaient aussi et se mit à leur lancer des regards langoureux.

-Oui bien sûr, répondit Narcissa, vous pouvez y aller. Je vais rester là. Il y a tellement de choses à voir.

Ils se retrouvèrent dans le couloir et marchèrent silencieusement côte à côte. Quand le bras de Malfoy le frôla, Harry ferma brièvement les yeux. Il n'avait qu'une envie : plaquer le blond contre le mur et glisser ses mains sous ses vêtements de marque. Il aurait voulu l'emmener dans sa chambre à lui mais elle était encore trop loin, alors il ouvrit finalement la première pièce devant laquelle ils passèrent. Sa main tremblait un peu sur la poignée et Malfoy le poussa à l'intérieur sans ménagement.

La porte se referma sur eux, les plongeant dans la pénombre. D'un geste impatient de la main Harry embrasa la cheminée alors que de son autre main il tâtonnait pour tirer Malfoy contre lui. Le feu les éclaira tout d'un coup. Il eut le souffle coupé quand la poitrine de Malfoy heurta la sienne. Il l'avait tiré trop brusquement. L'instant d'après les lèvres du blond étaient sur les siennes.

Harry ouvrit aussitôt la bouche et laissa la langue de Malfoy s'engouffrer à l'intérieur. Il s'accrocha immédiatement à ses épaules parce que, comme à chaque fois qu'il se trouvait dans cette situation avec cet homme, il avait l'impression que ses jambes pouvaient le lâcher à tout moment. Malfoy avait déjà ses mains posées sur sa braguette. Harry haleta contre sa bouche et le sentit sourire.

Ils n'avaient pas beaucoup de temps devant eux mais de toute façon, Harry était tellement sous pression qu'il n'était pas certain de tenir bien longtemps.

-Oui ... souffla-t-il parce qu'une des mains de Malfoy avait passé la barrière de ses vêtements et qu'elle entourait son érection.

Bordel, ça n'avait rien à voir avec Denis ou avec aucun des hommes avec qui il avait couché. Harry ne comprenait pas pourquoi c'était si intense avec Malfoy. Ça balayait tout le reste. Malfoy était une foutue tornade.

-Putain ... répondit l'ancien Serpentard d'une voix rauque avant de l'embrasser profondément.

Son autre main était remontée dans les cheveux de Harry et il semblait aimer le fait qu'ils soient plus courts parce qu'il n'arrêtait de les caresser. Harry pouvait sentir l'érection de blond se presser contre sa cuisse. Il réussit à se détacher légèrement. La langue de Malfoy glissa sur son menton et sur sa mâchoire. Bon sang, il était affamé.

Harry n'avait pas lancé de sortilège de silence. Il s'était dit que ce serait plus facile cette fois de penser que Malfoy retenait ses cris de plaisir pour ne pas alerter sa mère.

-Enlève ton pantalon ! grogna-t-il.

Malfoy le lâcha, ce qui était terrible mais ses mains pâles s'activèrent obligeamment sur ses vêtements. Harry le fixa, s'humectant les lèvres avant de retirer lui aussi son jean et son caleçon. Il commença à déboutonner sa chemise mais

Malfoy l'arrêta.

-Pas le temps pour ça ! dit-il avant d'appuyer ses mains contre le mur, d'écarter légèrement les jambes et de se pencher.

Le souffle court, Harry fixa les fesses offertes, en partie cachées par la chemise de Malfoy. L'ancien Serpentard tourna la tête vers lui. L'unique lumière venant de la cheminée semblait lécher sa peau laiteuse par intermittence. Dans ses yeux luisait une lueur avide. Harry le trouva beau à en avoir mal.

-Viens ! ordonna Malfoy.

L'ancien Gryffondor secoua la tête comme pour essayer de s'éclaircir les idées. Il s'attendait à prendre son pied mais il ne pensait pas que Malfoy se donnerait à lui de façon si explicite. Harry se doutait que le blond était généralement au-dessus. A chaque fois qu'ils avaient couché ensemble Malfoy se laissait faire mais Harry avait compris que c'était inhabituel pour lui. Et savoir ça lui donnait encore plus envie de le faire sien.

-Je n'ai pas de lubrifiant, souffla-t-il.

Malfoy fronça les sourcils.

-Tant pis, on fera sans. Allez Potter, active!

Harry hésita. Il devait avoir un reste d'huile d'olive dans la cuisine mais il ignorait depuis quand elle traînait là et Narcissa pourrait apercevoir la bouteille voler dans la maison.

Il cracha dans une de ses mains et caressa son érection. Il avança l'autre jusqu'aux lèvres de Malfoy. Il n'eut pas besoin de lui demander de sucer. Malfoy prit deux de ses doigts dans sa bouche et enroula sa langue autour. Harry l'imagina faire ça sur son sexe et il gémit doucement.

Finalement, quand il pensa ne pas pouvoir en supporter plus, il arrêta de se toucher, remonta la chemise du blond et caressa doucement ses fesses. Tout le grand corps pâle eut un frémissement et Malfoy relâcha ses doigts. Harry se mordit la lèvre inférieure, le coeur battant à tout rompre et poussa son index mouillé de salive dans l'anus de Malfoy.

Le blond émit un soupir tremblant. Il était incroyablement serré. De sa main libre Harry lui caressa le dos comme s'il essayait de calmer une bête nerveuse.

-Plus ! grogna Malfoy.

Harry hocha la tête même si Malfoy ne pouvait pas le voir. Le second doigt arracha un grognement à l'ancien Serpentard. Harry aurait préféré voir son visage. Tout en faisant bouger ses doigts en lui, il s'accroupit au niveau de ses fesses. Finalement la vue qu'il avait ici était assez incroyable elle aussi.

Il s'humecta les lèvres. Il n'avait jamais eu envie de mettre sa langue de ce côté-ci avec ses autres partenaires mais Draco Malfoy détruisait toutes ses inhibitions. Harry voulait tout savoir de lui. Tout prendre. Voyant qu'il ne bougeait plus, Malfoy tourna la tête vers lui. Il sembla un peu gêné de le voir accroupi derrière lui.

-Qu'est-ce que tu attends ? Mets-la moi, Potter, murmura-t-il d'un ton haché.

Et il parlait assurément de la bite de Harry, pas de sa langue. Dommage.

Harry cracha de nouveau dans sa main, caressa lentement son érection avant de retirer ses doigts des fesses de Malfoy.

Il poussa lentement contre son anus et le sentit se crisper. Merde, il était vraiment trop étroit. Harry n'était même pas entré en entier. Il voulut se retirer mais Malfoy l'arrêta.

-Continue, ordonna-t-il sourdement.

Même si Harry aurait préféré qu'il ne lui parle pas comme s'il était son elfe de maison, il lui obéit et s'enfonça totalement.

Malfoy émit un son étranglé. L'ancien Gryffondor eut besoin d'un instant pour reprendre ses esprits, la sensation était à chaque fois sensationnelle. Il se retira en partie et revint. Les muscles du dos de Malfoy étaient tendus, ses jambes tremblaient et ses mains étaient crispées contre le mur. Au troisième va-et-vient, Harry tâtonna pour trouver la bite de Malfoy et il la sentit flasque dans sa main. Il tenta de la ramener à la vie mais ce fut peine perdue. Avec un soupir frustré il se retira complètement même si sa libido protesta vivement à cette action.

-Que fais...

-Bon sang, pourquoi tu ne m'as pas dit que tu avais mal ?! coupa Harry.

Malfoy se retourna. Ses cheveux blonds tombaient n'importe comment sur son front et son torse se soulevait rapidement.

-Je pouvais le supporter ! dit-il agacé.

Harry esquissa un sourire amer. Qu'est-ce que Malfoy cherchait à prouver au juste ? Il devait penser que c'était une marque de faiblesse de dire qu'il avait mal. Et il ne fallait surtout pas qu'il paraisse faible devant Harry Potter, n'est ce pas ? Leur relation n'était qu'une succession de non-dits et de confrontations. Et ce constat ne lui plaisait plus tant que ça.

-Crétin ! dit-il en enlevant ses lunettes et il tomba à genoux devant Malfoy.

Il ne savait vraiment pas ce qui pouvait bien se passer dans sa petite tête de blond à présent. Mais il voulait le faire jouir. Alors il commença par embrasser ses cuisses avant de remonter plus haut.

-Connard, répondit Malfoy pour la forme.

Il posa une main sur ses cheveux et soupira. Harry leva la tête vers lui. Malfoy le dévorait des yeux alors il s'appliqua.

°O°O°O°

-Merci encore Monsieur Potter, pour ce charmant après midi, dit Narcissa alors qu'il l'aidait à remettre son manteau.

Harry essayait de se convaincre qu'elle ne voyait pas qu'il sortait d'un orgasme. Le visage de Malfoy, lui, ne laissait rien transparaître.

-Ce fut un plaisir, répondit-il.

Malfoy haussa un sourcil. Merde, mauvaise formulation.

A présent que la pression était retombée, Harry se trouvait complètement inconscient d'avoir cédé à ses pulsions bassement sexuelles alors que la mère de Malfoy était dans le coin. Ils étaient restés beaucoup trop longtemps à l'écart.

Savait-elle que son fils était gay ? Malfoy lui avait dit qu'elle était au courant du fait qu'il ne pouvait produire que de la Magie Noire. Mais il n'avait jamais parlé du reste.

De toute façon, Malfoy ne se livrait pas à lui.

« Nous ne sommes pas amis, se rappela Harry, il est juste une façon agréable de passer le temps.»

Narcissa se toucha le cou.

-Oh Draco, j'ai oublié mon foulard dans la salle aux objets ! dit-elle.

-Je vous le ramène, dit Harry.

Narcissa l'attrapa par le poignet. Elle avait une poigne de fer pour une femme de son acabit.

-Draco va y aller, dit-elle d'un ton qui n'admettait aucune réplique.

Malfoy sembla hésiter à laisser sa mère seule avec lui mais il finit par se diriger vers les escaliers.

« Bordel, elle sait ! » pensa Harry quand il fut seul face à elle. « Elle sait et elle va probablement me jeter un sort douloureux pour avoir osé profiter du corps de son fils chéri ! »

Narcissa lâcha son poignet et le fixa un instant.

-C'est vrai ce que j'ai raconté tout à l'heure, dit-elle. Draco pense que rien de bon ne peut plus lui arriver. Il m'a dit que vous étiez au courant pour la Magie Noire.

Harry hocha la tête.

-Je veux qu'il soit heureux, reprit-elle. Et il ne l'est pas. Il est toujours enfermé dans cette guerre.

Harry acquiesça de nouveau mais il n'aimait pas ce qu'il entendait. Ça ressemblait presque à ce que Ron avait dit sur lui.

-Le Seigneur des Ténèbres, il ... .peu importe. Mais il a laissé des marques, c'est pour ça que Draco ne peut plus faire de Magie. Vous avez une cicatrice sur le front, lui il a ça.

-Que voulez-vous que je fasse ? demanda Harry parce qu'au final cette discussion menait à cette question.

Narcissa le regarda de haut en bas.

-Rien, répondit-elle à sa grande surprise. C'est à lui de guérir. Mais je voulais vous prévenir. Mon fils n'est pas qu'un paon. Il y a du loup en lui. Et les loups mordent.

Harry fronça les sourcils.

-Qu'est ce que...

-Ah Draco, tu l'as trouvé ! s'exclama Narcissa.

-Il était étrangement bien caché, accusa Malfoy à l'autre bout du couloir.

-Pas caché, égaré, contra sa mère.

Malfoy se contenta de rendre le foulard à sa mère et se tourna vers Harry. Encore une fois, l'ancien Gryffondor eut envie de l'embrasser. Même si Malfoy pouvait mordre, il commençait à croire que c'était trop tard pour les mises en garde.

-On se voit à BeauxBâtons, Potter ?

Harry redressa ses lunettes sur son nez.

-Oui. Dans une semaine.

Malfoy lui fit un sourire. Le premier réel depuis qu'il était entré chez lui. Le coeur de Harry loupa un battement. Il les laissa s'éloigner, lui et sa mère.

« Il n'est pas heureux » avait dit Narcissa.

Harry venait de se rendre compte qu'il voulait qu'il le soit.