Cet OS a été écrit pour la 137e Nuit du FoF autour du thème "musarder". Le FoF est un forum ouvert à tous les francophones de ffnet où l'on peut discuter, demander de l'aide ou participer à des jeux. Le lien est dans mes favoris !
Punitions
« Monsieur Pinkerton, susurra une voix froide comme un venin. J'entends bien que bâiller aux corneilles soit infiniment plus agréable que piler ces scarabées, mais ce n'est pas en musardant que vous réussirez vos BUSE. »
Pyrrhus Pinkerton sursauta dès les premières syllabes : Rogue avait le talent pour surgir derrière vous au moment où vous vous y attendiez le moins. À vingt-cinq ans, il était déjà capable de terrifier ses élèves toutes années confondues.
« Oui, Monsieur, mille pardons, Monsieur », s'excusa platement le jeune sorcier.
Rogue renifla avec mépris. Bien que Serpentard, ce tire-au-flanc de Pinkerton, qui se faisait ridiculement appeler Pip, ne lui inspirait aucune sympathie.
« Si vous comptez vous reposer sur vos compétences de tricheur, poursuivit-il d'un ton velouté, je dois vous informer que vous les surestimez gravement. À moins de produire des antisèches d'une qualité bien supérieure à toutes celles que nous vous avons confisquées jusqu'à présent, vous serez incapable de contourner les sortilèges anti-fraude, sans parler de berner les examinateurs magiques. Vous serez donc non seulement exclu de cette session des BUSE, mais aussi interdit de concourir pendant les cinq prochaines années. Par conséquent, à moins que votre ultime ambition soit de quitter cette école sans le moindre diplôme en poche, je vous conseille de concentrer vos efforts sur l'acquisition des quelques miettes de savoir qui devraient vous permettre de grappiller un misérable A à votre épreuve de potions, et d'éviter ainsi mon courroux. »
Pip rentra la tête dans les épaules et se mit à piler ses scarabées. La robe noire de Rogue froufrouta tandis qu'il fondait sur un autre élève. En réalité, les menaces de son directeur de maison impressionnaient assez peu Pinkerton : à part des heures de colle, celui-ci ne pouvait pas lui infliger grand-chose, tout malfaisant qu'il se prétende. Il aurait pu lui retirer des points pour le rendre impopulaire auprès des autres Serpentard, mais c'était une méthode à laquelle Rogue répugnait lorsqu'il s'agissait de sa propre maison. Pip ne pouvait pas le lui reprocher : comme eux tous, Rogue voulait gagner la coupe des Quatre Maisons et, comme tout bon Serpentard, il était prêt à tout pour y parvenir. Pip, quant à lui, se pliait de bonne grâce aux punitions à base de copiage de lignes – il trouvait d'ailleurs qu'il avait une jolie écriture – et, en tant que sang-mêlé, récurer les chaudrons à la manière moldue ne le dérangeait pas. Il aimait bien ça, en fait, tout comme il aimait aider sa mère à faire le ménage : tandis que ses bras s'activaient, son esprit s'évadait très loin de l'effort physique, à mille lieues des contingences terrestres…
« Monsieur Pinkerton, vous rêvassez encore ! »
La voix de Rogue claqua comme un fouet. Le professeur saisit fermement la nuque de Pip et ramena sa tête vers son bol de scarabées. Pip constata ainsi qu'il avait passé les dernières minutes à pilonner consciencieusement son livre de potions, juste à côté desdits insectes : la page sur laquelle se trouvaient les étapes de la préparation du jour était à présent marquée de larges traces sales de poussière de scarabée.
« Oups ! fit-il d'un ton léger. Ça ne va pas être pratique pour suivre la recette.
– D'autant plus qu'il ne vous reste que vingt minutes pour la terminer, murmura Rogue, vénéneux. Si cette potion n'est pas parfaitement réalisée quand la cloche sonnera, Mr Pinkerton, vous resterez après le cours pour nettoyer les chaudrons de vos camarades. Vous viendrez également dans mon bureau copier cette recette pendant une heure, chaque soir pendant une semaine. Et, ajouta-t-il car il avait constaté que les punitions conventionnelles n'étaient d'aucun effet sur Pip, vous irez aider le professeur Gobe-Planche à toiletter ses Véracrasses. »
Un sourire sinistre étira les lèvres du professeur devant l'expression de dégoût que ne put retenir son élève. Les Véracrasses étaient des créatures aussi ennuyeuses que répugnantes qui semblaient avoir pris Pinkerton en grippe et lui bavaient dessus à la première occasion, ce dont Rogue était parfaitement au courant.
« Et si cela ne suffit pas, termina-t-il dans un chuchotement à peine audible, la prochaine fois, vous accompagnerez Hagrid dans la Forêt interdite lorsqu'il ira nourrir les bébés loups-garous. »
La gorge de Pip se noua et son regard se fit éperdu. Il avait bien dit « loups-garous » ? Les yeux de Rogue étincelèrent en constatant qu'il avait touché juste ; satisfait, il s'éloigna tandis que Pip retournait fébrilement à ses scarabées. Des Véracrasses, il s'en serait passé, mais le professeur Gobe-Planche lui permettrait sûrement de mettre un tablier et ses gants en peau de dragon, alors ce ne serait pas si terrible. Mais des loups-garous, même en bas âge…
Bon, ce brave Hagrid ne les laisserait sûrement pas lui faire du mal, même si Hagrid avait une définition toute personnelle de ce qui était dangereux et de ce qui ne l'était pas. Et puis, le professeur Dumbledore ne permettrait pas qu'on expose un élève à de telles créatures, si ? D'un autre côté, si Pip se faisait mordre par un loup-garou, il deviendrait juste loup-garou lui-même, ce n'était pas un drame – à moins de ne pas survivre à ses blessures. Il existait depuis peu une nouvelle potion qui, paraît-il, permettait aux lycanthropes de vivre la pleine lune avec une certaine sérénité. Bien sûr, il deviendrait un paria au sein du monde magique et ne serait peut-être pas autorisé à terminer sa scolarité dans un internat, mais qu'à cela ne tienne : le monde moldu était plus vaste et, s'il pouvait garder sa baguette, il saurait sûrement s'y faire une place agréable. Il ne demandait pas grand-chose, en réalité : un peu de confort, des revenus pas trop durement gagnés, de saines distractions telles qu'aller au cinéma, sortir avec une jolie fille, voler dans les magasins, plumer les Moldus au bonneteau… Et apprendre à conduire. Il avait très envie d'apprendre à conduire.
Pinkerton avait à nouveau détourné les yeux de sa table de travail pour les plonger dans le vide. Sa main maniait automatiquement le pilon qui, cette fois, était en train de réduire sa plume en miettes. Ce garçon n'était pas seulement un tricheur pathologique, mais également un paresseux-né, songea Rogue en s'approchant à pas de loup ; et contrairement à cet autre rêvasseur de Faraday, il n'avait même pas l'excuse de laisser son esprit se perdre dans des problèmes magiques aussi poétiques que complexes.
« Par la baguette de Circé, Pinkerton ! » aboya Rogue en frappant un grand coup sur la table de travail de Pip.
De surprise, celui-ci glapit et fit un tel bond que son chaudron se renversa, arrosant ses chaussures et le bas de sa robe de sorcier d'un liquide nauséabond qui ne ressemblait guère à une potion réussie. Tissu et cuir fondirent instantanément sous ses yeux horrifiés, puis la mixture commença à lui attaquer la peau…
« Voyez-vous ça, susurra Rogue, narquois, tandis que Pip tentait d'essuyer le liquide répandu sur ses jambes en ne faisant qu'accroître les dégâts. Monsieur Pinkerton a transformé sa solution de Force en un acide à l'efficacité redoutable. C'est presque une réussite, dites-moi, persifla-t-il à l'adresse du jeune sorcier qui gémissait d'angoisse en voyant ses jambes se mettre à peler. Mortimer, accompagnez donc notre aventurier des potions à l'infirmerie, et ne traînez pas en route, ou il se pourrait bien qu'il n'ait plus de jambes à l'arrivée. »
En panique totale, Pip avait l'impression que son cerveau s'était évanoui et que le reste de sa personne n'allait pas tarder à faire de même. Un sourire cruel aux lèvres, Rogue se pencha pour murmurer à son oreille de sa voix la plus doucereuse :
« Et si vous n'avez plus de jambes, il vous sera impossible d'échapper aux loups-garous. Voilà qui devrait vous passer l'envie de musarder pendant mes cours. »
Comme dirait l'autre, qu'il est bon d'être mauvais ^^
