Yo !
Cet OS est écrit pour la Nuit du FoF, sur le thème Rejet.
Bonne lecture !
5 sens : l'ouïe (2)
Personne ne m'aime ouin ouin
Vanitas se dit qu'il aimerait bien être un chanteur.
Un auteur-compositeur-interprète. Il est très intéressant alors il écrirait des chansons très intéressantes.
Et puis il a plein de choses à dire alors il en écrirait beaucoup. Et elles seraient toutes géniales. C'est sûr, c'est en musique qu'il a du génie. Il a forcément du génie quelque part. Intelligent comme il est, forcément il a un talent caché.
Il fait plus froid qu'il pensait dans la rue. Sortie définitive mon cul. Ils le laisseront rentrer. Pour tout ce qu'il consomme, il en vaut la peine.
Il écrirait des chansons tous les soirs, quand il rentrerait chez lui, bourré.
Là ce soir il écrirait une chanson sur Axel.
Il prendrait tous ses sentiments de merde, ceux qui l'empêchent de respirer sans alcool, ceux qui tâchent ses cris de sanglots, ceux qui lui font pousser son corps à sa limite quand il sait que le bar va bientôt fermer — et qu'il veut arriver chez lui vide. Il prendrait tout ça, il le balancerait sur sa guitare — nan, sa basse, il serait bassiste, mais pas le bassiste au fond de la scène qu'on voit pas bien, bassiste et chanteur, comme, eux, la meuf de Hey Violet. Toute façon il serait pas dans un groupe. Il se lancerait direct en solo : puisqu'il serait génial.
Ses voisins se plaindraient tout le temps. Ça le foutrait dans la merde. Il aurait un peu une vie d'artiste en cavale. Il écrirait des chansons sur ça aussi.
Il les écrirait en Anglais — putain de briquet de merde qui s'allume jamais quand il faut, dis, petit briquet, est-ce que tu arrives à le faire assez chier pour qu'il écrive une chanson sur toi ? — parce que c'est plus stylé, et mystérieux, et il pourrait être plus connu. En plus comme ça il pourrait chanter les chansons à sa mère et sa sœur et espérer qu'elles comprennent pas. Elles seraient tristes, sinon.
Et dans sa tête il écrit une chanson sur Axel.
Et ça fait un peu, ça fait comme,
Une ballade punk,
Va te faire foutre, bébé, fuckyoufuckyoufuckyou, god save the queen mais me regarde pas désolé, si tu me brises le cœur fais-le bien, connard.
Nevermind the bollock, because I don't give a shit pour toi et ta belle gueule,
Tchk-tchk-boum, là un intermède avec un solo de basse.
Et puis, fuck your amitié, je te veux pas à moitié, je te veux à mes pieds,
C'est bien ça non ?
Les sons tournent en boucle dans sa tête et c'est plutôt pas mal, ce flou artistique.
Il le savait, qu'il avait du génie.
Et puis demain, il reverrait la chanson écrite brouillonne sur son cahier ou enregistrée sur son téléphone et il se foutrait de sa propre gueule. De son sentimentalisme, de tout ce qu'il a foutu à poil en écrivant ça.
Il gratterait son âme à vif, pour que personne d'autre puisse le faire.
Peut-être même qu'il pleurerait.
Et puis il reprendrait le truc, il le ferait un peu plus au propre en enchaînant les cafés et les cigarettes et ça ferait de jolies photos pour la couverture de son album, le bordel de son appart, la lumière grise d'un matin où il fait moche sans pleuvoir, les cendriers pleins et lui penché sur sa guitare, torse nu, la gueule encore démolie de la veille, le mascara coulé.
Il finirait ça en deux jours, sans sortir de chez lui, et il l'appellerait : Personne ne m'aime, ouin, ouin. Et c'est un putain de bon titre. Triste et ironique comme lui.
Il serait un putain de bon chanteur, merde.
« Tombe pas. »
Une main sur son épaule, une voix qu'il connaît. Le meilleur pote de son meilleur pote. Son meilleur pote accidentel, quoi. Celui qu'il aime bien mais pas trop. Saï…x.
« Je tombe si j' veux. »
Son visage est flou. C'est la lumière aussi. Vanitas distingue même pas bien sa cicatrice. Sa voix, en revanche, elle perce l'air comme une balle.
« Mes excuses, ton intention était de tomber ?
— Gnagnagna, va te faire foutre. »
Ceci dit, il pourrait lui demander. Saïx il fait de la musique. Il avait un groupe avant. Avec celui qu'a sorti un EP, là, le blond qui parle trop. Mais il a jamais entendu Saïx chanter. C'était ça qu'il faisait, nan ? C'est vrai que sa voix elle est pas mal. Mais nan, Vanitas peut rien faire avec lui. Faut que ça soit lui qui chante, sinon ça compte pas. Fuuuuuuuuuuuuck.
« File-moi du feu. »
Le roulement de la pierre du briquet l'avertit. Il aurait pu lui cramer les sourcils, ce con. Il ajoute une ligne à sa chanson.
And your meilleur pote is a dick, il a failli burn my sourcils, put me on fiiiiiiiiire …
Je veux être aaaaiiilleurs.
« C'est Axel qui t'envoie ? »
Au moins ça clope est allumer. Maintenant il peut le rejeter, l'envoyer chier comme Axel l'a envoyé chier. Enfin. Axel l'a rejeté doucement, ce gros connard. Et en plus il envoie Saïx pour checker Vanitas. Le dernier des cons, vraiment.
« Tu étais supposé rentrer avec lui.
— Je vais pas rentrer.
— C'est sortie définitive.
— S'ils me laissent pas renter j'irai en boîte.
— Ils ne te laisseront pas entrer comme ça.
— Ils me laisseront entrer parce que je suis une superstar. Je vais sortir un album. »
La voix de Saïx change, quand il rit. Il a bu aussi, alors ? Vanitas plisse les yeux.
« Ça s'appellera Personne ne m'aime, ouin ouin. Va dire ça à Axel, tiens.
— Il est toujours dedans.
— Fais les yeux doux au videur. Ou chante-lui une chanson. Dis-lui que t'es une superstar tu verras ça marche.
— J'en doute. »
Elle est vraiment plus légère, la voix de Saïx, maintenant. Il est content pour un truc ? Ou juste il était stressé avant ? Stressé de quoi ? Ou triste ? Même question.
« C'est que tu prends pas assez une voix de superstar quand tu dis ça. Faut le regarder bien de haut, regarde, comme je fais.
— Tu me regardes d'en bas, Vanitas.
— Mais dans ma tête je te prends quand même de haut. »
Saïx a l'air pas convaincu. Alors Vanitas court vers lui. Pose les mains sur ses épaules avant de sauter. Sa voix craque. Il va peut-être vomir. Mais la tête de Saïx est sous la sienne, collée à son torse, et ses bras le tiennent le temps de dire :
« Je peux aussi te prendre de haut comme ça. »
Avant qu'il ne tombe. Ça fait mal, sa hanche sur le goudron, son épaule aussi, et son coude. Il aura des bleus. Mais ça n'a pas craqué, juste un son mat et un début de nausée. Il roule sur le dos, chope sa cigarette tombée à côté. Miraculeusement encore allumée.
« Et oui, tomber était mon intention. Si tu t' demandais. »
Tomber. Il aime bien comment ça sonne. Tomber à côté. Tombé à côté, comme il est tombé amoureux, à côté de la plaque, comme les blagues qui tombent à côté. Il peut écrire ça, aussi, dans sa chanson.
« Tu veux vraiment l'écrire ?
— Quoi ?
— Ton album. Il fait très … emo.
— Je suis pas emo.
— Ça revient à la mode. Ça pourrait marcher.
— Tu me prêtes ta basse ?
— J'ai pas de basse. Mais j'ai une batterie. »
Vanitas se redresse d'un coup. Ça l'intéresse. Si Saïx joue de la batterie, en plus, il pourra pas chanter. Tant qu'il est devant la scène ça lui va. Il tend la main. Saïx l'attrape. Il se relève.
« OK. La première chanson s'appellera Personne ne m'aime, ouin ouin, mais l'album s'appellera Le meilleur pote de mon meilleur pote qui m'a foutu un râteau a une batterie alors on a monté un groupe de rock. »
Saïx rit. Vanitas veut l'enregistrer, et le foutre quelque part dans une chanson.
« Ou sinon Le titre original était trop long, de toute façon on était bourrés quand on l'a trouvé. »
Vanitas opine du chef. Il l'entend déjà.
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Le groupe Crywank a une chanson avec « ouin ouin » dans le titre. Enfin Boo-hoo, puisque c'est en Anglais. Donc non, je ne suis pas une personne originale qui invente des choses mais ce groupe est extrêmement drôle et doit être plus connu que ça.
Aussi, après avoir eu l'idée de cet OS, je me suis rappelé que c'était globalement le même que le premier de ce recueil. Mais bref.
