Ibiki s'éveilla le souffle court, il garda les yeux clos. Une chaleur plaisante dans tout le corps. L'image d'une Amaria aux joues roses, au regard éperdu de désir, dansait sous ses paupières. Il pouvait presque entendre sa douce voix en demander plus dans un long gémissement.

Le maître des tortures ouvrit les yeux, soudain tout à fait réveillé. Voilà un long moment qu'il n'avait pas fait tel rêve. Il était seul dans son lit. Il calma sa respiration, poussa un long soupir.

Elle lui avait retourné l'esprit cette femme. Voilà qu'elle hantait même ses rêves. Tout ça à cause d'une simple phrase.

Le désir ne passait pas, l'image dansait toujours dans sa tête le provoquant toujours un peu plus. Il n'y avait que deux moyens de l'assouvir, Amaria étant loin, il opta pour le second. Voilà longtemps qu'il ne s'était pas adonné à cette activité.


Impossible de se rendormir après, dès l'aube il se retrouva hors de chez lui en direction de son bureau. Rien ne servait de rester chez lui à tourner en rond. Au moins, il aurait le temps de lire les rapports qu'on lui transmettait chaque jour. D'habitude il lisait ceux qui l'intéressaient en diagonale et laissait le reste à un Aburame qui était peu à peu devenu son assistant. Inoichi s'occupait du reste.

Lui menait les interrogatoires les plus importants pour affaiblir l'ennemi avant qu'un Yamanaka ne s'en occupe. Le reste du temps, il le consacrait à l'entraînement. Il devait continuellement former son équipe, renforcer leurs techniques.

Il consacra donc son début de matinée à recouper les différentes informations obtenues par son équipe. Il tenta d'établir des liens qui auraient pu échapper à ses équipiers moins expérimentés. La situation avec Iwa semblait tendue, mais Suna avait tout l'air de trafiquer quelque chose à l'ombre des regards.

En lisant deux rapports, il se souvint soudain d'un autre dossier vieux de quelques mois, peut-être une année. Il se nota de se rendre aux archives à la fin de l'entraînement de l'après-midi pour remettre la main dessus. Peut-être que ça allait éclairer une partie du mystère. Il inscrit soigneusement ses observations sur une feuille qu'il scella dans un rouleau de stockage sécurisé qu'il emmenait à peu près partout.

Le reste de la matinée, il procéda à un nouvel interrogatoire.

L'après-midi, il s'adonna à l'entraînement. Il prit plaisir à se vider l'esprit par l'exercice. Il ne pouvait utiliser la plupart de ses techniques sur son équipe. Il ne le faisait que lors des entraînement pour résister à la torture physique et psychologique : autant dire que tout le monde détestait ce moment. Aujourd'hui, il ne s'agissait que d'un entraînement au taijutsu et au ninjutsu.

Il le ponctua par un affrontement avec Anko. Il s'agissait d'un défi qu'il se plaisait à relever. A défaut d'affronter Orochimaru il pouvait au moins combattre son élève. Anko n'avait certainement pas le niveau du Sannin, mais elle avait hérité de son esprit vicieux et tordu. Sans compter ces saletés de serpents !

Il finit tout de même par lui faire mordre la poussière. Une fois de plus.

Après un dernier point avec tout le monde, il eut enfin le champ libre pour se rendre aux archives de Konoha pour vérifier son intuition. Il existait deux bâtiments d'archives. Le premier civil se situait dans les sous-sols de la bibliothèque du village. Le second se trouvait dans un des bâtiments à côté de la tour Hokage. Les archives prenaient place dans le sous-sol d'une armurerie et étaient étroitement surveillées de par leur proximité avec le Hokage. Il existait un système de destruction dans le cas où un pays ennemi réussirait à les envahir.

Il entra dans l'armurerie et fit signe au gérant qu'il descendait. Il emprunta un escalier en colimaçon peu large. Enfin, il se retrouva dans la vaste pièce encombrée de nombreuses étagères sur lesquelles reposait une montagne de parchemins.

Il s'avança vers le bureau d'accueil à sa gauche. Un homme brun portant des lunettes carrés était dissimulé par trois piles de dossiers. Le bureau semblait à peu de chose de rendre l'âme. Il apposait un tampon sur des feuilles à tour de bras. Un geste répétitif et sans fin.

— Bonjour Ibiki Morino-san, que puis-je pour vous, questionna-t-il d'une voix lente et traînante.

— Je veux consulter le rapport de la mission classée S du 27 mars XXXX.

— Votre accréditation à la section S.

Ibiki lui tendit le document et attendit que l'autre termine de le lire en détail. Il essaya de ne pas perdre son calme. La procédure. C'était normal autant que c'était chiant. L'autre nota sur un papier les informations, apposa son sceau puis lui tendit.

— Rendez-vous au bureau de la section S, allée 33, code 1358.

Les archives étaient un vrai labyrinthe pour qui n'y avait jamais mis les pieds. Il se dirigea rapidement vers la section S et repéra sans mal l'allée 33. Ses bottes claquaient contre le sol résonnant. Les allées se ressemblaient toutes et s'alignaient sans fin. Au milieu de la section S se trouvait un bureau lui aussi envahi d'innombrable parchemin. Il appuya sur la sonnette en constatant qu'il n'y avait personne.

Un "j'arrive" fut crié au fond d'une section et des pas précipités se firent entendre. Ibiki fronça les sourcils. Cette voix lui disait quelque chose, mais l'écho l'avait déformé suffisamment pour qu'il ne fasse pas le lien directement.

Il tourna la tête dans la direction où la personne arrivait. Son regard, peu avenant qui ferait comprendre à n'importe qui qu'il n'appréciait pas attendre, s'adoucit en voyant une petite femme aux cheveux noirs méchés de bleus se précipité vers lui.

Amaria. Ici. Décidément.

— Amaria, la salua-t-il avec un sourire en coin.

— Ibiki !

Son ton était monté dans les aigus. Ses yeux reflétaient sa surprise. L'un comme l'autre ne s'attendait pas à se retrouver ici.

— Je te manquais tellement que tu es venue me voir jusqu'ici, se reprit Amaria, taquine.

Ibiki éclata d'un rire bref. Elle reprenait rapidement du poil de la bête alors qu'elle avait semblé très clairement déstabilisée.

— Si j'avais su que tu travaillais ici je serais effectivement venu uniquement pour te voir.

— Ainsi cette information avait échappé au maître de la section qui y est consacré, ria-t-elle pour camoufler le déferlement d'émotions que venait de provoquer cette simple phrase.

Ibiki émit à nouveau un bref rire. Elle l'amusait tellement avec ses taquineries et ses provocations. Il lui tendit le papier sur lequel était inscrit l'objet de sa venue. Amaria se ressaisie de suite : elle était au travail, elle ne pouvait se permettre de trop s'amuser. La présence du ninja la rendait un peu trop euphorique. Bien qu'elle aurait apprécié qu'il ne découvre pas son travail de suite. Certes, il devait se douter qu'elle n'était pas une Kunoichi, mais elle aurait préféré que le doute plane encore un temps.

Elle servait le village à sa manière, mais il y aurait toujours ce regret.

Elle ouvrit le lourd registre à peu près à la date demandée et laissa glisser son doigt jusqu'au nom du dossier. Elle nota lisiblement l'allée, l'étagère et le numéro d'enregistrement aux archives sur la partie qu'elle devait remplir.

Ibiki ne détacha pas un seul instant son regard de la jeune femme. Il trouvait son air concentré adorable. Oui, lui, le Maître des Tortures trouvait quelqu'un adorable. Son image de grand dur n'allait pas survivre à cette histoire. Qu'importe : il était humain après tout.

Il eut un temps de latence quand elle lui tendit le papier. Il était parti trop loin dans ses pensées. Il faut dire qu'Amaria était pour lui une source de pensées à thèmes variés et variables.

— Ca ira pour trouver ? Je dois finir de ranger ça, sinon je t'aurai accompagnée…

— Ne t'inquiète pas, je connais à peu près les lieux, je vais trouver.

Elle le regarda s'éloigner, les yeux rivés sur son dos. Elle imaginait sans mal sa musculature sous son épais manteau. Avait-il beaucoup de cicatrices sur le reste de son corps ? Elle se languissait de le découvrir. Ca et bien d'autres choses.

Elle darda un regard assassin sur la pile de documents qui l'avait empêchée de passer plus de temps avec son shinobi préféré. Pourquoi fallait-il qu'elle range tout ça maintenant ! Elle s'attaqua à la pile avec énergie permettant entre autres d'évacuer sa frustration. Les allées désertes la poussèrent à toutes sortes de pensées qui la déconcentrèrent aussitôt. Elle n'allait jamais s'en sortir comme cela.

Enfin, elle reprit le chemin de son bureau. Juste une feuille à signer et elle pourrait rejoindre le monde extérieur. Victoire !

Elle eut un moment d'arrêt en voyant la silhouette appuyée contre son bureau. Ibiki était encore ici ? Il l'attendait ? Elle se hâta. Effectivement, il était là. Les yeux fermés, les mains enfoncées dans ses poches. L'air serein.

— Ibiki, l'appela-t-elle d'une voix douce.

Elle n'allait pas le surprendre. Elle avait déjà expérimenté et ce n'était définitivement pas recommandé.

Il ouvrit les yeux et elle se figea sous son regard. Bon sang ! Comment allait-elle survivre sans se consumer.

— Je me suis dis que tu n'allais pas tarder à terminer. Je t'attendais.

Elle eut un sourire lumineux. Qui oserait dire que le Maître des Tortures n'avait pas de cœur maintenant ? Elle remplit sa feuille rapidement et attrapa ses affaires avec empressement. La scène tira un sourire amusé à Ibiki.

— Après tout, tu as dis qu'on était plus des inconnus à la troisième rencontre, je peux me permettre ce genre de choses.

— Quelles sortes de choses, questionna-t-elle les joues en train de devenir cramoisies.

Ibiki la détailla du regard, accentuant son rougissement. La scène qu'elle avait imaginée entre les allées lui revenait en mémoire vicieusement. Il y avait bien des choses qu'il aurait pu se permettre.

— Raccompagner une douce jeune femme jusque chez elle après sa dure journée de travail.

Elle voulait mourir là, maintenant, tout de suite. Qu'est-ce qu'elle était allé s'imaginer ! Elle allait devenir folle. Il voulait juste la raccompagner et elle ! Elle chassa les images torrides de son esprit : ce n'était pas le moment. Juste marcher jusque chez elle. Juste ça.

Ibiki s'amusa de la réaction de la jeune femme. Il n'allait pas se laisser faire, lui aussi savait s'amuser à coup de provocations et de taquineries. Elle ne savait pas à qui elle se mesurait dans ce domaine. Il allait définitivement bien s'amuser. Et il allait gagner à ce petit jeu.

— Allons-y alors, s'anima Amaria. J'ai assez vu ces archives pour aujourd'hui !

« Pitié qu'il ne se soit rendu compte de rien ».