Chapitre 5 :
La prochaine fois qu'il revoit Malfoy, c'est deux jours après Noel et ils sont dans une boutique de décoration.
La peinture représentant Poudlard a interpellé Harry de l'autre côté de la vitrine. Il s'est rappelé une réflexion que Hermione lui a fait sur l'absence de décoration dans son nouvel appartement alors que ça fait déjà trois mois qu'il y ait installé et ça l'a décidé à rentrer dans cette boutique.
Il est en train d'admirer le tableau, qui en plus de montrer le château et ses alentours, donne la météo en temps réel. Ce qui veut dire que peu importe à quel moment de la journée on regarde le tableau il est différent. En ce moment une neige fine tombe sur la toiture de l'école alors qu'à Londres même s'il fait froid, pas un seul flocon n'ait prévu avant au moins une semaine.
-J'espère qu'il va arrêter de neiger, fait une voix traînante dans son dos. Les gosses sont intenables quand il y a de la neige.
Harry se tourne vers Malfoy, persuadé que si son cœur bat soudainement la chamade c'est parce qu'il est surpris de le voir là. Depuis l'affaire des Miller il ne l'a pas revu. Etant donné que les conclusions de ses recherches le blond les a envoyées par hibou au lieu de les apporter en personne, Harry a légitimement pensé que malgré leur mise au point ils en étaient revenus à s'éviter. Mais il semble s'être trompé après tout. Il essaie de refouler l'étrange tension qui s'empare de lui et décide que puisque Malfoy a engagé la conversation, ce serait ridicule de ne pas lui répondre. Il lui a assuré qu'il pouvait se comporter normalement avec lui alors il va tenir sa promesse.
-Je sais, dit-il avec un sourire hésitant. La première année où j'ai enseigné, j'ai cru que les élèves avaient soudainement tous pris de la drogue tellement ils étaient surexcités. Après je me suis fait une raison.
Son anecdote arrache un sourire en coin à Malfoy et la tension que Harry ressent s'allège un peu. « Tout va bien », pense-t-il, « cette discussion est anodine et je n'ai toujours pas détaillé Malfoy de haut en bas. Il a souri et mes yeux ne sont déjà plus sur ses lèvres. Je maitrise.»
-Je n'ai pas l'impression de m'être comporté comme eux, reprend le blond songeur le regard rivé sur le tableau, mais je suppose qu'on voit les choses différemment quand on est de l'autre côté de la barrière.
Harry lève les yeux au ciel et donne un léger coup d'épaule à l'autre homme, ce qui lui attire un regard surpris. Même lui est un peu étonné par son geste car c'est étrangement facile d'avoir l'impression de se conduire avec Draco comme s'il s'agissait d'un vieil ami et d'oublier qu'il a été aussi un ancien ennemi et un amant.
-Malfoy, tu devais probablement être aussi ravi que le reste d'entre nous par l'arrivée de la neige mais chez toi une émotion aussi intense se manifeste au mieux par un léger hochement de tête.
Il a peur d'être allé trop loin dans la taquinerie mais même si Malfoy plisse les yeux dans sa direction, Harry peut voir qu'il n'est pas ennuyé.
-J'ai toujours été d'un naturel exubérant, commente le blond finalement pince sans rire. Tu vas acheter ce tableau ?
Le prix n'est pas donné mais Harry a déjà pris sa décision.
-Oui, je le trouve chouette.
Draco hoche la tête. Ce qui revient à dire qu'il lui plait aussi. Ce qui fait que Harry a encore plus envie de l'acheter. Ce qui est complétement ridicule.
-Tu as passé un bon Noel ? demanda-t-il pour éviter qu'un silence maladroit ne s'installe.
Mais cette question posée trop vite manque de naturel. Il ne sait pas si Malfoy est dupe ou pas, quoi qu'il en soit il lui répond quand même par l'affirmatif. Harry croit qu'ils vont continuer bien sagement à échanger des banalités mais Malfoy au lieu de lui demander à son tour comment se sont passées ses fêtes aborde un tout autre sujet.
-J'ai lu que les projets de légistation sur l'homosexualité ont tous été rejetés. Granger n'est pas trop déçue ?
-Elle l'est, répond Harry se rembrunissant car le vote négatif des représentants de la chambre des députés sorciers a quelque peu terni leurs fêtes de Noel, et je le suis aussi, mais ce n'est pas vraiment une surprise. De toute façon, elle va représenter le dossier en juin et autant de fois que nécessaire.
Draco esquisse un sourire quelque peu amer.
-Je crois que vous finirez par y arriver, dit-il enfin. Les choses sont déjà en train de changer. Tout à l'heure j'ai croisé deux femmes se tenant par la main dans la rue, je n'avais jamais vu ça avant. Et il semble que ce soit grâce à toi Potter. Tu as donné envie à des tas de sorciers de relever la tête et d'arrêter de se cacher.
Harry se gratte machinalement la joue sentant les poils courts de sa barbe sous ses doigts, il est à la fois surpris et gêné par ce qu'il vient d'entendre. L'approbation de Draco verbalisée si tranquillement fait tomber ses défenses.
-Mais il y en a un tas d'autres qui me déteste, ne peut-il finalement s'empêcher de raconter. Ça va faire quatre mois et j'ai encore une quantité non négligente de beuglantes qui m'attend chaque soir sagement à la maison. Est-ce que ça s'est calmé pour toi ?
-J'en reçois encore de temps en temps, avoue Draco en haussant les épaules. Mais tu es Harry Potter, pas un obscur petit professeur, tu vas y avoir droit probablement toute ta vie.
-Génial, merci pour tes encouragements, grogne Harry.
-Allez Potter, sourit Malfoy effrontément, se faire insulter quotidiennement est bon pour ton égo de sauveur.
-Pas sur ce sujet, marmonne Harry sans pouvoir s'empêcher de continuer à vider son sac, leurs insultes c'est…je ne sais pas, ça me touche…
Les yeux gris s'écarquillent légèrement et Malfoy perd son sourire.
-Attends ! dit-il. Tu veux dire que tu écoutes réellement les beuglantes que tu reçois ?
-Pas vraiment, je les ouvre toutes en même temps pour que ça aille plus vite donc ça donne une sorte de cacophonie mais il y a quand même des mots qui ressortent. Mais bon, c'est le but des beuglantes après tout…
Malfoy secoue la tête, l'air de ne pas y croire. Harry ne comprend pas trop ce qu'il lui prend, pourquoi il s'ouvre sur ce sujet à cet homme entre tous alors que même à Hermione et Ron ne sont pas au courant à quel point ces beuglantes le touche. Ça doit être parce que Draco est passé par là aussi.
-ça ne devrait même pas m'étonner, murmure Malfoy finalement. Il faut que tu t'infliges toi-même une sorte de punition pour ne pas être exactement celui qu'on attendait de toi.
-Ce n'est pas ça ! réplique Harry sur la défensive cependant il est incapable d'argumenter.
Sa ridicule protestation ne parvient à convaincre ni lui ni l'homme qui lui fait face. Malfoy le connaît trop bien.
-Oui, tu es gay Potter, dit Malfoy d'une voix chargée d'une soudaine colère froide, mais tu es le putain de sauveur ! Qu'est-ce que tu en as à foutre qu'une poignée de crétins se sentent trahis ? Tu ne leur dois rien !
-Je sais, répond Harry surpris par cette soudaine virulence.
A présent, il a l'étrange besoin d'apaiser le blond mais une part de lui pense aussi que ça risquerait de l'amener sur une pente glissante alors il reste les bras ballants. Le silence tendu entre eux est très inconfortable mais Malfoy détourne yeux et quand il parle son intonation est redevenue neutre.
-Peu importe, lui dit-il. Tu finis toujours pas n'en faire qu'à ta tête de toute façon. Mais tu devrais essayer les machins que les moldus mettent dans leurs oreilles pour écouter de la musique.
-Des écouteurs ? demande Harry surpris que Draco connaisse un truc pareil puis il se souvient qu'il est professeur et qu'il a du voir ça sur des élèves d'ascendance moldue.
Draco fronce les sourcils et semble hésiter cherchant probablement dans son faible vocabulaire moldu si il s'agit bien d'écouteurs ou encore d'autre chose. Harry le trouve bizarrement touchant mais tient bien trop à sa vie pour faire le moindre commentaire.
-C'est possible, finit par dire le blond. Le mot semble logique puisque ça sert à écouter.
-Tu as l'air surpris, mais c'est assez courant que les moldus nomment leurs objets selon une certaine logique, ne peut s'empêcher de le taquiner Harry parce que honnêtement Malfoy est trop désopilant. Ils ne jettent pas des lettres au hasard sur la table pour voir ce qu'il en ressort.
-Ah ? Bon à savoir, commente Draco terriblement terre à terre en lui adressant même un grave hochement de tête en guise de remerciement.
Harry ne peut s'empêcher de sourire et il a en même temps soudainement conscience que Malfoy est à portée de bras. Il a conscience aussi qu'il est finalement peut-être sur le point de le bouffer des yeux détailler de pied en cape et que sa gorge, sans raison particulière, est en train de se serrer douloureusement.
-Bien, dit-il très vite détournant ses yeux et son corps de Draco Malfoy. Je vais payer ce tableau et rentrer chez moi. Bonne soirée Malfoy !
-Oui, entend-il derrière lui la voix un peu surprise du blond, probablement à cause de sa brusque prise de congé, bonne soirée aussi Potter.
Quand Harry paie à la caisse il a les mains un peu tremblantes. Quand il se retourne enfin et constate que Malfoy est parti, il soupire de soulagement et pense quand même que dans l'ensemble ça c'est bien passé.
Deux jours plus tard, dans le Londres moldu, il investit dans un mp3 et des écouteurs. A présent quand les beuglantes ouvrent leurs bouches béantes de papier pour lui hurler des obscénités, il entend du bon vieux rock moldu et fredonne de concert.
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Il ne revoit Malfoy que quatre mois et demi plus tard dans un congrès de potionistes auquel son petit ami participe.
Il s'appelle Anthony Wilson, il a 25 ans et Harry l'a rencontré trois mois plutôt lors d'une affaire. Anthony est un chercheur en potion et Harry avait besoin de son expertise car Ron et lui enquêtaient sur un trafic. Il a été surpris de tomber sur un jeune homme brun aux yeux bleus incroyablement lumineux et au sourire définitivement communicatif. Il a été encore plus surpris quand plus tard dans la soirée il a reçu un hibou dudit jeune homme lui demandant s'il accepterait de boire un verre avec lui. Même si le courant était passé entre eux et que depuis son coming out certains sorciers gays tentaient ouvertement sa chance avec lui, Harry n'aurait pas catalogué le scientifique du côté de ceux qui font le premier pas. A l'évidence il avait eu tort.
Après avoir longuement hésité, Harry avait répondu qu'il n'était pas encore à l'aise pour sortir publiquement avec un homme dans les rues sorcières mais que se retrouver dans un endroit moldu lui conviendrait tout à fait. Et c'est comme ça que tout a commencé. Anthony est facile à vivre, il a cette capacité de communiquer aisément avec les gens que lui envie secrètement Harry. Il est aussi extrêmement intelligent, ce qui lui a valu son poste de titulaire lorsqu'il avait seulement vingt-trois ans –la plupart de ses collègues ayant tous trente ans ou plus-. Il est beau aussi. Et, ce qui ne gâche rien, Harry et lui s'accordent plutôt très bien sur le plan sexuel.
Tout ça a fait que deux mois et demi plus tard, Harry a revu sa copie et Anthony-après que Harry lui ai longuement expliqué tout ce à quoi il allait être exposé et qu'il en ait compris les répercutions qu'il y aura sur sa vie- a accepté de sortir avec lui dans un restaurant sorcier. C'était il y avait tout juste deux semaines et ils ont bien entendu fait les gros titres des journaux même si le seul geste révélateur qu'ils se sont permis- initié par Anthony du reste - a été de se tenir la main par-dessus la table.
Bien sûr, malgré cet immense pas dans leur relation, tout n'est pas parfait. Et c'est essentiellement à cause d'Harry. Il n'est toujours pas prêt à laisser Anthony voir ce qu'il y a sous son bracelet. Il préfère aussi rester à l'appartement du brun plutôt que de l'emmener chez lui. Il ne lui parle pas de son enfance. Il ne lui parle pas de la guerre. Il ne lui parle, bien entendu, pas de Draco Malfoy. Il ne le laisse pas le baiser.
Ce sont des étapes qu'il devra franchir un jour, il en est conscient. Et il est possible que ça se fasse avec Anthony car ce mec a fait un sans-faute pour l'instant.
Il n'y a pas de montagne russe avec lui et c'est exactement ce qu'il cherche.
Et là, pour sa seconde sortie publique en couple, Harry se retrouve tout endimanché et entouré de scientifiques sous des immenses chapiteaux. Il est donc plutôt mal à l'aise et il s'ennuie mais il se dit qu'un bon petit ami doit parfois faire des sacrifices. Pas qu'il ait vraiment de l'expérience dans ce domaine, sans compter Malfoy, il s'agit de sa plus longue relation et avec Draco ils n'ont jamais fait de sorties en couple.
Anthony est à ses côtés et le présente à ses collègues qui sont plus ouverts d'esprits que les propres collègues d'Harry où tout simplement trop occupés par leurs recherches pour s'attarder sur la vie amoureuse de leurs congénères. C'est rafraichissant en quelque sorte et Harry est presque content d'être là jusqu'à ce qu'ils se mettent à parler de leurs travaux, ce qui est normal puisqu'ils sont à un congrès consacré aux potions. Mais ça n'empêche qu'Harry commence sérieusement à trouver le temps long.
Puis Anthony le traîne jusqu'à un homme d'âge mûr, un professeur au nom allemand imprononçable, mais qu'il doit absolument connaître car ses travaux sur les potions de guérison sont impressionnants. Sauf qu'à côté de l'éminent professeur, se tient Draco Malfoy. Harry ne le reconnait que quand il est trop tard pour faire demi-tour car Malfoy se trouve de dos et ses cheveux sont coupés courts, vraiment courts, comme un militaire moldu.
-Bonsoir Professeur Aschenbrenner ! dit Anthony avec une telle jubilation qu'on pourrait croire que l'homme est son cadeau de Noel en avance. « Je suis vraiment désolé de vous déranger, reprend-t-il avec son sourire étincelant alors que les deux hommes se tournent vers eux. Mais je ne pouvais pas laisser passer cette occasion de saluer l'homme dont les travaux m'ont tellement inspirés !
Les yeux de Malfoy glisse sur Anthony sans vraiment d'intérêt puis ils s'écarquillent légèrement quand il reconnait Harry. Harry lui adresse un hochement de tête poli alors qu'un frisson le traverse. C'est bizarre de voir Malfoy planté là, avec ses cheveux si courts.
-Merlin ! Me voilà flatté, répond Aschenbrenner avec un accent à couper au couteau qui décide Harry à détourner brièvement les yeux du blond.
Anthony ne lui laisse pas le temps de dire autre chose et tout à son excitation de voir son idole commence à le bombarder de questions. Mais Aschenbrenner semble amusé et c'est normal, Anthony est tellement enthousiasme et drôle que personne ne s'agace jamais de ses manières. Son charme solaire agit sur tout le monde et ce vieux professeur n'a aucune chance.
Draco regarde de nouveau Anthony, avec plus d'attention cette fois sans hostilité mais sans bienveillance non plus. Non, Harry a l'impression que Malfoy regarde son petit ami comme s'il se trouvait devant une équation compliquée. Lui-même ne sait pas trop comment réagir, il aurait préféré que les deux hommes ne se croisent jamais. C'est plutôt bizarre de voir son ex et son petit ami côte à côte, même si ledit petit ami semble l'avoir un peu oublié.
Puis Anthony a l'air de s'apercevoir que Harry et Draco sont là aussi.
-Oh mon dieu, j'étais tellement excité de vous rencontrer que j'en oublie de faire les présentations. Vous devez connaître Harry Potter, il a gentiment accepté de m'accompagner.
-Qui ne le connait pas ? sourit le professeur serrant chaleureusement la main de Harry. Même en Allemagne il est célèbre ! Et voici Draco Malfoy. Il est professeur à Poudlard…pas de potions hélas, bien qu'il avait toutes les qualités requises pour percer dans ce domaine…
Le professeur ne dit pas que Malfoy est professeur de Magie Noire et Malfoy ne sert la main de personne. Il se contente de hocher la tête. Il doit savoir que Anthony est le petit ami de Harry puisque la presse sorcière ne parle que de ça depuis deux semaines mais il ne fait aucun commentaire à ce sujet. C'est comme s'il y avait un éléphant dans la pièce que tout le monde essayait d'oublier.
-Je sais qui vous êtes, reprend Anthony, les journaux vous ont déjà mentionné. Lors du dernier tournoi des trois sorciers vous avez sauvé la vie d'Harry.
Les journaux ont parlé plusieurs fois de Malfoy et rarement en bien mais Harry est soulagé qu'Anthony ait choisi la fois où ils ont considéré Malfoy comme un héros (ou ce qui s'en rapproche le plus). Ceci dit ça ne l'étonne pas, Anthony essaie toujours de mettre les gens à l'aise.
-On fait tous des erreurs, commente Malfoy de sa voix traînante.
Harry sait qu'il s'agit de l'humour pince-sans-rire made in Draco et esquisse un sourire amusé malgré lui. Mais Anthony a l'air sincèrement surpris comme s'il se demande s'il doit prendre cette phrase au premier degrés ou pas.
-Tu dis ça par rapport à ta coupe de cheveux ? questionne Harry, jouant sur le même terrain que le blond.
En réalité qu'il ait des cheveux aussi courts ne lui va pas si mal. Ses traits ont l'air plus ciselés mais leur finesse ressort aussi et plus aucune mèche ne vient gêner son regard, ce qui le rend encore plus magnétique. Cependant il sait à quel point Malfoy aimait ses cheveux donc il est étonné de voir quasiment rasés. Et s'il doit être tout à fait honnête, lui aussi les aimait bien. Surtout le matin au réveil ou après qu'il ait pris son pied, bien échevelés par ses soins.
Malfoy passe une main sur son crâne en soupirant et lui jette un regard oblique. Harry se dépêche de refouler ses dangereux souvenirs.
-Avant-hier, je me suis retrouvé au milieu d'un conflit entre deux adolescentes de cinquième année. Et l'une d'elle a lancé à l'autre un sortilège de Lashlabaskqui malencontreusement a atterri sur mes cheveux, qui ont pris feu. Ravi de voir que ça t'amuse Potter.
Harry essaie de s'empêcher de ricaner sauf que Malfoy est bien trop amusant avec son air courroucé et il regrette tellement de ne pas avoir pu assister à une telle scène.
-La vie de professeur n'a pas l'air de tout repos, entonne Anthony compatissant.
Malfoy hausse simplement les épaules. C'est la première fois que Harry voit quelqu'un d'aussi hermétique à la bienveillance d'Anthony mais c'est Malfoy après tout.
-Anthony travaille en ce moment sur une potion qui permettrait de soigner à long terme des séquelles neuronales dues aux sortilèges de magie noire, comme par exemple le Crucifix, explique Harry pour relancer la conversation et aussi car une part mesquine de lui veut montrer à Malfoy à quel point l'homme à ses côtés est intelligent.
Le professeur allemand a l'air totalement intéressé et impressionné aussi. Les cinq minutes suivantes les deux scientifiques discutent presque à bâtons rompus oubliant de nouveau Harry et Draco.
-Comment vas-tu ? lui demande finalement Harry.
Et c'est une vraie question, pas seulement pour briser le silence. Il espère que Draco le sait.
-Hormis ma très récente et douloureuse perte de cheveux, tout va bien.
Harry veut rire à nouveau quand il repense à Malfoy pris entre deux feux avec une adolescente furieuse de chaque côté. Le pire champ de mine au monde.
-Ils repousseront, dit-il en souriant.
-Merci pour cette prédiction, professeur Trelawney. Et toi comment vas-tu ?
Harry sait que Malfoy n'est pas du genre à poser de telles questions par pure politesse. Ce qui veut dire qu'il veut sincèrement savoir comment il va. Harry se sent bizarrement réconforté à cette idée alors qu'il ignorait même avoir besoin de réconfort.
-Tout va très bien, répond-t-il.
Et c'est vrai, à cet instant, il va bien car encore une fois Draco rend leur rencontre facile. Il n'a même pas l'air mal à l'aise par la présence d'Anthony. Donc tout est cool entre eux et c'est un soulagement. En plus depuis qu'il est là, Harry ne s'ennuie plus.
- Permets-moi d'en douter, rétorque Malfoy avec un captivant sourire en coin. Tu te trouves à un congrès de potionistes, et apparemment tu es là de ton plein grès. Tu dois forcément couver quelque chose.
Le bras droit de Harry et soudainement enveloppé par la main d'Anthony, ce qui le fait légèrement sursauter.
-C'est de ma faute, dit ce dernier revenant dans leur conversation. Harry est juste trop gentil et j'en profite honteusement !
Les yeux de Malfoy restent fixés un instant à l'endroit où la main d'Anthony le touche. Harry se rapproche d'Anthony inconsciemment. Il a la soudaine envie d'être revendiqué par son amant. C'est stupide et c'est la première fois que ça lui fait un tel effet. Il n'a jamais laissé Anthony le baiser parce qu'il n'en avait pas spécialement envie. Et Anthony n'a jamais semblé vouloir vraiment inverser leurs rôles même s'il avait raconté à Harry que dans ses précédentes relations ça lui était arrivé d'être l'actif et que ça lui avait plu aussi. Mais là, cette nuit, Harry veut y avoir droit, il veut sentir une queue dure coulisser en lui et se faire marteler contre un matelas.
Il sait que la présence de Malfoy a probablement un rôle à jouer dans sa soudaine fièvre sexuelle mais il s'en fout. Malfoy est le passé.
Il pense à Anthony qui est plus beau, plus sociable, plus intelligent (il n'est pas vraiment sûr de celui-là cependant) et tellement plus facile à vivre que ne le sera jamais Draco Malfoy. C'est normal d'avoir envie de lui. D'avoir envie d'être possédé par un tel homme
-J'aime bien te voir dans ton élément, répond-t-il d'une voix inconsciemment plus sensuelle à Anthony, sans se rendre compte aussi que c'est une des rares fois qu'il quitte Malfoy du regard. Même si je n'y comprends pas grand-chose…
-C'est parce que tu t'en fous, réplique Anthony en levant les yeux au ciel mais la légère rougeur qui s'étale sur ses joues montre que le soudain changement d'atmosphère n'est pas passé inaperçu. « Je ne t'en veux pas. Je peux comprendre que le jargon scientifique peut-être rébarbatif.
Il considère Malfoy comme s'il s'attendait à ce qu'il approuve sauf que Malfoy doit autant comprendre ce jargon que n'importe quel chercheur sous ces auvents. Le blond n'assiste pas à ce congrès comme accompagnateur mais parce qu'il est sincèrement intéressé.
-Etre professeur à Poudlard doit être nettement plus intéressant, reprend Anthony dans le but évident d'intégrer le blond peu loquace à la conversation. Malgré lui, ça énerve un peu Harry cette espèce de condescendance.
Si Malfoy parle peu ce n'est pas parce qu'il ne comprend rien aux travaux présentés dans cette pièce –ça c'est Harry-, mais parce qu'il n'aime pas vraiment socialiser. Sauf qu'Anthony ne le connait pas donc il ignore tout ça.
Cette fois le regard ennuyé de Malfoy est dirigé sur Anthony qui, du fait, perd un peu de son sourire.
-Détrompez-vous, répond-t-il d'un ton morne et visiblement à contre cœur. La chose la plus intéressante quand on est professeur consiste à attraper les petits papiers que les gamins plein d'hormones s'envoient en classe et à les lire à haute voix. La vision de leur visage en train de se décomposer est tout simplement fascinante.
-Je vois, réplique Anthony en fronçant les sourcils, ne comprenant décidément pas le blond.
Harry a envie de lui expliquer qu'il n'obtiendra pas de vraies réponses de l'autre homme car c'est sa manière à lui de poser d'abord ses marques et de se protéger: être sarcastique au possible. Il faut du temps, beaucoup de temps, pour que Malfoy se livre, même pour des questions les plus anodines. Ça demande une somme d'efforts que peu de gens sont prêts à fournir. C'est probablement d'ailleurs pour ça que le blond a si peu d'amis.
Puis il grogne intérieurement, c'est idiot de ressentir ce besoin d'expliquer comment fonctionne Malfoy.
Plus tard quand ils sont chez Anthony, le potioniste parle de nouveau de Malfoy.
-Il est particulier, dit-il.
-Comment ça ? demande Harry sincèrement curieux tout en s'affalant sur le canapé.
-Il donne l'impression de s'ennuyer profondément, sauf que quand il s'adresse aux gens il leur accorde toute son attention et on se sent obligé d'être captivé. C'est une sensation bizarre.
-Peut-être, répond Harry.
-Je sais que tu l'estimes mais l'impression qu'il m'a donné n'est pas super positive, reprend Anthony. Je veux dire, tu l'as entendu quand il a parlé de l'histoire des petits mots de ses élèves qu'il lit à haute voix. Humilier des adolescents alors qu'on représente l'autorité, c'est un peu facile non ?
Harry se sent bizarrement sur la défensive, comme si c'était lui qui était jugé et pas Malfoy. « Pourquoi ne lui as-tu pas fais part de ça en face ? » a-t-il envie de lui rétorquer. Mais il sait pourquoi. Anthony a probablement voulu éviter une prise de bec ridicule. Il l'aurait fait, il aurait malheureusement compris que Malfoy parvient à humilier toute sorte de gens, même l'un des meilleurs potionistes de toute une génération.
-Malfoy n'est pas vraiment comme ça, dit-il quand même, incapable de ne pas prendre la défense du blond. Il aime bien être sarcastique et se faire passer pour un méchant sans cœur mais je l'ai vu enseigner. Il est en réalité très attentif à ses élèves. Malfoy est bien plus investi que la plupart des autres professeurs. Il aime sincèrement son travail.
Anthony hausse les épaules et vient se pelotonner tout contre lui. Sa chaleur est la bienvenue et Harry se sent de nouveau stupide d'avoir été contrarié parce que l'opinion d'Anthony envers Malfoy n'est pas toute rose. Pas comme si Malfoy avait fait le moindre effort pour se faire apprécier. Le seul qui avait tenté de dialoguer était Anthony.
-Tu le connais mieux que moi après tout, abdique ce dernier d'une voix un peu ensommeillée. Mais c'est le genre de personne qui ne laisse pas indifférent. Celles dont on ne sait pas si on doit les détester ou les aimer…
Harry connaît la réponse à cette dernière question. Il faut les détester. Les aimer finit par vous briser le cœur.
-Hey, dit-il en secouant doucement le jeune homme, tu ne vas pas t'endormir ?
Anthony le regarde derrière ses longs cils noirs. Ses yeux bleus brillent d'amusement et de désir aussi. Ce qui rend Harry un peu plus confiant sur le fait qu''en poussant les bons boutons il peut obtenir ce qu'il veut cette nuit.
-Pourquoi ? ronronne Anthony. Tu as d'autres projets ?
-Ouaip, admet Harry avec un sourire lascif en commençant à déboutonner la chemise de l'autre homme. Mais ça nécessite que tu sois nu.
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Harry sent Anthony se crisper au-dessus de lui mais pas de la bonne manière car tous ses mouvements s'arrêtent, il se retire immédiatement après et roule sur le côté du lit. En sueur, essoufflé, confus et surtout frustré, Harry croit dans un premier temps qu'Anthony a joui et vient de le laisser inexplicablement en plan.
Mais quand il se tourne vers son amant pour exiger des explications, il est évident qu'il est aussi « à point » que Harry et qu'il fait un effort évident pour essayer de rester calme. Anthony a l'air en colère et triste, ce qui est incompréhensible, tout allait bien une poignée de seconde avant, bordel, ils étaient train de baiser !
-Anthony ? demande Harry de son côté du lit, un peu inquiet maintenant qu'il voit que quelque chose ne va vraiment pas.
-Ah tu te souviens comment je m'appelle maintenant ? vient la réponse acide.
Pour sa défense, Harry ne comprend pas tout de suite ce qu'on lui reproche, la sortie de sa brume de plaisir est violente et il n'aime pas le ton que commence à prendre cette conversation.
-De quoi tu parles ? grogne-t-il en tâtonnant sur la table de chevet d'Antony pour retrouver ses lunettes.
Anthony est en train de remettre son caleçon avec des gestes saccadés.
-Bordel, dit-il en le toisant avec un mélange de surprise et de trahison, tu ne t'es même pas rendu compte du prénom que tu viens de gémir ?
Harry ouvre la bouche et aucun son ne sort car il a le souffle coupé. Son érection termine de se faner et son estomac se tord désagréablement.
-Je…, croasse-t-il enfin car il se souvient enfin du nom qui lui a échappé quelques secondes avant, alors qu'il était sur le point de jouir et peu importe comment il tourne ça, Draco ne rime même pas avec Anthony.
-Ça ne veut rien dire, on dit n'importe quoi dans ces moment-là », est la seule explication cohérente qu'il parvient à fournir.
Anthony a à présent terminé d'enfiler son pantalon aussi. Harry est complétement sonné et il cherche ses vêtements des yeux. Il a vu Malfoy ce soir, c'est pour ça qu'il a dit son nom, rien d'autre, c'est juste qu'il aurait vu le ministre, il aurait fait pareil…Anthony devrait comprendre ça et pas en faire un tel battage.
Harry veut quitter cet endroit très vite et continuer de se persuader que tout ça n'a aucune importance mais Anthony continue impitoyablement à parler.
-C'est la première fois que tu me laisses te baiser et tu prononces le prénom d'un autre ! Et tu voudrais que je pense que ça ne veut rien dire ? Et puis toute la soirée tu as appelé ce type Malfoy, jamais Draco et maintenant tu gémis son prénom comme…comme un naufragé. Explique-moi ce qu'il se passe, car là j'en tire des conclusions qui ne sont pas du tout à mon gout !
Harry fronce les sourcils, un naufragé ? Rien que ça. C'est complétement con. Il a déjà commencé aussi à se rhabiller avec des gestes machinaux.
-Tu t'énerves pour rien, dit-il calmement et froidement, il n'y a aucune explication à donner…C'est ridicule d'en faire toute une histoire.
Les beaux yeux bleus du jeune homme qui lui fait face flamboient mais Harry est trop occupé à se sentir injustement acculé pour les trouver touchants. Il veut rentrer chez lui et vite. Il a l'impression de suffoquer, ce qui est ridicule mais il commence à croire qu'il peut réellement se sentir mal.
-Pardon ? reprend Anthony l'air halluciné. Tu trouves ridicule que je perde mon sang froid ? Mais n'importe qui serait fou aussi à ma place ! Imagine juste que ce soit moi qui aie dit le nom d'un autre à ce moment précis, tu le prendrais mal aussi. Je ne devrais même pas avoir besoin de t'expliquer ça !
Harry ne pense pas qu'il l'aurait mal pris si la situation aurait été inversée mais trouve plus sage de ne rien dire.
-Parfait. Personne n'explique rien à personne, dit-tout en boutonnant sa chemise.
Il a conscience qu'il est probablement en train d'agir comme un connard et qu'il aurait dû rassurer Anthony eu lieu de chercher à échapper le plus rapidement possible à cette discussion. Et Harry est presque sur le point de s'excuser.
-Est-ce que…Est-ce qu'il se passe quelque chose avec ce Malfoy ? demande Anthony d'une voix mal assurée.
-Je te quitte, répond Harry simplement en même temps que l'idée même de s'excuser meurt de sa belle mort.
Les yeux bleus s'écarquillent douloureusement, l'air de ne pas y croire.
« Crois-y », pense Harry farouchement.
-Quoi ? souffle Anthony.
-Désolé. Je veux une relation sans prise de tête, explique Harry stoïquement.
Cette fois Anthony le regarde avec quelque chose proche du dégout. C'est la première fois, Harry est plutôt habitué à voir de l'admiration dans son regard. Mais même ça, ça ne l'atteint pas.
-J'y crois pas ! Tu es en train de te comporter comme un enfoiré ! Une telle relation n'existe pas, Harry. C'est normal d'avoir des frictions dans un couple ! Je pensais que c'était sérieux entre nous…
-A l'évidence tu t'es trompé, répond Harry tranquillement.
Il a fini de s'habiller et vient de retrouver sa baguette. Anthony a l'air sur le point de pleurer.
-Désolé, répète Harry et il transplane.
Son cœur bat vite et le sang lui monte à la tête alors qu'il atterrit chez lui. Le calme dont il a fait preuve se fissure, il titube et prend une grande inspiration.
Il pense à plus tôt quand il avait envie d'être revendiqué.
Mais il refuse de penser que quand ça a finalement été fait ça n'a pas été par la bonne personne.
Un gémissement s'échappe de sa gorge et il se mord le poing pour ne pas qu'il se transforme en hurlement.
Il refuse de penser aux pattes d'oies autour des yeux gris, à une voix traînante, et à des traits ciselés trop pâles et à un sourire mince, rare et insolent.
Il refuse de penser à Draco Malfoy.
Mais il finit quand même par le faire.
A suivre…
