Chapitre 6

Ça y est, c'est la reprise et je crois que je suis la seule de cet établissement qui est ravie que les cours reprennent enfin.

Dès le lundi matin, quelques élèves créent des émules mesurés avec leurs cadeaux de Noël : un farfadet siffleur adepte de claquettes qui se retrouve lâché dans ma classe, et un roman parlant qui ne veut plus s'arrêter, même une fois refermé au fond du sac. À part cela, mes élèves sont plutôt attentifs et c'est tant mieux car, pour une bonne partie des groupes, nous attaquons enfin les choses sérieuses.

-Qu'est-ce que c'est que ça ? s'exclame un quatrième année de Poufsouffle en s'asseyant à sa table.

-Un miroir, gros bêta ! lui lance une jeune fille d'à peine douze ans qui n'a pas la langue dans sa poche.

-Je sais ce qu'est un miroir, bécasse, lui répond-t-il, acide. Mais, si tu ne l'as pas remarqué, on n'est pas des pimbêches comme toi qui ont besoin de trente minutes dans la salle de bain.

-Ça suffit les casse-pieds, taisez-vous ! je m'exclame après m'être pincé l'arête du nez de dépit. Asseyez-vous en silence avant de perdre des points !

Je les menace mais, jusqu'à maintenant, je n'en ai enlevé à aucun de mes élèves. Remus dit que c'est parce que je n'inspire pas le respect, mais plutôt que je l'impose. Cet homme possède un flagrant manque de foi, comme si leur obéissance ne pouvait être attribuée à ma gentillesse inégalée et à mon charme naturel !

Ils s'assoient enfin tous à leur place et lorgnent avec suspicion le petit miroir à main que chacun possède posé devant lui. Je vois quelques regards en coin de plusieurs élèves et je me doute qu'ils doivent être un peu déçus.

-Quelqu'un peut-il me dire ce qu'il a devant lui ? je demande avec toute la patience que je possède, c'est à dire pas beaucoup de si bon matin.

Une jeune fille de septième année et arborant les couleurs de Serdaigle lève lentement la main, l'air peu sûre d'elle.

-Un réflecteur ? propose-t-elle sans vraiment y croire.

J'entends des rires moqueurs s'élever un peu partout dans la classe et plaque un grand sourire sur mon visage.

-Bravo Miss Turman, c'est tout à fait ça ! Quinze points pour Serdaigle !

Crac, ça leur fera les pieds aux sceptiques.

-Vous avez en effet, en face de vous, un réflecteur, mais nous l'appelons communément miroir liquide. C'est un objet magique de catégorie trois. C'est à dire qu'il n'utilise pas de magie, il ne l'absorbe pas non plus mais le réfléchit.

J'attrape par la petite poignée d'argent ciselée mon propre miroir et le lève assez haut pour que tout le monde puisse le voir.

-Durant les exercices de rebond, j'ai modelé le flux magique pour vous le transmettre et vous n'avez eu qu'à vous le faire passer. Désormais, l'exercice va être de créer vous-même ce flux et de le faire jaillir de votre corps. Comme ceci ! je lance après quelques secondes de silence.

Je rassemble un peu de magie à l'aide de mon esprit entraîné et la fais fuser à travers ma main jusqu'au miroir. La surface d'argent réfléchissante se met alors à onduler en cercles concentrique, comme si on avait versé une grosse goutte en son milieu. J'entends quelques exclamations étouffées et je les vois se tourner les uns vers les autres.

Parfait. Je pense qu'ils ont désormais compris que, si en trois mois ils ont réussi à gravir une marche vers la compréhension et la maîtrise du flux, la prochaine risque d'être bien plus ardue à escalader.

-Pour cet exercice vous vous entrainerez seul avec votre miroir. Vous pouvez aller vous installer sur le tapis ou bien rester à votre place, c'est comme vous voulez. L'important est que vous vous sentiez détendu pour vous concentrer au mieux.

Ils acquiescent tous bruyamment et je les vois s'égailler à travers la grande pièce. Je passe donc le cours à leur donner divers conseils pour les aider à ressentir les vibrations de la magie en eux. J'ai conscience que c'est un exercice difficile en soi car il demande une grande sensibilité à la magie, que tout le monde ne possède pas forcément, mais également une volonté imperturbable ainsi qu'une excellente stabilité émotionnelle.

Je ne le leur ai pas dit, mais je doute que plus de la moitié d'entre eux parviennent à obtenir un résultat probant d'ici la fin de l'année. J'ai décidé de mettre en place plusieurs ateliers ludiques au cours des mois suivants afin de les aider à développer leur maîtrise mais, même ainsi, je sais que l'écrémage sera important. Comme je m'y attendais, les miroirs restent muet toute la journée et beaucoup repartent déçu une fois la cloche sonnée.

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Les derniers élèves partis, je m'installe à mon bureau et termine de compiler certaines informations sur un carnet épais en attendant l'arrivée des jumeaux Weasley. Avec Remus, nous avons convenu que nous procéderons au rituel dès la semaine suivante et il s'est arrangé avec le professeur Rogue pour que celui-ci fasse cours à sa place afin qu'il puisse m'assister.

Dix-sept heures passe sans que je m'en aperçoive et, lorsque je relève la tête de mes notes, il est déjà trente passé. Cependant, aucune tête rousse à l'horizon.

Je referme sèchement mon cahier et décide que, s'ils sont trop étourdi pour se souvenir de leurs obligations, et bien j'irai les chercher moi-même par la peau des fesses.

D'un pas vif je parcours plusieurs ailes du château sans apercevoir aucun Weasley. De dépit, j'interroge plusieurs élèves jusqu'à ce que l'un d'eux m'avoue les avoir vus se faire poursuivre par Rusard.

Rha ! S'il ne les a pas déjà pendus par les pieds pour leur apprendre l'obéissance, je jure de le faire moi-même !

Je file plus vite qu'un éclair de feu jusqu'au rez-de-chaussée, et vais tambouriner à la porte du concierge en renonçant à prendre un quelconque air aimable. Après plusieurs coups sonores et répétés, le battant de bois s'ouvre brutalement pour laisser apparaître la trogne tordue du cracmol.

-Les deux Weasley. C'est vous qui les avez ? je lui demande abruptement.

-Oui, grogne-t-il en se renfrognant comme si j'allais lui chiper son goûter. Et je n'en ai pas fini avec eux !

Sans m'embarrasser de formalités, je le contourne et pénètre dans son petit bureau rempli de boîtes de cartons s'alignant jusqu'au plafond. Ça sent la suie et la poussière, ce qui me fait retrousser le nez, mais je ne vais pas m'en aller pour autant.

Je vois une petite porte entrouverte sur la gauche et m'y engouffre sans faire mine d'avoir entendu les imprécations du vieil homme. De l'autre côté, une salle au plafond bas et aux murs de pierres nues accueille plusieurs établis de bois mangés aux mites et couverts d'objets et outils tous plus hétéroclites les uns que les autres. Une épaisse couche de crasse recouvre la quasi-totalité du mobilier et, au milieu de tout cela, éclairés par deux bougies crachotantes, m'attendent Fred et Georges.

Je crois qu'ils ne s'attendaient pas à me voir et leurs visages s'éclairent alors brièvement, avant que leurs sourires ne retombent en voyant mon air courroucé.

-Bonjour, professeur Tio, tente Fred en faisant un petit salut timide. Que nous vaut le plaisir de votre…

Il est coupé lorsque je me tourne vers Rusard et que je l'informe d'un ton polaire que je viens récupérer ses deux détenus. Ce dernier râle et peste contre moi pendant près de cinq minutes, le temps pour nous de sortir, et nous l'entendons encore longtemps après nous être éloignés.

-Vous nous avez bien sauvé la mise, professeur, me lance Georges tandis qu'ils me suivent gaiement jusqu'au grand hall.

-Je pense qu'il est vraiment très déçu, renchérit Fred. Ca faisait longtemps qu'il ne nous avait pas attrapés et il a parlé de crochet et de fouet avant que vous n'arriviez.

-ET IL AURAIT EU RAISON !

Je me retourne vers eux et pointe un doigt rageur sur le torse de Fred.

-Vous croyez que ça m'amuse de perdre mon temps à vous chercher dans tout le château ?! Vous pensez que je n'ai que ça à faire ?

Il est clair qu'ils ne s'attendaient aucunement à se faire lyncher ainsi, surtout en plein milieu d'un couloir ou de nombreuses têtes intriguées par le bruit commencent à apparaître.

-VOUS-A-LLEZ-A-RRÊ-TER-VOS-CO-NNE-RIES-TOUT-DE-SUITE ! COMPRIS ?

Je martèle la poitrine du jeune homme à chaque syllabe et je vois ses yeux s'arrondir à leur maximum. Un lourd silence tombe autour ne nous, tandis que je plante mes yeux furieux dans les leurs en promettant silencieusement mille et un tourments

-Maintenant vous me suivez, j'assène d'une voix moins forte, mais tout aussi glaciale. Et je vous jure que si vous faites UN seul pas de travers, je vous fais regretter d'être venu au monde !

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Je reprends ma route avec ces deux andouilles sur mes talons et fais mine de ne pas remarquer le regard assassin du professeur Mc Gonagall, postée à l'entrée de sa salle de classe. Nous passons rapidement la porte principale du château et nous engageons sur le chemin menant aux longues serres de botanique. Une fois devant la porte portant le numéro trois, j'entre et tombe en plein cours. Les élèves tournent des têtes étonnées à peine le battant passé et le professeur Chourave se précipite à ma rencontre.

-Je ne t'attendais pas avant demain, s'exclame la petite femme en voyant entrer les jumeaux Weasley à ma suite.

-Je sais Pomona, mais j'ai trouvé des bêtes de somme à qui je dois faire les pieds.

Elle hausse un sourcil et comprend vite ce que j'insinue. D'un mouvement de la main, elle me fait signe de la suivre et nous laissons ses élèves pour longer une rangée de hauts arbres bariolés jusqu'à un appentis adossé à un des murs du château. À l'intérieur, une forte odeur de terre humide et de bave de limace nous assaille avant que je ne loge de petites bulles de lumières dans les recoins du plafond.

-Ici, tu as les deux sacs de romarin. À cet endroit, la verveine. J'ai mis le sel dans cette grande jarre-ci et ta vaisselle dans la malle. Tu as besoin que je t'aide ?

J'adresse un grand sourire carnassier au professeur et lui assure que j'ai toute l'aide qu'il me faut et que je ne veux pas l'embêter plus longtemps. Elle nous quitte avec un petit signe de la main, nous laissant tous trois seuls dans le minuscule abri de jardin.

Ni Fred ni Georges ne m'adressent un seul regard, j'imagine qu'ils sont en train de se demander comment ils vont monter tout ça jusqu'au cinquième étage sans se faire un lumbago. Leurs visages défaits en dit beaucoup sur leur état d'esprit et je me prends à regretter mon éclat de voix précédent. Après tout, ils ont accepté de m'aider. Ils auraient tout aussi bien pu refuser et alors je n'aurais rien eu à dire.

Je me calme peu à peu et les regarde sortir tour à tour les sacs, jarre et malle pour les disposer devant la minuscule porte. Une fois qu'ils ont fini, je referme le cabanon et me tourne vers eux, toute colère envolée bien malgré moi.

-Bon, je commence en croisant les bras sur ma poitrine. Qu'est-ce que vous avez fait à ce bon vieux Rusard, encore ?

-Rien du tout ! se défend Georges. Du moins pas intentionnellement…

-C'est à cause de Lee Jordan.

-Il a parié sur le nombre d'armures qu'on arriverait à déloger de leur emplacement en même temps.

Je hausse un sourcil.

-En même temps ? Et comment avez-vous fait ça ?

Fred se redresse de toute sa hauteur de gamin gavé aux hormones de croissance et lève un doigt scolaire.

-On a d'abord essayé de leur demander gentiment, mais ça n'a pas donné de résultats très concluants.

Je vois Georges acquiescer en soupesant un gros sac d'herbe tandis que son frère continue.

-Alors on s'est dit qu'en les titillant un peu, ça aurait plus d'effet.

-Les titillant ? je demande en fronçant les sourcils, mais sans réussir à étouffer la curiosité amusée qui commence à poindre dans ma voix.

-Oui, intervient Georges en entassant deux sacs sur son épaule. On s'est dit que mettre des bombabouses dans leur heaume prendrait beaucoup de temps et que c'était un peu risqué.

-Mortellement risqué même, je lui rétorque. Tout le monde sait que les armures agressent tous ceux qui les énervent.

Fred attrape à son tour un sac de romarin ainsi que la lourde jarre, et revient à la charge.

-Et c'est la raison pour laquelle on a mis notre génial plan en marche ce matin, avant même que tout le monde soit levé, pour que personne ne risque de les croiser dans les couloirs.

Je lève ma baguette et fais léviter la lourde malle à un mètre du sol. Tout le monde n'est pas collé hein !

-Et ce génial plan était… ?

-Ceci !

Fred coince le sac sous son aisselle et sort de la poche de sa cape une petite boîte noire avec comme une clef de réveil plantée sur le dessus.

-Notre géniale invention à Georges et moi, nous l'avons baptisé le Retourneur.

-Et qu'est-ce qu'il retourne ?

-Tout ! s'exclament-ils en cœur avec le sourire du génial inventeur incompris.

Je leur fais signe de me suivre à nouveau et nous longeons les serres tandis que Fred continue sur sa lancée.

-Il suffit de le remonter d'un tour, m'explique-t-il d'une voix enjouée. Et de le laisser tomber par terre. Il avance, se multiplie, avance encore et se multiplie encore et encore. Et après, ça explose en nuages de vapeur et ça fait un bordel de dingue !

-Vous auriez dû voir les armures ! Elles couraient dans tous les sens et s'étalaient par terre en répandant leurs morceaux partout !

-Du beau spectacle.

-Bien évidemment, on a gagné notre pari.

Je tourne un regard curieux vers eux et leur demande l'objet du fameux pari.

-Secret défense, me répond Georges en bombant le torse.

Ben tient !

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Avant même le deuxième étage, ils tentent de négocier une réduction de peine. Au troisième, ils pestent contre Rusard, le règlement et la galaxie toute entière. Au quatrième, ils sont tellement en nage sous le poids de leur chargement qu'ils économisent leur salive.

Nous arrivons enfin jusqu'à ma salle et ils laissent tomber les sacs et jarre par terre avec un grand soupir partagé.

-Qu'est-ce que vous allez faire de ça ? me demande Fred, quelques minutes plus tard, une fois son souffle revenu.

-C'est pour le rituel, je lui réponds d'une voix absente tandis que j'entasse les herbes dans un coin de mon armoire.

-Celui qui est expliqué sur le papier que vous nous avez donné ?

Je me tourne vers le jeune homme, agréablement surprise, et fais suivre le même chemin que les herbes, à la jarre.

-Vous avez lu ce que je vous ai remis ? Ravie de savoir que je n'ai pas fait ça pour rien.

Georges cesse de se masser les reins et s'approche du bureau en lorgnant le fond de mon armoire tandis que j'y cale la lourde malle. Je crois que les objets illicites stockés là l'intéressent.

-On était curieux, me répond Fred en suivant le regard de son frère et en s'approchant imperceptiblement.

-Oui bien sûr…

Je me redresse et m'avance vers Fred en tendant la main.

-En parlant de curiosité, Monsieur Weasley, j'aimerais voir de nouveau ce que vous avez dans votre poche. Et vous également, Monsieur Weasley, videz donc les vôtres aussi.

Ils me regardent tous deux comme si je venais de les trahir devant le Mangemagot tout entier.

-C'est bas ce que vous nous faites là, professeur, me dit Georges en prenant un faux air indigné.

-Je pensais que nous étions au-dessus de tout cela maintenant, renchérit Fred en posant théâtralement une main sur son cœur.

Je conserve une expression intraitable et agite la main pour leur faire signe de s'activer. Après moult grimaces, ils finissent par me remettre plusieurs de leurs Retourneurs ainsi que deux bombabouses et des billes colorées desquelles je me méfie grandement.

Avec satisfaction, je dépose le tout dans l'un des grands tiroirs contenant déjà son lot d'objets interdits et ils me regardent faire sans se départir de leur moue boudeuse.

-Désolé, jeunes gens, mais je suis votre enseignante, je ne peux donc pas vous laisser impunément semer la zizanie partout où vous passez… Et ne faites pas cette tête-là, je suis sûre que vous en avez plein d'autres dans votre dortoir !

Aucun des deux ne me contredit et je jette un œil à l'horloge accrochée au mur derrière moi.

-Comme il est dix-huit heures passé je vais vous laisser repartir, mais n'oubliez pas d'être ici lundi prochain à dix-sept heures pétantes, sinon ça risque de très mal se passer pour vous. Vous m'avez compris ?

Ils rentrent leurs mains dans leurs poches et hochent vaguement de la tête avant de vider les lieux.

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Le lendemain midi, Remus vient s'asseoir à mes côtés et lève son pouce en l'air. Je devine qu'il a punaisé la grande affiche que nous avons réalisée, sur le tableau d'affichage de l'entrée. Pour des raisons que le Directeur n'a pas tenu utile de me préciser, les entraînements aux duels devront être dispensés aux élèves des mêmes maisons, sans que ceux-ci ne puissent se mélanger avec d'autres pour le moment. Quand je l'interroge, Remus évoque vaguement le syndrome Serpentard, mais sans s'étendre.

Nous discutons un peu autour de notre repas, mais lui et moi nous perdons vite dans nos propres pensées. Lorsque la reprise des cours sonne, nous nous donnons rendez-vous le soir même pour jeter un œil au nombre d'inscrits ayant apposé leurs empreintes sur le papier. Nous nous doutons tous deux que l'information va se répandre rapidement parmi les élèves et que nous pourrons avoir un petit aperçu dès le dîner.

Pour moi, l'après-midi se déroule calmement. Je n'ai qu'un seul cours à 15h et je laisse mes élèves se répartir dans toute la salle de classe pour se concentrer sur leurs miroirs. Plusieurs fois, je vois les frères Weasley essayer de lancer un sort aux leurs, sans doute pour l'enchanter et espérer tricher. Avec agacement, je viens m'asseoir sur le coin de tapis qu'ils occupent et j'arrache la baguette des mains de Fred.

-Vous m'écoutez lorsque je parle des fois ? je leur demande abruptement, mais à voix basse pour ne pas embêter les voisins. Cet objet réfléchit la magie, par conséquent il ne peut pas être enchanté. Par aucun moyen.

-C'est trop dur votre truc, me souffle le jeune homme en levant les mains plein de fatalisme.

-Je crois que le mien est cassé, professeur, grogne Georges en retournant son miroir entre ses mains et en me le tendant.

Je récupère l'objet et prie très fort le Saint Patience de m'accorder sa grâce.

-Tous vos réflecteurs sont en parfait état de marche, Monsieur Weasley. Il vous faut juste plus de concentration et plus de volonté pour réussir à faire monter en vous le flux.

Ils n'ont absolument pas l'air convaincu et je lâche l'affaire en les laissant là.

-Ma baguette ?! s'exclame Fred en me voyant m'éloigner vers le jeune Londubat.

-À la fin du cours.

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J'explique pour la centième fois les consignes à un Serpentard à la tête de fouine qui ne fait même pas semblant de cacher son mépris, quand une exclamation stupéfaite retentit. Je lève vivement la tête en m'attendant à trouver les jumeaux Weasley en train de faire les pitres, mais ceux-ci ont les yeux rivés sur la jeune Ginny assise seule sous les fenêtres. Cette dernière regarde son miroir comme si celui-ci venait de lui chanter une chanson de Noël tout en faisant des claquettes.

D'un geste, je demande aux autres élèves de se concentrer sur leurs exercices et rejoins la jeune fille qui fait maintenant glisser ses doigts sur le verre de son miroir. Une fois accroupie devant elle, je jette un œil à l'objet silencieux et lui demande si tout va bien.

-Vous avez réussi à faire gondoler le verre ? je lui demande doucement en cachant mon étonnement.

-Heu, oui je crois… Je ne suis pas sûre. Désolé d'avoir crié, j'ai été étonnée par…

-Par ?

-Et bien… Mon reflet a bougé, ce n'était pas grand-chose mais…

Je ne cache pas l'excitation qui monte en moi. Si ce que raconte cette gamine est vrai, elle vient tout bonnement de dépasser tous les plus grands pratiquants. Du peu de gens que je connaisse, adepte de la maîtrise du flux, rare son ceux qui ont mis moins de deux mois pour réussir à faire onduler le verre. Moi-même, j'ai dû passer six mois devant mon réflecteur silencieux avant qu'il ne se décide à bouger.

Je compte dans ma tête et estime que ça fait seulement trois cours que leur groupe travaille sur les miroirs. Les Weasley sont décidément une famille intéressante.

-Vous êtes-vous entraîné durant les vacances de Noël ? je demande à la jeune femme désormais fière d'elle.

Elle hoche timidement la tête et pince des lèvres

-J'ai fait des exercices de méditation que m'a donné mon frère Bill. Je voulais vraiment… Je veux dire, j'espérais que ça m'aiderait.

-Et bien, vous avez bien fait. Je pense que cela vous a aidé, en effet. Mais je mentirais en vous disant que votre potentiel magique n'est pas en grande partie responsable. Quelles sont vos notes en sortilège, Miss Weasley ? Vous réussissez facilement à apprendre de nouveaux sorts ?

La jeune fille fronce les sourcils pour tenter de rassembler ses souvenirs et acquiesce lentement. Je jette un œil au miroir silencieux et le montre du doigt.

-Vous pensez que vous seriez capable de reproduire la chose devant moi ? Non pas que je doute de la véracité de vos propos, n'ayez aucune crainte.

Je la vois hocher de nouveau la tête et plonger son regard au fond du verre abimé. Elle fronce les sourcils pendant près d'une minute et semble s'énerver contre son reflet. Au bout d'un moment, je l'arrête et lui donne des conseils. Elle m'écoute avec attention mais n'arrive pas à réitérer son exploit avant la sonnerie de fin.

-Ne vous inquiétez pas, je la rassure en me relevant avec elle. Il vous faudra encore un peu de temps mais, si vous persévérez, vous arriverez de nouveau à faire bouger le verre, croyez moi

Elle me remercie d'un sourire et s'en va déposer son miroir sur sa table avant de récupérer ses affaire et de suivre ses amis hors de la salle.

Seulement trois cours. J'en suis encore toute retournée. Mais, après tout, il y a tellement peu de pratiquants que je ne dois pas imaginer pouvoir me baser uniquement sur eux pour établir une quelconque vérité en la matière. D'un geste vif, j'attrape une mince pile de parchemins posée sur le petit buffet à gauche des fenêtres et me retourne vivement avec pour idée de compléter le passage sur l'apprentissage.

-Monsieur Weasley ? Que faites-vous encore ici ? je m'étonne en voyant Fred au milieu du salon, les mains dans les poches. Vous n'avez pas suivi votre frère?

Je le contourne rapidement et vais m'asseoir à mon bureau toujours aussi envahi.

-Non, professeur, en fait j'aimerais récupérer ma baguette, me dit-il après être monté sur l'estrade. Je vous jure que je ne voulais pas abîmer vos réfléctrucs, c'était seulement un petit sort de confusion.

Je le regarde, encore indécise, et attrape une plume pour noter deux-trois mots sur le papier.

-Vous savez réaliser des sorts de confusion à votre âge, Monsieur Weasley ? Je demande en continuant de griffonner. De mieux en mieux. Vous et votre frère tentez toujours de contourner les règles lorsque la réalité ne vous convient pas ?

Je lève mon regard sur lui et le vois en train de lire distraitement les parchemins qui traînent. Il en soulève deux et regarde la tranche des ouvrages cachés dessous.

-Ça marche dans pas mal des cas alors pourquoi s'en priver ? Et puis vos exercices sont beaucoup trop durs.

Je lève les yeux au ciel et replonge dans mes écrits.

-Pourtant votre sœur à l'air d'être très prometteuse, peut-être qu'en mettant toute votre énergie dans vos études, comme elle, vous pourriez faire de grandes choses.

Je l'entends s'esclaffer doucement et le bruit de papier froissé me fait relever les yeux.

-Je peux savoir ce que vous avez à la main ? je lui demande en le voyant tenir ce qui semble être une lettre de couleur rose pâle, ainsi que son enveloppe ouverte.

Il ne répond rien et je finis par lui arracher le courrier des mains en pestant contre les malpoli.

-Il est interdit de lire la correspondance d'autrui, je le sermonne d'une voix glaciale avant de jeter un œil à ce que je viens de saisir.

-Désolé professeur, mais elle était toute seule et perdue sous une tonne de papiers. Et je crois sérieusement que vous devriez répondre à ce jeune Mc Cornic, il risque d'être déçu de votre froideur après une telle déclaration d'amour.

Je crois que je n'avais jamais entendu autant de raillerie dans la voix de cette andouille, et je ne peux m'empêcher de froncer les sourcils. D'un coup sec, je replie le parchemi sans l'avoir lu et le fourre dans son enveloppe avant de la jeter dans un tiroir plein.

-Merci Monsieur Weasley, mais je me passerai de vos commentaires.

Sans plus de cérémonie, je lui remets sa baguette et laisse tomber le sermon que tout professeur se serait permis à son encontre.

-Vous pouvez y aller, lui dis-je à la place en me replongeant dans mes notes. Bonne journée Monsieur Weasley.

Il quitte la pièce avec un sourire et je foudroie du regard le battant de la porte qu'il referme silencieusement.