Je frappai trois grands coups sur l'immense porte en bois massif, pour signifier ma présence au directeur. Sa voix grave mais douce, traversa son bureau pour m'inviter à entrer.
- Parfait, te voilà Pandore. Approche, je t'en prie.
Le directeur était assis derrière son bureau, de chaque côté duquel se trouvaient les rofesseurs Rogue et Lupin. Je m'avançai en me tordant les doigts, anxieuse. La boule qui avait pris possession de mon estomac au cours de défense contre les forces du mal semblait de plus en plus grosse à mesure que j'avançais. Je sentais les regards insistant des trois professeurs posés sur moi.
- Comment te sens-tu ? Me demanda le professeur Dumbledore
- Comment je me… Professeur, pourquoi suis-je ici ?
Sa question me semblait particulièrement étrange, dans le contexte actuel. J'avais dû traumatiser les trois quarts des étudiants de ma classe, et il me demandait comment j'allais ? Mal, bien évidemment.
Le professeur Lupin s'approcha de moi et me regarda d'un air compatissant :
- Ecoutez, Pandore. Je suis vraiment désolé pour tout à l'heure. Je n'aurais pas dû vous inciter à faire cet exercice. Malheureusement, on ne m'avait pas mis au courant de vos antécédents.
- Ce qui est assez regrettable, il faut l'avouer, ajouta le professeur Rogue.
- Écoutez, je suis désolée. Je ne voulais pas le faire apparaître, c'était involontaire de ma part. Mais s'il vous plaît, ne m'empêchez pas d'étudier ici. J'ai quitté la France pour m'éloigner de toute cette histoire, mais ici, personne ne sait ce qu'il s'est passé. J'aurai seulement à prétendre que c'est une personne qui m'apparaît en cauchemars. Personne n'irait chercher plus loin…
Tout mon corps tremblait, j'étais sur le point de craquer, de m'effondrer de nouveau, lorsque la voix du directeur, douce et apaisante, me répondit :
- Nous n'avons pas l'intention de te renvoyer. Tu as vécu des choses traumatisantes en peu de temps. Peu de gens arriveraient à surmonter une telle épreuve, et si je t'ai demandé de venir, c'est pour te proposer notre aide.
J'étais soulagée. Je soufflai un grand coup, libérée de mes craintes.
- Je ne comprends pas vraiment comment vous pourriez m'aider. Je vis avec ce que j'ai fait et vu depuis des mois maintenant. Et même si l'acte en lui-même… je ne peux me résoudre à oublier ce que j'ai fait. Mais je sais ce qui en aurait découlé, si je n'avais pas agi. Ça m'obsède littéralement, ça fait partie de moi...
- Nous pouvons peut-être t'aider à oublier… me suggéra-t-il.
- Albus je ne suis pas certain qu'oublier soit une très bonne chose… rétorqua le professeur de potion.
- Je ne veux pas oublier, Professeur, lui répondis-je. Je dois vivre avec ce que j'ai fait. Mais nous pourrions permettre aux autres étudiants d'oublier ce qu'ils ont vu.
Cette perspective me plaisait. Si les autres étudiants pouvaient oublier ce qu'ils avaient vu, je n'aurais pas à me soucier que mon histoire soit découverte.
Ils se regardèrent, puis acquiescèrent d'un air entendu.
- Bien, Severus, Remus, je vous charge de vous occuper des élèves qui souhaiteraient oublier cet incident. Pandore, sache que si tu as besoin de quoi que ce soit, notre porte te sera toujours ouverte. Tu peux partir à présent. Un bon repas et une bonne nuit de repos te feront le plus grand bien. Si tu as besoin d'aide pour dormir, madame Pomfresh se fera un plaisir de te concocter quelque chose.
Je leur fis un signe de tête en guise de remerciement, et sortis du bureau. Je soufflai un long moment, soulagée de ne pas être expulsée. Les professeurs de Poudlard étaient bien différents de ceux de Beauxbâtons. J'aimais mon ancienne école, mais elle était bien plus stricte et élitiste qu'ici.
En bas des marches, je décidai de me rendre directement dans la salle commune des Serpentards. Je n'étais pas en état d'avaler quoi que ce soit. Par chance, la salle était entièrement vide. Je grimpai les marches du dortoir, me mis en pyjama et, sortis mon livre de potions, afin de rattraper mon retard du jour. Je tirai les rideaux, et après une bonne heure de révision, me décidai à dormir. Il me fallait être en forme pour le lendemain, et il était hors de question que je manque d'autres cours. Je fermai les yeux, tentant d'oublier le cauchemar que j'avais vécu ce jour-là…
Dans la chambre de Marie, je la vis debout face à lui, tétanisée. Dans les mains de cet homme, les têtes de papa et maman fraîchement coupées dégoulinaient de sang sur le plancher. Mon corps tout entier tremblait. Ma main serrait de plus en plus fort le couteau que j'avais récupéré plus tôt dans la cuisine. De rage je courus vers ce monstre, manquant de glisser sur la mare de sang qui s'était formée autour de lui, et lui assainis un coup de pied puissant à l'arrière du genou, pour le faire s'écrouler au sol. Comme je l'avais prévu, il tituba et glissa sur le sol, déséquilibré. J'attrapai ses cheveux et l'obligeai à me faire face. Un sourire carnassier se dessinait sur son visage, tandis que la rage avait pris entièrement possession de mon corps. Je le plaquai au sol, lui infligeant un coup de poing au visage, avant qu'il n'attrape mon cou de ses deux mains larges. Ses mains glissantes, pleines de sang, me permirent de me dégager, et je lui assainis un premier coup de couteau dans la poitrine, puis un deuxième, puis un troisième, encore et encore, jusqu'à ce que les cris de ma sœur me parviennent aux oreilles. Je n'arrivais pas à me libérer de l'arme que j'avais encore dans la main. Mon corps tout entier convulsait, je n'arrivais plus à m'arrêter de pleurer, lorsque nous entendîmes la porte d'entrée claquer. Plusieurs baguettes allumées étaient dirigées vers nous, alors que je m'écroulais au sol, près des visages de mes parents assassinés quelques minutes auparavant.
Je me réveillai en sursaut, haletante. En ouvrant le rideau, je vis les filles, profondément endormies. Au travers de la fenêtre, la lune était bien haute dans le ciel. Je sortis du lit, pris ma robe de chambre, enfilai mes chaussons pour rejoindre la salle commune. J'avais besoin de souffler, et de me retrouver loin, très loin de mon lit. A chaque fois que je faisais ce cauchemar, il me fallait une bonne heure pour m'en remettre. Comme je m'y attendais, la salle était vide. Je lançai un coup de baguette dans la cheminée pour la rallumer, et m'asseyai sur le canapé, toute frissonnante. J'attachai mes cheveux en une queue de cheval, et passai la main sur ma nuque, dégoulinante de sueur. J'étais crispée, frigorifiée, et mon cœur palpitait à tout rompre.
La chaleur du feu de cheminée vint peu à peu me réchauffer les os. Je m'étais assise devant l'âtre pour en absorber tous les bénéfices. Ma peau me brûlait mais me réconfortait profondément. Trop concentrée à regarder les flammes danser, je ne m'étais pas aperçue que je n'étais plus seule dans la pièce.
- Toi non plus tu n'arrives pas à dormir ? m'interpella Drago.
Il était descendu, parfaitement réveillé, dans un pyjama en satin bleu nuit, recouvert d'une robe de chambre en velours bleu. Il fit le tour du canapé Chesterfield et vint s'asseoir à côté de moi.
- Non, en effet. Est-ce que tout va bien ?
- Écoute Pandore… je n'ai pas eu l'occasion de te remercier pour l'autre jour. J'ai été idiot, je ne sais pas ce qui m'a pris d'agir de cette façon…
- Entre-nous, Drago, tu avais toutes les occasions pour me remercier. Je sais bien que tes amis ne m'aiment pas. Enfin, surtout Pansy, à vrai dire. À part elle et toi, elle n'aime personne. Et je ne t'en veux pas pour ça.
- Pansy ne m'aime pas, Pandore. Elle aime juste savoir qu'elle a de l'influence en faisant partie de mon entourage.
- Tu dois être la seule personne à ne pas avoir conscience qu'elle est amoureuse de toi. Dès que j'ai le malheur de m'approcher de toi, elle devient aussi cinglée qu'une furie.
Il rit silencieusement. Je crois que la dernière fois que je l'avais vu sourire de la sorte, c'était lors de mon arrivée à la table des Serpentards, quand il m'avait souhaité la bienvenue, à sa manière.
- Est-ce que ce serait trop indiscret de te demander ce qu'il y a entre Harry et toi ?
- Pourquoi tu veux savoir ça ?
- J'ai remarqué que lui et toi, ce n'était pas le grand amour.
- Ce type me tape sur le système. Saint Potter. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde l'idolâtre à ce point.
- Je ne pense pas que les gens l'idolâtrent. Vous n'avez pas l'air si différents, tu sais. Peut-être que si vous vous en donniez la peine, vous pourriez devenir amis.
- J'espère que tu plaisantes. Devenir ami avec lui et sa bande ? Je ne sais pas ce qui est le pire. Lui, cette sale sang-de-bourbe qui l'accompagne, ou ce Weasley pouilleux. Ils sont tous si pathétiques…
- Je ne sais pas pourquoi j'imaginais autre chose. Une rancœur plus profonde. Moi qui imaginais naïvement que tes camarades qui sont, soit dit en passant, aussi cons que des balais, te retournaient le cerveau, je me rends compte que tu te le retournes tout seul. Si tu apprenais à connaitre les gens plutôt que de parler sans savoir, tu en sortirais grandi. Tu n'es pas mieux que nous Drago, et Harry n'a jamais prétendu l'être.
Je me relevai brusquement. Je ne savais pas ce qui m'avait pris de lui parler de la sorte à ce moment-là. Je ne connaissais pas spécialement le trio de Gryffondor, je me moquais même de ce que Drago pouvait bien penser d'eux. Mais voir cette méchanceté dans son regard, dans ses mots, cet air pédant avec lequel il crachait son venin, m'énervait au plus haut point. Alors que je me dirigeais vers les escaliers, il m'attrapa par le poignet, et me fit pivoter pour lui faire face :
- Je n'ai jamais prétendu être mieux que les autres. Pourquoi est-ce que tu les défends comme ça ? Tu ne les connais pas autant que moi. Tout leur est dû, c'est insupportable.
- Donc tu agis comme un enfant jaloux. C'est idiot ! Je ne les défends pas spécialement eux, mais tous les gens que tu croises. Je te croyais différent, j'avais tendance à te défendre auprès des autres, mais je vois que je me suis clairement trompée à ton sujet. Maintenant lâche-moi, j'aimerais retourner me coucher.
- On n'en a pas fini. Je l'ai sentie, la première fois que je t'ai vue, cette aura particulière qui t'entoure. Tu attires les gens tout autour de toi, comme si on ne répondait plus de rien. Et cette noirceur, toi aussi tu l'as en toi. Je l'ai reconnue au cours de Lupin. Accepte ce que tu es, au lieu de me faire des leçons de morale ! Toi et moi on est pareils, on est fait du même moule.
- Drago, Lâche-moi ! lui dis-je d'un ton sec. Ma patience atteignait ses limites, et je n'avais pas du tout envie de continuer cette conversation.
Il me plaqua contre le mur derrière moi, et planta son regard dans le mien. Ses yeux bleu clair ne me quittaient pas. Je les suivais du regard, lorsqu'ils descendirent légèrement en direction de ma bouche. Je n'eus pas le temps de rétorquer quoi que ce soit, qu'il plaqua ses lèvres contre les miennes. Elles étaient bien plus douces que ce que j'aurais pu imaginer. Effaçant cette dernière pensée de mon esprit, je commençais à bouillir de l'intérieur. Je le repoussai et le giflai, humiliée. Il se frotta la joue, le regard plein de haine.
- Et cesse de prendre ce qui ne t'appartient pas ! Ne me touche plus jamais !
Folle de rage, je montai les marches du dortoir deux par deux, manquant à plusieurs reprises de tomber. Je retirai rapidement ma robe de chambre et mes chaussons avant de me glisser sous les draps. Je me caressai la lèvre inférieure, ressentant encore les effets euphorisant de son baiser. Le picotement que je ressentais dans le bas ventre commença à diminuer petit à petit. Qu'est-ce qui avait bien pu lui prendre ? Au moins une chose était certaine, il n'allait pas s'en vanter, je n'avais pas besoin de rajouter une autre tragédie à cette journée de malheur. Je fermai les yeux, tentant d'effacer ce parfum musqué et entêtant qui envahissait mon esprit.
