Disclaimer : l'univers et les personnages de cette histoire appartiennent à Marvel

Une vision pleine de potentiel

Chapitre 6

C'est l'odeur du café qui l'accueillit lorsqu'il s'éveilla. Et les yeux de Sam posés sur lui fut la première image qui s'imprima sur sa rétine. Il ne put s'empêcher de lui sourire légèrement et l'autre homme, à son grand soulagement, en fit de même.

Bucky se redressa, mis de côté la couverture qui le couvrait, son expression devenant plus passive, n'affichant pas son trouble. Il était déjà alerte mais il lui était difficile de cerner son propre état d'esprit au-delà de reconnaître qu'il était inquiet et nerveux.

- La dernière fois que je t'ai vu sur ce canapé, tu as brisé une bouteille, lança Sam d'un ton décontracté, avant de boire une gorgée du liquide présent dans la tasse qu'il avait en main.

Il était adossé au comptoir de la cuisine, le visage neutre.

- Ouais. Je venais de me rendre compte que je te voyais comme... un intérêt potentiel.

Le coin des lèvres de l'autre homme se souleva légèrement.

- On peut dire que je t'ai fait de l'effet.

- Tu m'as causé une belle panique, surtout.

Et le souvenir n'avait rien d'angoissant, il compatissait même pour cet homme qui avait été à ce point désorienté lorsque ses yeux s'étaient ouverts sur une nouvelle réalité tout en s'en moquant légèrement. Ce n'était pas la première fois pour lui que le monde semblait vaciller sur son axe et c'était sans aucun doute l'occasion la plus facile à accepter.

- Hmm... Je me rappelle m'être demandé pourquoi tu te refermais comme une huître ce soir-là, répondit Sam, plongeant le regard dans sa tasse de café. C'est comme cela que ça a commencé, alors.

Sa dernière remarque semblait plus adressée à lui-même qu'à Bucky mais il y réagit malgré tout.

- C'est le moment où j'ai réalisé, oui. Mais j'avais sans doute déjà emprunté cette voie avant ça. J'aurais cependant bien du mal à me montrer plus précis que ça, avoua-t-il, son attention se détournant de son ami pour se diriger vers ses mains posées sur ses genoux.

Il avait envie de s'excuser. Il ne savait pas vraiment pourquoi. Pour avoir mis Sam dans l'embarras ?

- Sam...

- Je crois comprendre que tu as déjà décidé que je ne suis pas intéressé.

- Je ne suis pas naïf, Sam. J'ai tout de suite su que mes chances étaient faibles.

- Mais pas nulles ? questionna-t-il en relevant les yeux.

- J'ai eu la chance de côtoyer, et je côtoie encore, des personnes qui sont prêtes à prendre des risques insensés même lorsque les probabilités sont loin d'être en leur faveur. J'ai pris la mauvaise habitude de vouloir me mettre à penser comme ces grands optimistes, dit-il, faussement exaspéré.

Sam lui offrit son premier vrai sourire.

- Tu as vraiment de mauvaises fréquentations.

- Les pires, confirma-t-il comme si son cas était sans espoir.

Son coéquipier posa sa tasse de côté et prit un air un peu plus sérieux.

- Si je ne te réponds pas favorablement, tu ne vas pas me faire le coup de disparaître dans la nature ?

Bucky se renfrogna légèrement, masquant sa déception.

- Je ne ferais pas ça à mon partenaire.

- Parce que nous sommes amis. Et pas juste parce que nous formons une bonne équipe. Pas besoin de me lancer ce regard noir, j'essaie juste de trouver mes repères ici, ajouta l'homme en levant les yeux au ciel.

Il y eut un silence durant lequel Sam l'observa attentivement puis il s'humecta les lèvres, distrayant Bucky pour le plus bref des instants.

- D'accord. Bien. Je ne souhaite pas te donner de faux espoirs mais je... Je pourrais l'envisager.

Bucky resta impassible, un sentiment de malaise grandissant dans son estomac.

- Je ne dis pas que je suis prêt pour le grand jeu, loin de là. Seulement, l'idée que l'on puisse devenir plus proche... n'est pas désagréable. Après tout, on passe déjà la majorité de notre temps ensemble, tu n'es pas si mal et même ma ville natale t'a déjà adopté, sans parler de ma famille. Il pourrait y avoir plus étrange que de développer notre relation dans ce sens.

Sam croisa les bras et lui jeta un regard ennuyé.

- Tu ne donnes pas l'impression que ça te réjouit.

- Et tu n'as pas vraiment l'air emballé non plus. Tu n'as pas à te sentir en devoir de -

- Je ne me sens pas forcé à quoi que ce soit, l'interrompit-il d'une voix ferme. Ce n'est pas parce que je connais le sens du mot tact que je ménage plus que nécessaire les sentiments de ceux qui m'entourent. Et tu es bien placé pour savoir ça.

Bucky baissa les yeux et déglutit péniblement. Il ne s'était pas vraiment permis d'espérer depuis son réveil. Il avait eu une nuit plus agitée qu'il ne l'aurait voulu et ses cauchemars lui avait laissé un goût amer dans la bouche. Il avait déjà connu des jours où il s'était senti plus confiant et plus serein. Malgré tout, la réaction franche de Sam le poussait à croire que c'était peut-être une chose à laquelle il aurait droit.

Il observa à nouveau l'autre homme pour le voir porter sa tasse de café à ses lèvres. Il grimaça, le breuvage devant sans doute être froid. Et il sentit sa propre expression s'adoucir.

Ce n'était ni le rejet auquel il avait cru, ni l'aveu débordant de sentimentalité d'un amour partagé qu'une infime partie de lui n'avait pu s'empêcher d'espérer. C'était une réponse plus complexe, pleine d'inconnues, et chargée de potentiel.

- Et à quoi es-tu prêt exactement, Wilson ? demanda-t-il, posant un bras sur le dossier du canapé, avec une attitude plus relaxée et un sourire invitant.

Un clignement des yeux fut le seul signe qui laissa deviner que son changement de comportement l'avait décontenancé. Puis il sembla réfléchir sérieusement à la question et Bucky en ressentit autant d'appréhension que d'impatience. Il lui répondit finalement, d'un ton très sérieux :

- Remplir ton frigo. Comment un type avec un super-métabolisme comme le tien peut-il survivre sans même avoir un truc à grignoter dans ses armoires ? Franchement, ça me dépasse. Et il est vraiment temps d'y remédier.

Bucky éclata de rire.

oOoOo

Durant près d'un mois, rien ne fût réellement différent. Un séjour assez long à Delacroix. Une paire de missions simples et rapides. Une visite de Clint Barton et sa fille pour les informer de leur rencontre avec Vision. Pas plus ni moins de temps passé en compagnie de Sam. Leur quotidien.

Non, Bucky n'était pas tout à fait honnête avec lui-même.

Il y avait des regards échangés plus longs, et qui semblaient parfois appuyés au point d'être chargés de sous-entendus. Des contacts anodins qui se prolongeaient. Des remarques humoristiques qui prenaient parfois une tournure plus provocatrice... Ils flirtaient, c'était aussi simple que ça.

Et ça avait tendance à jouer des mauvais tours à sa libido. Mais sa frustration n'avait jamais tant paru valoir la peine. Bucky accordait peut-être un peu trop de foi à ses capacités de résilience mais il avait l'impression qu'il aurait pu danser des années sur cette piste et en être presque parfaitement satisfait.

Il se sentait bien, à la fois exalté et contenté. Ses cauchemars lui semblaient moins pesants. Il faisait des plans hypothétiques pour le futur, sans y songer très sérieusement mais sans les considérer complètement fous non plus.

Vingt-sept jours exactement après avoir perdu la moitié d'un chargement d'armes expérimentales qui n'auraient dû se trouver que dans les mains du gouvernement américain, ils achevaient une mission sur les côtes d'une petite ville italienne où les armes avaient refait surface. Ou, plutôt, leurs composants qui avaient servi à concevoir une bombe d'une puissance inquiétante dans des laboratoires appartenant à la mafia. C'était le gouvernement italien lui-même, inquiet, qui avait contacté Captain America suite à d'étranges rumeurs.

Ils avaient fait le boulot, s'étaient débrouillés pour que la bombe soit mise en pièces afin que personne ne puisse mettre la main dessus. Et, à présent, ils s'apprêtaient à prendre un repos bien mérité dans la chambre double d'un hôtel rustique où personne ne s'intéressait vraiment à ces deux hommes qui auraient pu passer pour des sosies de certains héros bien connus.

Bucky se demandait toujours qui avait pu fournir ces armes à la mafia italienne. Les rats avaient quitté le navire avant qu'ils ne puissent vraiment interroger quelqu'un d'important. Quoi qu'il en était, la mission en elle-même était un succès, ils pouvaient en être satisfaits.

- Aah, la façade ne paie pas de mine mais la salle de bain est divine.

Bucky leva la tête pour lui répondre mais les mots lui échappèrent. Sam était torse nu, une serviette autour du cou, un pantalon fin et ample recouvrant ses jambes. Après une bataille, lorsque la tension retombait, il se sentait toujours plus... vulnérable à ses charmes.

Le sourire de son coéquipier s'élargit face à son silence. Bucky détourna le regard.

S'il n'avait pas honte de ses sentiments, il pouvait être embarrassé d'être des fois si transparent. Surtout depuis qu'il avait remarqué que Sam semblait parfois le faire exprès pour voir ce que serait sa réaction. Cela faisait partie du jeu, c'était sans doute aussi une façon pour l'autre homme d'explorer cette part de leur relation, et Bucky ne détournait pas toujours le regard, se laissait parfois griser par le fait qu'il laissait Sam voir ce qu'il éprouvait et qu'une étincelle d'intérêt brillait en retour dans son regard. Mais il y avait des jours où le désir devenait si fort, même lorsque rien ne le justifiait vraiment, qu'il se retrouvait pétrifié entre gêne, inquiétude face au risque que Sam pourrait faire marche arrière si tout finissait par aller trop vite ou si Bucky se laissait soudain devenir plus entreprenant, et la possibilité qu'il se montrait peut-être trop prudent parce que lui-même n'avait plus l'habitude d'être si proche de quelqu'un.

Assis sur le bord du lit, il s'intima de réagir avec plus d'aplomb. Il échoua complètement à se prendre en main lorsque Sam se planta juste devant lui et posa les doigts sur son visage, dans un geste plus intime que tous ceux qu'ils avaient échangé jusqu'à présent.

Bucky releva vivement la tête et il fut persuadé de ne pas mal interpréter la flamme dans son regard.

- Maintenant ? demanda-t-il stupidement.

- Pourquoi pas ? répondit son ami en se penchant vers lui. J'ai envie... J'ai vraiment envie de savoir où ça peut nous mener, déclara-t-il, si proche que son souffle caressa sa joue.

La tension du combat était retombée ? En une demi-seconde le corps de Bucky s'était littéralement transformé en une boule de nerfs pour une raison totalement différente. Une part de lui n'arrivait pas tout à fait à y croire, ne réalisait pas réellement qu'un pas décisif était sur le point d'être franchit. Et, en même temps, il avait l'impression qu'il vibrait presque d'impatience.

Il hésita un bref instant, fébrile face à l'excitation dévorante qui montait en lui, puis posa sa main de chair sur sa hanche et caressa la peau nue au-dessus de la ceinture de son pantalon avec son pouce. Les lèvres de Sam effleurèrent les siennes.

Et Bucky plongea sans peur.

oOoOo

Rhodes venait de leur dévoiler tout ce qu'il savait et, très franchement, Bucky se sentait soulagé de ne pas avoir dû se mêler de tout ça. Après tout ce qui s'était produit avec Thanos, il savait que, théoriquement, c'était possible. Mais entendre que c'était bien une réalité n'en était pas moins écrasant lorsque l'on songeait à toutes les possibilités, les occasions manquées et les réels enfers qui pouvaient s'y trouver.

Sam n'avait pas l'air d'apprécier l'idée davantage que lui. S'il fallait qu'il vienne à chaque fois leur annoncer des nouvelles aussi déroutantes, il se disait que les six mois passés sans croiser le colonel n'étaient vraiment pas une période si longue que ça, après tout.

- Que je comprenne bien... Wanda a traversé des univers parallèles en quête de ses enfants qui n'ont jamais existé, elle s'est retrouvée piégée dans un endroit chaotique à cause d'un bouquin magique qui l'encourageait à utiliser ses pouvoirs dans un but malveillant, Strange l'a sortie de là, ils se sont battus parce que ce même foutu bouquin l'a poussé à croire qu'il lui avait enlevé ses enfants une seconde fois et leur affrontement s'est terminé en laissant Wanda catatonique. Et, maintenant, Vision est à ses côtés dans la demeure de Strange. Je résume ça bien ?

- C'est à peu près ça, ouais, confirma Rhodes.

Bien sûr lui ne semblait pas être plus perturbé que cela. Le militaire avait aussi eu tout le temps pour digérer cette histoire.

- Tu réalises que je vais finir par ne plus prendre tes appels, Rhodey ? Je commence à avoir vraiment très peur de ce que tu m'annonceras la prochaine fois.

Bucky eut un sourire en coin. Rhodes but calmement une gorgée de son soda, observant depuis leur terrasse les passants qui se pressaient sous le soleil chaud de la saison.

- Ce ne serait pas très avisé, je crois. On pourrait bien avoir besoin de vous d'ici peu. Il semblerait qu'il y ait une drôle de rumeur concernant des extraterrestres appelé les Skrull, dit-il, nonchalamment.

- Tu plaisantes ? On va vraiment avoir affaire à deux des trois grandes menaces même pas un an après notre retour ?

- Hé, ne tire pas sur le messager. Et ce ne sont que des rumeurs pour l'instant, je n'en sais vraiment pas plus.

- On est bien d'accord, Bucky, son numéro est bloqué à partir de maintenant ? Sur nos deux téléphones ?

- Définitivement, répondit-il d'un ton solennel.

- Comme si Captain America pouvait rester incognito assez longtemps pour que je ne puisse pas mettre la main dessus, se moqua Rhodes.

- Oh, tu serais surpris. Nous ne manquons pas de ressources. Et nous trouvons toujours le moyen d'obtenir ce que nous voulons.

Sam et Bucky échangèrent un sourire complice.

Même quand la cause semblaient perdue d'avance. Même lorsqu'ils avançaient en terrain inconnu. Même lorsque tout ce qu'ils avaient construit pouvait se trouver dans la balance. Quelle que pouvait être la difficulté de la route à parcourir, ils ne renonçaient pas car il y avait toujours l'espoir qu'au détour d'un chemin ils puissent finir par obtenir la plus surprenante et la plus belle des récompenses.

Et, des fois, bien qu'ils étaient préparés pour surmonter les embûches, la route s'avérait même plus dégagée qu'ils ne l'imaginaient et ils n'avaient qu'à se laisser entraîner.

Fin


Note de fin : C'est terminé pour cette histoire et j'espère que vous avez passé un bon moment en la lisant :)

Je dis que c'est terminé... mais il y a quelques petites scènes supplémentaires qui me sont venues en tête entretemps. Du coup, en plus de "A travers leurs yeux" que je mentionne dans le précédent chapitre, il y aura également un one-shot de rating E (explicite) en guise de scène manquante de leur nuit en Italie qui ne sera publié que sur AO3 vu son rating élevé (pour me trouver, petite recherche Google "Kokoroyume AO3" et ce sera mis dans la série "Se laisser entraîner dans la danse").
J'ai aussi écrit un petit quelque chose pour un bout de résolution pour Wanda et Vision où Bucky et Sam n'apparaissent pas. Je publierai cette histoire dans la catégorie WandaVision de ce site et sur AO3.
Enfin, j'ai une petite idée d'une rencontre entre Bucky, Sam et Peter Parker mais que je ne suis pas encore certaine de coucher sur papier...

Bref, n'hésitez pas à me laisser votre avis sur cette fanfiction, ou même à me dire quelles petites scènes supplémentaires vous trouveriez plaisantes à lire... ça pourrait me donner des idées ;)