D'aussi loin qu'il puisse s'en souvenir, Livaï n'avait jamais connu de nuit parfaitement paisible, sans interruption, d'une durée décente, dans des conditions "normales".

Bien sûr, il n'avait pas toujours dormi que deux à trois heures par nuit en étant assis sur une simple et inconfortable chaise.

Non.

Le changement avait été progressif, s'effectuant sur plusieurs années, suite à plusieurs événements...

Alors qu'il n'était encore qu'un petit enfant, blotti dans les bras de sa mère dans leur étroit petit lit, ses nuits étaient régulièrement perturbées par les cris de plaisir ou de douleur des prostituées ainsi que les cris et grognements des hommes venant satisfaire un besoin primaire. " N'y fais pas attention, rendors-toi. Je suis là. " Lui murmurait Kuchel avec douceur en lui caressant tendrement les cheveux et resserrant son étreinte. Et il l'écoutait, se rendormant jusqu'au prochain cri un peu trop fort.

D'interminables longues heures après que sa mère ai expiré son dernier souffle, il alla se recroqueviller sur le sol froid et sale dans un coin, il ferma ses petits yeux emplis de fatigue et de tristesse tentant de dormir pour espérer se réveiller de ce cauchemar, d'oublier que sa mère pourtant juste devant lui n'était plus vraiment là. Mais au fil des jours, il était devenu difficile de faire abstraction de la vision devant lui et de l'odeur de la lente putréfaction se répandant dans la minuscule pièce leur faisant office de lieu de vie. Et quand il rouvrait les yeux rien n'avait changé, sa mère était toujours alitée, froide, rigide et sans vie dans leur lit juste en face de lui. Depuis, profondément marqué par cet événement, il refusa de dormir dans un lit.

Des jours après le décès de sa mère, un étrange homme fit son entrée, se présentant comme étant Kenny, juste Kenny. Ce dernier prit le petit garçon sous son aile, peut-être parce qu'il avait pitié de lui ou fut pendant un temps "proche" de Kuchel, il n'a jamais expliqué ses motivations, ce n'était pas un homme de mots de toute façon. Kenny attaquait régulièrement Livaï dans son sommeil. Cela faisait partit de l'un de ses durs enseignements : " Toujours être sur tes gardes. Ne jamais te sentir en sécurité car ce monde ne l'est pas, à aucun endroit ni aucun moment. Anticipes toujours le pire comme ça quoi qu'il arrive tu seras toujours prêt à y faire face. " À partir de là, Livaï commença à dormir sur une chaise contre le mur en face de l'entrée. Prêt pour toute menace. Et si jamais il commençait à s'endormir trop profondément, perdre un peu l'équilibre sur sa chaise lui donnait l'impression d'être en chute libre et le réveillait instantanément. Rien ni personne pas même Kenny ne put désormais le surprendre dans son sommeil.

Quand Kenny l'eut abandonné et même des années après, même après sa rencontre avec Farlan puis quelques années plus tard celle d'Isabel, le corps et l'esprit de Livaï avaient gardés les réflexes instinctifs de l'enseignement de son ancien mentor. Il ne dormait que d'un œil pendant que son esprit vagabondait parfois dans ses souvenirs, la lente déperdition de sa mère, l'abandon de Kenny, toutes les choses qu'il a dû faire pour se nourrir, tous les gens qu'il a dû battre violemment, poignarder ou même tuer pour survivre.

Très peu de temps après avoir intégré le Bataillon d'exploration, Livaï perdit ses deux précieux amis : Farlan et Isabel dans d'horribles circonstances lors de leur première expédition extra-muros. L'image de la mort Farlan et celle de la tête horrifiée et décapitée d'Isabel prirent place dans ses yeux malgré ses rétines closes, rejoignant l'image du cadavre d'une femme aimée se décomposant petit à petit dans son propre lit.

Petit à petit, Livaï perdit l'habitude d'avoir obligatoirement un mur dans son dos et l'entrée en face (ne craignant plus vraiment la menace des autres et de son environnement) il garda malgré tout l'habitude de rester sur ses gardes et également son aversion pour dormir dans un lit.
Au fil des jours, des mois puis des années, les macabres souvenirs de camarades se faisant dévorer vivants prirent une place régulière dans son sommeil, se fondant et se côtoyant avec ceux de la mort de sa mère, Farlan et Isabel.

Environ deux ans plus tard, Livaï participa à la dévastatrice opération de reconquête du Mur Maria, lancée un an après la chute de ce dernier.
La plus grande armée de mémoire connue. Soldats et civils avaient étés enrôlés de force. Du vieillard au gamin à peine sorti de sa puberté. Certains n'ayant pour arme que le simple outil qu'ils utilisaient pour défricher la terre. Râteau, pelle, fourche... Rien de pourtant efficace face aux redoutables ennemis qu'étaient les titans. En vérité, cette opération de reconquête était un énorme stratagème sacrificiel déguisé noblement pour permettre à un plus grand nombre de ne pas mourir de faim et de s'entre-tuer entre les murs. Un cinquième de la population fut envoyé, principalement des réfugiés du Mur Maria.

250 000 personnes et seulement quelques centaines revinrent.

Cela avait été un véritable massacre, l'enfer sur terre... Une longue bataille s'étalant des jours durant dans un décor apocalyptique de membres et têtes, de boules de corps humain régurgités, de pseudos armes brisées et drapeaux abordant les Ailes de Liberté jonchant le champ de bataille plongé dans un sinistre brouillard. L'ancienne terre des hommes était teintée de rouge, tant de sang que parfois le sol ne pouvait plus l'absorber, créant ainsi de véritables flaques écarlates. Les cris d'agonie avaient été l'affreuse mélodie de cette expédition pendant des jours sans interruption...

Et après tant de nombreuses effusions d'hémoglobines, d'effluves d'odeur métallique du sang, de son des craquements des os broyés, du bruit de mastication de chair, de cris et supplications de camarades... Tout cela eu raison de la durée de sommeil de Livaï, ne dormant désormais plus que deux à trois heures par nuit avec de temps en temps des insomnies totales allant de une à trois nuits.

C'est donc sans surprise que Livaï se retrouve comme tous les matins dans la cuisine préparant tranquillement son thé, une bonne grosse demi-heure avant l'arrivée des plus lève-tôt de ses camarades. Il peut ainsi profiter du silence du vieux château toujours endormi. Il n'est pas vraiment un associable ou un solitaire, c'est même le contraire il apprécie avoir de la compagnie tant que cela reste "audiblement agréable", mais de temps en temps et particulièrement pendant ses périodes d'insomnie, l'agitation est parfois un peu trop pour lui.

Et pourtant, alors qu'il était certain qu'il était toujours encore trop tôt pour l'arrivée des premiers soldats, il entendit les portes du réfectoire s'ouvrir, suivit de plusieurs bruits de pas. Il leva les yeux de son thé et regarda à travers la grande ouverture dans le mur séparant la cuisine du réfectoire. Livaï eut à peine le temps de reconnaître Eren, Armin et Jean que la porte de la cuisine s'ouvrît à son tour laissant apparaître Mikasa qui sembla un instant surprise et se figea. Aucun des deux ne fit un seul mouvement ou ne prit la parole. Portant toujours leur typique expression neutre sur leurs visages, ils restèrent ainsi à se regarder silencieusement, mystérieusement comme s'ils s'évaluaient.

" Caporal ? Bonjour ! Vous êtes matinal. "

L'échange visuel s'interrompît brusquement, Mikasa s'avança comme si elle venait tout juste de rentrer et Livaï dévia son regard pour voir Armin de l'autre côté du passe-plat. " Ouais... Comme vous on dirait. " Répondit-il alors qu'il regarda rapidement du coin de l'œil Mikasa mettre une bouilloire à chauffer avant de commencer à rassembler sur un plateau des tasses, pains et fruits.

" Oui, nous voulions passer un peu plus de temps ensemble... " Répondit le jeune blond en se retournant légèrement un tendre sourire sur les lèvres, Livaï suivit son regard et tomba sur Eren et Jean assis, tenant leurs têtes nonchalamment et baillant gracieusement à table, ces deux là n'étaient pas du matin visiblement.

Mikasa déposa le plateau qu'elle avait préparé sur le comptoir devant son ami. " J'apporte le thé dans quelques minutes. "

" Merci Mikasa ! " Armin la remercia avec un doux sourire, Mikasa l'observa s'éloigner avec le plateau pour rejoindre Eren et Jean, à peine le petit blond eut posé le plateau sur la table qu'Eren s'empara d'une pomme, jonglant avec quelques secondes avant de la lancer en plein dans le visage de Jean qui s'endormait. Cela eut le mérite de réveiller totalement ce dernier qui se leva et attrapa violemment le col d'Eren qui le regardait avec une lueur moqueuse dans les yeux et un sourire narquois sur les lèvres pendant qu'Armin essayait de les séparer sans succès. Ces petits éclats de chamaillerie parvinrent jusqu'aux oreilles du Caporal. " Si bruyants... " murmura Livaï avec une voix rauque, son air neutre se renfrognant petit à petit, contrarié que sa petite routine matinale silencieuse soit interrompue.

" Est-ce le manque de sommeil qui vous rend irascible ou c'est naturel ? " Demanda presque rhétoriquement Mikasa toujours aussi calme en train de verser quelques cuillères de thé dans un filtre.

" Irascible ? Qu'est-ce que tu racontes, je suis un véritable rayon de soleil. " Répondit nonchalamment Livaï concentré sur l'infusion de son thé. Jusqu'à... ce qu'il entend un son doux, un très très très bref petit gloussement, si léger qu'il crut l'avoir imaginé. Il tourna ses yeux légèrement écarquillés de surprise vers Mikasa, il eut juste le temps de voir son expression adoucie et amusée avant qu'elle ne se recompose rapidement un visage neutre en s'éclaircissant la gorge, essayant ainsi de dissiper l'atmosphère étrangement légère et frivole.

Mikasa se maudissait intérieurement. Il l'avait fait rire. Un tout petit peu, juste une seconde, rien de très extravagant. Elle avait simplement était prise de court par l'ironie entre ce qu'il avait dit et le ton qu'il avait employé pour le faire. Ce n'était pas fair-play, il l'avait eut par surprise. Elle ne haïssait plus vraiment jusqu'aux tripes son supérieur, elle en était même arrivée à le respecter mais elle ne voulait pas que ça aille plus loin que de le tolérer, ça ne devait pas, elle n'avait malgré tout pas oublié ce qu'il avait fait à Eren au tribunal et... question de fierté aussi.

Livaï, toujours encore un peu surpris, observa silencieusement Mikasa verser l'eau chaude dans la théière, son visage était redevenu complètement neutre voir légèrement contrarié à en juger par ses lèvres finement serrées entre elles. Il n'avait pas eut l'intention d'être drôle, c'était du sarcasme comme il le faisait souvent alors il ne s'attendait pas à cette réaction, en particulier d'elle. Il se sentit étrangement... curieux à propos de ce son. Peut-être devait-il essayer de redire quelque chose de similaire ? Mais quoi ? La réflexion que c'est ce que devait ressentir Hansi pendant ses expériences le traversa. Essayer de comprendre, d'apprendre, être curieux, intrigué, tenter pour expérimenter et observer le résultat...

Le Caporal, pensif, détourna finalement les yeux pour les reporter sur son thé. Il fronça un peu les sourcils en voyant la couleur plus foncé que d'habitude. Distrait, il l'avait laissé un peu trop infusé... Pas qu'il s'en souciait vraiment, le goût n'en sera que simplement plus prononcé et cela lui convenait parfaitement, c'est Erwin et Hansi qui allaient râler mais s'ils n'étaient pas contents ils étaient libres de faire leur propre thé.

Sans un mot il quitta la cuisine avec sa théière pour rejoindre sa table habituelle, il essuya la table pourtant propre juste devant lui avec son mouchoir avant de se servir une tasse de thé. Il s'adossa contre le dossier de la chaise dans une position nonchalante et décontractée, jambes croisées, un avant bras sur le dossier, son autre main portant à ses lèvres la tasse fumante tenue à sa manière sur les rebords du bout des doigts. Il observa sans trop y prêter d'attention les trois autres recrues présentes, de là où il était il ne parvenait pas à entendre de quoi ils pouvaient parler, pas qu'il s'en souciait de toute façon.

Au bout d'un moment, Eren s'aperçut du regard de leur supérieur sur eux et se tendit. Depuis le tribunal, même s'il ne lui en tenait pas rancune, Eren était un peu intimidé par Livaï. Mais après avoir passé un mois sous sa garde, il en était arrivé à l'admirer de nouveau, même encore plus qu'avant. Le Caporal n'était pas ce à quoi il s'attendait vraiment, ça ne l'avait pas déçu juste... un peu surpris. Son admiration superficielle pour l'image du parfait héros qu'il se faisait quand il voyait défiler le Bataillon d'exploration s'était transformée en une sincère admiration et un profond respect pour l'homme qu'il était en réalité. Il n'était pas parfait, il était violent, nerveux, maniaque, plus petit, impoli, sarcastique mais également... franc, effroyablement fort, impressionnant, juste, humble, discipliné et surtout dévoué à l'humanité.

En jetant quelques œillades nerveuses, Eren remarqua que les yeux de Livaï suivait à présent autre chose, il suivit la direction de son regard et tomba sur Mikasa qui arrivait avec la théière, elle fit le service avant de s'installer à ses côtés. Ils parlèrent tous les quatre calmement, Eren n'oubliant pas la présence de son supérieur ne s'amusa pas à provoquer Jean. Et ce dernier étant encore un peu dans le brouillard en fit tout autant.

Une bonne demi-heure plus tard, d'autres soldats arrivèrent à leur tour, animant progressivement le réfectoire d'un petit brouhaha. Hansi, qui avec Erwin avaient rejoint le Caporal, grimaça de manière extravagante à sa première gorgée de thé. " Hé dis donc Livaï, c'est bien la première fois que tu foires ton thé ! "

" Il n'est pas foiré. Tu as juste autant de goût que d'hygiène. " Répondit avec sa légendaire lassitude Livaï en sirotant tranquillement son thé, non affecté par la forte amertume de ce dernier. Erwin lança un regard à Hansi, approuvant silencieusement les dires de la femme il ajouta un peu de miel à son thé avant de tendre le pot à Hansi, tous deux espérant ainsi contrecarrer la saveur soi-disant trop amère.

Du côté des jeunes recrues, ils en étaient à nouveau arrivés à parler du plan de capture d'Annie. Eren étant toujours encore peu mal à l'aise à ce sujet se terrait dans le silence.

" N'empêche, quand je pense que je vais devoir faire la doublure de l'autre suicidaire... " lâcha Jean d'une voix blasée en jetant un regard en coin au concerné.

Cette pique sortit alors Eren de son mutisme, il fronça ses sourcils bruns et regarda Jean les yeux dans les yeux. " Il n'y a pas moyen que ça marche avec ta tête de cheval ! "

Jean tapa du poing sur la table faisant vriller la vaisselle. " Répètes un peu pour voir tête de sanglier ! "

Avant qu'Eren puisse répliquer Armin l'interrompit en levant les mains comme si l'on braquait une arme sur lui. " Allons, calmez-vous ! On n'est plus aux Brigades d'entraînement, essayez de vous tenir un peu ! " Expliqua Armin avec gêne en leur faisant signe de regarder autour d'eux, les soldats des tables environnantes les fixant, interpellés par le haussement des voix.

Jean et Eren se calmèrent instantanément mais tous deux abordant une mine à la fois gênée et frustrée. Jean posa son menton dans la paume de sa main alors que son regard tomba hasardeusement sur la tablée de ses supérieurs où Hansi discutait avec l'entrain qu'on lui connaissait, le Major l'écoutant la mine aussi sérieuse qu'à l'accoutumé et le Caporal abordait son habituelle expression ennuyée. Jean les observa, le regard lointain. " Cependant ce plan reste un pari risqué sur plusieurs points. Non seulement nous sommes pas sûrs à 100% qu'Annie est le titan féminin mais nous risquons de nous mettre le gouvernement et la population complètement à dos si les choses deviennent hors de notre contrôle. Plus qu'ils ne le sont déjà en tout cas... Et comme si ça ne suffisait pas, notre meilleur soldat, notre meilleur chance face au titan féminin, a choisit ce moment pour se blesser... " Lâcha Jean de manière lasse, fataliste.

Armin allait répondre mais il fut déconcentré un instant en voyant l'expression habituellement stoïque de Mikasa vaciller imperceptiblement. C'était très léger, mais il voyait son visage se crisper, elle avait presque l'air un peu mal à l'aise, "coupable". Il s'interrogea un instant sur son amie mais la voix d'Eren le sorti de sa réflexion. " Surveilles tes paroles, Jean. Le Caporal Livaï n'est pas quelqu'un que tu peux critiquer comme ça. "

" Je ne le critique pas ! Mais reconnais que ça tombe vraiment mal ! " Répondit Jean sur la défensive en regardant avec des yeux étroits Eren... Il ne critiquait pas spécialement son supérieur ni ne lui reprochait quoi que ce soit. C'était après la situation dans sa globalité qu'il en avait. Un fin sourire narquois vint prendre possession de ses lèvres en regardant le titan shifter devant lui. " Puis si j'étais lui, je préférai m'être blessé pour une jolie fille plutôt que pour TON cul. "

" Eren, non, stop ! " Réprimanda Armin en prévision, voyant que son meilleur ami s'apprêtait à répliquer et comme d'habitude ça finirai par monter crescendo avant d'en arriver aux poings comme c'était souvent le cas avec ces deux-là.

Jean toisa son ami/ennemi d'un air provoquant en voyant la frustration sur son visage. " Et pourquoi je ne pourrai pas le critiquer hein ? Il est peut être le plus fort et mon supérieur, ça n'empêche pas que j'ai le droit d'avoir mon propre avis et mes opinons. " Jean était quelqu'un de particulièrement franc et même s'il était respectueux envers la hiérarchie, il n'hésitait pas à s'exprimer si quelque chose n'allait pas selon lui. Marco dirait sûrement que c'était l'une de ses qualités qui ferait de lui un bon leader.

" Premièrement, pour en avoir fait l'expérience il frappe vraiment fort. Tu retournera en pleurant chez ta mère au premier coup. ET deuxièmement... c'est un ancien voyou réputé et craint de la ville souterraine alors s'il y a bien une personne à ne pas chercher c'est lui ! " expliqua Eren accaparant ainsi l'attention choquée et surprise de Jean, Armin et Mikasa. " Je ne sais pas comment exactement mais il a été recruté par le Major Erwin en personne ! " Ajouta-il presque admiratif et fier.

Jean, Armin et Mikasa étaient encore sous le choc de cette révélation, ils connaissaient tous les trois la réputation sordide de la ville souterraine, pleines de meurtriers, violeurs, voleurs... Tous les parias de la société réunis dans un seul et étroit endroit. Abasourdis, ils tournèrent d'un seul homme leurs yeux arrondis de surprise sur la table des supérieurs regardant le Caporal en particulier. Ce dernier sentant les quelques paires de yeux sur lui, les regarda sévèrement en retour en fronçant les sourcils. Armin et Jean détournèrent rapidement leurs regards, baissant un peu leurs têtes, la table en bois devenant brusquement la chose la plus intéressante au monde.

Mikasa, elle, fixait encore Livaï sans détourner d'un millimètre ses yeux mais la surprise s'effaça de son visage laissant place à une sévère et froide expression. Les sourcils de Livaï se défroncèrent légèrement, un peu surpris à son tour par le changement.

La jeune femme brisa le contact visuel quand l'un de ses amis s'adressa à elle. Livaï continua de l'observer, s'interrogeant intérieurement sur cette soudaine recrudescence à son encontre. Il savait qu'elle n'était pas l'une de ses fans mais les choses s'étaient un peu arrangées entre eux dernièrement alors il se demandait bien pourquoi elle le regardait à nouveau ainsi. Enfin c'était moins ouvertement sombre et haineux... Plus silencieusement, froidement tempétueux.

" Qu'est-ce tu as fait Livaï pour leur faire peur ainsi et énerver Mikasa ? Tu as encore maltraité Eren ? " Demanda un peu moqueuse Hansi qui avec Erwin avaient vu l'échange de regard entre le Caporal et les jeunes recrues.

" ... Rien. "

" Alors pourquoi te regardaient-ils ainsi ? "

" J'en sais rien je ne lis pas dans leurs putains d'esprits. "

" C'est bien dommage... " Murmura pensivement Hansi en se retournant pour regarder la table des jeunes recrues.

" Hansi ? " Appela doucement Erwin la voyant perdue dans ses pensées depuis un petit moment en observant les jeunes recrues.

Elle demanda sur un ton toujours aussi pensif en continuant de regarder la table d'Eren & co. " Dites... Vous vous rappeler de ce qu'a dit Mike ? À propos de l'odeur de Mikasa... "

" Qu'elle avait la même odeur qu'Eren ? Et alors ? " Questionna Erwin en voyant la chef d'escouade sérieuse malgré le sujet un peu trivial.

Livaï lui, se tendit légèrement, imperceptiblement et inconsciemment. Un bref flashback de son visage non loin du cou de Mikasa lui traversa son esprit. Il n'avait pas senti Eren sur elle, bien qu'il ne connaissait pas spécialement l'odeur du jeune homme, ça ne ressemblait pas à une odeur masculine en tout cas.

Hansi se retourna brusquement l'expression illuminée d'intérêt. " Pas la même odeur ! Il a dit qu'elle était comme imprégnée de l'odeur d'Eren nuance ! " Elle lâcha un profond soupir et prit une moue déçue. " Bien que Mike n'ai pas pu la sentir correctement car je cite : Essayez de me renifler et ça sera la dernière odeur que vous pourrez sentir. " Imita avec brio Hansi avant de s'envelopper dans ses propres bras pour réprimer un petit frisson au souvenir du regard noir et du ton menaçant qu'avait employé Mikasa quand Mike s'était approché d'elle après avoir reniflé Armin à la fin de la réunion de la révélation de l'identité du titan féminin.

" Et alors quelle importance ? Elle est toujours fourrée avec lui, ce n'est pas étonnant... " Répondit simplement Livaï en prenant nonchalamment une gorgée de thé.

" Non. Mike ne sens pas seulement l'odeur corporelle que nous-mêmes pouvons sentir, c'est beaucoup plus précis, à un point que pour Mike l'odeur d'une personne est comme une identité, propre et unique à chacun. Il peut y avoir une ressemblance entre membres proches de la même famille. Mais... Mikasa et Eren ne sont même pas liés par le sang... Il doit y avoir quelque chose, un dénominateur commun peut-être... "

" Où veux tu en venir Hansi ? Tu penses que Mikasa aurait également le pouvoir de se transformer en titan comme Eren ? "

Hansi tourna un regard presque désolé et déçu sur Erwin. " Malheureusement non... J'ai réfléchi à cette éventualité mais ça ne colle pas. Grâce à son pouvoir nous savons qu'Eren peut guérir rapidement or Mikasa a été blessée par Eren en titan à Trost, c'est de là que lui vient sa cicatrice sous l'œil. Si elle avait le pouvoir d'Eren elle n'en n'aurait pas... Et ce n'est pas qu'ils partagent une odeur presque similaire, non... Mike affirme que l'odeur d'Eren recouvre celle de Mikasa, enveloppe la sienne et que c'est ça qui est étrange, anormal... " Ajouta-elle en se retournant à nouveau, Erwin et Livaï posèrent également leur regard sur Mikasa et Eren.

" Oï, ils regardent toujours par ici ? " Souffla discrètement Jean tendu comme la corde d'un arc avec Armin et Eren, seul Mikasa restait impassible. Tous les quatre avaient remarqué l'attention et les regards énigmatiques de leurs supérieurs sur eux, sans savoir de quoi il en retournait vraiment.

" Oui. " Répondit simplement Mikasa comme si de rien en buvant tranquillement son thé, faisant royalement abstraction des regards posés sur eux.

" C'est de votre faute ! Vous auriez pu être plus discrets en regardant le Caporal ! " Murmura sur un ton de reproche Eren. Jean leva les yeux au ciel. Même quand les trois supérieurs détournèrent finalement leur attention d'eux, aucune des jeunes recrues ne fit d'esclandre le reste du petit déjeuner...

Livaï était retourné dans sa petite chambre, il avait passé la plupart de la matinée avec Erwin, Armin et Hansi qui continuaient d'élaborer dans les moindres détails le plan de capture du présumé titan féminin : Annie Leonhart. Le Caporal était resté assis dans un coin totalement silencieux, observant avec ennui le trio de grosses têtes, il avait tenu deux heures avant de déclarer forfait, l'entrain sonore d'Hansi et parfois celui d'Armin avait fini par avoir raison de lui et de ses tympans. C'était toujours comme ça quand il était dans une période d'insomnie, au bout de quelques jours, tous les bruits s'amplifiaient, la lumière devenait presque insupportablement aveuglante et sa patience déjà relativement courte en temps normal devenait quasi inexistante. Alors il avait quitté discrètement le bureau d'Erwin, enfin même sans faire spécialement preuve de discrétion il n'était pas sûr que le trio d'intellects auraient remarqué son départ de tout manière tellement ils étaient concentrés voire emballés dans l'élaboration du plan.

De retour dans sa chambre il avait rigoureusement fait le ménage ce qui avait prit peu de temps étant donné la petite surface, il s'était lancé dans sa paperasse ce qui ne l'occupa guère plus longtemps étant toujours scrupuleusement à jour, il avait même prit le luxe de mettre à jour celle de Mike, ce dernier aura intérêt en contrepartie à lui dégoter grâce à ses incroyables facultés olfactives un thé digne de ce nom.

En tout cas à présent, Livaï ne savait plus quoi faire, les corvées communes, l'exercice physique et l'équitation lui étant momentanément proscrite par le médecin - et Erwin-. Il commençait à s'ennuyer n'ayant plus rien à faire, il s'approcha alors de la fenêtre de sa chambre donnant sur la petite cour intérieure du château, il observa les soldats vaquer à leur occupation comme le ménage des parties communes et de l'extérieur, la cuisine pour ceux portant des cagettes de légumes, la lessive pour ceux avec des sacs remplis de linge à laver ou à étendre...etc. Son regard se posa alors sur les écuries et vit Balerion la tête en dehors de son box.

Il pourrait s'en occuper un peu, ça ferait du bien à tous les deux. Balerion adorait Livaï et contrairement à l'image que le Caporal pouvait donner et comment il pouvait parfois traiter ses paires, il était particulièrement doux avec les animaux. Il observa sa monture qui regardait fixement sur sa droite avant de secouer vivement la tête de bas en haut avec entrain, il suivit alors le regard de Balerion et tomba sur Mikasa en train de sortir le cheval gris d'Erwin de son box, elle l'attacha avant de repartir dans le box avec une fourche pour enlever la paille souillée. Livaï se rappela du regard qu'elle avait eut envers lui pas plus tard qu'au petit déjeuner. Il était un peu... curieux à ce sujet. Sans réfléchir plus longtemps, il sortit de sa chambre et se dirigea vers les écuries pour s'occuper de Balerion, bien entendu.

Il s'approcha des écuries avec son habituelle démarche stricte qu'il prit soin de rendre plus lente et discrète au fur et à mesure qu'il s'en approchait. Balerion regardait toujours sur sa droite observant la jeune femme en train de faire des aller-retours entre le box de et la brouette avant de commencer à panser Bucéphale (le cheval d'Erwin) quand elle eut fini de nettoyer son box.

" Furi[...]ki mo [...]zu

Dous[...] iki is[...]u no"

Plus il s'approchait, plus Livaï entendait distinctement ce qu'il identifia comme un fredonnement bas et mélodieux.

[ NDA : Recherchez : Mikasa Character Song No Matter Were You are, c'est la chanson officielle du personnage de Mikasa, chantée par sa Seiyū (doubleuse japonaise). Dans ma scène n'imaginez pas qu'elle chante comme dans la vidéo mais plus comme si elle fredonnait/murmurait doucement ;) ]

"Douka ikanaide
Je t'en prie, ne t'en vas pas

Soba ni ite mo obiete iru
Même si je suis à tes côtés, je ne peux surmonter ma peur. "

Livaï se stoppa à moitié dissimulé par le mur de l'écurie et écouta des paroles dont il ne pouvait en saisir le sens car dans une langue inconnue. Ce n'était qu'un ensemble de sons et syllabes, aucun mot ne se rapprochait de près ou de loin d'un seul qu'il connaissait. Il ne savait pas de quoi la chanson parlait mais il pouvait malgré tout sentir une certaine mélancolie dans le doux fredonnement de Mikasa.

" Aaaaah ! Kienaide
Aaaaah ! Ne disparais pas.

Watashi ni totte kaeru-beki basho
Pour moi, c'est auprès de toi que se trouve ma place,

No matter where you are
Où que tu sois.

"Où que tu sois." Ce fut la seule phrase que Livaï put comprendre, la seul dans leur langue.
"Où que tu sois." Répéta mentalement Livaï... Sûrement une chanson d'amour, encore... Si décevant... Pourtant, il resta, continua d'écouter ce qu'il supposait être une énième et banale déclaration d'amour qu'il parierait fleur bleue à souhait.

Konna sekai no naka de
Dans un monde comme le nôtre,

Watashi ga ima iki tsunagu wake wa
La raison pour laquelle je m'accroche toujours à la vie,

Mamoritai hito no
C'est parce qu'il y a des gens que je veux protéger.

Sonzai tatta hitotsu
C'est ma seule raison de rester en vie

Hitomi no yami ni sasu hitosuji no hikari wa
Un rai de lumière éclaire les ténèbres dans mon regard.

Kizutsuita anata no kodou kanjieta toki
Quand j'étais blessée, j'ai senti les battements de ton cœur m'encourager.

Douka ikanaide
Je t'en prie, ne t'en vas pas.

Mata hitori ni modosanaide
Ne me laisse pas seule encore une fois.

"Hitori" ... Livaï ne savait pas ce que ce mot signifiait mais il avait vu une petite expression douloureuse à ce mot sur le visage de la jeune soldate, juste une fraction de seconde pas plus. Pendant ce très court instant, elle semblait être... sans masque ni façade, juste... elle et... seule.

Aaaaah ! Kienaide- ..."
Aaaaah ! Ne disparais pas- ..."

Mikasa se stoppa brusquement interrompue par un petit hennissement et suivit le regard de Balerion fixant quelqu'un... "Tch, merde. " pensa Livaï un peu contrarié sans le laisser paraître en s'avançant innocemment vers Balerion comme s'il venait tout juste d'arriver. Le Caporal caressa le chanfrein de son cheval, ignorant royalement la soldate le regardant froidement par dessus le dos du cheval d'Erwin qu'elle avait momentanément arrêté de brosser.

Ni Livaï ou Mikasa ne dirent un mot où ne se regardèrent pendant les minutes qui suivirent. La jeune femme remit Bucéphale dans son box et Livaï sortit Balerion du sien et commença à le panser.

" Si vous ne l'avez pas remarquez, c'est moi qui suit en charge des chevaux ce matin. " Parla finalement Mikasa en déposant la brouette devant le box du cheval ébène.

Livaï lui répondit avec nonchalance, sans se retourner et tout en continuant de lustrer le poil noir de son destrier. " Ne t'inquiète pas je ne vais pas te voler tes corvées, j'aime peut-être ces bêtes mais je me passe volontiers de récurer leurs merdes. Celui-là est à moi. C'est pourquoi je m'en occupe un peu. Tu peux faire son box en attendant. "

Mikasa s'exécuta silencieusement et nettoya le box sans chantonner cette fois-ci mais ayant en tête la révélation de ce matin concernant les origines du Caporal, elle ne put s'empêcher de lui jeter quelques discrets regards en coin.

" Qu'est-ce qu'il y a ? " Demanda sans se retourner Livaï, exaspéré de ces regards de travers.

Mikasa regarda franchement et froidement son Caporal sans sourciller un instant. " Vous venez de la ville souterraine n'est-ce pas ? "

La main de Livaï resta en suspens un instant avant de reprendre le brossage mais plus doucement. " Tu poses une question avec la réponse dedans, je n'aurai pas cru que tu étais le genre à avoir des mots à perdre. "

" Vous étiez réputé et craint à ce qu'il parait... Qu'avez vous fait pour acquérir une telle réputation dans un endroit aussi mauvais que les bas-fonds ? " demanda Mikasa en s'avançant doucement, sa voix était froide limite méprisante.

" Tch. Tu parles comme si t'y avait vécu. " Livaï la regarda par dessus son épaule, la scrutant, l'évaluant profondément et longuement des pieds à la tête. " Et je peux le dire juste en te regardant que tu n'y a jamais mis un foutu orteil. De plus je n'ai aucun compte à te rendre, gamine. Si j'avais envie de faire connaître mon passé, j'aurai écrit une biographie. "

" Répondez. " Répliqua rapidement et sèchement Mikasa, avec une telle froideur et autorité qu'elle surpris un peu Livaï qui se retourna et analysa alors le visage de la jeune femme. Son expression restait placide, mais ses yeux... Ses yeux noirs eux racontaient une toute autre histoire. Colère, haine, dégoût... C'était quoi son problème ? Pourquoi s'intéressait-elle à son passé ? Et pourquoi donc le regardait-elle comme s'il était responsable de toutes les horreurs dans sa vie ? ... Puis il eut un déclic. " ah... Je me rappelle... Pendant le procès, Naile a évoqué un incident dans ton enfance. Eren et toi avaient tués trois hommes qui t'avait kidnappée... " En voyant comment elle serra la mâchoire en haussant un peu plus la tête comme si elle le défiait alors que ses yeux brillaient avec encore un peu plus de fureur, il sut qu'il voyait juste. Il s'avança doucement, prudemment. " Laisses moi deviner... Ils voulaient te vendre dans les bas-fonds parce que tu es une asiatique. "

" Je ne le suis pas, MA mère l'était, pas mon père. "

" Ça n'a pas d'importance. Appartenir, même à moitié, à une ethnie rare peut avoir une certaine valeur... Et la ville souterraine est le parfait endroit pour procéder à ce genre de vente. " Expliqua-il sans émotion, croisant les bras comme s'il expliquait quelque chose d'évident. " Et en entendant que je suis originaire des bas-fonds, que j'étais un voyou réputé, tu te demandes si je trempais dans ce genre d'affaire n'est-ce pas ? "

Mikasa fronça un peu plus ses fins sourcils et serra la mâchoire. Était-elle si lisible ? Elle demanda entre ses dents, son corps tendu comme si elle était sur ses gardes : " Avez-vous ? "

Il la regarda quelques secondes en silence, ses yeux gris parcourir doucement le visage en face de lui, de ses yeux à ses lèvres. " ... non... " Sa voix était basse presque un murmure, son regard fut un instant... nostalgique. Il se reprit rapidement avant de continuer. " Écoutes, je n'ai pas un passé héroïque. J'ai fait des choses, de terribles choses que je ne pourrais jamais effacer et je n'en ressens aucun remord. Mais le trafic d'humain ? Jamais. De près ou de loin. "

Mikasa observa sceptiquement son supérieur, fouillant son visage et ses yeux pour trouver une quelconque trace de mensonge mais elle n'en trouva pas. Il se tenait devant elle sans sourciller un seul un instant. Livaï vit une lueur d'hésitation prendre place dans ses pupilles alors que lentement, prudemment, l'animosité quittait ses yeux sombres. Après un moment, sans un mot, elle retourna dans le box pour continuer son nettoyage.

Après plusieurs minutes dans un parfait silence, Mikasa sortit du box, Balerion lui donna un gentil coup de tête lui quémandant un peu de son attention alors elle lui caressa tendrement son doux museau.

" Il t'apprécie. " lança Livaï de l'autre côté du cheval. Il passa sous l'encolure et se posta devant Mikasa. " Montes-le. "

" Quoi ? " s'exclama la jeune femme surprise par la requête.

" Tu m'as bien entendu. Je ne peux pas le faire moi-même pour le moment à cause... tu sais... ça. " Livaï désigna sa jambe gauche d'un coup de menton. " Et il a besoin de se dépenser, il est un peu timide et mal à l'aise avec les inconnus, mais ça à l'air de bien se passer avec toi. "

" Je ne pense pas que mon supérieur soit d'accord à ce que j'aille tranquillement faire une balade alors que je suis censée nettoy-"

" Quoi qu'en dise ton supérieur, il ne devrait rien avoir à redire si c'est moi qui te l'ordonne. "

" Je suppose... " Répondit Mikasa en regardant sceptiquement Livaï, il était après tout Caporal-Chef et bras droit du Major, si ce n'est Erwin, Livaï ne recevait d'ordre de personne...

" Alors qu'est ce que tu attends ? Va chercher sa selle. "

Encore un peu hésitante, Mikasa regarda rapidement le cheval avant de reporter ses yeux sur Livaï. " Je le fais pour lui, pas pour vous. " Puis elle partit s'acquérir de l'équipement.

" Évidemment. " Répondit lassement Livaï dans le vent alors qu'elle avait déjà tournés les talons.

Elle revînt rapidement avec la selle, le tapis et la bride de Balerion, ils équipèrent ce dernier qui trépignait déjà d'impatience à l'idée de la balade. Une fois Balerion sellé, Mikasa mit le pied à l'étrier et se hissa souplement sur le cheval, elle s'occupa de régler l'étrier à sa droite tandis que Livaï celui de gauche. Une fois fait, il prit la cheville de Mikasa et plaça doucement son pied dans l'étrier, il garda sa prise un peu pensif... Comme tous les soldats elle avait des jambes musclées, c'était obligatoire pour bien et à force d'utiliser l'équipement tridimensionnel. Cependant elle restait une femme et avait les chevilles fines, il en faisait presque le tour avec ses doigts. Cela lui fit penser que personne ne naissait pour être ce qu'il était à présent, vous vous forgiez pour le devenir. " Caporal ? " La voix de Mikasa le sortit de ses songes. Il enleva doucement sa main avant de relever son regard et croiser celui de Mikasa. Il se tourna sur le côté et désigna la forêt en face de l'entrée du château. " Tu vois ce bosquet ? Suis le sentier qui fait le tour, il y aura quelques arbres couchés sur le chemin ne les contournent pas, il adore le saut, fais tout le trajet au galop il a besoin de se dépenser un peu. Ça devrait te prendre 15/20 minutes. "

" Compris. " Aussitôt que Mikasa exerça une petite pression sur les flanc de Balerion, il se lança au trot puis au grand galop une fois les portes du château passées. Livaï les regarda un instant s'éloigner avant d'aller faire le tour du château, si Erwin lui avait dit de ne pas participer aux corvées communes il n'avait rien dit pour ne pas inspecter ses dernières. Alors il contrôla certaines pièces ordonnant parfois aux soldats en charge du ménage de refaire ou de faire un truc qu'ils auraient pu oublier. Il jeta également un œil à ceux qui faisait la lessive. Quand il eut finit sa petite inspection il retourna aux écuries, vérifiant rapidement les cheveux, si leurs box étaient propres, leurs sceaux remplis d'eau propre, s'ils avaient du foin à leur disposition...etc. Il fallait bien prendre soin de ces nobles animaux après tout, sans eux beaucoup serait morts et les expéditions seraient impossibles. Plus que des outils, les chevaux étaient en quelques sortes des soldats à leur manière. Ils étaient élevés et sélectionnés pour ça, ils devaient être calmes, attentifs, à l'écoute, sans peur, rapides, endurants et avec un caractère assez facile et souple. Les chevaux trop nerveux pouvant désarçonner leur cavalier pour un rien étaient évidemment exclus.

Livaï sortit justement du dernier box quand il vit son cheval revenir fièrement avec un trot aérien, sa cavalière se tenait tranquillement sur son dos l'expression neutre, le regard évasif, une main sur sa vieille étoffe rouge qu'elle avait remontée devant ses lèvres. Elle semblait un peu pensive voir absente. Balerion continua d'avancer vers Livaï et ne s'arrêta qu'une fois devant lui, donnant un gentil coup de museau pour réclamer une caresse qu'il obtenu pour son plus grand bonheur. " Comment ça s'est passé ? "

" Bien. Comme vous l'avez dit il semblait particulièrement ravi de se dégourdir les jambes. " Répondit Mikasa en descendant souplement du beau cheval noir.

Livaï acquiesça simplement et flatta l'encolure de son cheval avant de lui donner une petite pomme qu'il avait prit soin de cueillir pour lui. Il le gâtait beaucoup plus que les autres soldats le faisaient avec leurs chevaux, mais Balerion était un très bon cheval, très fidèle, jamais il ne l'avait abandonné, il restait toujours aux alentours et rappliquait immédiatement quand Livaï le sifflait. Sans cette loyauté qui sait peut être que Livaï aurait périt en expédition parce que son cheval aurait prit la poutre d'escampette... Et en dehors des murs, être sans cheval c'était être déjà mort, même si l'on était le soldat le plus fort de l'humanité.

Le temps de sa petite réflexion, Mikasa se tenait à côté de la tête de Balerion, presque face à lui, elle était un peu plus grande que lui donc il leva légèrement ses yeux pour rencontrer les siens alors qu'il lui tendit les rênes. " Panses le et remets le dans son box. N'oublies pas de nettoyer son équipement avec minutie, je ne veux pas une seule goutte de boue, je veux que ce soit comme neuf. "

" ... Vous avez vraiment un toc... pour la propreté. "

Livaï la sonda du regard, elle avait un visage stoïque et sa voix était lasse, il ne savait pas si c'était une réflexion ou une petite pique. Il s'avança doucement presque de manière menaçante. " Si tu nettoies pas l'équipement de ton cheval comme il faut, si tu laisses de la saleté ou de la boue par exemple sur la sangle de la selle cela pourrait le blesser. " Il désigna d'un sec coup de menton Balerion. " Tu le fais pour lui pas pour moi, tu te souviens ? " Passé la petite surprise face au grave sérieux de supérieur, elle acquiesça simplement et Livaï se retourna. " Bien. À ce soir. "

" ... Je n'ai jamais dit que je passerai ce soir. " La voix de Mikasa claqua dans son dos alors qu'il se maudissait intérieurement pour ces mots sortis si naturellement.

" Mais tu le feras. " Il voulait que ce soit une question, un choix mais cela sonna comme une affirmation, un ordre.

" Est-ce un ordre... ? " Livaï se retourna avec une moue renfrognée ce qui fit imperceptiblement retrousser légèrement les coins des lèvres de Mikasa. Était-elle... en train de se moquer de lui ? " Je plaisante. " Elle s'avança doucement suivit de Balerion, au moment où elle dépassa Livaï, sans s'arrêter elle prit une voix basse et douce, légèrement étouffée par une barrière de laine écarlate. " À ce soir, Caporal. "

Livaï resta un instant figé avant de se retourner, Mikasa était déjà à plusieurs mètres. Il la regarda s'éloigner tranquillement avec Balerion. C'était la première fois qu'elle l'appelait "Caporal" comme les autres soldats et non "Caporal-chef", son grade complet, comme elle l'avait toujours fait jusqu'à présent. Il se demanda si cela signifiait quelque chose, si elle commençait à devenir familière avec lui. Il soupira en se grattant l'arrière de la tête, il réfléchissait trop pour un simple mot. Il repartit alors dans ses quartiers espérant pouvoir trouver une distraction d'ici ce soir.

La journée fut calme, rythmée par l'habituelle routine de ces derniers jours. Jean et Mikasa étaient de corvées comme la plupart des soldats, Eren s'entraînait et passait son temps avec Hansi toujours aussi intarissablement curieuse vis à vis de son pouvoir de titan. Armin partageait son temps avec le Major, parfois il lui arrivait d'assister également Hansi avec les expériences d'Eren. Depuis leur retour d'expédition, les seules occasions qu'Eren, Mikasa, Armin et Jean avaient pour se retrouver étaient lors des repas et pendant leurs deux heures de temps libre le soir.

C'est en parlant de sa journée qu'Armin avait informé ses amis que le Major avait reçu une missive des autorités centrales qui le pressait de leur faire parvenir le rapport détaillé de la 57-ème expédition. Bien qu'Erwin Smith ai essayé de gagner un peu de temps afin de se préparer de leur côté pour le véritable plan, il n'avait à présent pas d'autre choix que d'envoyer ce rapport après-demain maximum. Un jour supplémentaire pour que le coursier atteigne la capitale et encore deux jours pour son retour avec l'ordre de convocation du Bataillon d'exploration et d'Eren Jaeger. À réception, ils devront se mettre en route pour la capitale en passant par Stohess à un jour en convoi de leur lieu de résidence actuel. En résumé, il restait environ une semaine avant de se rendre à Stohess. Une semaine avant la prochaine bataille.

Mikasa lâcha un profond soupir comme pour chasser au loin l'appréhension et le stress. Elle ne le montrait pas, mais elle était nerveuse, il y avait tellement d'enjeu, notamment l'avenir et la vie d'Eren. Elle n'aimait pas ça. Mais elle savait également qu'elle ne pourrait pas aller à l'encontre de la volonté et peut-être même du destin d'Eren. Alors elle devait se tenir à ses côtés et le protéger, elle le devait.

Toujours un peu songeuse, Mikasa frappa deux petits coups secs et rapprochés contre la porte avant d'entrer quand on l'y autorisa. Une fois à l'intérieur de la pièce, elle se stoppa, intriguée par un petit grincement métallique répétitif, elle regarda alors à sa droite et vit le Caporal, torse nu avec une serviette sur les épaules, face à un petit et vieux miroir accroché au mur, rafraîchissant son undercut et la longueur de ses cheveux avec une petite tondeuse à cheveux manuelle. " J'ai presque fini. " l'informa-il en donnant quelques coups minutieux et appliqués. Mikasa acquiesça silencieusement en réponse et plaça le plateau sur la petite table basse.

Livaï réajusta d'une main le coin inférieur droit du miroir et l'observa préparer une tasse de thé, remuer l'onguent, vérifier l'état des bandages... N'ayant rien d'autre à faire, elle alla s'asseoir sur le lit, non sans avoir une petite hésitation, attendant sagement. Elle remonta son écharpe jusqu'à son nez et contempla attentivement la pièce avant de reporter ses yeux sur le dos de Livaï toujours debout face au miroir. Après ce qu'elle considéra comme un certain temps sans le voir esquisser le moindre mouvement, elle demanda : " Vous appréciez la vue ? "

" Hein ? "

" Ça fait un moment que vous admirez votre reflet alors je présume que vous aimez ce que vous y voyez. "

" ... Peut-être. " Répondit-il un peu pensif la regardant toujours indirectement à travers le miroir sans qu'elle puisse vraiment s'en rendre compte.

" Je suis presque surprise que vous ayez un reflet. " Taquina-elle tout en restant aussi stoïque qu'à l'accoutumé.

Livaï enleva précautionneusement la serviette sur ses épaules et se dirigea vers la fenêtre pour secouer la serviette à l'extérieur. " Comme quoi il semblerait que j'ai une âme moi aussi. " Répliqua-il impassiblement avant de ranger la serviette et la tondeuse puis d'enfiler un tee-shirt avant de venir s'asseoir sur le lit en lâchant un soupir. Il se pencha et prit paresseusement la tasse de thé sous le regard fixe de Mikasa. " Quoi ? "

" Votre jambe. "

" Ah oui, c'est vrai. " Il se tourna un peu vers elle mais hésita à poser lui-même sa jambe sur ses genoux, c'était un peu embarrassant.

Mikasa comprit, elle prit elle-même doucement la jambe et la posa sur ses genoux, elle remonta son pantalon et observa son genou. C'était toujours coloré, un peu enflé, elle appuya un peu à différents endroits avant de froncer ses sourcils, il y avait quelque chose qui la dérangeait mais elle n'était pas sûre... " Reposez votre pied s'il vous plaît. " Livaï s'exécutât et elle posa un genou à terre face à lui et commença à remonter l'autre jambe de son pantalon mais les mains de Livaï lui attrapèrent les poignets pour la stopper. " Oï celle-ci va bien. "

" Je sais. Je veux juste... vérifier quelque chose. "

Livaï incertain la regarda un instant puis enleva ses mains de ses poignets, notant intérieurement qu'elle avait toujours ce bandage à son poignet droit. Mikasa posa ses mains sur chacune des chevilles de Livaï, faisant le tour et remonta petit à petit sur les parties arrière des jambes en exerçant parfois un peu plus de pression simultanément et précautionneusement, un air particulièrement concentré sur le visage. Il compris alors qu'elle était en train de faire une sorte de comparaison. Une fois qu'elle arriva un peu au dessus des genoux elle enleva ses mains. " Votre jambe me semble un peu plus tendue. Ça vous fait toujours mal ou plus ? "

" Rien que je ne puisse supporter. " Mikasa leva un sourcil, sceptique, l'invitant à continuer. " ... Oui... moins qu'avant je dois l'admettre mais ce soir c'est plus compliqué... ça me remonte un peu dans le dos. "

" C'est pourquoi vous devez rester tranquille... " Répondit-elle dans un petit souffle un peu exaspéré en remettant correctement la jambe droite du pantalon de Livaï. Elle releva son regard sur lui et demanda : " Avez-vous été voir un médecin ? Lui en avez vous parlé ? "

" Non, j'ai été en voir un le lendemain de l'expédition car Erwin ne me foutait pas la paix avec ça. C'est juste un choc, une entorse, il m'a dit de me reposer, de ne pas forcer... et que l'onguent était plutôt une bonne idée... "

" Vous devriez retourner le voir. Je n'aime pas ça. Le fait que ça remonte à votre dos n'est pas normal. "

" Rien que tu puisses faire ? " Demanda Livaï, il n'avait pas vraiment envie de retourner voir le docteur et se faire manipuler sous toutes les coutures, c'était un miracle qu'il laissait faire Mikasa.

Mikasa hocha négativement la tête. " Je n'ai que quelques petites connaissances basiques du Dr Jaeger et pendant notre formation dans les Brigades d'entraînement on nous enseigne juste les premiers soins, recoudre, cautériser une plaie... Mais si c'est une question d'os ou de muscle il faut de meilleurs connaissances, je pourrais aggraver votre cas si j'essayais. "

Livaï la scuta, elle semblait un peu contrariée voire frustrée comme si c'était elle même qui été blessée. Il porta nonchalamment la tasse à ses lèvres et répliqua d'un ton las : " Ne fais pas cette tête je pourrais presque croire que tu te fais du soucis pour moi. "

" Mais je m'en fais. " Répliqua-elle affreusement sérieuse. Livaï fut surpris, il ne s'attendait pas à cette réponse et encore moins au sérieux de son ton. Mikasa abordait toujours une mine frustrée en fixant le genou blessé. " C'est de ma faute si vous vous êtes blessé et à cause de moi le Bataillon est privé de son meilleur soldat, vous ne pourrez pas participer à l'opération à Stohess alors que... nous avons besoin de toutes nos forces, vous êtes capable de faire une grande différence. J'ai peut-être mis tout le monde indirectement en dang-"

" Arrête. " L'interrompit ferment Livaï. " C'était mon choix de te sauver, alors c'est à moi d'en prendre la responsabilité, pas toi. "

" Mais- "

" Il n'y a pas de mais. Si tu te sens coupable et que tu veux te rattraper : Tires-en une leçon pour ne pas répéter ton erreur. " Il fit une courte pause en la regardant avant de reprendre. " Si Eren est en difficulté, tu perds tout bon sens et pensée rationnelle, tu te lances dans le combat comme si rien d'autre importait, y compris ta propre vie... Tes émotions t'aveuglent et tu oublies tout ou qui est autour de toi. Apprends à les contrôler, il n'y a pas qu'Eren qui met sa vie en jeu nous le faisons tous. Et nous devons pouvoir compter les uns sur les autres. "

Mikasa prit une expression encore plus coupable et désolée sur le visage. Il avait raison, il n'y avait pas que la vie d'Eren en jeu, elle ne pouvait oublier la longue lignée de cadavres après son affrontement avec le titan féminin. Et encore ils étaient loin du compte...

Livaï vit que ses mots avaient fait mouche pourtant... Il lâcha un profond soupir. " Mais rassures toi, au sein du Bataillon nous savons bien que toutes les vies ne se valent pas. Et celle de ton précieux Eren est sûrement la plus importante d'entre elles. " Mikasa releva ses yeux devenus légèrement pétillants et acquiesça silencieusement avant d'étendre sa main pour prendre un peu d'onguent mais elle fut une nouvelle fois interrompue par Livaï. " Assis toi sur le lit, la situation est déjà assez embarrassante sans que tu te retrouves à genoux par terre. " Son ton était dur mais la jeune soldate ne s'en offusqua pas et s'exécutât sans broncher. Elle reprit avec douceur et grande précaution la jambe de Livaï sur ses genoux, chauffa l'onguent entre ses mains avant de l'appliquer en massant avec des cercles réguliers et sans trop appuyer.

Un lourd et épais silence s'installa pendant plusieurs minutes. C'était inconfortable pour Mikasa car elle sentait toujours la culpabilité la ronger, elle se demanda même si elle n'aurait pas préféré que Livaï lui en veuille au lieu d'être si... compréhensif. En étant ainsi et même si ses paroles étaient réconfortantes, elle se sentait peut-être encore un peu plus coupable...
Coupable que la vie d'Eren restait toujours plus précieuse à ses yeux, pour un motif personnel et égoïste.
Coupable de ne pas avoir écouté son supérieur dans la forêt et qu'il se soit blessé à cause de ça.
Coupable de comment elle l'avait traité depuis le tribunal, de n'avoir vu en lui qu'un nain arrogant alors qu'il était loin de l'être. Et même aujourd'hui quand elle s'était laissée émotionnellement emportée après avoir appris qu'il venait des bas-fonds, elle l'avait jugé rapidement, aveuglément et pourtant il ne lui en avait pas tenu rigueur, ne l'avait pas remballé vulgairement et avait balayé ses doutes. Il était en vérité loin de ce à quoi elle s'attendait, s'imaginer... dans le bon sens.

" Comment est-ce ? " Demanda elle subitement avec une voix basse et douce.

" Quoi ? "

" La ville souterraine... " Sa voix était douce presque timide. Livaï plissa ses yeux sur elle, toujours en train de le masser la tête baissée. " ... Pourquoi veux tu savoir ça ? "

" J-je suppose que je veux savoir... "

" À quoi tu as échappé ? Tu n'as pas besoin de ça. Ce n'est pas arrivé alors laisses tomber. "

" Oui... Mais pas seulement. Je me disais que si vous voulez en parler... "

Livaï la sonda du regard, c'était nouveau ça, la voir aussi ouvertement concernée et avenante avec lui. Il soupira, ce n'était pas quelque chose dont il aimait parler. " Sombre, sale, poussiéreux, misérable. " Il y avait un dégout non dissimulé dans sa voix au souvenir des rues sombres, du ciel de terre, de l'air impur et de l'odeur d'humidité. " Comme tu as dû l'entendre il y a beaucoup de criminalité, des voleurs, contrebandiers, meurtriers, violeurs... Évidemment il n'y a pas que de ça sinon cela ferait longtemps qu'il n'y aurait plus personne. " Son regard se fit quelque peu tristement nostalgique alors que le souvenir de visages familiers défila dans sa tête. " Mais les gens n'y sont pas tous mauvais, beaucoup sont malades à cause du manque de lumière, de nourriture et d'hygiène. Certains parents abandonnent leurs gosses à cause des conditions de vie ou tout simplement parce qu'ils sont morts donc il y a beaucoup d'orphelins sans abri dans les rues. Comprends bien, je ne dis pas que c'est un bon endroit, ça ne l'es définitivement pas et je n'y remettrai les pieds pour rien au monde. Mais comme à la surface, il y a de bonnes et de mauvaises personnes. C'est surtout les conditions de vie qui font la différence, principalement. "

Mikasa leva ses yeux un instant pour regarder silencieusement le visage de Livaï avant de reporter à nouveau sa pleine attention sur son massage. " Les trois hommes qui ont tués mes parents étaient des habitants du Mur Maria. Ils voulaient se faire un peu d'argent en vendant ma mère et moi aux pervers de la ville souterraine... Sur le moment, quand je les ai entendu dire ça, je n'ai pas compris ce qu'ils entendaient vraiment par ça... " Elle émit un bref petit rire sans aucune joie avant de continuer avec une sombre amertume dans la voix. " J'avais seulement neuf ans à cette époque, je ne savais même pas comment on faisait les bébés... Ce n'est que quelques années plus tard que j'ai vraiment compris ce qu'ils avaient prévu pour ma mère et moi... Ils ont regrettés de l'avoir tuée uniquement parce qu'elle était une sang pur et le véritable butin... "

" Le trafic d'être humain n'est pas aussi courant qu'on le croit. Il n'y a pas besoin d'aller chercher des femmes ou des fillettes à la surface, il en a déjà assez qui se prostituent volontairement dans les bas-fonds. Mais... Indéniablement, ils auraient fait fortune avec vous deux... ou même avec juste une seule. Et ils n'auraient pas été les derniers. " Mikasa, superficiellement concentrée sur son massage, releva vivement la tête et lança un regard noir à Livaï, offensée par ses propos. " J'énonce les fait c'est tout. Tu as un visage peu commun et j'imagine que ta mère était encore plus typée. Sans compter qu'en venant de la surface en étant en forme, avec une peau blanche et sans défaut, vous aurez été plus... désirables, attrayantes que les autres... Je suppose. Vous auriez été différentes de toutes les autres, ce qui aurait fait votre succès... La différence peut entraîner deux réactions : la peur ou la fascination. "

" Et quelle fascination peut-on y voir ? Cela n'a apporté que malheur et mort sur ma famille. " Énonça tristement d'une voix basse Mikasa, les yeux légèrement brillants, à cause des traits asiatiques de sa mère puis des siens, et même aussi à cause du nom de famille de son père, ils avaient dû vivre tous les trois reclus... Et l'appartenance de sa mère et la sienne, avait fini par coûter la vie de ses parents.

" Pour la même raison que certains se foutent sur la gueule pour l'or de l'ancien monde... Parce que c'est extrêmement rare, et encore plus si c'est l'unique et le dernier. Ne me demandes pas pourquoi, je ne comprends pas non plus pourquoi certains accordent tant de valeur à quelque chose qui ne se mange pas ou de futile. On vit à une époque où vieillir est un luxe et dans un monde aux possibilités limitées. Cherches pas à trouver du sens là dedans, il n'y en a pas la plupart du temps, c'est comme ça. "

Mikasa lui lança un coup d'œil sceptique alors qu'elle enroula soigneusement son genou dans un bandage propre. " C'est plutôt... fataliste comme point de vue. Je suspectais les soldats du Bataillon être plutôt du genre optimistes, pleins d'espoir. "

" La plupart le sont. Il faut l'être un minimum pour s'engager dans une cause aussi perdue. Tu es bien placée pour le savoir. "

" Moi ? " Demanda Mikasa incrédule, levant un sourcil en regardant son Caporal. " Vous devez vraiment dormir, l'insomnie corrompt votre jugement. Je n'ai pas la réputation d'être quelqu'un plein d'espoir et d'optimisme, n'importe qui pourra vous le dire. "

" Alors ils ont de la merde dans les yeux. Je ne te connais pas mais je peux déjà le dire : tu es optimiste. " Il fit une petit pause, voyant Mikasa non convaincue par ses propos, il reprit : " N'importe qui de réaliste et rationnel aurait supposé qu'Eren était mort après avoir été bouffé par cet enfoiré. Mais pas toi. Tu l'as vu se faire dévorer devant tes yeux et pourtant tu m'as affirmé qu'il était toujours en vie. Ça sonne assez optimiste pour moi... ou naïf. Bien que ce ne soit pas vraiment différent. "

Mikasa fut un peu piquée par le mot naïf. " Et pourtant vous m'avez cru. Vous avez risquez votre vie pour le sauver à cause d'une fille naïve et irrationnellement optimiste... Qu'est-ce que ça fait de vous alors ? " Quand Livaï enleva sa jambe de ses genoux et se décala un peu pour lui faire face sans la quitter de ses yeux sévères, Mikasa se demanda si elle n'avait pas été trop loin...

Il parcourut silencieusement de ses yeux indéchiffrables le visage de Mikasa avant de la fixer intensément dans les yeux. " ... Un pitoyable idiot si Eren était vraiment mort. " Répondit-il affreusement sérieux. La jeune femme écarquilla imperceptiblement ses yeux et déglutit doucement face à l'intensité des yeux gris. Elle détourna le regard et remonta un peu son écharpe sur son visage. Mal à l'aise avec la tension qui s'était installée entre eux, Mikasa commença à ranger les effets qu'elle avait apportés. " Il reste un peu de pommade, pour votre dos si vous voulez. "

Livaï hésita un instant avant de se retourner et d'enlever partiellement son tee-shirt en le passant par dessus sa tête. Interloquée par le mouvement et le bruit de froissement, Mikasa tourna la tête et vit son Caporal torse-nu lui présentant son dos. Ce n'était pas spécialement ce qu'elle voulait dire... mais le faire remarquer aurait été peut-être encore plus gênant, pour tous les deux. " Où avez vous mal ? " demanda-elle, la voix basse presque craintive.

" ... Le long de la colonne. "

Mikasa chauffa l'onguent entre ses doigts, ses mains restèrent en suspens à quelques centimètres de son dos, elles se rétractèrent un instant avant de se poser doucement et avec réserve.

Livaï se tendit à son contact, il n'aimait pas être touché en particulier aussi directement. Il sentit un frisson le parcourir qu'il ne savait pas bon ou mauvais. Au moins les mains de Mikasa l'effleuraient plus qu'elles ne se posaient vraiment sur lui. Il pourrait même se convaincre que c'était un courant d'air tellement son toucher était subtil.

Il se détendit progressivement sous l'effet de chaleur de la pommade et du léger massage de Mikasa. Il ferma les yeux, prenant alors plus conscience des mains qui parcourraient doucement, lentement, précautionneusement son dos le long de sa colonne vertébrale. Remontant, redescendant puis remontant à nouveau et progressivement un peu plus haut à chaque fois. C'était inattendument agréable, il sentait autant son corps que son esprit se détendre qu'il surprit un gémissement soupiré vouloir franchir la barrière de ses lèvres. Soucieux de ne pas se laisser autant aller, il décida de combler le silence. " Comment tu as appris pour la ville souterraine ? " Devant l'absence de réponse, il la regarda par dessus son épaule. " C'est Eren n'est-ce pas ? " Elle se contenta de le regarder brièvement avec un peu de méfiance, ignorant sa question. " Relax, je ne lui ferait rien. Et même si c'était le cas, il se rétablirai vite. "

" Ce n'est pas une excuse ! Il ressent la douleur lui aussi ! " Protesta vivement Mikasa.

" Mais elle s'efface rapidement. Tout le monde n'en a pas la chance, ni de se revoir pousser un bras ou une jambe. "

" Quand bien même ce n'est pas une raison. Et Eren a déjà suffisamment souffert, aussi bien physiquement que mentalement... "

" Comme beaucoup. Il ne mérite pas plus de compassion qu'un autre. " Le ton de Livaï était dur presque amère. Il n'avait rien contre Eren mais comme il l'avait dit, il n'était pas le seul à avoir un douloureux passé. Rare était ceux qui avait une vie parfaitement heureuse en ces temps et dans son entourage.

Mikasa se renfrogna un peu et continua son massage silencieusement. Il n'avait pas tort, elle le savait mais était-il obligé de parler si durement ?

Après plusieurs minutes, Livaï sentit un changement dans le massage de Mikasa, c'était devenu plus direct, plus peau contre peau, sans plus aucune fine couche de pommade. Mikasa dût le sentir car elle se stoppa et laissa ses mains glisser doucement de son dos le faisant frissonner au passage.

Livaï remit son tee-shirt, la chaleur de l'onguent ayant déjà apaiser les muscles de son dos. Il se retourna et se servit une nouvelle tasse de thé. Il observa Mikasa mettre le bol sur le plateau et déposer la théière sur la table. " Merci pour le thé en passant. "

" Comme vous avez dit que le thé n'est pas ce qui vous empêcherai de dormir... Je me suis dit autant remplacer la tisane par ce thé que vous semblez tant aimer et éviter ainsi que vous arpentez inutilement les couloirs en aggravant l'état de votre jambe pour satisfaire votre envie. " Répondit Mikasa avec une voix neutre mais aussi une petite pointe d'amertume sûrement à cause du petit débat qu'ils avaient eu un peu plus tôt et... peut-être par un léger soucis qui sait.

" Tu maternes toujours autant les autres ? "

" Uniquement ceux qui ne savent pas prendre soin d'eux même. " Répliqua Mikasa, un peu vexée. Cette réflexion lui rappelait amèrement celle d'Eren, son visage s'adoucit alors tristement. " Est-ce une si mauvaise chose ? " Demanda-elle dans une réflexion à voix haute.

" Tant que c'est pas dans l'excès ce doit être... acceptable je suppose. " Répondit Livaï prenant une gorgée en la scrutant attentivement. " C'est ce que te reprochait Eren le soir de notre retour, de le traiter comme ton gosse ? "

" Eren... s'emporte facilement. "

" Ouais je peux voir ça. " Dit Livaï en pointant sa propre pommette droite désignant ainsi indirectement celle de Mikasa qui abordait la cicatrice qu'Eren lui avait faite à Trost. " Ils ont dit au procès qu'il avait tenté de tuer, c'est de là que vient ta cicatrice n'est-ce pas ? "

" Ce n'était pas intentionnel... " Mais contrairement à la fois elle avait fait face à Jean et ses camarades, cette fois-ci elle ne sortit aucune justification ridicule. " Il n'était pas lui-même. "

" Trois fois. Ils ont dit qu'il a essayé de t'écraser, toi et seulement toi, trois fois. Comment peux-tu être sûre que ce n'était pas intentionnel ? " Demanda Livaï plus curieux que voulant vraiment accabler Eren. Il savait qu'à cette époque le jeune homme ne contrôlait pas encore son titan, preuve lorsqu'il s'était partiellement transformé accidentellement pour ramasser une petite cuillère, alors Livaï n'était pas vraiment surpris de l'incident avec Mikasa. Mais ce n'était pas pour autant qu'il accordait une confiance aveugle à Eren. Il avait en lui une puissante détermination qui pouvait se révéler être à double tranchant. Il pourrait être l'allié d'aujourd'hui mais l'ennemi de demain. Il savait que personne y compris lui-même ne pourrait soumettre la force de volonté d'Eren.

Le regard de Mikasa se perdit au loin, fixant un point invisible derrière Livaï. " J'ai vu comment il me regardait lorsqu'il l'a appris au procès... " Elle se souvenait de son regard perdu, étonné comme si on venait de lui annoncer quelque chose d'absolument impossible. Puis quand le public de la cour s'était retourné contre elle également, comment il l'avait férocement défendue... Elle en avait été vraiment et profondément touchée. Il tenait à elle, elle en était certaine. " Je crois en lui. " Elle exprima ces derniers mots en regardant Livaï avec seulement de la sincérité dans les yeux.

Le Caporal scruta attentivement les traits de son visage. Elle faisait preuve d'une telle dévotion et tant de loyauté envers Eren... Il voulait comprendre. " Tu es tellement attachée à lui... Pourquoi ? "

La jeune femme détourna le regard et porta une main à son écharpe qu'elle remonta un peu. Livaï l'avait observée avoir ce geste à plusieurs reprises, elle faisait ça quand elle semblait gênée ou énigmatiquement pensive, mélancolique... " Il est ma famille... La dernière que j'ai. "

Et là, il la revit, cette expression de solitude, comme celle qu'elle eut un bref instant lorsqu'il l'avait entendu chanter dans les écuries ce matin. Il plissa un peu ses yeux légèrement adoucis et murmura une pensée à voix haute. " Tu as peur... " Mikasa tourna à nouveau la tête vers lui, surprise. Livaï reprit avec le ton habituel de sa voix. " De perdre Eren, qu'il s'éloigne même de toi. C'est pourquoi tu le surprotèges autant, que tu le défends peu importe la situation et te convaincs toi-même qu'il a besoin de toi. Car tu penses que si tu lui es nécessaire il ne peut pas t'abandonner et te laisser seule... "

Il avait reconnu ce qu'elle ressentait profondément en elle, la solitude, le traumatisme de l'abandon, celui d'être laissé derrière. Il les avaient ressenti à la seconde où il avait vu le dos de Kenny s'éloigner dans les rues sombres. Kenny avait été le seul à l'abandonner volontairement, depuis Livaï n'avait eut de cesse de se demander pourquoi. L'idée que Kenny en avait finit avec lui, qu'il ne lui était plus utile l'avait traversé. À ce jour il n'avait toujours pas la réponse et ne l'aurait probablement jamais, il l'avait accepté et était aller de l'avant mais jamais il n'avait pu oublier ce sentiment.

Mikasa le regardait avec incrédulité, incapable de parler, les lèvres légèrement entrouvertes laissant juste passer des inspirations et expirations rapides mais silencieuses, sa poitrine se soulevait en écho, au même rythme, ses yeux brillaient d'une histoire qu'elle ne voulait raconter à personne. Elle resta interdite pendant un petit moment avant de se précipiter sans prévenir, mais Livaï attrapa son poignet fermement avant que sa main ne puisse même atteindre la poignée de porte. Il sentit et frotta imperceptiblement de son pouce le bandage de son poignet. Il était curieux à ce sujet aussi, mais ce n'était pas le moment. " Je suis sûr que tu vaux plus que ça, Mikasa. "

Elle pouvait sentir la force et la chaleur émanant de ses doigts entourant son poignet, elle sentait ses yeux la brûler dans son dos qui venait juste d'être parcouru par un frisson à la manière dont son prénom sonnait pourtant de manière si juste et familière alors que c'était la première fois qu'il le prononçait.

Mikasa dégagea sèchement son poignet de la prise de Livaï et sortit toujours sans un mot et toujours sans un regard en arrière. Une fois dehors, elle s'adossa contre le mur, essayant de reprendre le contrôle de sa respiration brusquement saccadée.

Ce qu'il avait dit était... vrai. Affreusement vrai, une vérité qu'elle s'efforçait d'ignorer et de repousser au plus profond d'elle-même. Elle voulait protéger Eren car elle avait peur de le perdre, elle tenait à lui et ne voulait pas se retrouver seule à nouveau. Mais elle avait également peur qu'Eren se détourne volontairement ou non d'elle, c'est pourquoi elle se sentait menacée quand il s'intéressait de trop près à quelqu'un d'autre... En particulier si son intérêt était lié à un domaine où elle-même excellait. C'est pour cela que pendant leur formation, elle n'avait pas hésité à balancer Reiner sur Eren lui-même pour défier Annie qui avait mit le jeune garçon au sol. Mikasa avait remarqué l'intérêt d'Eren pour les techniques de combat de la petite blonde, qu'il privilégiait d'ailleurs aux siennes ou à son aide. Il avait toujours refusé de combattre avec elle, non pas qu'il avait peur d'elle, c'était juste comme s'il voulait prouver qu'il pouvait s'en sortir sans elle. Et elle n'aimait pas ça, ça la blessait mais elle ne disait rien et se contenter d'ignorer et d'enfouir ce sentiment, cette peur.

Mikasa essaya de retrouver du réconfort en emmitouflant la partie basse de son visage dans son écharpe, elle laissa sa tête reposer contre le mur derrière elle et ferma doucement ses yeux.

De l'autre côté du mur, Livaï fixait toujours pensivement la porte par laquelle Mikasa venait tout juste de se précipiter...

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Hey !

Je crois que c'est l'un de mes chapitres préférés pour le moment en tout cas !

Je m'empresse de le publier parce que sinon je vais jamais m'arrêter de le modifier, de rajouter encore et encore des choses, de rendre le chapitre excessif, bien que j'espère qu'il ne l'es pas déjà !

Je crois que je deviens particulièrement exigeante avec moi-même en plus de galérer à rassembler et emboîter toutes les idées que j'ai pour que ça reste assez logique et pas trop trop trop "fantasmé".

En tout cas j'espère que la lecture vous a plut, que c'était compréhensible (je sais que j'ai tendance à trop décrire ^^') , n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez !

J'ai essayé d'instaurer un petit flirt léger et subtil entre Livaï et Mikasa, j'espère que c'est réussi :)

Je tiens à préciser que le baratin à propos de la douleur de la jambe de Livaï qui remonte dans son dos n'est pas "médicalement vérifié" par mes soins hein. J'avoue avoir tournées les choses comme ça m'arrangeais donc j'espère que c'est quand même assez crédible.

Avez-vous une petite théorie ou idée de pourquoi Mikasa est imprégnée de l'odeur d'Eren ?
J'ai hâte de voir si c'est évident ou non, bien que ça n'a pas scénaristiquement beaucoup d'importance ?

D'ailleurs j'espère que s'il y a des fans de Mike vous ne prendrez pas trop mal que j'en ai un peu fait un « chien renifleur » ? Mais c'était tentant pour moi d'exploiter ses facultés olfactives pour instaurer cette mini intrigue/clin d'œil !

Petite anecdote : Bucéphale, le nom que j'ai choisit pour le cheval d'Erwin, était le nom du cheval adoré d'Alexandre le Grand. Je me suis dit que c'était un clin d'œil et un parallèle sympa à faire, Alexandre le Grand ayant été un sacré conquérant et leader à son époque.

J'ai changé la couv de ma fiction également si jamais certains se le demandent. ?

J'ai très hâte de lire vos commentaires comme toujours ! À bientôt ?