Hanamiya retint un soupir tandis qu'il scrutait son reflet dans le miroir. Les toilettes du restaurant étaient vides, lui permettant de s'attarder sans problème, alors que les rires venant de la pièce principale faisaient un bruit de fond pas trop désagréable.
Comme convenu, le coach de Yosen avait invité toutes les équipes au restaurant après l'entraînement. Hanamiya n'était pas contre l'idée mais son corps criait grâce et ne demandait qu'à rentrer.
Après le match contre les Shittoheddo il avait été forcé de rester sur le banc avec pour interdiction de faire des efforts. Les coups qu'il avait reçus lui avait laissé des marques et donneraient sans doute de beaux bleus dès le lendemain, sans parler de sa cheville douloureuse qui le poussait à boiter. Mais tout ça il pouvait le dissimuler, jouer la comédie devant sa mère pour ne pas l'inquiéter. Cependant, sa génitrice n'était pas aveugle et n'aurait aucun mal à voir l'état de son visage.
Nebuya ne l'avait pas loupé. Son coup de poing avait été particulièrement violent et une marque violacée avait fait son apparition sur la joue ainsi que la pommette de l'araignée. Autant dire que ça allait attirer l'attention, même au lycée.
Hanamiya pesta, se passa rapidement de l'eau avant de coller précautionneusement une compresse sur la blessure.
Il soupira encore et sortit son téléphone pour s'apercevoir qu'il avait reçu un message de sa mère. Elle était visiblement épuisée et le prévenait qu'elle se coucherait tôt, donc qu'il pouvait prendre son temps pour rentrer. Il lâcha malgré lui un sourire : elle lui laissait beaucoup, voir trop, de liberté.
« Makoto le serveur prend les commandes, prévint Seto en entrant dans la pièce.
— J'arrive. »
Mais Hanamiya ne fit même pas un geste qu'il fut coincé par son coéquipier, ce dernier semblant le jauger du regard. Surpris et mal à l'aise, le capitaine haussa un sourcil :
« Quoi ?
—... J'aurai dû leur péter la gueule.
— Même à Nebuya ?
— Lui il a des remords, rien à voir avec les autres connards. »
Hanamiya comprenait son ressenti. Lui-même avait bien envie de retrouver ses adversaires et de leur foutre une bonne raclée. Mais actuellement il ne pouvait pas se le permettre, déjà parce qu'il n'était pas en état mais également parce que ces enfoirés s'étaient volatilisés. Il haussa donc les épaules pour répondre à son coéquipier :
« Ils ne méritent même pas qu'on pense à eux. Autant profiter de la soirée. »
Seto fut réticent et la moue qu'il fit manqua de faire rire Makoto. Ce dernier perdit pourtant sa bonne humeur quand son camarade vint glisser sa main sur sa joue, caressant délicatement la compresse sans chercher à lui faire mal.
Hanamiya tressaillit presque sous ce touché, son regard perdu trahissant son incompréhension. Ce n'était pas la première fois que Kentaro se montrait aussi tactile mais Makoto ne parvenait tout simplement pas à s'y habituer. Peut-être parce qu'il ne comprenait pas l'attention derrière ? Lorsqu'il lui ébouriffait les cheveux, Hanamiya devinait que c'était pour le réconforter ou l'encourager. Mais là, cette caresse sur sa joue, cette proximité entre leurs deux corps, qu'est-ce que ça signifiait ?
Hanamiya se fit violence pour ne pas détourner le regard mais réalisa avec horreur que son visage chauffait inhabituellement. Seto sembla le remarquer puisqu'un sourire amusé étira ses lèvres avant qu'il ne s'écarte de son capitaine :
« Les autres doivent nous attendre. »
Hanamiya grogna et lui emboita le pas, agacé : son camarade avait le don pour foutre le bordel dans ses sentiments.
Hanamiya fut soulagé en se retrouvant à une table à part avec ses coéquipiers. Il avait un peu appréhendé en voyant les autres équipes se mélanger, peu envieux de se retrouver avec des gamins bruyants comme Takao ou Kise, mais en fin de compte il n'y avait pas de quoi s'inquiéter : il était assis entre Seto et une chaise vide tandis qu'en face se trouvait Hara, Furuhashi et Matsumuto.
« Yamazaki n'est pas là ? », remarqua-t-il soudain.
Matsumuto lui fit un signe de tête pour lui désigner leur coéquipier qui se trouvait non loin d'eux, installé à la même table que Moriyama. Hara ricana :
« Il passe à la vitesse supérieur le petit !
— Notre enfant grandit si vite, affirma Furuhashi.
— J'espère qu'il pensera à se protéger, je ne veux pas de petits enfants tout de suite !
— Moi si. Leurs organes pourraient valoir beaucoup. »
Ils échangèrent un regard complice et Hanamiya ne manqua pas leurs mains qui s'étaient discrètement liées sur la table. Seto lui donna un léger coup de coude, l'air de dire « Je te l'avais dit » et effectivement Makoto était assez décontenancé de voir ses camarades flirter ainsi. Cependant, cela le fit doucement sourire.
Il reporta son attention sur le menu sans grande envie. Hanamiya n'était pas de ceux qui mangeait pour le plaisir. Ses repas, déjeuner comme dîner, étaient parfaitement équilibrés afin d'optimiser ses capacités physiques. Quand il s'éloignait de son régime alimentaire c'était avant tout lorsqu'il voulait faire plaisir à sa mère ou quand ...
Il se figea, son regard ayant capté quelque chose de bien particulier. OH MON DIEU. Ce restaurant proposait vraiment ça ?!
La voix du serveur le ramena à la réalité :
« Vous avez choisi messieurs ? »
Makoto n'attendit pas ses camarades pour commander :
« Je veux l'assortiment 'Chocolats and Co.' avec le nappage chocolat ainsi qu'un brownie et un fondant et en boisson un chocolat viennois. »
Il ne prit pas garde aux gros yeux que lui firent ses coéquipiers ainsi que les joueurs à proximité, mais il entendit nettement Seto se mettre à rire ainsi que Imayoshi assis à la table derrière :
« Mako-chan, ce ne sont que des desserts !
— Je t'emmerde. »
Il fit la moue et referma le menu, essayant de faire mine de rien. Mais recevoir autant de sourire amusés le fit se sentir comme un gamin de dix ans, ce qui lui déplu fortement. Quoi, c'était Araki qui payait ! Il pouvait bien en profiter !
Il écouta à peine ses coéquipiers commander et ressortit son téléphone. Au-delà de sa mère qui était probablement couchée à présent, il attendait également des nouvelles de Kamine à qui il avait donné son numéro. La petite l'appelait parfois depuis son téléphone fixe, mais cela restait rare puisqu'ils se voyaient tous les jours. Cependant ils n'avaient pas eu l'occasion de se croiser aujourd'hui, chose qui agaçait Makoto.
Il soupira en réalisant son attitude. Dès qu'il s'agissait de sa mère ou de Kamine il s'inquiétait pour rien, ce qui était ridicule. Sa mère était suffisamment grande pour prendre soin d'elle et Kamine avait ses parents. Bon, ses parents étaient déplorables mais ... Non, en fait Makoto avait toutes les raisons de s'inquiéter.
Il hésita longuement avant d'envoyer un message à sa mère, lui demandant si elle avait croisé la petite et si celle-ci allait bien. Il se sentit un peu coupable de déranger sa mère à cette heure-ci mais il n'était pas serein. Si ça continuait il allait demander à ce que Kamine vienne vivre chez eux !
En voyant qu'il ne recevait pas de réponse, son agacement se fit plus grand. Il avait l'air ridicule à attendre une réponse qui ne viendrait probablement pas et décida de se reconcentrer sur le restaurant. Mais quel ennui ! Ses coéquipiers parlaient entre eux, les autres équipes ne l'intéressaient pas et les plats n'arrivaient pas. Hanamiya avait cette désagréable impression d'être coupé du monde.
Cette constatation le troubla. C'est vrai qu'il n'avait jamais vraiment pris part à de quelconques festivités si l'on exceptait ses coups foireux. Ainsi, en voyant tout le monde s'amuser sauf lui ... lui fit ressentir un énorme vide. Comme un sentiment de solitude. Comme si ... comme s'il n'avait pas sa place ici.
Et c'était vrai. Hanamiya n'avait pas sa place parmi tous ces joueurs.
« Le basket est fait pour s'amuser Hanamiya. Si tu ne peux pas comprendre ça, tu n'as rien à faire sur ce terrain. »
La phrase de Kiyoshi résonna ainsi dans son esprit, comme un rappel de sa condition, très vite suivit par les paroles d'Imayoshi :
« ... toi qui aimait le basket autrefois, pourquoi t'es-tu mis à agir de la sorte ? Akihiko-san n'était pas là. Makoto, est-ce que ton père ... ? »
Seto posa une main sur son épaule, le ramenant à la réalité, et cela lui fit réaliser que ses coéquipiers le regardaient avec inquiétude :
« Capitaine, ça va ? interrogea Furuhashi.
— ...Ouai, pardon, vous me parliez ? »
Hanamiya avait un peu de mal à se remettre, si bien qu'il ne vit pas la stupéfaction de ses camarades lorsqu'il s'excusa sans réfléchir. Seto et Matsumuto échangèrent un regard avant qu'Hara ne prenne la parole :
« T'es vachement pâle. Tu te sens pas bien ? On peut t'accompagner aux chiottes. »
Makoto ne savait pas qu'elle tête il tirait mais celle-ci ne devait pas être terrible pour que son équipe s'inquiète autant. Il se reprit comme il put et leva les yeux au ciel, agissant comme à son habitude avec ses répliques cinglantes :
« C'est votre flirt avec Furuhashi qui me donne envie de vomir. Sérieux vous êtes si niais les gars ! »
Son jeu d'acteur acheva de troubler ses coéquipiers qui ne savaient plus très bien où se situait le vrai et le faux. Hara décida de ne pas se prendre la tête et fit simplement mine d'être vexé mais Seto conserva ses sourcils froncés.
Un portable vibra subitement. Hanamiya s'empressa de sortir le sien s'en prendre garde à se faire discret. Sa tension retomba quand il vit une réponse de sa mère, celle-ci lui confirmant que Kamine allait bien et qu'il pouvait être tranquille. Il souffla et ne réalisa que trop tard qu'il avait laissé son soulagement être trop apparent.
Une voix familière ricana près de son oreille :
« Tu es trop protecteur Mako-chan. »
Imayoshi évidemment. Hanamiya le fusilla du regard mais cela n'empêcha pas le troisième année de s'assoir à côté de lui.
« Dégage vil serpent.
— Cette chaise est libre non ?
— M'en fou, je te veux pas ici.
— Que tu es méchant avec moi, alors que je suis inquiet pour toi ! »
Makoto décida d'ignorer ses geignements et se concentra sur le serveur qui revenait avec les plats. Mais Imayoshi reprit la parole avec davantage de sérieux et sur un ton plus bas :
« Sérieusement, je suis inquiet. On pourra discuter un peu, seuls ?
— Non. »
Non, Hanamiya ne voulait pas. Il savait très bien à quoi mènerait cette discussion.
Imayoshi soupira mais n'insista pas. Du moins pour le moment, mais Makoto savait qu'il reviendrait à la charge plus tard.
De l'agitation attira soudain l'attention : c'était le coach de Yosen, Araki, qui venait de se lever pour porter un toast :
« Tout le monde, j'aimerai féliciter une nouvelle fois l'équipe qui nous a permis de garder le complexe sportif. Nous avons fait de notre mieux pour réserver cet endroit afin que tout le monde puisse y progresser, et savoir que nous le conserverons encore est des plus rassurant et plaisant. »
Il y eut quelques applaudissements avant qu'elle ne reprenne :
« Je regrette que nos joueurs aient été victime de triche, mais cela n'apporte que davantage de prestige à leur victoire. Cela prouve qu'il vaut mieux jouer avec honnêteté. Vous êtes les mieux placés pour montrer l'exemple, vous êtes l'avenir du basket, c'est pourquoi vous aurez tout notre soutien avec les autres coachs. »
Nouveaux applaudissements auxquels Hanamiya ne prit pas part.
L'avenir du basket ... ? Quelle blague.
Il préféra ne plus y penser et se concentra sur son 'repas' qui venait d'arriver. Mais étrangement, le délicieux goût du chocolat ne parvint pas à le réconforter.
« Oï, Hanamiya ! »
L'interpellé haussa un sourcil et releva la tête. Aomine, avachi sur une chaise plus loin, s'était cru malin de crier au lieu de simplement lever son cul. Comme quoi le métisse pouvait vraiment être un flemmard.
« Dis, c'était quoi ce jeu lors du match ? interrogea l'As. Ça n'avait rien à voir avec ton style habituel. »
Makoto grogna, agacé :
« Ça va, je sais jouer honnêtement aussi.
— Hein ? Non, j'parle pas de ça mais de ta force ! »
Et évidemment certaines oreilles indiscrètes étaient venues s'attarder sur leur conversation. Nebuya, qui finissait un bol de riz, approuva les dires de l'As :
« Ouai, j'ai remarqué aussi. Déjà à l'entraînement y avait un truc, mais aujourd'hui ça s'est confirmé : ta force et ta technique sont complètement différentes de la Winter Cup. »
Hanamiya perçut plusieurs échanges de regards. Si certains étaient sceptiques, d'autres joueurs étaient d'accord avec les métisses, notamment Matsumuto qui regarda son capitaine en fronçant les sourcils :
« C'est vrai, tu parais beaucoup plus fort qu'avant. On t'a à peine vu subtiliser la balle à Hayama.
— ... C'est pas un peu étrange de changer de jeu en si peu de temps ? », demanda soudain Furuhashi.
Makoto se crispa. Tout le monde avait une nouvelle fois les yeux rivés sur lui. C'était une manie de le mettre au centre de l'attention ou quoi ? Il grogna :
« Aujourd'hui je jouais pour gagner. »
L'équipe de Seirin se crispa, notamment Hyuga qui pesta froidement :
« C'est vrai que la Winter Cup n'était qu'une blague pour toi. »
L'ambiance se fit tendue. Hanamiya ricana par pur réflexe, son attitude arrogante revenant par instinct, et il tira la langue avec malice :
« Evidemment, crétin. Je ne suis pas comme vous autres, à balancer des niaiseries complètement connes. »
L'assemblée se fit complètement silencieuse alors que nombreux étaient ceux à être déjà agacés. Si Hanamiya était un tant soit peu remonté dans leur estime aujourd'hui, autant dire que l'araignée venait de tout gâcher :
« Le basket est un sport débile joué par des débiles, et je me ferais un plaisir d'écraser tous les abrutis qui ... »
Il fut coupé par Mibuchi qui l'enlaça avec tendresse avant de s'exclamer moqueur :
« Notre petit Mako est un tsundere !
— QUOI ?
— Il fait mine de nous haïr alors qu'il n'a pas cessé de nous protéger, le petit cachottier ! »
Makoto s'empourpra, causant un fou rire général à ses coéquipiers tandis que les autres équipes s'étonnaient de le voir ainsi. Reo continua, resplendissant de joie :
« Kuroko est très observateur tu sais ? Il a vu la manière dont tu as empêchés nos adversaires de nous blesser ! »
Hanamiya se dégagea de son emprise et se leva avec rage, fusillant l'ombre du regard :
« Kuroko, enfoiré ! T'as tout raconté ?!
— Tes exploits doivent être reconnus senpai. »
Kuroko se foutait clairement de sa gueule, le petit con. Et pour ne rien arrangé, Kyoshi intervint à son tour et ébouriffa ses cheveux :
« Je savais que tu étais quelqu'un de bien Makoto ! »
Quelqu'un de bien ... ?
Hanamiya frappa violemment la main de Teppei, stoppant net l'hilarité qui s'emparait des joueurs. Tête basse, il serra les dents, incapable de contenir ses émotions. Non, il n'était pas quelqu'un de bien. Comment pouvaient-ils se montrer ainsi avec lui ? Comment pouvaient-ils lui adresser la parole aussi naturellement comme s'ils étaient amis, comme si Makoto n'avait jamais rien fait de répréhensible ?
« Fermez là. Je vous ai protégé seulement parce que ça m'aurait cassé les couilles de perdre contre ces connards, rien d'autre. »
Personne ne répliqua. Hanamiya ne prêta plus le moindre regard à quiconque et se rassit.
« Hanamiya, je suis désolé. Je n'aurai jamais dû te frapper, ni même te parler de cette façon. »
... Hein ? La voix de ... Nebuya ? Makoto releva la tête, sceptique ... pour apercevoir un Takao ayant en main un téléphone diffusant l'après match !
Le visage d'Hanamiya se décomposa alors qu'il se voyait lui-même en train de s'adresser aux autres rois sans couronnes :
« ... Non, c'est à moi de m'excuser. Je suis désolé... pour tout. »
Mibuchi et Takao eurent de nouveau un immense sourire :
« Tsundereeee !
— ALLEZ VOUS FAIRE FOUTRE ! »
Et à nouveau tout le monde parti en fou rire. Bon sang ! Hanamiya pesta : il allait se venger, les faire souffrir, les faire ramper à ses pieds. Ils allaient regretter de s'être ainsi foutu de lui ces sales petits...
Seto posa une main sur son épaule :
« On dirait qu'ils t'ont pardonné. »
Makoto ne répondit que par un bref grognement tout en reprenant la dégustation de ses desserts, vaine tentative pour dissimuler les rougeurs de son visage. Il n'avait pas vraiment réfléchi lorsqu'il s'était excusé et se sentait honteux d'avoir eu un tel moment de faiblesse. Mais ...
Il jeta un coup d'œil aux rois sans couronnes qui avaient repris part aux festivités. Il ne l'avouera jamais, mais s'excuser l'avait libéré d'un poids.
Cependant son regard capta autre chose. Derrière la baie vitrée donnant sur la rue, il aperçut une lycéenne passer devant le restaurant. Son corps se figea : il reconnaîtrait entre mille ces longs cheveux bruns attachés en queue de cheval, ces lentilles dorées et cette mauvaise habitude à mâchonner un bâton de sucette.
Hanamiya se leva en trombe, ne prit nullement la peine de s'expliquer et se précipita hors du restaurant, ignorant sa cheville qui criait de douleur.
Seto échangea un regard ahuri avec ses coéquipiers avant de faire signe à Matsumuto de le suivre, puis il se précipita à la poursuite de son capitaine. Cependant, Mibuchi et Nebuya eurent le même réflexe.
Hanamiya n'eut aucune hésitation à courir, en particulier quand la lycéenne tourna dans une autre rue. De peur de la perdre il accéléra, tourna également et s'exclama avec rage :
« YUKI ! »
La jeune fille sursauta, s'arrêta net pour se retourner vers lui, surprise. Un long silence suivit ... avant que son visage ne se décompose et qu'elle détale en courant. Makoto cracha une insulte et se relança à sa poursuite. Cette sale garce ! Pourquoi devait-elle toujours fuir ? Surtout que ce n'était clairement pas le bon jour !
Il se félicita d'être aussi sportif lorsqu'il parvint enfin à la rattraper. Sans la moindre douceur il lui attrapa le poignet et la tira d'un coup sec avant de la plaquer contre le mur. Elle hoqueta, serra les dents avant de le fusiller du regard.
« Connard, pesta-t-elle. C'est ça, l'exemple que tu files à ma sœur ?
— Je me tire pas du jour au lendemain au moins. »
Yuki, la sœur aînée de la petite Kamine. Cette sœur rebelle qui s'engueulait sans cesse avec ses parents et qui pouvait disparaître plusieurs jours sans donner la moindre nouvelle.
Hanamiya ne la supportait pas. Ils avaient le même âge mais il avait quand même l'impression d'être le plus vieux.
« Mine t'attend, ta putain de mère est infâme avec elle. »
Yuki le repoussa sans chercher à fuir. Elle croisa les bras, le regard fuyant :
« T'as rien d'autre à foutre que te mêler de la vie de tes voisins ? Sérieux, ta relation avec Kami devient malsaine là.
— J'ai compris, tu as décidé de ne pas me répondre. »
Elle déglutit. Makoto avait pris un ton beaucoup trop calme. Elle osa relever la tête dans sa direction et se figea, terrorisée par le regard haineux qu'il lui portait.
« Mettons les choses au clair. D'ici une semaine, Kamine viendra vivre chez moi et je collerai un procès à tes parents.
— Qu ... Tu déconnes ?! Je suis pas majeure ! On va me foutre en famille d'accueil !
— Qu'est-ce j'en ai à foutre ? Je suis déjà bien gentil de te prévenir. Si ça ne te plait pas, casses-toi officiellement au lieu de donner de l'espoir à ta sœur. »
Sa rage avait parlé pour lui et, sans ressentir la moindre compassion pour cette fille, il lui tourna le dos. Mais Yuki, folle de colère, le retint à son tour :
« Tu peux pas faire ça ! T'en as pas le droit ! »
Il l'ignora, dégagea froidement son bras, alors qu'elle hurlait encore :
« T'as une attitude de merde ! T'immisce pas dans la vie d'autrui ! »
Elle acheva sans chercher à voiler sa haine :
« C'est pour ça que ton père s'est tiré une balle ! »
Il n'y eut plus rien. Plus le moindre son, plus le moindre sens. Hanamiya fut comme déconnecté de la réalité, plongé dans un monde alternatif où toute notion de délit était superflue. Il n'y eut plus rien si ce n'est son cœur qui battait étrangement vite, son esprit qui lui hurlait d'agir et son corps, sa main, son poing ...
Il la frappa. Il fracassa ses phalanges contre la mâchoire de cette pute.
« MAKOTO ! »
Il entendit à peine ce cri, se prépara à la refrapper mais on lui attrapa le bras, on le retint avec une force démesurée. Ses sens revinrent peu à peu. Il sentit le vent glacial, les paumes chaudes contre sa peau, sa cheville douloureuse, vit Yuki à terre et en larme, aperçut Mibuchi s'accroupir près d'elle, capta que c'était Seto et Nebuya qui le retenait.
Sa colère se volatilisa, remplacée par un sentiment d'amertume.
« C... Capitaine, ça va ? », interrogea Matsumuto qui n'avait pas pour habitude de voir Makoto ainsi. Non pas qu'il ne l'avait jamais vu se battre, loin de là ! Mais habituellement Hanamiya se plaisait à sourire sadiquement lorsqu'il tabassait quelqu'un, pas à rester figé le regard dans le vague.
A terre, Yuki gardait une main sur son visage et tentait de refouler ses larmes sans réel succès. Mibuchi prit soin de l'examiner et grimaça légèrement : elle garderait sans doute une belle marque pour les prochaines semaines, et encore ! Elle avait de la chance de n'avoir rien de cassé !
Hanamiya se mordit la lèvre inférieure. Il se sentait trembler, mais pas de colère. Il n'était pas en colère. Si ? Il était en colère ? Il l'était sûrement. Il n'était pas sûr.
Il n'osa pas desserrer les poings, de peur de perdre l'étrange sensation qui parcourait ses paumes. Il était en colère ? Ce n'était pas comme d'habitude, pas comme ces moments où il hurlait, où il menaçait. Cette fois, il avait frappé sans prévenir.
Il avait frappé Yuki.
Merde. Et si Kamine l'apprenait ? Devrait-il lui dire ? Non, non c'était stupide, il devait lui cacher. Mais si Yuki lui disait ?
Non. Cette connasse n'oserait pas. Elle oserait ?
Hanamiya ne pensait pas connaître un tel doute. Lui qui prenait garde à maintenir le contrôle... Il avait foiré là, n'est-ce pas ? Le contrôle il l'avait perdu depuis un moment déjà, hein ?
C'était à cause de ses coéquipiers. Ces abrutis le rendaient sentimental. Et les autres rois étaient coupables aussi. C'était leur faute si Makoto se sentait si mal, si fébrile. C'était leur faute s'il devenait faible.
Il serra les dents. Il avait envie de pleurer ? Non, non il n'avait pas... Non. Merde. Son esprit mêlait trop de choses, l'empêchait de réfléchir correctement. Il ressentait quoi exactement ? Il culpabilisait ?
Non. Yuki méritait ce coup.
Mais ... pouvait-il cacher ça à Kamine ? Elle lui faisait confiance, elle croyait en lui. Il ne pouvait pas lui mentir, pas à elle. Mais lui en voudrait-elle ? Elle lui en voudrait sûrement, s'était sûre. Et Naname ? Sa mère l'engueulerait-elle ? Réaliserait-elle qu'il n'était pas le fils parfait qu'elle se figurait ?
Putain. Yuki ne méritait pas ce coup.
