Me voilà à faire une petite pause sur le chemin de la Route 3 alors que l'entrée de la Mine de Galar se trouve non loin. La traversée de cette route n'a pas été de tout repos puisqu'immédiatement après la cérémonie, tous les dresseurs en herbes s'y sont précipités. Forcément, cela mène donc à un foison de combats que je n'ai pas le loisir de refuser, le premier d'entre eux m'ayant été lancé par Nabil puis mon frère juste après. J'ai bien tenté de dire qu'entre nous c'était plutôt inutile – du moins à mes yeux – mais rien à faire, ils étaient très insistants.
Plongée dans mes pensées, je sens soudain quelque chose taper avec insistance contre ma jambe. C'est notre nouvel ami qui me rapporte la balle que j'ai lancée pour que mes Pokemon profitent de ce camping pour s'amuser un peu. Voilà un autre sujet qui me fait me poser des questions que tous qualifieraient de superflues je suppose : la capture de nouveaux Pokemon. Je ne sais pas si j'ai tort ou bien raison d'agir comme je l'ai décidé. Pourtant je ne peux m'empêcher de penser que peut-être certains qui n'ont rien demandé préféreraient rester dans la nature et non être baladés dans une pokeball.
Hélas, ce n'est pas comme si je pouvais vraiment leur poser la question. J'ai donc décidé, avant même de poser le pied hors de la ville de Motorby, de ne pas capturer de Pokemon. Si on m'en confiait un, à la manière de Lapyro mon starter encore, j'accepterai certainement. Autrement, je préfère m'abstenir d'infliger un tel destin à une innocente créature qui, peut-être, ne l'aurait pas souhaité. Quel intérêt de regretter le mien pour l'imposer aussi à d'autres ? Aucun. Cette conviction est une des premières dont je suis absolument certaine. Pourtant, voilà que mon équipe va éventuellement se voir agrandie suite à l'arrivée de ce petit Zigzaton qui retourne avec entrain courir après la balle que je lui relance à l'instant.
Je n'avais pas prévu de l'attraper, et d'ailleurs, ce n'est pas ce qu'il s'est passé. Ce petit là était aux prises avec un autre dresseur que moi lorsque je suis passée près d'eux, détournant le regard devant cet énième combat auquel je n'avais pas grande envie d'assister. J'ai donc passé mon chemin, partant plus loin sur la route. Cependant, il m'a fallu revenir sur mes pas pour revenir à la boutique de la ville, manquant d'anti-para. Lapyro avait été paralysé durant l'un de nos affrontements contre une autre challenger, je devais aussi le soigner. C'est en revenant sur la Route 3 que j'ai recroisé ce Zigzaton, plutôt mal en point suite à plusieurs combats qu'il avait mené si j'en jugeais à son état d'épuisement et aux diverses blessures qu'il arborait.
Normalement, lorsqu'un Pokemon sauvage est vaincu sans être capturé, les dresseurs le laissent ensuite tranquille, qu'il puisse reprendre des forces. Mais les Zigzaton de Galar sont connus pour leur comportement toujours en recherche de conflit et de provocation constante. Il semblait que celui-ci se soit jeté dans trop d'affrontements d'affilés sans prendre le temps de remettre entre chaque. Les dresseurs l'ayant mis dans cet était sont tout autant responsables d'après moi. Ils auraient dû se rendre compte que le pauvre était déjà épuisé… Je l'ai donc trouvé, gisant au bord d'un bosquet de hautes herbes, dans un piteux état. Lorsque je me suis approchée cependant, il a ouvert un œil et m'a toisé avec défi, tentant de se remettre sur ses pattes pour m'affronter à mon tour. Il était encore prêt à remettre ça, ne voulant montrer aucune once de faiblesse.
Je l'ai laissé quelques instants, avançant à la recherche d'un arbre à baies que j'avais aperçu en passant la première fois. De retour avec quelques baies Oran, je les lui ai donné pour qu'il retrouve un peu de forces avant d'ensuite poursuivre ma route. Il irait rapidement mieux grâce aux fruits, je ne m'en faisait plus pour lui. C'est tout à l'heure, alors que je montais la tente de notre campement, que ce Zigzaton est venu pointer le bout de son museau curieux près de la casserole de curry qui mijotait pour le repas. Il était un peu méfiant au début et s'est enfui lorsque j'ai voulu approcher. Il est revenu une nouvelle fois cependant, pour embêter mes autres Pokemon en train de manger. J'avais l'intuition qu'il reviendrais, j'avais donc mis de côté une part pour lui au cas où, qu'il dévora avec plaisir. Visiblement, j'améliorais grandement mes talents culinaires au départ inexistants.
Il a finit par rester, pour s'amuser plus calmement avec mes deux compagnons de voyages Pokemon. Encore une fois, j'ai la sensation qu'il n'a pas très envie de partir alors qu'il me rapporte de nouveau la balle et me laisse même caresser sa fourrure toute de noir et de blanc hérissée. Elle est bien plus douce que son aspect piquant le laisse supposer par ailleurs. Peut-être voudra-t-il librement venir avec nous pour la suite de cette aventure, seul l'avenir nous le dira. Pour le moment, le voila parti embêter gentiment Lapyro. Sur le rocher sur lequel je suis assise pour contempler la scène, alors que le soleil se couche doucement, je sens mon ami volant se poser près de moi pour observer aussi.
Minisange aussi a bien grandit lui aussi, il a même évolué maintenant. J'ignore cependant si son évolution soudaine en Bleuseille est due à notre combat contre Victor durant lequel elle s'est produite, ou bien à cause de ce qu'il s'est passé juste avant. Il tourne la tête vers moi, son plumage brillant sous les rayons orangés de soleil nous quittant pour la nuit. Je le regarde aussi, trouvant la réponse à ma question silencieuse dans son regard carmin décidé. La promesse que nous avons scellée juste après la cérémonie est gravée dans ses pupilles, je sais qu'il fera tout pour qu'il se réalise maintenant. Notre rêve…
C'était juste après la cérémonie, je me le remémore encore. Cérémonie qui fut d'ailleurs spectaculaire à vivre, plus que je ne m'y attendais. Pour l'occasion nous avions revêtu notre uniforme de challengers que nous porterions pour chacun de nos futurs combats officiels. Je trouvais cela un peu trop formel pour si peu, mais bon, pourquoi pas après tout.
L'intérieur du stade était immense bien que ce soit pas le plus grand de Galar. Toute cette foule réunie dans les gradins nous observant était un peu intimidant, mais je suppose que je finirais par m'y habituer sans doute à force. C'est le Président de la Ligue, Shehroz, qui officiait l'ouverture de la saison. Cela commença par un défilé des champions de chaque arène que nous serions amenés à affronter durant le Défi. Tous n'étaient pas là, il en manquait un, mais ce n'était pas grave et les spectateurs exultèrent lorsqu'ils firent leur apparition sur le terrain, telles les stars adulées qu'ils sont.
J'ai vu tout cela depuis la loge des challengers, mais il était ensuite temps de faire à mon tour mon entrée dans l'immense stade. Mon cœur battait la chamade tandis que j'avançais dans le couloir sous les gradins. Une fois ce cap passé, je ne pourrais plus faire demi-tour, il serait trop tard. Je serais engagée, il me faudrait aller jusqu'au bout de ce voyage et de tous ces combats qui m'attendent. Serais-je assez forte ? Vais-je vraiment y arriver, à supporter tout ça ? Je n'en avais aucune idée, mais je n'avais pas le choix de toute façon. J'inspirai donc un grand coup, juste avant de pénétrer dans la lumière des projecteurs qui m'aveuglèrent une seconde avant qu'enfin se dévoile véritablement sous mes yeux ce qu'était vraiment un stade de la Ligue Pokemon.
Je suis restée hébétée un bref moment, observant sans les voir les gradins interminables qui s'étendaient de chaque côté. Comment était-il possible de réunir autant de monde dans un seul et même endroit fermé ? C'était colossal. Enormément de flashs fleurissaient dans le public de ceux qui prenaient des photos souvenirs. Une multitudes de caméras se chargeaient aussi de retransmettre l'événement médiatique. Evénement qu'avant aujourd'hui je regardais vaguement depuis le canapé du salon. A présent, j'y étais en personne et cela avait quelque chose d'aussi incroyable qu'effrayant.
Nous avons été, nous les challengers, disposés en plusieurs rangs. Le hasard voulu que je me retrouve à côté de Nabil, Rosemary étant juste devant nous dans la rangée d'après. Victor, en revanche, était à l'opposé de nous, mais je ne m'en faisais pas pour lui. Il n'était pas le jumeau timide de notre duo, bien au contraire. Le Président Shehroz a alors entamé un long discours sur ce que nous, la nouvelle génération de dresseurs de Galar, nous représentions. Il nous a encouragé à donner tout ce que nous avions dans ce Défi des arènes et nous a garantit que nous ressortirions grandis de cette fabuleuse expérience. Nabil, près de moi, peinait à contenir son enthousiasme tant il était heureux de se trouver là où il avait toujours souhaité se tenir.
Pour ma part, mon cœur balançait entre se laisser aller à l'ambiance électrique du moment et écouter la petite voix de mon esprit me soufflant que ce n'était pas là où moi je devais être. Mais où donc aurais-je pu être si ce n'était ici justement ? N'était-ce pas mon destin, comme celui de tous les autres, d'être en ces lieux, de me lancer dans ce Défi ? Pourquoi étais-je encore en train de douter, il n'y avait aucune raisons pour le justifier. Rien, sinon cette conviction née de nulle part que ce destin n'était pas fait pour moi. Ce n'était pas la perspective du Défi et des combats m'attendant qui faisait accélérer mon rythme cardiaque. Je me laissais simplement contaminer par la nervosité de certains et l'enthousiasme débordant des autres. Une fois de plus, sûrement pas la dernière, je me retrouvais en décalage avec mes pairs.
Je levais alors les yeux pour tomber devant moi sur deux mains se tordant nerveusement, appartenant à Rosemary. Pourtant sa posture était droite, fière et assurée. Seul ce geste de ses mains cachées dans son dos trahissait que son apparente sérénité n'était que feinte. Pourquoi agissait-elle ainsi ? Cette question a occupé mon esprit au lieu de me pencher sur mes propres doutes jusqu'à la fin de la cérémonie et même encore après. Je n'ai pas eu le temps de m'y attarder cependant puisqu'à notre sortie du stade, une fois changés, nous avons eu la surprise de rencontrer en personne Monsieur Shehroz lui-même, accompagné de Tarak. Dire que nous étions impressionné était un euphémisme. J'ai bien cru que la mâchoire de Victor allait se décrocher en voyant le Président de si près.
Il s'est présenté, alors que personne n'ignore qui il est et j'ai eu un petit sourire devant son attitude assez désinvolte pour quelqu'un de si important. Il nous apprit au passage que c'était sa firme qui était à l'origine de l'invention des Poignets Dynamax que le Professeur Magnolia nous avait fabriqué avec les Etoiles Vœu trouvé près de chez elle. Shehroz était somme toute très gentil, serviable et avenant malgré son statut haut placé, ce qui était réellement étonnant mais de façon positive. Ce fut une rencontre intéressante d'après moi car après tout, cet homme à lui seul se trouvait à la tête de diverses exploitations dans le pays. La majorité de notre économie reposait sur ses entreprises si j'avais bien suivit le reportage à son sujet. Un personnage important donc, malgré son apparente simplicité extérieure.
Il était temps après cela de nous lancer sur la Route 3 en direction de notre première arène dans la ville de Greenburry. Etant en compétition à présent, Nabil et Victor voulurent que nous fassions la route séparément pour plus de piment. Je n'étais pas très rassurée à l'idée de laisser ces deux-là sans surveillance, mais d'un autre côté cela m'arrangeait aussi. Je serais libre de pouvoir faire ce voyage comme il me plairait sans être poussée à combattre ou à capturer alors que je ne l'aurais pas décidé de mon plein gré. Un compromis, puisque je n'avais pas d'autre choix que d'emprunter cette direction. C'est peu après cette prise de décision de notre trio de Paddxton que quelque chose de particulier attira mon attention.
Une grande ombre passa au-dessus de nous, provoquant un courant d'air que me fit porter la main à mes cheveux pour retenir mon chapeau. Levant les yeux, je vis alors une immense forme noire volante s'éloigner dans le ciel, masquant même le soleil de son envergure. Cette forme sombre semblait transporter une sorte de cabine depuis laquelle le Président Shehroz faisait signe. Plissant les yeux, mon cœur rata un battement lorsque je réalisais que la forme était en fait un immense Pokemon oiseau que je reconnu finalement : un Corvaillus. Je serrai alors la pokeball de mon Minisange – encore à ce moment-là – avant de la lancer, prise d'une inspiration subite.
Mon ami en sorti dans un piaillement joyeux avant de venir se poser sur mon épaule comme à son habitude. Sans un mot, je levais le bras pour lui désigné l'immensité du ciel uniquement troublé par ce Corvaillus majestueux nous surplombant qui s'éloignait de plus en plus. Mon Pokemon lâcha un petit cri avant de décoller soudainement. Il monta aussi haut que ses petites ailles purent le porter avant que les forts courants aériens ne le stoppent dans son ascension. En vol stationnaire, il observa alors un long moment son congénère plus évolué voler bien plus haut encore. Nous l'avons tous deux observé, jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un point noir à peine visible au loin.
Minisange est alors doucement redescendu avant de revenir se poser sur moi. Cependant, ses yeux comme les miens ne se détachaient plus du firmament. Il l'avait ressenti lui aussi, cet sorte d'appel, cet écho venu du ciel. Ses petites pattes tremblaient sur mon épaule tandis que je posais une main apaisante sur ses plumes peintes de bleu et de jais. C'est Nabil qui nous sorti de notre contemplation avec une question.
—Victoire ? Qu'est-ce que tu regardes ?
—Je… commençais-je à répondre, mais une employée de la Ligue vint nous interrompre.
—Monsieur Shehroz m'a demandé de vous remettre ceci de sa part. C'est un cadeau.
Arrachant enfin mon regard des nuages, je le posais ensuite sur le ticket que nous tendait l'employée.
—C'est quoi ? demanda Victor en se saisissant du sien.
—C'est pour que vous puissiez emprunter le Taxi Volant afin de vous rendre dans les villes et les lieux que vous avez déjà visité. C'est…
—C'était ça ? Ce Corvaillus, Monsieur Shehroz dans la cabine qu'il transportait… C'était ça le Taxi Volant ? interrompis-je à mon tour la femme en uniforme de la Ligue.
—Eh bien, oui, c'était bien ça, répondit-elle, perplexe face à mon attitude un peu étrange.
—Mais, il y avait quelqu'un sur son dos, non ? posais-je encore la question.
—Oui, le dresseur du Corvaillus évidemment. La cabine est pour les clients.
—Donc on peut monter à dos de Corvaillus et s'envoler… Comme ça, dans le ciel… je murmurais ensuite pour moi-même.
—Aussi oui, mais les gens préfèrent largement emprunter le taxi, c'est plus pratique. Enfin tenez, voilà pour vous. Cependant, pour vous rendre à Greenburry vous n'aurez d'autre choix que d'y aller à pieds si vous ne l'avez pas déjà visité.
—Merci ! s'écria Nabil. Le Président Shehroz est vraiment super gentil de nous faire ce cadeau ! Pas vrai Victoire ?
—Oui, très gentil en effet… répondis-je doucement, toujours pensive quant à ce que je venais de voir.
Les garçons continuèrent ensuite de commenter leurs impressions de la cérémonie alors que nous nous dirigions vers la sortie ouest de Motorby, vers la Route 3. Je les suivais derrière, toujours un peu ailleurs, rêvant de l'être même. Rêvant d'être dans ce même ciel dans lequel j'avais vu le Taxi Volant emporter le Président. Là-haut, le monde devait sembler bien différent, lointain. Sans le poids de toutes ces questions, de ce destin imposé m'obligeant à aller contre ma volonté. Là-haut, je serais sûrement bien plus libre qu'ailleurs. Nous le serions. Minisange n'était pas rentré dans sa pokeball. Il volait encore près de moi, pensif lui aussi, je le voyais bien.
C'est une fois proches de la sortie de la ville, lorsque Victor et Nabil voulurent faire ce combat avant que nous ne nous séparions, qu'il posa ensuite un regard déterminé sur moi. Nous n'avons alors pas eu besoin de mots pour parfaitement nous comprendre : un jour, nous irons là-haut nous aussi. Un jour, nous serons vraiment libres. Nous grandirons tous les deux et nous irons au bout de ce chemin obligé, mais ensuite nous partirons. Oui, c'est à cet instant bien précis que nous l'avons formulé, cette promesse de vivre un jour notre rêve. Le rêve de voler, ensembles, sur les ailes de la liberté…
