– Vous l'avez poussé à bout, siffla Severus en entrant dans le bureau directorial, en cette heure tardive, ou Harry était déjà présent, à croire qu'il y avait une réunion Gryffondor tous les soirs.

D'un coup de baguette, il fit venir à lui la pensine, avant de mettre son souvenir et d'intimer d'un regard à qui le voulait, de regarder.

– Il est beau votre spécialiste. Et votre nouvelle infirmière, n'en parlons même pas. Que comptez-vous faire maintenant ? La faire interner ? Il vous faut ses souvenirs pour vous prouver qu'elle est bien battue par son père et que c'est la cause de sa mutilation ? Déclara Severus hors de lui, une fois les deux sortis de la pensine.

– Il a raison, insista Harry. Elle est traitée comme un bébé par l'infirmière qui l'empêche de toucher un livre, elle mange dans de la vaisselle en plastique, et doit même prendre sa douche sous surveillance ! Et a un enchantement qui l'empêche de se toucher les bras !

– Je ne le savais pas… Déclara Minerva, son visage se décomposant, comprenant l'humiliation que devait ressentir l'enfant.

Satisfait de l'effet, Severus lui laissa quelques secondes avant de continuer.

– Je veux la garder avec moi dans mes appartements. Je m'occuperai de la soigner comme il faut, et la faire travailler ses cours en retard. Je m'occuperai de discuter avec elle, au lieu de lui infliger votre psychomage à deux noises.

– Voyons Severus, je comprends vous souhaitez aider Miss Parker, mais prendre en charge psychologiquement un enfant maltraité est quelque chose de très difficile…

– Laissez, Minerva. Miss Parker ne peut espérer une meilleure aide.

Tous les regards se tournèrent vers un tableau au mur, ou un ancien à la longue barbe blanche les regardait malicieusement.

– Vous êtes sûr, Albus ?

– J'en suis persuadé.

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– Est-ce que vous voulez sortir d'ici ? demanda Severus.

Ils étaient samedi, très tôt. Il avait attendu que Maëva soit parfaitement réveillée avant de discuter. Enfin, plutôt moins somnolente.

– Ce n'est pas le problème du lieu, c'est le problème de comment on me considère…

– Je vous propose un marché. Je vous libère de cette infirmière incompétente, et vous venez habiter dans mes appartements jusqu'au moment où vous serez suffisamment rétablie et non blessante pour vous-même pour retourner avec vos amies.

– Je vais déranger plus qu'autre chose… marmonna l'enfant en se frottant les yeux.

Severus secoua la tête.

– C'est moi qui l'ai proposé. Je vous demanderai juste de suivre des règles simples : vous reposer, prendre vos potions, vous nourrir comme il faut. Frappez avant d'entrer dans ma chambre, et je ferai de même avec la vôtre. En échange, je ne vous surveillerai pas pendant votre douche, ne mettrai pas d'enchantements sur les livres, les couverts ou quoi que ce soit d'autre. Et je vous rends votre… scalpel.

Devant son air ahuri, il précisa.

– Ma condition est que vous essayez d'arrêter de vous faire du mal, en remplaçant ce besoin par une autre activité. Et comme les premiers temps seront difficiles, si vous vous coupez, vous venez me voir pour que je vous soigne.

– Par quoi comme activité ?

– C'est à vous de trouver. On pourra réfléchir ensemble. Et je voudrais aussi que nous discutions de ce qu'il se passe chez vous. Ce que fait votre père quand il vous frappe, et pourquoi.

– Je… Je suis obligée ? murmura-t-elle, avec un air de terreur.

– Si vous voulez aller mieux, oui. Mais d'abord, partons d'ici.

Le trajet pour aller jusqu'au cachot lui sembla une éternité. Elle avait l'impression que ses poumons allaient éclater, son cerveau sortir de sa boîte crânienne. Pourtant elle ne dit rien, suivant son responsable de maison.

Severus regarda du coin de l'œil l'enfant pour être sûr qu'elle ne tourne pas de l'œil subitement. Elle était épuisée, et se faire vomir avait encore plus affaibli son corps, mais elle avait tenu à marcher, ne voulant pas de pitié. Et c'est une des choses qu'il appréciait beaucoup chez cet enfant.

– Eden Walsh, déclara Severus, face à un tableau représentant un chimiste s'affairant autour d'un alambic.

Dans ses appartements, une douce chaleur régnait, apportée par un feu de cheminée. Sur la table, des shortbreads attendaient d'être grignotés autour d'un thé. Il reconnaissait la patte de Minerva.

– Voulez-vous visiter maintenant ou vous reposer ?

– Je peux aller dormir s'il vous plaît ? murmura-t-elle en réponse, tremblante de froid.

– Je vais vous montrer votre chambre.

Au passage, il lui montra les toilettes et la salle de bain, puis entra dans la pièce ajoutée par le château. La pièce était plutôt petite, mais très fonctionnelle avec un grand lit semblable à ceux des dortoirs. Quittant la robe d'école qu'elle avait mise par-dessus son pyjama, elle se blottit dans les draps.

– Si je vous donne une potion, vous n'allez pas la vomir ?

– Non, promis.

– D'accord, je reviens.

Cependant quand il rentra de nouveau dans la chambre, Maëva dormait déjà. Déposant les potions sur la table de nuit, il éteignit la lumière et ferma doucement la porte.

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Ce fut des cris de pure terreur qui le réveillèrent en sursaut au milieu de la nuit. Il resta hébété une fraction de seconde, avant de se souvenir qu'il n'était plus seul dans ces appartements.

– Miss Parker, Miss Parker, réveillez-vous ! ordonna Severus, en arrivant en catastrophe, pied nu, en robe de chambre.

– Je suis vraiment désolée, déclara Maëva, en le voyant. Un air à la foi paniquée et angoissée sur le visage, je sais que je suis une mauvaise fille, je sais que tout est de ma faute, mais ne me laisse pas, s'il te plaît, je ferai des efforts, je…

– Maëva ! ça suffit, regardez-moi !

La voix ferme eut l'effet de faire taire la jeune fille, qui détailla longuement le visage, comme si elle se retrouvait subitement face à quelqu'un d'autre. Puis d'un coup, comprenant où elle se trouvait, elle cacha sa tête dans ses mains, morte de honte et de culpabilité.

– Je suis désolée professeur, je suis vraiment désolée de vous avoir réveillée, je croyais que vous étiez quelqu'un d'autre, je suis…

– Si vous dites que vous êtes encore désolée, je vous jette un sort de mutisme. Vous avez simplement fait un cauchemar. Vous avez presque 40 de fièvre, même la plus résistante des personnes aurait du mal à se rappeler où elle est.

Lui laissant le temps de se calmer, il ajouta.

– Est-ce que vous voulez une potion pour vous aider à vous rendormir ?

Devant la négation de la jeune fille, il demanda à un elfe un simple pichet d'eau, puis lui tendit un verre d'eau fraîche.

– Allez, dormez maintenant, vous en avez besoin, déclara-t-il, en remontant la couverture sur l'enfant.

Sortant de la chambre pour regagner la sienne, il s'arrêta un instant, incrédule. Venait-il réellement de border l'enfant ?

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Severus releva la tête de ses copies en entendant la chambre de l'enfant s'ouvrir, 13 heures approchant. Déjà habillée, elle se dirigea vers lui tête baissée, comme attendant une sentence.

– Je n'ai pas pu m'en empêcher. Il fallait que j'oublie.

– Vous vous êtes blessée, compris Severus. Car vous avez fait un cauchemar.

– Quand je le fais, je ne pense plus. C'est comme s'il n'avait jamais existé. La douleur que je contrôle m'apaise. Car c'est la douleur que je m'inflige moi.

Sans juger, le maître des potions la fit asseoir, faisant venir à lui en informulé une potion et des compresses. La blessure était sur la clavicule, et comme les autres, il s'en doutait, trop profondes pour que la magie empêche la cicatrice voyante. À défaut, l'empêcher de perdre trop de sang et d'avoir une infection était mieux que rien.

– Comment avez-vous trouvé cette… idée ? De vous couper ?

– Par hasard. Je voulais en finir avec ma vie, mais je n'ai pas réussi. Mais j'ai découvert que cette douleur était différente. Et étrangement apaisante. Alors j'ai continué. Mais j'ai toujours besoin de plus…

– Depuis combien de temps ? Demanda t'il en rangeant ce s'il avait sorti.

– Un an, un an et demi, je ne sais plus.

Devant l'air abasourdi de son professeur de potion, elle plongea sa main dans la poche de sa veste, serrant sa lame pour se punir d'en avoir trop dit.

– Non ! lança Severus, soudainement, la voyant faire. Ne vous coupez pas. Trouvez autre chose.

– Est-ce que je peux aller voir mes amies ? Je crois que… enfin, je voudrais leur dire…

– Il n'y a pas de problème. Mais je veux que vous rentriez vous reposer à 16 h. Même si vous avez moins de fièvre, vous êtes encore malade.

Après avoir soigné sa main et l'avoir obligé à manger un peu, il la laissa partir, songeur.

Elle ne mit pas longtemps à trouver ses deux amies qui se lèvent d'un même homme en la voyant arriver dans la salle commune, déserte. Alors Maëva se posa dans un fauteuil en face d'elle, et leur demanda tout d'abord pardon. De ses cachotteries, de ses absences. Et leur avoua son sombre secret. De ce qui s'était passé dans le train, pourquoi elle n'était pas venue dans leur compartiment. De sa mère qui était partie sans elle, en passant par l'alcoolisme de son père. Tout même le fait qu'elle se mutilait.

– Tu ne nous fais pas confiance ? demanda Ruby.

– Quoi ? Mais non…

– Tu acceptes l'aide d'un prof, mais pas de tes meilleures amies… hésita Céleste.

– Tu as peut-être simplement un problème non ? Je veux dire, j'avais lu un article comme ça, ou une personne avait plusieurs personnalités. Et c'est peut-être ton cas ? Il y aurait la Maëva qui se… fait du mal et qui veut de l'attention, et la Maëva normale ?

– Tu me crois folle ? Siffla Maëva, de son regard le plus glacial.

– Non, ce n'est pas ce qu'on dit, c'est juste que moi aussi, mes parents boivent parfois de l'alcool et ils ne m'ont jamais touché, déclara Céleste, alors que d'autres élèves entrèrent dans la salle commune, et regardèrent du coin de l'œil le groupe.

– Il vous faut quoi pour me croire ? Mes souvenirs ?

– Qu'est-ce qui nous prouve que ce n'est pas des faux souvenirs ? lança Ruby.

La Serpentard ne prit même pas la peine de répondre, quittant la salle commune, laissant ses pas la guider. Elle sortit, sous la neige tombant à gros flocons, et se rendit jusqu'au lac noir, quittant chaussures et chaussettes, et remontant le jean au maximum. Assise sur le ponton, elle mit les pieds dans l'eau, appréciant la morsure de l'eau froide, regardant les fines coupures sur ses chevilles. Elle ne voulait pas tout montrer non plus, puisque les voir disparaître était la pire des choses. Mais si elle n'en montrait aucune, cela était louche.

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– Je ne suis pas sûr que le professeur Rogue apprécie que vous soyez dehors alors que vous avez encore votre pneumonie, lança une voix qui s'approcha.

– Et vous allez faire quoi ? Aller le chercher ?

Sa voix n'était que lassitude. Les flocons de neige se déposaient dans ses cheveux, les recouvrant d'une fine pellicule blanche. N'accordant qu'un regard au professeur Potter, qui s'asseya à côté d'elle, elle replongea dans la contemplation de l'eau.

– Vous lui avez faussé compagnie ?

– Non. J'étais allé voir mes amies… enfin si l'on peut appeler ça des amies… je leur ai tout dit. Mais elles m'ont traitée de folle, de menteuse…elles m'ont déçue. Par ma faute. Et j'ai vraiment besoin de me couper pour oublier ces mots blessants. Le professeur Rogue m'a dit de trouver autre chose à la place. Mais je ne sais pas quoi. J'avais besoin de sortir donc je suis venue ici.

– Et bien essayer plein de choses. Le dessin, la chorale, les livres, regarder les entraînements de quidditch… si vous voulez, je vous aiderai à trouver.

Épuisée, le moral plus bas que l'endroit le plus profond du lac, Maëva ne répondit même pas, se contentant de toucher l'eau froide du bout des doigts.

– Et si nous rentrions boire un chocolat chaud ?

– Vous faites ça pour être sûr que je ne plonge pas dans l'eau ?

– Non, rigola Harry, se passant une main dans les cheveux. Je vous avoue que je n'ai pas envie de corriger des copies, alors je retarde l'échéance. Je voulais aller au stade de quidditch, me balader un peu. Mais je vous ai vue alors je suis venu.

– Je peux vous poser une question qui n'a rien à voir, mais qui m'obsède ? demanda Maëva, en relevant ses yeux noirs vers Harry.

Bien que méfiant, il accepta.

– Comment un épouvantard peut-il savoir notre plus grande peur ? Est-ce qu'il lit dans les pensées ? Et comment un détraqueur peut utiliser les souvenirs heureux pour se « nourrir » ? Il fait aussi de la légilimencie ? Donc peut-on dire que les deux créatures ont un ancêtre commun sur l'arbre phylogénétique ?

– Euh… répondit Harry avec éloquence.

Il prit un instant de réflexion, avant d'admettre qu'il n'en avait aucune idée.

– J'ai vraiment l'impression de voir Hermione au même âge. Vous êtes aussi curieuse qu'elle. Bon, rentrons et tâchons de répondre à cette question.

– Qui est Hermione ? S'enquit Maëva, après avoir remis ses chaussures.

– Vous vous souvenez quand je vous ai dit de ne pas vous excuser d'être aussi curieuse ? Que mon amie aussi curieuse que vous était maintenant ministre ?

– Hermione est la ministre, comprit Maëva, ahurie. Hermione Granger !

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Au chaud dans les cuisines pour ne pas avoir les regards des autres élèves, Harry se mit à expliquer pourquoi Maëva ressemblait à son amie.

– Vous avez la même curiosité. Comme vous, elle ne savait pas qu'elle était sorcière. Elle était à Gryffondor, mais aurait pu aller dans toutes les maisons possibles ! Elle était la meilleure de notre année, comme vous également. De plus, dans certaines de vos actions, j'ai l'impression de la voir.

– Je ne suis pas la meilleure.

– Si vous arrêtiez de cacher votre niveau, vous le seriez.

Maëva se mit à rougir, honteuse d'avoir été découverte.

– Bon, et si nous allions chercher la réponse à votre question ? Il est 16 h 30, ça nous laisse du temps avant le repas.

– Je devais être de retour à 16 h, le professeur Rogue va être hors de lui, murmura soudainement Maëva, pâlissant.

– Ne vous inquiétez pas, je vais vous raccompagner.

Marchant dans les couloirs jusqu'aux cachots, elle croisa Ruby en compagnie d'autres Serpentard. Cette dernière murmura quelque chose, faisant pouffer de rire le petit groupe, mais pas assez bas pour qu'elle entende le mot bipolaire. Se mettant subitement à courir, elle dépasse le groupe, indifférente au fait de semer son professeur.

– Quand je vous donne un horaire, je m'attends à ce que vous le respectiez, déclara Severus, d'une voix froide.

La jeune fille le dépassa sans un mot, se réfugiant dans sa chambre. Alors que le professeur de potions allait la suivre, une voix l'en empêcha.

– Laisse, Severus, elle était avec moi.

Regardant Harry, puis la porte de la chambre, puis de nouveau Harry, il soupira finalement.

– Un café ? proposa Severus.

– Avec plaisir.