Chapitre 6

-J'ai besoin d'aide.

C'était deux jours après s'être réveillé dans la chambre qu'il partageait avec Bob. Flavien y avait été enfermé à cause du comportement violent qu'il avait eu envers l'infirmier Spitfire. Celui-ci n'avait évidemment pas tué Bob comme l'avait cru Flavien, mais plutôt endormi avec de puissants sédatifs.

Maintenant, Flavien se trouvait devant le Docteur Patenaude, anxieux de trouver une solution à ces hallucinations. C'était vraiment bizarre : Il avait vraiment cru qu'il s'était retrouvé sur le vaisseau, ça avait vraiment paru réel, mais maintenant qu'il se trouvait à cette table, il savait que l'hôpital psychiatrique était bel et bien le monde réel. Il se souvenait de choses qu'il n'aurait pas du se souvenir s'il appartenait réellement à cette mission.

-Je ne veux plus être à la merci de ces hallucinations, Ajouta-il en fixant Charles droit dans les yeux.

-Alors, vous avez finalement accepté que ce sont des divagations, Conclut l'homme plus âgé.

Flavien fit un signe de tête positif.

-C'est étrange, Remarqua le jeune homme, Lorsque que je me crois à bord du vaisseau, je pense au contraire que cet hôpital est l'hallucination, alors que quand je suis conscient d'être dans cet hôpital, c'est plutôt le vaisseau qui est l'illusion. C'est tellement mêlant.

Flavien mit sa tête entre ses mains.

-Tout ce que je sais, continua-t-il, c'est que quand je me retrouve dans le vaisseau, rien ne fait de sens, la réalité s'embrouille et s'efface, comme un rêve, alors que quand je suis ici, j'ai l'impression que tout s'emboîte, tout est réel.

Charles se gratta le menton avant de dire :

-Je suis content de voir que vous acceptiez que vous hallucinez. Vous avez fait beaucoup de progrès Flavien, je suis fière de vous. Cependant, il faudrait trouver un moyen de vous débarrasser de vos délusions.

Flavien le regarda intensément.

-Vous avez quelque chose en tête?

-J'ai parlé au directeur de l'établissement. Il m'a proposé un traitement qui est encore au stade expérimental, mais qui pourrait bien fonctionner avec vous. Il s'agit d'un appareil qui va vous permettre de faire face à vos hallucinations tout en restant conscient du monde réel.

Flavien hocha la tête à cette proposition. Il n'avait pas tellement le goût de faire face aux personnages qu'il s'était créé dans sa tête, surtout qu'il n'était pas sûr de pouvoir les renier.

-Quand est-ce qu'on commence, Demanda-t-il un peu nerveux.

-Quand vous voudrez.

Quelques heures plus tard, Flavien était assis dans le bureau du Docteur Patenaude. Il faisait maintenant un peu sombre. Les jours raccourcissaient avec l'automne, et le soleil se couchait déjà en cette fraîche journée d'octobre. À travers les grands rideaux attachés au dessus des fenêtres, on pouvait voir le ciel prendre des couleurs de feux, mêlés au rose éclatant dansant sur les nuages et au mauve plus doux annonçant l'encre de la nuit qui imbibait déjà l'horizon. La ville commençait à s'illuminer sur les rives du fleuve scintillant. Les arbres avaient pris des couleurs ardentes comme pour résister à l'air glacial qui les envahissait petit à petit.

Flavien regarda Charles fermer lentement la porte de la pièce. En regardant autours de lui, il remarqua quelque chose : Sur le bureau se trouvait un petit objet métallique en forme de cylindre, muni de plusieurs périphériques. C'était en fait l'appareil qui permettrait de voir ses délusions sans perdre le contact avec le monde réel. Sur la paroi coulaient les dernières lumières du jour qui pouvaient encore pénétrer dans le bureau.

Charles s'installa derrière l'appareil et appuya sur quelques touches. L'appareil fit un bruit électronique, et une petite lumière s'alluma sur le devant.

-On va commencer, Annonça Charles, Fermez vos yeux et relaxez. Essayez de faire le vide en vous.

Flavien fit comme on lui avait indiqué et ferma les yeux. Il commanda à ses muscles de se détendre et fit le vide dans son esprit. Il prit une grande inspiration et sentit le calme l'envahir. Le faisceau de l'appareil se sonda.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, quatre figures se tenaient devant lui, immobiles, le fixant d'un regard intense. C'étaient les formes de Serge, Charles Bob, et Brad qui se tenaient devant lui. Ils portaient l'uniforme du Romano Fafard et Flavien reconnut donc qu'ils faisaient parti de ses illusions.

-Flavien? Demanda médecin, Qu'est-ce que vous voyez?

-Je vois les membres de l'équipage, Répondit Flavien en scrutant toujours les quatre silhouettes immobiles.

Après un instant, le médecin en chef ajouta :

-N'avez-vous rien à leur dire?

Le jeune homme lui lança un regard incertain, puis :

-Vous…vous n'êtes pas réels, Dit-il aux quatre figures.

-Voyons Flavien, vous ne me reconnaissez pas? Demanda l'apparition du Capitaine.

-Flav! Ajouta Bob, C'est moi!

Flavien secoua la tête.

-Docteur? Demanda-t-il, Pourquoi est-ce que Valence et Pétrolia ne sont pas là?

Charles haussa les épaules.

-Je n'en sais rien, l'esprit est parfois bien étrange.

Une cinquième figure apparut, un alien, que Flavien ne reconnut pas.

-C'est qui lui?

-Je ne le vois pas Flavien, je ne peux pas vous le dire…

Serge s'avança.

-Flavien, tu es toujours avec nous sur le Romano Fafard. Ne crois pas tout ce que tu vois.

-Vous avez été empoisonné, Ajouta le Capitaine, Votre esprit joue avec vous. Vous désillusionnez.

Flavien regarda le médecin, paniqué. Était-ce possible?

Mais non, se dit le jeune interné, il savait pertinemment maintenant que ce n'étaient juste que des images projetées par l'appareil.

-Nous sommes vos collègues, Continua le Capitaine, Vous pouvez nous croire. Tout va bien aller.

Mais Flavien n'en crut pas un mot.

-Non…vous êtes une illusion…

Le médecin en chef lui sourit, approuvant ses paroles. Encouragé, Flavien fit face aux silhouettes.

-Ne les croyez pas Flavien, Fit Brad après que le Capitaine lui ait donné un coup de coude, C'est nous la réalité. Il essaie de vous leurrer, ne l'écoutez pas!

-Laisse-nous t'aider, Rajouta Bob en lui tendant la main.

-NON! Laissez-moi tranquille…

Mais le Capitaine se fit plus insistant.

-Flavien, écoutez-nous s'il vous plait.

-NON! S'écria Flavien

La machine fit disparaître toutes les figures d'un seul coup et Flavien prit sa tête à deux mains. Il venait peut-être de dire adieu aux seuls amis qu'il avait vraiment connu et cela le déchirait à l'intérieur. Il sentit la main du docteur Patenaude se poser sur son dos.

-Vous avez fait un grand pas aujourd'hui, je vous en félicite. Vous avez enfin tourné le dos à ses illusions et à tout ce qu'elles représentent pour vous…Nous continuerons plus tard.

Assis à la cafétéria devant son souper froid, Flavien mangeait sans grand intérêt. La bouffe était tout simplement fade et sans aucun goût. Il regardait impassiblement les autres patients se consacrer à leurs petites habitudes. Certains peignaient, d'autres faisaient de la poterie, et les infirmiers s'occupaient de certains patients qui demandaient plus d'attention.

Flavien prit une bouchée et joua dans son assiette en la mâchant. Lorsqu'il leva les yeux, il aperçut Pétrolia, habillée dans son uniforme du Romano!

Impossible, se dit Flavien. C'était encore une hallucination, il le savait. Il fronça les sourcils et se frotta les yeux, essayant de chasser cette image de son esprit.

Il regarda à nouveau pour voir si elle avait disparu, mais elle était toujours là et s'approchait de lui. Elle tira une chaise et s'assit devant lui. Flavien regarda tout autour, faisant semblant de ne pas la voir.

-Flavien, Chuchota-t-elle, Tu sais qui je suis?

Flavien ne répondit pas, et prit une gorgée dans son verre d'eau et regardant ailleurs.

-Tu sais où tu es?

Flavien demeura muet comme une tombe et continua de boire dans son verre d'eau.

Voyant cela, Pétrolia répondit :

-Si tu peux pas répondre, écoute moi juste. T'étais parti sur Jackstrap 3 avec Serge incognito pour voir si cette civilisation était amicale et si on pouvait leur demander de nous aider avec nos provisions de nourriture. On a perdu le contact avec vous et on a retrouvé Serge déchargé dans une ruelle. On a tout de suite su que quelque chose ne tournait pas rond. J'ai réussi à m'infiltrer dans cet endroit en me faisant passer pour un de leurs médecins et j'ai vu dans ton dossier que tu avais été drogué et qu'on essayait de tirer des informations à propos de nos armes. Le Capitaine était très inquiet pour toi, il a dit qu'une fois qu'on t'aurait ramené à bord, on quitterait cette planète au plus sacramounde!

Flavien regardait toujours ailleurs, évitant son regard. Ce qu'elle disait avait peut-être du sens, mais il ne se laisserait pas encore avoir par ces hallucinations.