CH 6 Déductions olfactives

La première chose qu'il sentait en s'éveillant, était l'odeur de bois mêlé à la terre, comme lors d'une promenade apaisante dans une forêt immense, débordants de fougères et de rochers moussus. Il avait eu rarement l'occasion de s'aventurer dans de pareils endroits, mais en fermant les yeux, il pouvait voir les arbres centenaires onduler sous la brise et l'herbe courir sous ses mains. Le médecin tourna la tête vers l'homme paisiblement endormi à ses côtés, son odeur corporelle envoutant ses sens vampiriques et attirant sa bienveillance. Le creux qui se forma dans son estomac lui donnait envie de serrer cet homme dans ses bras, de lover son corps déjà très proche, encore plus près de lui. Mais il n'en fit rien, il suivait du regard l'angle de sa mâchoire, ses lèvres attirantes, son rasage de trois jours, son cou musclé sur lequel pendait son crucifix. Le talisman n'avait pas fait d'effet à Reid, il n'était peut-être pas assez grand ? S'allongeant sur le flan, le docteur tendit la main et suivi des doigts le symbole religieux, de légers picotements le démangeaient, sa main glissa lentement entre le tissu de la chemise de son amoureux, touchant les pectoraux bien dessinés avant de s'arrêter sur le plexus solaire. L'écho du cœur pulsait derrière la cage thoracique, sa chaleur envoutante faisait frémir le docteur.

Un bras s'installa dans sa nuque, tournant doucement pour faire pivoter son visage vers les yeux bleus de irlandais, une grimace comblée fraya son chemin sur le visage grave du chasseur et Reid lui rendit, remontant légèrement vers les lèvres de Geoffrey pour les gouter, picorant leur douceur et savourer leur présence. Quelqu'un toqua à la porte, implorant le médecin à ouvrir, Geoffrey poussa un soupir fâché mais poussa gentiment son amant à aller voir. Avec un sourire contraint, le docteur se leva et se dirigea vers l'intruse, récupérant les papiers qu'elle lui tendait, jurant de lui rapporter en suivant. La vieille infirmière le remercia et quitta vivement le couloir pendant que le praticien s'installa à son bureau, au milieu de ses microscopes, béchers et tubes, il lut chaque rapport avant de les signer un par un. L'odeur du chasseur s'installa derrière lui, l'ekon n'avait même pas besoin de tourner la tête car il savait que son homme était là, il sentait son regard et sa présence sans avoir besoin de ses sens vampiriques. En y repensant, Jonathan se souvenait des odeurs de tous les gens qu'il avait rencontré, cela allait de simples passants aux personnes récurrentes. Le chasseur avait dû noter le léger trouble qui l'a parcouru car il s'approcha de lui, posant une main inquiète sur son épaule.

"-Tout va bien Johnny ?

Avait-il conscience que c'était son surnom, ou Geoffrey avait-il lâché le diminutif par inadvertance ? Que ce soit l'un ou l'autre, Jonathan aimait l'entendre de sa bouche.

-D'après toi, commença Reid. Quelle est la probabilité pour que l'un de nos suspects est pu nous mentir ?

Avec un soupir las, Geoffrey s'installa sur le bureau en croisant les bras, arborant son air sérieux et son ton bourru.

-Tous avait une raison de lui en vouloir, engagea le chasseur. Les chances pour qu'ils le tuent sont importantes. Sauf pour Dylan qui semblait vraiment tenir à lui. Pourquoi, tu viens de te rappeler de quelque chose ?

-Depuis que je suis devenu un vampire, énonça le médecin. Je connais chaque manie, chaque secret, chaque odeur de ceux et celles que j'ai pu côtoyer. J'arrive à reconnaitre ton odeur où que tu sois.

-Et, tu penses que l'assassin de Henry ai pu laisser son odeur sur son cadavre, déclara Geoffrey en comprenant où il voulait en venir. L'identifier grâce à tes dons vampiriques.

-Cela faut le coup d'essayer, argumenta le docteur.

-Ouais, lâcha Geoffrey. Le problème, c'est qu'on a plus le corps. Grosvenor est venu le chercher avec Dylan.

-Allons lui demander pourquoi elle l'a récupéré et où elle l'a mis."

Les deux compagnons s'habillèrent et se dirigèrent vivement vers la maison de la noble. Geoffrey frappa avec force à la porte, l'ekon ouvrit les saluant poliment.

"-Bonsoir Messieurs, susurra la créature. Que puis-je pour vous ?

-Le corps d'Henry, déclara le chasseur sans préambule. Où l'avez-vous mis ?

La surprise se peignît un instant sur le visage de la noble avant qu'elle ne réponde calmement.

-Nous l'avons placé dans le caveau de sa mère, répliqua-t-elle alors que Dylan apparaissait doucement derrière elle. Pourquoi cela ?

-Je dois l'inspecter pour trouver l'assassin, annonça Reid.

La stupéfaction colora le visage de la fratrie avant que Margaux ne se reprenne.

-Vous avez découvert quelque chose, n'est-ce pas ?

Frères et sœurs se consultèrent avant de lentement se mettre d'accord d'un signe de tête.

-Il est au cimetière de Whitechapel, déclara Dylan.

Jonathan les remercia et alors que le couple s'élançait pour le quartier pauvre, Dylan les interpella.

-Pouvons-nous venir avec vous ?"

Reid consulta son amant du regard, le chasseur se tendit comme un arc mais accepta. Le quatuor s'avança alors à travers les rues, Geoffrey fermait la marche, surveillant le duo d'un air suspicieux. Une fois arrivé au champ de repos, Dylan les guida vers le caveau de Morgan. Une fois trouvé, les frères attendaient patiemment, sous le regard scrupuleux du chasseur, Reid se chargeant de l'excavation. Le médecin inspecta à nouveau le corps sous toutes les couture, observant et reniflant chaque parcelle. L'odeur de Dylan était omniprésente, cela devait être lui qui avait transporté et enterré son amant. Il y avait aussi le début de l'odeur décomposition, mais Jonathan continuait jusqu'à qu'il la trouve. Cette odeur plus discrète, masquée par toutes les autres, l'odeur de son meurtrier. En la reconnaissant, tout faisait sens, pourquoi n'y avait-il pas pensé plus tôt !

Le vampire déposa à nouveau le corps du jeune homme et referma la tombe, Margaux implorait le médecin de parler, Dylan suivait le tout d'un air inquiet, mais Geoffrey était rayonnant. Il l'avait compris que son amant avait trouvé le coupable et cherchait le meilleur moyen de le faire comprendre aux autres.

"-Margaux, commença Jonathan d'un ton grave. Où est Marcus ?

Désappointée la noble balbutia.

-Je ne sais pas...Il a disparu.

-Depuis combien de temps, interrogea McCullum mordant.

-Depuis que vous êtes venu pour...

Comprenant où voulez en venir les deux hommes, la noble se stoppa.

-C'est lui ?! Gronda Dylan.

-Non, murmura l'ekon. Comment a-t-il osé ?

-Vous l'avez dit vous-même, déclara Reid. Il est prêt à tout quand il s'agit de vous, quand votre jumeau à découvert que votre proie c'était jeté dans les bras d'un autre, il l'a éliminé.

La colère gonflait en Dylan, mais Margaux explosa la première.

-Il va payer pour ce qu'il a fait, hurla la femme. Oh oui, il paiera je le jure !

-Pour ça, il nous faut le retrouver, accorda Jonathan.

-Laissez nous vous aider, quémanda le vulkon.

Le médecin scruta le chasseur dans le dos de la fratrie, mais celui-ci donna son acceptation sans broncher.

Le duo de chasseurs posa les conditions avant de voir les héritiers de Cornwall quitter le cimetière. McCullum, moyennement satisfait, s'approcha de Reid.

-Il nous faudra toute l'aide possible, assura l'Irlandais. Je vais mettre mes hommes sur le coup.

Un léger signe de tête béni l'initiative du professionnel. La main droite du chasseur s'empara de la mâchoire et attira ses lèvres contre les siennes.

-Beau travail, félicita le chasseur.

Un sourire heureux illumina le visage froid du vampire. Même avec son état de revenu à la vie, Reid était touchant et Geoffrey regrettait presque de ne pas l'avoir vu avec les couleurs chatoyantes et bouillonnantes de la vie. Son pouce glissa lentement sur les poils fournis de sa barbe et la main de Jonathan usurpa leur attention pour les porter à sa bouche pour y déposer une offrande.

-Merci, Geoffrey, chuchota l'ekon. Je peux rester avec toi pour les recherches ?"

La candeur de la demande surpris le chasseur, mais celui-ci accepta. Le couple se dirigea vers le théâtre où le gros des troupes était réuni. Reid attendait patiemment à l'extérieur que son amant finissait de distribuer les ordres. Ils se retrouvèrent et entamèrent leurs investigations.

Mais dans l'ombre des murs, des yeux observaient les retrouvailles et élaboraient un plan.