Stan s'était rendormi pour une petite heure peut-être. Toujours fatigué, il rouvrit néanmoins les yeux. Quelque chose l'avait réveillé. Mais que faisait-il ici ? Que s'était-il passé ? Quel jour était-on ?
Il regarda tout autour de lui à la recherche d'une présence quelconque. Personne. Pourtant il entendait murmurer à la limite du perceptible. Il tendit l'oreille. L'esprit encore brumeux, il lui semblait que quelqu'un l'appelait.
Il se concentra. Fermant les yeux, il tendit toutes ses pensées vers la sensation étrange qui chatouillait son esprit. Qui pouvait bien murmurer dans l'infirmerie, et où se trouvait-il ? Stan n'arrivait pas à entendre la voix, ou plutôt, il n'arrivait pas à la comprendre.
Il concentra encore plus fort son esprit sans grand succès. Découragé, il détendit tous ses muscles et décida de retourner à son sommeil. Toujours les yeux clos, il se laissa bercer par le bruit de l'immense horloge qui occupait un coin de la pièce. Tic. Tac. Tic-Tac. Tic… Tac…
Sans qu'il s'en aperçoive, un autre son vint s'ajouter : vite. Vite. Vite-vite. Vite… Vite…
Puis un autre : viens. Viens. Viens-viens. Viens… Viens…
Et encore ! Dehors. Dehors. Dehors-dehors. Dehors… Dehors…
Stan rouvrit les yeux en frissonnant. Il devenait fou, il entendait des voix ! Non pas une, mais bien DES voix ! Un peu paniqué, il voulut se relever, mais se ravisa rapidement. Seul, dans cette grande pièce froide et sombre, poser le pied au sol lui paraissait soudainement très dangereux. Mieux valait qu'il se terre sous sa couverture. Il s'y glissa donc plus profondément. Espérant que la ouate suffirait à étouffer les étranges sons qu'il avait cru entendre.
Quelques minutes passèrent durant lesquelles tout le corps de Stan resta tétanisé par l'appréhension. Comme rien n'arrivait, il souffla de soulagement, ressortit sa tête de sous sa couverture et soupira profondément. Il se pensait sorti d'affaire, il n'en était rien.
Comme une vague irrésistible, une nuée de voix et autant de mots submergèrent l'adolescent en moins d'un instant. Ce fut une véritable tornade de paroles enfiévrées qui emportèrent toute la volonté de Stan.
« Dehors ! Vite ! Douleur ! Joie ! Attente ! Vite ! Dehors ! Patience ! Fatigue ! Joie ! Vite ! Viens ! Pleure ! Ris ! Vite ! Écoute ! Dehors ! Silence ! Vivre ! Mourir ! Vite ! Viens ! Dors ! Cours ! Fuis ! Viens ! Baguettes ! Jardin ! Clé ! Dehors ! Vite ! Viens ! Vite ! Sorts ! Vois ! Parle ! Silence ! Vite ! Viens ! Deho... »
Se superposant, s'enchevêtrant, s'entremêlant, formant une cacophonie insupportable, les mots mille fois répétés avaient envahi l'esprit du jeune adolescent. Il n'était plus capable de s'entendre penser, pire, il sentait sa conscience disparaitre, écrasée par le poids et la force du flot continu de mots sans cesse répétés qui coulaient sur lui sans relâche.
Il crut un instant qu'il allait totalement se perdre, que le garçon qu'il avait été jusqu'à aujourd'hui allait être effacé par l'érosion impitoyable de ces voix inconnues.
Il paniqua, il n'était plus qu'une braise, une toute petite braise pensante dans sa tête. Cependant, une colère, une rage, une haine indicible et qu'il ne se serait jamais cru capable de ressentir naquit et grandit soudainement en lui venant envelopper tout ce qui lui restait de conscience. Il fut fasciné.
Il n'était plus maitre de son corps, mais au moins, il n'avait pas disparu. La rage aveugle qui tourbillonnait autour de lui, repoussant et dévorant les voix trop audacieuses avait quelque chose de beau. Elle lui rappela le bandage de Lothar, ses mots blessants pour Indy, toutes ces petites fois où, par colère ou par bêtise, il avait fait du mal aux autres. Ça avait quelque chose de beau. Quelque chose de dérangeant et de beau à la fois. Surtout, ça le protégeait.
Son corps se leva de lui-même, obéissant à des ordres incompréhensibles pour Stan. Avec une extrême lenteur, comme si tout était devenu compliqué à comprendre pour lui, comme s'il suivait des instructions distillées au compte-goutte, son corps s'habillait. Mais où comptait-il aller ?
Stan aurait dû être terrifié. Au lieu de cela, il observait les évènements avec un calme serein, comme si le filtre de haine qui protégeait les dernières bribes de sa pensée lui donnait une curiosité malsaine pour l'inconnue et le danger.
Très doucement, avec difficulté, dans une série de pas saccadés et mal ordonnés, le corps de Stan commença à se diriger vers la porte de l'infirmerie.
Il pénétra le couloir et poursuivit son chemin. Incapable de décider de quoi que ce soit, il ne pouvait que contempler le parquet lustré des longs couloirs de l'académie. Il ne savait même pas exactement où il se trouvait. Il entendit soudain de nouveaux bruits, au-delà des mille voix. Des bruits qui avaient l'air… plus réels. Oui, c'était ça, plus réel. Des gens marchaient, approchaient ! Qui ? Qui ?!
Il aurait voulu s'arrêter, tourner la tête. Il espérait presque que ce soit un professeur qui soit là pour l'arrêter. Mais il n'en était rien. Sa tête dodelinant lui permet d'apercevoir quelques pieds. Des pieds et des bouts de robes d'élèves. Des élèves de toutes les familles comme le laissait deviner les liserés de leurs vêtements. Et tous le dépassaient.
Quelques minutes passèrent avant qu'ils ne disparaissent à un angle. Il ne les rattraperait jamais. Cela mit en colère les voix qui le retenaient prisonnier, mais leurs émotions vives ne firent que nourrir la sienne et ralentir encore ses gestes. Où pouvait-il bien aller ? Il n'en avait aucune idée. Dehors, comme il avait cru entendre ? Impossible à dire. Mais, quelle que soit sa destination, il espérait ne jamais y arriver.
La colère commença à s'immiscer davantage dans ses propres pensées. D'abord où étaient ses amis ? Pourquoi n'étaient-ils jamais là quand il avait besoin d'eux ! Ils étaient véritablement inutiles, pourquoi prenait-il seulement le temps de fréquenter des gens pareil…
Et ses parents ? Devaient-ils à tout prix régir chaque instant de sa vie ? Aurait-ce été trop demander que de le laisser rien qu'une fois sortir, se faire des amis, voir le monde ?! Et à quoi bon cette académie pathétique où l'on apprenait à soigner des bêtes stupides et des plantes inutiles ! Ha ! La colère montait, montait. Sans qu'il ne s'en soit rendu compte, elle n'était plus seulement autour de lui, mais elle était partout dans ce qui lui restait de pensée libre. Il n'était presque plus rien d'autre que colère, rancœur et haine pour son prochain.
Soudain, on lui secoua l'épaule. Mais il était incapable de réagir, incapable de tourner son visage pour regarder qui le touchait. Cela l'énervait tellement ! Sa main partit à une vitesse folle, surprenant la personne qui venait d'arriver. Il était certain de l'avoir touché, bien fait !
On le secoua encore. Quelqu'un parlait, mais Stan n'avait plus envie d'écouter. Il en avait marre de tout ce bruit et de tous ces gens qui l'entouraient jour après jour. Il voulait être seul ! Tout seul ! Se surprenant lui-même, sa gorge émit un grognement. Des exclamations enthousiastes y répondirent. Stupide, songea Stan.
Finalement, d'autres pas résonnèrent, il y eut un échange très bref avant que les pas ne s'éloignent à nouveau. Enfin, celui qui était resté avec Stan se pencha suffisamment pour que leur regard se croise. C'était Indy ! Encore lui ! Ce pot de colle ne la laisserait donc jamais ! Stan lui expliquerait sa façon de penser dès qu'il aurait récupéré le contrôle de son corps. Il lui apprendrait à ne pas savoir rester sagement dans son coin !
Et encore d'autres pas ! À présent Stan bouillonnait de rage, il aurait donné n'importe quoi pour avoir une baguette et la capacité de s'en servir.
Il y eut encore un échange, puis quelqu'un tenta de faire lui faire boire quelque chose. Mais ces lèvres restèrent scellées. Hors de question qu'il se laisse faire ! Il n'était pas une poupée à qui l'on donnait la dinette, bon sang ! Cette fois s'en était trop ! Si seulement il avait eu le contrôle !
Il y eut des cris, une voix s'éleva alors « Impero ! ». L'esprit de Stan fut au bord de la rupture. Il venait d'être victime d'un Sortilège Impardonnable et son corps se trouvait à présent tiraillé entre trois volontés : celle des mille voix, la sienne portée par la colère, et une troisième inconnue, mais portée par la magie.
Contre sa volonté, sa tête bascula en arrière et sa bouche s'entrouvrit. On y glissa la potion qu'il avait refusée précédemment avant de le libérer. Il toussa, aurait voulu vomir, mais en était incapable. Il reprit sa marche encore quelques pas avant de s'affaler de nouveau au sol.
Il se réveilla trois jours plus tard, de nouveau à l'infirmerie. Cependant, il n'était pas seul cette fois. Morgane était assise non loin, jouant d'un harmonica avec un talent insoupçonné. Stan se redressa légèrement dans ses coussins. Bien qu'encore un peu groggy, il avait envie de taquiner son amie avant toute chose, ne serait-ce que pour la rassurer, lui montrer qu'il allait bien.
« - Coucou… On est quel jour ?
- STAN ! »
Elle ne l'avait pas entendu bouger, mais au son de sa voix, elle se retourna, affichant un sourire plein de soulagement. Elle vint aussi vite que possible au plus près du lit et lui demanda des nouvelles.
« - Comment tu te sens ? Ça va ?! Nous étions super inquiets ! Ça va faire trois jours que tu dors !
- Trois jours ?
- Oui !
- Mais… Que s'est-il passé ? »
Morgane le regarda un moment, dubitative. Après un moment, elle lui demanda.
- Tu ne te souviens de rien ?
- Je me souviens… Mais je préfère que tu me le dises... »
Stan n'était pas certain de vouloir parler des voix, il avait peur. Surtout, il était effrayé par sa propre colère, par la haine et les sombres pensées qu'il avait eues dans ses derniers instants. Posant les yeux sur le visage inquiet, mais toujours rayonnant, de son amie, il fut soulagé de ne pas l'avoir vu le soir où… il avait entendu les voix.
« - Très bien. Indy voulait te faire une visite cette nuit-là, il se sentait un peu coupable de ton état. Alors il est allé jusqu'à l'infirmerie, où du moins c'est ce qu'il comptait faire. Mais il t'a trouvé marchant d'une façon anormale au milieu d'un couloir. Il a essayé de te parler, mais tu ne répondais pas. Tu n'avais pas non plus l'air de vouloir t'arrêter. Tu… - Morgane hésita un tout petit instant. – Tu lui as mis un coup sans même le regarder. »
Stan avait trop honte. Il allait falloir qu'il s'excuse très fort auprès de son ami. Il lui devait bien cela et plus encore.
« - Après, Madame Tristemine est arrivée. Indy a dit qu'après lui avoir parlé et t'avoir regardé, elle était partie en courant vers les jardins.
- Mais alors qui m'a arrêté ?
- J'y viens. Indy avait réussi à convaincre Salvador de venir avec lui pour te voir à l'infirmerie. Comme il commençait à paniquer, il l'a envoyé me chercher. Je ne te raconte pas le bazar dans ma chambre. Avec les filles nous avons été terrorisés quand il a frappé à la porte avec son bec. Il était totalement affolé. Il m'a tourné autour jusqu'à ce que j'accepte de le suivre. C'est là qu'on a croisé Mademoiselle Tosenblat. Elle nous a dit avoir entendu du bruit et se dirigeait vers les jardins elle aussi. Nous avons couru ensemble et sommes tombés sur toi et Indy. C'était incroyable !
- Incroyable ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que j'ai fait ?!
- Et bien, tu ne vas peut-être pas le croire, mais il y avait une véritable jungle qui était en train de pousser autour de toi.
- Une jungle ?
- Oui ! C'était dingue. Tu ne bougeais presque plus, il y avait des plantes qui sortaient d'un peu partout.
- Quel genre de plantes ?
- Heu… Je ne sais plus…
- Olalalalala…
- Ne t'inquiète pas, tout a été remis en ordre, la nuit même !
- alors c'est Mademoiselle Tosenblat qui m'a fait boire une potion en utilisant le sortilège d'…
- Chuuuut ! Il ne faut pas en parler ! Ça doit absolument rester secret. Mademoiselle Tosenblat n'a parlé à personne de ce qui s'était vraiment passé. Alors motus et bouche cousue !
- D'accord… Mais c'est bien elle qui… ?
- Oui, bien sûr ! Tu refusais de boire alors elle a été obligée.
- Et j'ai dormi trois jours ?
- C'est ce qui arrive quand on boit un somnifère magique en trop grosse quantité. »
Morgane sourit sur ces dernières paroles. Stan aussi. Il était soulagé. Personne ne savait rien. Personne ne saurait jamais rien. Ni de ce qu'il avait fait ni de ce qu'il avait pensé. Morgane se rapprocha encore, jetant un œil à l'entrée pour s'assurer que personne n'approchait.
« - Mais dis-moi Stan… Que s'est-il passé à l'infirmerie ? »
Stan ne répondit pas tout de suite. Il se remémora ce que ses parents lui avaient appris. Avait-il vraiment besoin d'amis ? Il repensa alors à cette nuit où il avait pensé tant d'horribles choses. Y en avait-il une de juste parmi elles ? Y en avait-il qu'il pensait réellement ? Aujourd'hui encore ? Il regarda son amie qui était allée dans les couloirs en pleine nuit malgré l'interdiction.
« - Au fait, vous avez été puni ?
- Oui, mais pas officiellement. Ce qui s'est passé cette nuit-là est resté secret.
- Je suis désolé. J'espère qu'ils ne vous ont pas trop puni.
- Terrible ! Insupportable même ! Imagine, dès qu'on n'est pas en classe on doit se relayer pour rester à ton chevet et te surveiller ! »
Morgane rit et Stan sourit.
« - C'est malin… »
Peut-être qu'il y avait un fond de vérité dans certaines choses qu'il avait pensé cette nuit-là. Ce dont il était certain, c'est qu'Indy et Morgane étaient ses amis, de vrais amis. Et il leur devait bien la vérité. De toute façon, il fallait qu'il en parle. Il en avait besoin.
« - Il ne s'est rien passé à l'infirmerie.
- Ha bon ? Tu t'es fait agresser dans les couloirs ?
- Non, non. Ce que je veux dire c'est qu'il ne s'est rien passé DANS l'infirmerie. – Morgane le dévisageait, la mine perplexe. – Tout s'est passé dans ma tête.
- Dans ta tête… - Morgane n'avait pas l'air très convaincue, elle essaya de plaisanter en faisant mine de poser sa main sur son front. – Tu es sûr que tout va bien ? Tu n'es pas encore un peu mal…
- Je suis sérieux, Morgane. J'ai entendu des voix, c'était… effrayant.
- Des voix ? Quelles sortes de voix ?
- Je n'en sais rien… Tout ce que je peux dire c'est que chaque voix répétait sans cesse un seul mot. Et il y en avait des centaines. Au début j'ai essayé de les écouter, puis de les ignorer, mais à un moment elles ont littéralement envahi mon esprit !
- Envahi ton esprit ? Et que disait-elle ? »
Maintenant que les évènements étaient derrière lui et qu'il était reposé, il pouvait plus facilement réfléchir à ce qu'il avait entendu.
« - Sur le moment, je ne comprenais rien. Mon corps s'est mis à obéir tout seul. J'avais vraiment l'impression que chaque petite pensée venait déchirer mon esprit, comme… comme si j'étais pris dans une tempête de feuilles toutes plus tranchantes les unes que les autres. C'était douloureux et terrifiant… »
Stan réalisa seulement à quel point il avait été terrorisé. Il resserra ses poings sur la fine couverture de son lit avant de détourner le regard. Morgane sembla embarrassée. Pour rompre avec ce moment de gêne, elle tendit sa main pour la poser, à travers la couverture, sur la cheville du jeune garçon.
« - C'est bon, c'est fini maintenant, on t'a sauvé. – Elle lui fit un clin d'œil. – Si tu ne veux pas en dire plus, je comprendrai. Ça te ressemblerait bien de toute façon, tu n'es qu'un gros cachottier ! »
La légèreté dont elle savait faire preuve en presque toute circonstance était vraiment salutaire pour l'adolescent un peu sombre qu'était Stan.
« - En fait, je ne sais pas trop comment c'est arrivé, mais il y a une sorte de voile de colère qui est venu me protéger. Je me sentais à deux pas de disparaitre, de disparaitre en tant que personne, en tant qu'esprit tu comprends ? Et là, il y avait toute cette colère en moi qui tourbillonnait et me préservait en même temps. Et puis… »
Il voulait poursuivre, mais Indy arriva à ce moment interrompant le cours de son récit. Quand il le vit réveillé, il traversa la salle au pas de course. Il ne lui sauta pas dans les bras, mais Stan pouvait voir son émotion sincère à travers ses yeux humides.
« - Al… Alors, enfin debout, feignasse ?!
- Ho oui capitaine, mon capitaine ! – Rien de mieux pour prouver qu'il était rétabli que de taquiner son ami. –
- Ha ! Ha… Super. Bon, alors, qu'est-ce que j'ai raté ? »
Et Stan dut reprendre son récit depuis le début. Une fois qu'il eut tout dit, mis à part la façon dont la colère l'avait envahi, Indy avait les sourcils si froncés, qu'on aurait pu y faire tenir une baguette sans aucun problème.
« - Si je comprends bien, des voix t'ont fait sortir de ta chambre, mais tu as essayé de résister grâce à…
- Ma colère…
- Ce n'est pas sain d'avoir autant de colère en soi si tu veux mon avis.
- … Je suis désolé.
- Arrête d'être désolé !
- Désolé.
- Raaaah ! »
Ils rirent de bon cœur avant de poursuivre.
« - Tu sais que tu aurais pu me faire mal quand même ! – Indy releva sa manche, dévoilant un bel hématome sous son avant-bras. – T'es une vraie brute quand tu veux.
- … Il y a quelque chose que je ne vous ai pas dit.
- ?
- ?
- À la fin, j'étais vraiment en colère, j'étais totalement envahi par la colère, je… je pensais vraiment des choses pas sympas. Et je n'aime pas ça. Je… Je me fais un peu peur… - Morgane lui envoya une claque dans le dos comme elle ne l'avait pas fait depuis longtemps. –
- Stanyslas Gravel, ça suffit ! Tu es aussi effrayant qu'un panda ! Peu importe ce qui s'est passé dans ta tête, moi je te dis que tu es un chic type ! Sinon, je ne serais sûrement pas là ! Pas vrai Indy ?
- Elle a raison, Stan. On ne sait rien de ce qui s'est passé cette nuit-là…
- Et on ne risque pas de le savoir… »
Ces deux amis avaient beau essayer de lui remonter le moral, Stan se sentait particulièrement déprimé. Qui ne le serait pas à sa place ? Si seulement il pouvait avoir le début d'une piste. Il pensa soudain à Mme Tristemine.
« - Au fait, pourquoi madame Tristemine est-elle partie dans les jardins ? »
Les deux adolescents échangèrent un regard entendu.
« - On ne sait pas trop, mais il y a une rumeur…
- Tu n'étais pas le seul cette nuit-là, Stan.
- Pas le seul… ? – Les pieds trainants et le dépassant d'autres étudiants lui revinrent alors en mémoire ! Comment avait-il pu oublier ! – Oui, il y en avait d'autres ! Je me souviens maintenant ! Des plus rapides ! Où sont-ils ?! »
Stan les chercha du regard sur les lits adjacents, essaya de les deviner derrière les rideaux blancs.
« - Il n'y a personne d'autre que toi, ici, Stan. Nous on y croit, mais c'est juste une rumeur qui circule.
- Nous, on y croit, parce qu'on t'a vu.
- Les autres, dans l'académie, ne savent rien de ce qu'il s'est passé. Mais la rumeur prétend qu'une vingtaine d'étudiants a été retrouvée au milieu de la nuit dans le Jardin des Félicités. Mais personne ne sait de quels élèves il s'agit.
- Mais on y a bien réfléchi avec Morgane et on pense que Tristemine a dû aller aux Jardins pour trouver les autres él…
- Attends, attends, attends ! Vous pensez que Tristemine est allée dans le Jardin des Félicités pour retrouver les autres élèves ?
- C'est ça.
- Les autres élèves qui ont tous perdu la mémoire ?
- Peut-être…
- Mais pour quoi faire ?
- Aucune idée. »
Ça n'avait pas de sens. Pourquoi le professeur Tristemine serait-elle partie voir les autres élèves sans l'aider ? Il fallait qu'il réfléchisse, qu'il se souvienne de ce qu'elle avait dit dans la cabane de Touflamme.
Elle avait parlé de la statue sans tête… des enfants… et… de préparations ? Que pouvait-elle bien vouloir faire ? Pourquoi tenait-elle à ce que Touflamme ne prévienne qu'elle et personne d'autre s'il trouvait un enfant pourpre ? Et surtout, qu'avait-elle fait dans le Jardin des Félicités ?
« - Vous croyez que c'est elle qui…
- A effacé leur mémoire ? J'y ai pensé, bien sûr. Mais nous n'avons aucune preuve. Morgane a discuté avec beaucoup de monde ces trois derniers jours pour essayer de trouver les élèves qui étaient sortis cette nuit-là, mais personne ne s'est révélé. Soit ils ont tout oublié, soit ils préfèrent ne rien dire. – Morgane secoua la tête d'un air impuissant. -
- On ne peut pas leur en vouloir. Avec toutes les rumeurs qui courent sur les enfants pourpres, je n'aimerais pas en être un, et encore moins que ça se sache !
- Est-ce qu'on ne devrait pas demander de l'aide à quelqu'un ? Madame Maxime par exemple ?
- Oui, c'est ça, nous allons voir la directrice pour lui expliquer que nous soupçonnons un professeur de faire on-ne-sait-quoi, pour on-ne-sait-quelle-raison, et peut-être aussi qu'on se trompe ! Brillant. – Indy était narquois. Stan souffla. –
- Il faut bien qu'on fasse quelque chose. Nous sommes les seuls à savoir que Madame Tristemine était dans le Jardin. À moins que… Vous en avez parlé à Mademoiselle Tosenblat ?
- Non. On n'a pas vraiment eu l'occasion… »
Quelque chose n'allait vraiment pas. Il y avait quelque chose de pourri à l'académie Beauxbâtons… Et Stan comptait bien découvrir quoi. Mais il ne pourrait pas y arriver seul.
« - Indy, Morgane. Les amis.
- Oula, il devient sentimental !
- Je suis sérieux. Il y a quelque chose qui cloche ici et, puisque ça me concerne, je compte bien trouver ce qui ne va pas ! Mais…
- N'en dis pas plus, patate ! – Morgane lui donna un coup dans l'épaule – Tu peux compter sur nous ! N'est-ce pas Indy ?! – ce dernier fronça les sourcils d'un air contrarié. –
- Pour sûr ! Ça fera très bien dans mon dossier pour le Ministère ! « a résolu un mystère à l'académie Beauxbâtons », avec ça si je ne deviens pas ministre de la Magie, je veux bien être transformé en Strangulot ! »
Stan ressentit une immense vague de chaleur envahir son cœur. Le jeune garçon n'avait jamais eu d'amis. Pour la première fois, il prenait conscience de la chance qu'il avait d'en avoir trouvé deux aussi formidable. Ils n'étaient sûrement pas parfaits, mais c'était bien ses amis et il se jura, à partir de cet instant, de ne jamais les laisser tomber.
Stan était retourné à la vie quotidienne de l'académie, Indy avait décidé de faire quelques recherches dans la bibliothèque et Morgane, quant à elle, faisait ce qu'elle faisait toujours : elle discutait avec les étudiants de toutes les Familles en espérant découvrir quelque chose de nouveau.
Le soir précédent, Stan avait pris la décision de parler au professeur Tosenblat. C'était la fin de matinée, le cours venait de se terminer, c'était le bon moment pour traîner un peu et engager la conversation.
« - Mademoiselle Tosenblat ?
- Stanyslas ! Comment vas-tu ? J'attendais que tu viennes me voir. Je ne voulais pas venir moi-même, il vaut mieux que notre petite soirée nocturne reste secrète ! – Elle lui fit un clin d'œil malicieux. –
- Oui, vous avez raison. Je vais bien… Merci beaucoup pour ce que vous avez fait professeur.
- C'est tout naturel Stanyslas. N'importe qui aurait fait la même chose à ma place. Tu es l'un de mes élèves après tout.
- …
- Il y a quelque chose dont tu voulais me parler, Stanyslas ? Tu dois avoir des tas de questions sur ce qui t'est arrivé, j'imagine… »
Le professeur de potion s'installa à son bureau, croisant les bras et les jambes, attendant que le jeune garçon se livre à elle. Ce dernier s'approcha et vint s'accouder à une table proche sur laquelle divers ingrédients étaient alignés : Racine de Mandragore, Épines de porc-épic, des hortensias frais et d'autres qu'il n'arrivait pas à identifier.
« - Pour tout vous dire… Je ne sais pas du tout ce qu'il s'est passé, professeur ! Est-ce que vous le savez, vous ?
- Non, Stanyslas. Je ne le sais pas. Mais nous pouvons essayer d'y réfléchir ensemble. De quoi te souviens-tu ? »
Stan lui fit le même récit qu'à ses deux amis jusqu'à arriver à la terrible conclusion qui lui occupait l'esprit depuis qu'il avait quitté l'infirmerie.
« - …et c'est pourquoi je me dis que, peut-être, je suis un… vous savez… un enfant pourpre.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Et bien, il y a les voix, l'appel vers le jardin et…
- Et… ?
- Et je sais que Madame Tristemine était là la première, et je sais qu'elle s'intéresse aux enfants pourpres, je l'ai entendu…
- Comment as-tu… Non, oublie. Ce n'est pas le plus important. Tu dis que Madame Tristemine s'intéresse aux enfants pourpres ? Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
- Et bien… »
Stan n'avait vraiment aucune envie de parler de sa virée nocturne la première nuit à l'académie, pas même à Mademoiselle Tosenblat. Il resta donc aussi évasif que possible sous le regard scrutateur de son professeur.
« - J'ai… entendu dire… qu'elle voulait savoir qui ils sont, et aussi… qu'elle travaillait sur… quelque chose… que tout le monde n'approuverait pas…
- Alors, comme ça, Madame Tristemine s'intéresse aux enfants pourpres, tu dis ? »
Pendant une minute, Camelia sembla perdue dans ses pensées. Elle revint rapidement à elle, l'air soudain très inquiet.
« - Ce sont de graves accusations que tu portes là Stanyslas… Tu ne dois en parler à personne, tu m'entends ?
- Vous pensez donc que c'est Madame Tristemine qui s'en est prise aux étudiants ?
- Non. Je ne le pense pas, Stan. Pas du tout. En revanche, je pense qu'un élève qui irait accuser un professeur, sans aucune preuve, s'exposerait à de graves… difficultés. Tu comprends ce que j'essaye de te dire ? Alors tu ferais mieux d'oublier cette idée saugrenue, Stanyslas.
- Mais…
- Écoute-moi. Je ne suis pas convaincue par ton histoire de voix et d'étudiants qui parcourent les couloirs comme des automates… Attention, je ne dis pas que tu mens. Seulement, il n'est pas rare qu'une personne victime d'un empoisonnement soit sujette à des hallucinations.
- Des hallucinations ?
- Alors plutôt que de rechercher un grand complot autour des enfants pourpres et de Madame Tristemine sur la base de tes souvenirs fiévreux de cette nuit, pourquoi ne pas t'interroger sur qui a bien pu t'empoisonner.
- M'empoisonner ?
- Oui Stanyslas. On ne se met pas à entendre des voix sans un peu de magie ! Si tu veux mon avis, toi et quelques élèves avez été les victimes d'une mauvaise farce. Peut-être même que les autres n'étaient pas visés, peut-être qu'on ne cherchait à s'en prendre qu'à toi ? Le fait que, comme tu me l'as expliqué, tu aies été plus lent que les autres signifie probablement que tu as été davantage intoxiqué. Alors, concentre-toi là-dessus. Trouve donc celui qui s'est amusé à t'empoisonner et quand ce sera fait, promesse de professeur, je t'aiderai à lui rendre la monnaie de sa pièce ! Tout en farce évidemment ! »
Elle lui lança un nouveau clin d'œil avec ses dernières paroles qui se voulaient légères, mais Stan était trop préoccupé pour sourire. Il remercia le professeur Tosenblat pour son aide avant de prendre congé.
Il fallait qu'il discute avec Indy. C'était le plus méfiant d'entre eux, son avis serait précieux.
C'est donc vers la bibliothèque que les pas de Stan l'amenèrent. Cette dernière se trouvait dans l'une des grandes tours centrales de l'académie. Elle était construite tout en verticalité. Il fallait donc, au fur et à mesure des années, grimper les escaliers pour accéder à des ouvrages de plus en plus complexes. Exception faite de la Section Noire qui se trouvait dans un sous-sol dont l'accès était interdit.
Indy était en pleine lecture quand Stan s'assit en face de lui. Sans attendre que ce dernier ait fini sa phrase en cours, il lui rapporta son échange avec mademoiselle Tosenblat. Indy l'écouta sans broncher. Seuls ses sourcils qui se fronçaient au fur et à mesure du récit qu'il écoutait témoignaient de son attention soutenue.
« - Alors, qu'en penses-tu ?
- Si Mademoiselle Tosenblat le dit, c'est sans doute vrai… Mais tout de même… »
Morgane arriva visiblement tout excitée,
« - Les garçons ! J'ai, ENFIN, appris quelque chose !
- Et bien, dis-le au lieu de tourner autour du pot ! – Indy, le tact incarné, heureusement Morgane était trop contente pour relever. –
- Les rumeurs, je sais d'où elles viennent ! Ou plutôt de qui !
- Mais dis-le alors ! – Stan aurait juré que Morgane faisait exprès de taquiner leur ami. –
- D'accord... C'est Lothar qui a lancé ses rumeurs ! Paroles de Centaure !
- Lothar ? – Stan était véritablement surpris. -
- Mais pourquoi ferait-il ça ? Il a dit lui-même qu'il était allé trop loin avec ces histoires, il s'est même excusé publiquement devant St…
- Hooo… »
Les deux garçons eurent la même réaction alors qu'ils réalisaient leur erreur. Pourquoi n'y avaient-ils pas songé avant ! Comment avaient-ils pu croire sur parole ce prétentieux Aigrefeu, ce fourbe ! Morgane, très fière, semblait tout de même un peu perdue.
« - Ce que je ne comprends pas c'est ce que vient faire le professeur Tristemine dans tout ça… Ho ! Vous ne pensez tout de même pas qu'elle est de mèche avec Lo…
- Oublie le professeur Tristemine ! Tosenblat a raison ! Tout ça n'a rien à voir avec les enfants pourpres ! C'est juste ce menteur de Lothar qui veut se venger de moi.
- Mais Stan, pourquoi irait-il empoisonner d'autres élèves d'abord ?
- Parce qu'il veut, coûte que coûte, qu'on me prenne pour un enfant pourpre !
- Mais…
- Je pense que Stan a raison, Morgane. Tu viens de le dire, c'est Lothar qui a lancé les rumeurs. Et qui a offert un verre à Stan le soir avant qu'il ne s'évanouisse ? Lothar !
- Mais quand même… C'est fort, même pour lui…
- Et moi je dis qu'il est capable de tout ! – Indy fulminait. –
- Mais Morgane a raison. Je ne le vois pas fabriquer quelque chose d'aussi fort tout seul…
- Alors que fait-on ? »
Stan réfléchit. Les voix n'avaient donc été que le fruit de son imagination… Lothar lui en voulait toujours et cherchait à présent à la discréditer aux yeux de toute l'école. Il était prêt à tout. Stan avait eu de la chance la dernière fois, mais il allait falloir se méfier à partir de maintenant. Lothar recommencerait sans doute et Stan n'avait aucune envie de revivre la même expérience deux fois. Il devait se préparer, trouver de l'aide… Mais qui pourrait l'aider… Indy interrompit ses pensées.
« - On garde un œil sur Lothar.
- Et moi je dis qu'on continue à chercher les enfants pourpres !
- Quant à moi… - Stan prit une grande inspiration. – Je vais aller faire du jardinage. »
Le ciel était parsemé de nuages qui venait réguler la lourde chaleur diffusée par le soleil d'automne. C'était un temps idéal pour jardiner.
Durant les trois semaines qui avaient suivi sa sortie de l'infirmerie, la rumeur n'avait fait que se propager davantage. Elle avait gagné les classes supérieures et tout l'ensemble des professeurs.
Stan n'aimait pas cela. C'est pourquoi il était plus déterminé que jamais à trouver une preuve des agissements de Lothar. S'il pouvait montrer à tous que la rumeur n'était qu'une invention de ce dernier, les choses se calmeraient. Mais pour cela, il devait comprendre comment il avait pu l'empoisonner.
Et voilà pourquoi il était aujourd'hui les deux mains dans la terre en compagnie de Toufeu. Cela faisait une semaine déjà qu'il venait aider, chaque soir, à entretenir les grands espaces verts de l'académie ainsi que les deux petits potagers des deux elfes. Il fut surpris par le plaisir qu'il retrouva à être au contact des plantes. Et il fut deux fois plus surpris de s'apercevoir qu'il appréciait la compagnie des deux elfes de jardin.
Ils s'entendaient si bien qu'à présent Stan avait le droit à une petite collation après le travail. Ils venaient de terminer l'entretien des Mimbulus, une sorte de cactus magique qui palpitait à la façon d'un organe humain, et profitaient maintenant des délicieux gâteaux de Toufeu. Stan avait d'ailleurs été surpris de constater que l'elfe était aussi bon cuisinier que jardinier. Là, assis dans la belle cabane fleurie, Stan se sentait presque comme à la maison au milieu des senteurs végétales qui embaumait l'air.
Une tasse de chocolat froid à la main, il interrogea à nouveau Toufeu.
« - Dis-moi Toufeu, que faisiez-vous avec Touflamme avant de devenir les jardiniers de Beauxbâtons ?
- Jardiniers, concierges et gardiens, ce sont nos fonctions précises, choisies librement !
- Pardon, jardiniers, concierges et gardiens.
- Avant tu demandes ? Avant, nous étions jardiniers, concierges et gardiens.
- Ha ?
- Mais nous étions au service du précédent jardinier, concierge et gardien. Un vilain bonhomme qui s'appelait Monsieur Talbot ! Bah ! Vilain bonhomme ! Mais ça, c'est fini ! Maintenant, nous sommes des jardiniers, concierges et gardiens libres !
- Ho… Je vois. Et donc, comment êtes-vous devenu des jardiniers, concierges et gardiens libres alors ?
- C'est assez simple, avec les nouvelles lois en vigueur nous avons exigé nos chaussettes et nous sommes partis !
- Partis ? Mais vous êtes encore là !
- C'est grâce à Madame Tristemine ! Monsieur Talbot, vilain bonhomme, était absolument incompétent. Il a été renvoyé à peine un mois après notre départ et c'est Madame Tristemine qui a insisté pour que l'on nous fasse revenir. Nous lui devons beaucoup, car maintenant nous pouvons faire ce que nous aimons, mais librement et sans plus aucun vilain bonhomme pour nous faire du mal !
- Je vois. Je ne savais pas. C'est effectivement très gentil de sa part. »
Stan réfléchit. Il ne voyait pas comment poursuivre la conversation sur ce terrain. Il ne voulait pas se fâcher avec l'elfe, mais il avait besoin de réponses. Il tenta une autre approche.
« - Toufeu ?
- Oui Stanyslas.
- Appelle-moi Stan. Je me demandais. En tant que jardinier, vous vous y connaissez en plantes, non ?
- Est-ce que Monsieur Louis s'y connait en métamorphose ? Est-ce que Monsieur Vaguesort s'y connait en sortilège et Monsieur Churros en vol ? Stanyslas pose de drôle de question.
- Désolé. C'est juste que… - C'était le moment de faire un pari risqué. - J'ai un secret que j'aimerais partager avec toi, mais j'ai peur que vous ne me dénonciez si je vous le révèle…
- Attends. »
Toufeu disparut puis réapparut le temps d'un claquement de doigts avec son acolyte de toujours, Touflamme. Ce dernier devait être occupé avec des Bubobulb étant donné la forte odeur semblable à l'essence qui se dégageait de lui.
« - Je suis là... Alors quelle question veut poser Stan aujourd'hui ?
- Il ne veut pas poser une question, il veut nous raconter un secret !
- Et bien qu'il te le raconte, je suis occupé. »
Les grandes oreilles de Toufeu s'affaissèrent alors même qu'il commençait à se lamenter en faisant de grandes enjambées à travers la pièce, les mains sur ces grands yeux humides.
« - Depuis quand Touflamme est devenu si méchant. Méchant Touflamme. Vilain bonhomme qui n'écoute pas ses amis ! Ho que la liberté est dangereuse quand elle fait agir méchamment. Faut-il regretter la liberté quand Touflamme ne veut pas écouter ses amis ? Quel goût amer a… »
La tristesse rendait le petit elfe philosophe et plus bavard que jamais. Touflamme secoua la tête avant de tirer une oreille de son alter ego.
« - Touflamme s'excuse. Touflamme vient juste de se faire asperger de pus de…
- de Bulbobub !
- Ho… C'est vrai que Stanyslas est très doué avec les plantes. Bravo mon ami.
- Merci, mais c'était facile avec une telle odeur. – Touflamme haussa les épaules et alla s'assoir dans l'un des rockings chairs surdimensionnés de la pièce. Toufeu fit de même. –
- Alors, quel secret Stanyslas veut-il partager ?
- Avant de vous le révéler, vous devez me promettre de ne rien dire !
- C'est une promesse difficile sans savoir de quoi il s'agit…
- Bien sûr, je comprends que vous ne vouliez pas garder un secret… Vous n'êtes pas obligés d'accepter, je comprendrais, après tout, c'est votre choix, vous êtes libres. – Aussitôt, Toufeu s'emporta. –
- Toufeu et Touflamme sont des elfes libres, libres de garder un secret comme n'importe quel être humain, voilà ce que je dis ! – Et il fusilla du regard Touflamme qui ne put qu'acquiescer. –
- Bien, que Stanyslas raconte son secret, nous écoutons. »
Et c'est ce qu'il fit. Il raconta comment il avait été empoisonné par Lothar. Il ne fit aucune mention des enfants pourpres ni de sa première visite nocturne cependant. Quand il eut terminé, les deux elfes avaient adopté des attitudes diamétralement opposées. Toufeu trépignant de colère tandis que Touflamme se frottait tout le visage avec une concentration extrême.
« - C'est intolérable ! Toufeu voudrait tout raconter à Madame Tristemine !
- Non surtout pas Mad… ! Je veux dire non, il ne faut le dire à personne. Je n'ai pas de preuves et puis je ne veux pas vous demander de faire quoi que ce soit. J'aimerais simplement savoir ce qui pourrait causer ses hallucinations…
- Touflamme réfléchit beaucoup. Mais Touflamme ne connait aucune plante ni aucune potion qui fasse ce genre de choses… Stanyslas est certain d'avoir été empoisonné ?
- … Si ce n'est pas ça, qu'est-ce que ça pourrait être ?
- Touflamme se demande…
- Je suis désolé, je ne voulais pas vous embêter, mais je suis vraiment inquiet que ça m'arrive à nouveau. Est-ce qu'il existe une plante pour se protéger de ce genre de chose ?
- Oui ! Toufeu sait que ça existe ! Quelque chose pour protéger l'esprit !
- Oui, il y a une plante qui fait ça si on la prépare bien.
- Mais Toufeu a oublié le nom ! Il faut qu'il cherche.
- Ce que Toufeu oublie, Touflamme l'oublie aussi. Touflamme cherchera aussi.
- Et que Stanyslas soit rassuré. Pas besoin de connaitre le poison pour se protéger l'esprit ! »
Stan ne s'était pas attendu à ça. Il n'avait pas vraiment imaginé que les deux elfes de jardin seraient capables de l'aider à se protéger du poison de Lothar.
Il n'avait rien appris aujourd'hui sur Madame Tristemine, mais il ne repartait pas les mains vides, c'était déjà une petite victoire.
La fin d'année approchait, bientôt Noël et ses vacances. Stan pourrait rentrer chez lui et revoir enfin ses parents. Ils lui avaient tant manqué. Il avait hâte de leur raconter tout ce qu'il avait appris ces premiers mois, mais se demandait déjà ce qu'il devrait leur cacher de ces mésaventures.
La fin d'année approchait et cela signifiait aussi qu'il allait devoir se séparer de ses amis. Il eut un pincement au cœur à cette pensée. Pour se remonter le moral, il se promit de rapporter à chacun un petit cadeau.
La fin d'année approchait et tout semblait calme. Les cours s'enchainaient avec leurs lots de surprises et d'ennuis. Les jours passaient et Lothar ne changeait pas : toujours arrogant, toujours désagréable, toujours sur le dos de Stan.
La fin d'année approchait et la saison de Quidditch était à présent bien entamée et, bien qu'il ne soit pas joueur, Indy était satisfait, le professeur Churros l'avait fait entrer dans l'équipe d'entrainement. Il rayonnait.
La fin d'année approchait et la rumeur courait toujours. Elle avait même empiré. Les élèves commençaient à devenir suspicieux et les professeurs avaient été obligés de rappeler à l'ordre chaque classe. Mais rien n'y faisait.
La fin d'année approchait. C'était le matin du départ pour ceux qui rentraient chez eux. Stan, Morgane, la plupart des élèves de Beauxbâtons empruntaient pour la dernière fois de l'année les couloirs qui menaient à l'Entrée. Il y avait de l'agitation dans cette dernière.
C'était la fin de l'année et les trois amis pressaient le pas, curieux. Une fois arrivés sur place, ils ne purent que constater les dégâts. Un gigantesque graffiti violacé, tracé avec raffinement, barrait le tableau central honorant la bataille des Navart. On pouvait y lire les mots suivants : « Stanyslas Gravel est l'enfant pourpre ».
