Chapitre 5 : Amitié
Hermione serrait la pierre de résurrection dans sa paume et regardait Remus en souriant. Elle était simplement allongée dans son lit et préférait observer son mari sous toutes les coutures plutôt que dormir.
Remus, lui, n'était pas vraiment là ce soir. Parfois il était plus absent que d'autres. Il passait trop de temps dans le monde des vivants mais Hermione se voilait la face et préférait taire la vérité qu'elle connaissait.
Elle avait besoin de ne pas être seule. Leur maison était beaucoup trop silencieuse…
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Lorsque Harry rentra ce soir-là, Ginny sut que quelque chose n'allait pas. Ce n'était pas dans ses traits mais dans ses gestes. Harry était un peu plus brusque, plus pressé. D'habitude, il prenait son temps, s'émerveillait presque de voir à quel point il était heureux. Ce soir, il était différent.
Harry embrassa Ginny puis James et s'installa à table. Il montra qu'il était heureux de voir que sa femme avait préparé le repas et avait attendu son retour. Ils se racontèrent sommairement leurs journées, écoutant James et ses éclats de rire. Ce n'est qu'après avoir couché leur fils qu'Harry rentra dans le vif du sujet.
-Hermione m'inquiète.
-Tu veux qu'elle s'installe ici le temps de la grossesse ? Ça me ferait plaisir tu sais, moi non plus je n'aime pas la savoir toute seule là-bas.
-Ce n'est pas ça Gin. Enfin si. Enfin non. Je…
Un sourire tendre aux lèvres, Ginny regarda son mari qui s'agitait dans tous les sens.
-Elle est continuellement avec la pierre de résurrection. Et, quand elle ne l'utilise pas, elle ne la quitte pas des yeux. Ce n'est pas sain.
-Tu ne peux pas lui en vouloir Harry… C'est un moment capital. Elle a besoin de Remus.
-Mais la pierre va finir par avoir des effets négatifs. Elle n'est pas faite pour un usage trop important. Elle est dangereuse. Je trouve qu'Hermione a les traits tirés. Je ne suis même pas sûr qu'elle s'alimente correctement !
Ginny regarda pensivement par la fenêtre. Hermione n'avait pas besoin du fantôme de Remus mais de sa présence. Et si n'importe qui pouvait le comprendre, personne n'avait le droit de le juger. Toutefois, Harry avait raison : Hermione devait se faire violence pour avancer.
-Je lui parlerai, promit alors Ginny.
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Un garçon. C'était un petit garçon. Ethan, comme elle et Remus l'avaient décidé. Ethan qui signifiait « fort »/« robuste »/« courageux ». Et leur enfant en aurait besoin, Hermione en était persuadée. Elle ne lui offrirait pas une vie simple mais elle savait déjà qu'il deviendrait quelqu'un de bien. Poussée par l'émotion, Hermione mit sa main sur son ventre. Elle l'aimait un peu plus chaque jour mais désormais elle se sentait reliée à lui. Elle était heureuse.
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Ginny arriva chez Hermione avec un bon gâteau fait maison avec la recette d'une certaine Molly Weasley. Elles étaient enceintes par Merlin, elles avaient besoin de sucre !
Harry était resté chez eux pour garder James. Ce dont les deux amies avaient besoin également, c'était d'une discussion entre filles ! De femmes enceintes même.
-Un gâteau ?, remarqua Hermione avec un sourire. Essaies-tu de m'acheter ?
-Peut-être, répondit Ginny mutine.
Du coup de l'oeil la rouquine repéra la pierre de résurrection qu'Hermione serrait dans son poing.
-J'ai envie d'avoir une discussion entre filles…
-Oh.
Hermione lança un regard dans le vide, là où devait se trouver Remus, et eut un petit sourire triste.
-On se revoit bientôt, promit Hermione à son mari.
Puis, un peu trop lentement, Hermione posa la pierre à côté d'elle, sur la table, comme si elle était incapable d'en être trop éloignée.
-Je te serre quelque chose ?
-Non ça va merci.
Il y eut un blanc un peu gênant où les deux femmes s'installèrent chacune sur un fauteuil. Elles parlèrent longtemps des avantages et inconvénients de la maternité, de la façon dont leur corps changeait. Puis, quand le moment lui sembla bien choisi, Ginny se lança. Il fallait qu'elle soit honnête et elle détestait tourner autour du pot.
-On est inquiets pour toi Hermione.
-Pour moi ? Mais pourquoi ?
La surprise d'Hermione n'était pas feinte et cela inquiéta d'autant plus Ginny. Où était donc passée l'Hermione raisonnable qu'elle avait toujours connu ?
-Que pense Remus de ta grossesse ?
-Il aimerait être là, répondit alors Hermione la gorge serrée.
-Je n'imagine pas votre peine, compatit Ginny. Harry et moi sommes simplement inquiets car tu passes beaucoup de temps avec la pierre et ce n'est pas sain pour toi. Ni pour le bébé.
Hermione ouvrit la bouche mais aussitôt Ginny enchaîna.
-Nous avons peur que tu t'oublies, que tu penses moins au bébé tellement tu es préoccupée par Remus.
-Mais Ginny, la pierre c'est tout ce qu'il me reste de lui.
En cet instant, Hermione semblait plus fragile que jamais. La rouquine se leva alors, malgré son ventre imposant, et prit la main d'Hermione dans la sienne. Elle essayait à sa manière de lui montrer son soutien.
-Non Hermione. Tu as tous tes souvenirs, tous les biens physiques que vous avez créés ensemble. Et plus important encore il y a votre bébé. J'aimerais vraiment que tu essaies de passer moins de temps avec la pierre.
-Remus aussi me dit que je devrais arrêter d'y avoir autant recours. Mais c'est plus fort que moi Gin… J'ai si peur maintenant qu'il n'est plus là. Je veux en profiter au maximum.
-Tu as réussi à vivre sans lui des années, murmura doucement Ginny pour ne pas braquer son amie.
Un sanglot trancha l'air.
-Mais depuis que je l'ai revu je n'arrive pas à remonter la barre.
-Tu es forte. Accordes toi une heure par jour avec lui. Et essaies de diminuer si tu peux. Progressivement. Tu as les joues creuses et tu manques de couleurs. Est-ce que tu manges et dors correctement au moins ?
-Ça dépend des jours…, reconnut Hermione.
-Personne ne peut comprendre ta douleur mais j'aimerais vraiment que tu réfléchisses à la possibilité d'être moins souvent avec la pierre.
-Je vais essayer, promit Hermione.
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Ron ne savait pas quoi faire. Dans un premier temps, il avait supplié George de le laisser partir à l'étranger. Il disait vouloir découvrir d'autres cultures, dégoter des idées pour la boutique. Mais George savait, George avait compris dès qu'il avait vu Hermione. Et surtout, George avait été heureux d'avoir cédé.
Ron avait voyagé pendant plus de deux mois. Il avait parcouru la Russie, le Canada, le Japon… Quelques jours, ci et là, dans les différentes capitales. Cela lui avait plu. Cela lui avait également permis de se vider la tête et réfléchir correctement aux événements.
Bien sûr, il était inquiet pour Hermione. Mais cela ne justifiait pas tout. Il devait désormais faire une chose importante et capitale : se faire pardonner. Et vite. Il voulait donner à Hermione le soutien dont elle avait besoin. Il accepterait la place qu'elle lui donnerait, même si ce n'était pas celle qu'il espérait.
S'il arrivait quelque chose à Hermione et qu'il n'avait pas été là pour elle par orgueil, Ron ne se le pardonnerait jamais.
Un petit sourire au visage, Ron réalisa qu'il était temps de rentrer.
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Hermione ronchonna dans son oreiller. Elle n'avait pas dormi de la nuit. Son enfant avait joué un match de foot dans son ventre et elle n'avait pas pu trouver le sommeil. Elle s'était dit que peu importait, qu'elle pourrait dormir une heure ou deux dans l'après-midi. Ces derniers temps, Harry et Ginny n'étaient pas beaucoup disponibles, ce qu'elle comprenait tout à fait. À part eux, elle ne recevait pas beaucoup de visite. Molly parfois, mais jamais le matin. Aussi, elle fut étonnée que quelqu'un vienne chez elle. Elle se demanda un instant ce qu'elle ferait si c'était des journalistes.
Une seconde, elle songea à demander conseils à Remus. Souvent, la tentation de le contacter était forte. Mais Hermione y résistait tant bien que mal depuis sa discussion avec Ginny. Elle était suffisamment sage pour connaître les risques d'une trop grande utilisation. Ginny avait raison : elle ne mangeait et dormait pas assez. Il fallait qu'elle se reprenne en main pour que son bébé ait toutes ses chances.
Des coups furent de nouveau frappés à sa porte et Hermione se leva de son lit. Elle enfila un peignoir de chambre et s'approcha de la porte.
-Qui est-ce ?, demanda-t-elle.
-C'est moi, lui répondit la voix de Ron.
Deux envies traversèrent Hermione.
La première : ouvrir et frapper Ron. Laisser libre court à sa colère et dire au rouquin de ne jamais revenir.
La seconde : ouvrir et enlacer Ron. Pleurer contre son épaule et lui dire qu'elle était désolée d'avoir été si aveugle.
C'est pourquoi Hermione ouvrit la porte. Elle fixa Ron, frappa hargneusement son épaule et se jeta dans ses bras.
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Ron s'était finalement installé avec Hermione. C'était étrange de voir un autre homme que Remus chez eux mais son ami avait raison : elle s'approchait trop du terme pour rester seule sans courir de risque. Ron avait donc prit la chambre d'amis et veillait sur elle autant qu'il pouvait. Le fantôme de Remus avait grogné en apprenant la présence du rouquin. Pour ne pas provoquer une dispute, Hermione avait tut la proposition de Ron. Son ami avait émit l'idée de se faire passer pour le père de l'enfant. Il était prêt à l'épouser, à donner un nom à son fils. Le tout, sans la forcer à rien avait-il dit dans un rougissement. Mais Hermione avait refusé. Ethan saurait qui était son père. Il grandirait en connaissant son nom, en sachant quel héros son père avait été. Il apprendrait combien ses parents se sont aimés, combien ils étaient comblés de l'avoir eu.
Le bonheur n'était jamais simple.
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Ginny accoucha quelques jours après le retour de Ron. Toute la famille Weasley avait envahit Sainte-Mangouste. Harry influait force et courage à sa femme, impuissant face à sa douleur. C'était la deuxième fois que Ginny accouchait et il était aussi dérouté que la première fois. Il la voyait pousser et souffler dans un flou total. Il sortit à peine de sa transe quand le bébé fut enfin dans ses bras.
-C'est un garçon, murmura doucement une sage-femme.
Le rire du bonheur de Ginny envahit la pièce et, avec précaution, Harry s'approcha du lit de sa femme. Ensemble, ils regardèrent le bébé ouvrir ses petits yeux bleus et les regarder.
-Albus…, murmura Ginny.
-Je croyais que…, fit Harry surpris.
Mais Ginny posa un doigt sur sa bouche, attendrie.
-Notre fils s'appellera Albus. J'ai été idiote d'être contre cette idée.
-Et la prochaine s'appellera Lily ?, fit Harry avec humour.
-Ne sois pas bête…, répondit Ginny en souriant.
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-Ginny a accouché. C'est un garçon.
-Ils vont bien ?, s'inquiéta Hermione.
Déjà, la future maman essayait de se lever. Rapide, Ron mit une main devant elle pour l'empêcher de partir.
-Tu n'y penses pas ! Nous sommes un soir de pleine lune et tu es à deux mois du terme.
Vaincue et épuisée, Hermione se laissa tomber sur les oreillers. La gorge serrée, elle imagina Harry et Ginny, un deuxième petit garçon dans les bras.
-Il s'appelle Albus, continua Ron. Maman dit qu'elle n'a jamais vu de bébé aussi beau.
Hermione étouffa un rire.
-Ce n'est pas ce qu'elle avait dit pour Victoire ?
-Et pour James, et pour Dominique, et pour Louis. Et… En fait elle le dit à chaque fois.
Hermione caressa son gros ventre, un sourire attendrit aux lèvres. Ron se rapprocha d'elle et prit place sur le lit. Il prit sa main et lui fit un grand sourire.
-Elle dira ça aussi pour ton enfant.
-Ethan, dit Hermione.
-Ethan ?
-Il s'appellera Ethan.
Ron partit d'un grand éclat de rire.
-Et comment peux-tu savoir que c'est un garçon ?
Mutine, Hermione caressa son ventre en murmurant le prénom qu'elle chérissait tant. Ron ne pourrait pas comprendre.
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Harry, Ginny, James et Albus virent rendre visite à Hermione une semaine plus tard. La future maman devait limiter les efforts et était pratiquement clouée au lit. Voir la petite famille lui fit un bien fou et permit à Ron de s'aérer un peu sans crainte pour la future maman.
James parla à sa marraine de tout ce qu'il pouvait pendant qu'elle prenait Albus dans ses bras avec amour et admiration. Sans pouvoir s'en empêcher, elle se demanda à quel point Ethan serait proche des deux frères.
-Ma'aine ?, fit James sans être entendu.
Hermione regarda avec fascination Albus prendre son index et le serrer dans ses doigts. Elle eut presque envie de pleurer d'émotion.
-Hermione ?, appela Harry.
-Oui ?
Hermione cligna des yeux, un peu désorientée. Elle remarqua que James s'était éloigné, une moue fâchée au visage. Il détestait ne pas être écouté. Mais il lui pardonnerait vite.
-Nous voudrions que tu sois la marraine d'Albus, continua le Survivant.
Hermione releva la tête, perdue. Ginny et Harry lui souriaient, insouciants. La jeune femme prit une seconde pour bien choisir ses mots.
-Mais je suis déjà celle de James ! Ma grossesse est à risques Harry, je ne peux pas…
-Bien sûr que si tu peux !, s'exclama Ginny. Je ne veux pas d'autre marraine pour mon fils. Pour aucun de mes enfants.
-Ils perdraient au change, ria Harry.
-Luna pourrait…
-Luna n'est pas toi. S'il te plaît, Hermione.
Mais elle ne pouvait pas. Ce n'était même pas envisageable.
-Et si nous reparlions de ça après mon accouchement ?
Harry soupira, légèrement agacé. Il détestait quand sa meilleure amie était pessimiste.
-Tu ne vas pas mourir, Hermione.
-Chut !, disputa Hermione en regardant James qui boudait avec ses jouets.
Hermione fixa alors ses yeux dans ceux d'Harry.
-Le plus important, c'est qu'Ethan aille bien.
-Ethan ?, s'interrogea Ginny.
-La médecine moldu peut déterminer le sexe du bébé, rappela rapidement Harry à sa femme.
Les deux amis s'affrontèrent du regard quelques instants puis Harry soupira, vaincu.
-Ethan ira bien Hermione. Et je maintiens que tu ne vas pas mourir.
Hermione lui sourit et Harry fronça les sourcils, désarmé.
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Les journalistes avaient finalement appris la nouvelle. Hermione avait été étonnée que l'information n'ait pas fuité plus tôt, même si cela l'avait sacrément avantagé.
Depuis, elle avait reçu des tomes de courriers. Des messages encourageants ou félicitations de vieux amis, anciennes connaissances, noms sans visage… Il y avait eu des messages de dégoût et de haine également venant de parfaits inconnus. Des demandes d'interview des journalistes…
Dans tous les cas, les médias sorciers ne lui faisaient aucun cadeau. Ils tiraient mille et une théories, interrogeaient des « proches ». Hermione avait d'ailleurs été très étonnée de voir que, selon les journalistes, Drago Malefoy était un de ses « proches ». Elle en aurait ris si l'interview n'avait pas été si abjecte.
Elle avait peur pour son enfant. Peur de ce que la société lui ferait subir. Alors parfois, le soir quand elle s'endormait, elle demandait pardon à Ethan.
