Les premiers mois de cours passèrent à toute vitesse, l'automne fit place à l'hiver et les premières vacances arrivaient à grand pas. Drago savait qu'il resterait à Poudlard durant cette période, comme la plupart de ses amis, et il ne pouvait s'empêcher de se demander ce que ferait Hermione. La concernée ne savait pas elle-même ce qu'elle allait faire, Ginny rentrait au Terrier pour les fêtes et elle savait qu'elle devrait sans doute faire de même, ses deux meilleurs amis l'attendaient avec d'autant plus d'impatience qu'ils étaient sans nouvelles d'elle. Elle avait finit par répondre à leurs lettres en une seule missive plutôt courte dans laquelle elle leur expliquait aller bien, qu'elle était très prise par ses cours et qu'ils lui manquaient beaucoup. Évidemment, ça n'avait pas suffit aux deux garçons et Ginny servait maintenant de relais d'informations entre les membres du Trio d'Or.

Elle se sentait un peu mieux, principalement grâce à la présence de Drago dans sa vie. Ils étaient devenus de véritables amis, à présent ils se parlaient parfois dans la journée ou se retrouvaient à la bibliothèque pour travailler. La jeune femme s'était également rapprochée de ses colocataires de chambres et des autres Serpentard, et le blond s'entendait plutôt bien avec Ginny au final, même si elle échangeait davantage avec Blaise. Cette situation, au départ très étranges pour tous, était devenue presque normale, tout le monde semblait s'être habitué à ces nouvelles amitiés insolites et les maisons se mélangeaient avec beaucoup plus de facilité fait, pour les plus jeunes, les rivalités n'existeraient peut être jamais, en tout cas pas à cause des maisons. Mais Hermione savait très bien que ce qu'il se passait à Poudlard, ce qui était devenu normal pour elle et pour les autres élèves, ne le serait pas aux yeux de ses deux meilleurs amis, ils ne pourraient pas comprendre et elle était bien incapable de leur mentir.

-Hermione !

-Bonjour à toi aussi, Ginny, soupira la brune, sortant de ses pensées.

Elle était installée dans la Grande Salle, devant son petit-déjeuner. C'était un samedi matin, il était encore tôt, les élèves était déjà levé et commençaient à descendre pour manger. La rouquine s'assit en face d'elle en lui souriant.

-Il faut que je te parle.

-De ?

-De Blaise.

-Ah bon ?

-Je veux lui faire un cadeau de Noël, j'ai besoin d'aide.

-Un...Un cadeau, à Blaise? Pourquoi ?

-Bah, tu vas pas faire un cadeau à Drago ?

A vrai dire, elle n'avait pas encore pensé à ses cadeaux, dans la mesure où cette période ne l'emballait pas particulièrement.

-Je ne sais pas, je n'ai pas encore pensé à mes cadeaux.

-Oh.

Elle vit ce regard, le même que celui de Drago alors elle n'insista pas. Au cours des derniers mois, elle comme les autres de leurs proches avaient renoncés à les comprendre, ils avaient fait une guerre qu'eux n'avaient pas fait et ils ne pourraient jamais comprendre, mais ils avaient appris à savoir quand insister, quand laisser tomber, à reconnaître les regards que sa meilleur amie et le Serpentard échangeaient et ce que ça voulait dire.

-Bon, reprit la concernée, Blaise a pas l'air difficile, il semble aimer à peu près tout et surtout ce qui se mange ou qu'il ne connaît pas, donc tu as le choix.

Elle se leva, visiblement perturbée et quitta la Grande Salle avant que son amie ne puisse répondre quoi que ce soit. Elle grimpa les escaliers à toute vitesse jusqu'au septième étage. Elle avait besoin de voir Drago, tout de suite. Il pourrait comprendre, lui seul pourrait. Elle entra dans la salle commune mais ne vit aucune trace du blond. Elle monta au dortoir, espérant qu'une des filles saurait où elle pourrait le trouver mais le dortoir était désert.

Elle soupira, prit une seconde pour réfléchir et haussa les épaules. Tant pis, elle avait besoin de le voir, elle prit donc la direction du dortoir des garçons.

Dans celui-ci, un peu plus tôt, les trois Serpentards étaient réveillés par Pansy, Astoria et Daphné, surexcitée par les achats de Noel qu'ils avaient prévus de faire ensemble.

-Morgane, on se lève tôt chez les Gryffondor, fit remarquer Pansy en constatant que le dortoir avait déjà été déserté.

-Qu'est ce que vous foutez là? Grogna Blaise alors qu'Astoria s'asseyait sur son lit.

-Les cadeaux, le shopping, vous vous souvenez ?

-A 8h du matin ?

-Oui Théo, à 8h du matin ! Allez, debout !

Tant bien que mal, elles extirpèrent les trois garçons de leur lit et les envoyèrent se préparer à tour de rôle.

-Voilà, on est prêts, on peut aller déjeuner maintenant ? Demanda Théo.

-Dans une minute, d'abord je voudrais qu'on regarde à la liste.

Tous soupirèrent de concert. Chaque année, ou presque, Daphné leur imposait le même cirque. Elle établissait des listes précises de cadeaux, pour chacun d'entre eux, et s'assuraient que tout soit bien organisé, elle ne laissait aucune place à l'imprévu et personne n'osait la contrarier. Astoria et elle n'était plus qu'à deux, depuis déjà très longtemps, et elle tenait à ce que cette période soit la plus magique possible, pour qu'elles puissent – elles deux et leurs amis – oublier un peu leurs vies, le temps de quelques jours.

Au bout d'un quart d'heure de discussion et l'élaboration d'une ébauche de liste, la porte du dortoir s'ouvrit à la volée et Hermione apparu, le regard affolé. Elle ne s'attendait pas à tous les trouver là, de toute évidence et elle hésita une seconde, prête à faire demi-tour mais Drago bondit sur ses pieds et la regarda attentivement, lisant dans ses yeux ce qu'elle ne disait pas.

Ses amis observaient la discussion silencieuse qui se déroulaient devant eux, aucun n'osait dire un mot.

-Tu as besoin de quoi ? Demanda finalement le blond, au bout d'un moment.

-Oublier, souffla-t-elle.

-On va à Pré-au-lard, faire du shopping de Noël, viens avec nous, proposa alors Astoria.

Si elle apprécia la proposition de la jeune femme, elle sentit son esprit s'affoler encore un peu plus. L'idée de Noël la pétrifiait, aller faire du Shopping n'allait pas l'aider du tout, mais elle essaya de rien laisser paraître, elle sourit et s'apprêta à parler mais Drago la devança.

-Non, en fait vous allez allez sans moi, j'ai encore du travail. Hermione, tu restes avec moi ?

Elle le remercia du regard. Il avait compris, évidemment qu'il avait compris. Elle hocha la tête.

-Je te retrouve dans la salle commune, d'ici dix minutes ?

-D'accord.

Une fois sortie, il se tourna vers Daphné.

-Laisse tomber, vous allez sans moi, dit-il avant qu'elle n'ai eu le temps de protester.

-Mais...On fait notre shopping ensemble depuis...

-Je sais. Mais pas cette fois.

-Elle pourrait venir avec nous, ça ne nous dérange vraiment pas, intervint Pansy.

-C'est pas le problème.

-Alors c'est quoi le problème ? S'écria Daphné, en se relevant.

-Tu peux pas comprendre.

-Non, ça, on a tous bien compris qu'on ne pouvait pas comprendre mais en même temps tu n'essaies pas de nous expliquer !

-Daphné, souffla Théo.

-Non, c'est bon maintenant ! Ça fait des mois que ça dure, Drago, déjà avant la rentrée mais c'est pire depuis que tu traînes avec Granger, tu t'éloignes ! Noël c'est notre période, on se retrouve toujours à ce moment-là, mais encore une fois depuis qu'on est revenu à Poudlard, tu disparais.

-Et c'est ça ton plus grand problème ? Que je ne sois pas avec vous pour faire des courses de Noël ? Tu en as de la chance, claqua-t-il.

-Pardon ?

-Non parce que, soyons honnête, c'est léger comme problème, si la seule chose qui t'empêche de dormir la nuit, c'est que ce Noel à la con ne soit pas aussi parfait que tu le voudrais. Est-ce que tu as conscience d'à quel point c'est insignifiant ?

-Pour moi, ça ne l'est pas.

-Eh, stop maintenant, intervint Astoria en regardant sa soeur

-Pourquoi ? Parce qu'on ne peut pas perturber Drago ? Parce qu'on marche sur des oeufs avec lui depuis des mois ?

Puis se tournant vers le concerné, elle continua :

-Tu l'avais seulement remarqué, à quel point on fait attention avec toi ? On fait tout ce qu'on peut pour ne pas te contrarier, pour ne pas te rappeler de mauvais souvenirs, pour comprendre et ne pas insister quand tu ne veux pas, ne pas te forcer à parler mais au fond, pourquoi on le fait ? Quand on sait qu'à la premier et seule chose importante pour nous, tu nous laisses tomber !

-Je ne vous ai rien demandé, s'énerva-t-il, je n'ai rien demandé à personne, je ne vous force pas à faire attention mais clairement, non, vous ne pouvez pas comprendre, aucun de vous ne peut !

-Essaie de nous expliquer, peut être, dit Blaise.

-Laisse tomber Blaise, il ne veut pas nous parler, attaqua Daphné, il veut jouer les victimes.

-Daphné ! S'écria Pansy.

-Tu vas trop loin là.

-Pourquoi ? Regardez-le, il n'est plus là notre Prince des Serpentard, juste l'ombre de ce qu'il était.

Les mots à peine prononcés, tous comprirent que ça allait exploser. Les yeux de Drago s'assombrirent et il s'approcha de la blonde, menaçant.

-Tu sais quoi, toi, de ce que c'est d'être l'ombre de soi-même ? Siffla-t-il, glacial. Qui es-tu pour me parler comme ça, pour me dire ce que je suis ou non ?

-Drago, calmes-toi.

-Sinon quoi, Blaise ? Vous êtes là, à me regarder comme un animal blessé qu'on tente d'apprivoiser, vous prenez des gants et vous prétendez que si vous ne comprenez pas, c'est parce que je ne vous dis pas les choses. Mais la vérité, c'est que même en vous les expliquant vous ne pouvez pas les comprendre.

-Pourquoi pas ?

-Vous n'étiez pas là-bas, cria-t-il, vous n'avez pas entendu les cris des gens torturés, vous n'avez pas vu les gens mourir, vous n'avez pas longé les murs de votre propre maison pour ne pas croiser la mauvaise personne, vous n'avez pas répandu votre sang dans votre salon, vous n'avez pas rampé jusqu'à votre chambre, vous n'avez aucune cicatrice !

Ils étaient pétrifiés, ses amis le regardaient, glacé d'effroi par ce qu'il leur disaient. Il était injuste, ce n'était pas de leur faute mais il était furieux, en rage, et il avait l'impression de ne pas pouvoir s'arrêter, le barrage avait cédé.

-Vous n'avez pas risqué votre vie tous les jours, vous n'avez pas de cauchemars avant de vous endormir, vous n'avez pas peur de dormir ! Vous n'avez pas vu une innocente se faire torturer par votre tante, en restant là, incapable d'intervenir.

-Tu n'aurais rien pu faire, intervint alors une voix derrière lui. Il ferma les yeux, douloureusement.

-Désolée, ça faisait un moment que j'attendais en bas, je voulais être sûre que tout allait bien, ajouta Hermione en rentrant dans la pièce. Il hocha la tête, bien qu'elle ne puisse voir que sa nuque, tout à coup incapable de dire un mot. Il ne pouvait pas non plus la regarder, ni ses amis, il ne voulait plus voir personne. Il alla s'asseoir sur son lit, en restant dos tout le monde.

La Gryffondor se tourna vers le reste des Serpentards.

-La fille torturée, c'était moi, commença-t-elle doucement alors qu'ils écarquillaient les yeux. Nous étions pris au piège, Harry et Ron était enfermé et Bellatrix voulait que je lui donne des informations. Elle m'a torturée et elle a gravé ça dans mon bras.

Elle leur montra sa cicatrice, le mot «Sang-de-bourbe» toujours bien visible.

-Elle voulait aussi que Drago lui confirme que c'était bien Harry. Je lui avais déformé le visage pour qu'on ne le reconnaisse pas quand on nous avait capturé et elle voulait être sur avant d'appeler Voldemort. Si Drago lui avait dit la vérité, on serait mort ce jour-là, mais il ne l'a pas fait.

Elle regarda le dos du blond, elle savait qu'il écoutait.

-Tu nous as sauvés la vie ce jour-là, et tu n'aurais rien pu faire pour moi. Tu serais juste mort, Drago, tu n'avais pas de choix à faire.

Pour toute réponse, il se redressa.

-S'il ne vous parle pas, ajouta-t-elle à l'intention des Serpentards, c'est pour vous protéger de la noirceur. Vous ne pouvez rien faire pour lui, mes amis ne peuvent rien faire pour moi, parce que ce qu'on a vu et vécu, on est les seuls et vous en parlez ne fait que rendre tout ça plus réel, plus imposant et vous êtes impuissants face à ça, alors pourquoi en parler ? Ca n'aidera personne à avancer.

-Je suis désolée, Drago, finit par dire Daphné, après une minute de silence.

-C'est rien, répondit-il.

Hermione s'avança jusqu'à lui et s'agenouilla face à lui.

-Tu devrais aller avec eux, sourit-elle, et je devrais aller au Terrier pour les vacances.

-Mais...

-Ce sont tes amis, ils ont besoin de toi et toi d'eux, laisse leur une chance.

-Et tu vas faire pareil ?

-Je vais essayer, en tout cas.

-D'accord. Tu veux venir avec nous ?

-Non, mais c'est gentil.

-On se voit au soir ?

-Oui.