Une semaine de plus s'est écoulée après cette nuit passée ensembles. Une semaine qui me rapproche un peu plus de la mort. Une mort inéluctable et pourtant, j'ai envie à nouveau d'espérer. Je sais cependant que cet espoir est vain. Je m'y suis longtemps préparée, j'ai du moins cru le faire mais chaque jour qui passe alimente la peur que je ressens, celle de seulement disparaître en ne laissant que blessures derrière moi. Et le temps de cicatrisation, par tous les Saints, il sera long.
J'ai donné rendez-vous à Edelgard ce soir même, elle s'est dans un premier temps étonnée de me voir la convier presque trop solennellement. J'ai juste envie de faire les choses bien, pour une fois mais comme elle le dit si bien : cela ne me ressemble pas. Je me demande quel genre de femme je serais devenue si la maladie ne m'avait pas mangé tout un pan de ma vie ainsi que l'avenir que je n'aurai jamais. Peut-être que, je serais comme je suis. Parfois trop brute, un peu jalouse mais intensément amoureuse. Une chose est sure, ma garde robe serait toujours aussi diversifiée, c'est à dire aucunement, et mon allure toujours aussi négligée comme Edeglard s'amuse parfois à le dire. C'est du moins ainsi qu'elle qualifie ma coupe de cheveux grossière et désordonnée. Moi et les apparences, il faut dire qu'on est pas bonnes copines. Je n'ai jamais vu l'intérêt d'y porter plus d'attention que cela. Ce n'est pas pour rien qu'elle me prenait pour un garçon...
J'enfile un t-shirt bleu nuit et un pantalon noir, comme j'en ai l'habitude, après avoir préparé la table du salon. Ca doit bien faire dix fois que je me demande si tout cela n'est pas un peu trop ridicule. C'est la première fois que je suis si stressée de la voir, il faut dire qu'après cette nuit passée ensembles... les occasions ont été rares. Elle passe des examens en ce moment, et après avoir pris une année entière pour rester avec moi, je n'avais pas envie qu'elle risque son avenir un peu plus pour une femme déjà morte.
Un sms m'indique qu'elle est en bas, j'allume les quelques bougies éparpillées ça et là, verse le vin dans les verres à pieds que j'ai été achetés pour l'occasion. Ils ne serviront certainement que ce soir. Quand je pense que je me moquais des personnes trop fleur-bleues, et me voila à faire pire, à essayer d'arranger ma coupe de cheveux à la dernière minute, et à me dire que ma tenue n'est vraiment pas adéquate. J'entends la porte s'ouvrir, il est trop tard maintenant.
Lorqu'elle traverse le couloir et dépose ses affaires dans l'entrée, j'ai l'impression que mon cœur bat en trombes. Ses lèvres s'ouvrent quand elle me voit mais se referment aussitôt qu'elle aperçoit toute ma petite mise en scène. Jamais je n'ai eu aussi honte de ma vie.
—Je sais, c'est ridicule.
—Non, elle rétorque probablement pour me rassurer. En fait, c'est assez touchant. Surprenant, elle se moque sans détours, mais touchant.
Mes bras prennent la position défensive qu'Edelgard prend elle même lorsqu'elle se sent acculée, et mon visage une expression faussement contrariée. Cependant, quand elle me rejoint et que j'admire ses yeux de près, c'est tout mon corps qui se détend et qui agit tout seul. Mes doigts caressent sa joue, et je dépose un baiser sur ses lèvres, peu sûre de moi. Elle le voit, le sent, hausse un sourcils et soupire avant d'approcher à son tour. La pointe de sa langue caresse mes lèvres et m'émoustille quelques secondes pendant lesquelles mes pensées ne sont certainement plus très chastes mais je me fais violence pour garder mon sang-froid puisque la voilà qui s'installe sur le canapé, ne sachant où poser les yeux.
—Tu n'aurais pas quelque chose à m'avouer, Byleth ? m'interroge la blanche en déposant ses couverts une fois son assiette finie.
Elle se tourne ensuite vers moi et ses cheveux semblent danser comme les flocons de l'hiver devant mes yeux éberlués et puis, mes lèvres esquissent un sourire.
—Je suis coupable je le reconnais, je lâche en me grattant la tête.
Edelgard est loin d'être dupe et surtout, elle sait que je suis une catastrophe en cuisine. Elle n'est d'ailleurs pas vraiment plus douée, bien au contraire.
—J'aurais aimé savoir faire tout ça, je souffle à demi-mot, mais je voulais que tout soit parfait alors...
—Ca l'est, elle me coupe et murmure en posant son index sur ma bouche afin que celle-ci reste close.
Son doigt s'échappe et la seconde qui suit ses lèvres remplacent sa présence. Son parfum emplit mes poumons et les brûle tout comme ses mains sur ma peau. Mes doigts se perdent dans sa chevelure albâtre avant de se resserrer derrière sa nuque pour appuyer ce baiser. Je dois cependant y mettre fin très rapidement.
—J'ai quelque chose pour toi, El.
Je disparais dans la cuisine quelques minutes avant de revenir avec une assiette recouverte de petits beignets perlés de sucre dans les mains.
—Ils ne sont pas tous très jolis, je souffle devant le résultat de cette toute première expérience pour moi. Et aucun ne se ressemble, j'ajoute en grimaçant sur les pâtisseries qui me narguent de par leur difformité. J'imagine cependant qu'ils sont mangeables.
Edelgard se lève pour prendre l'assiette et la déposer sur la table. Si elle est touchée par un dîner et quelques beignets horribles, alors j'imagine aisément la suite. Pour quelqu'un capable de parfaitement masquer ses émotions, elle m'offre son lot ce soir, et ce n'est pas pour me déplaire. J'ai l'impression de la découvrir, ou du moins, de la redécouvrir comme elle était avant tout ça.
—Et... je bégaye maladroitement, ce n'est pas tout.
J'attrape le contenu de la poche arrière de mon jean qui a failli fusionner avec mes fesses au point de m'être tortillée sur le sofa tout le long du repas. Ma main s'ouvre devant les deux billes parme qui ne décrochent pas du petit bout de plastique rosé.
—Tu te souviens de ça ? je poursuis en sortant le contenu de ma seconde poche pour le lui présenter, les joues plus vives que sa chemise vermeille. Je ne pensais pas faire cela un jour, et ce n'est pas non plus ce que tu crois que c'est, enfin...
Je me gratte très nerveusement la tête faisant disparaître un instant le petit anneau argenté habillé d'améthystes que garde assurément ma paume.
—Te demander en mariage et faire de toi une veuve est quelque chose que je me refuse de faire... j'articule faiblement devant son regard perlé qui m'écrase tant je la trouve belle. Mais... je reprends en retrouvant confiance en moi, je te promets de t'aimer jusqu'à mon dernier souffle.
Jusqu'à ce que la mort nous sépare, et bien après encore.
