Chapitre 6

Dans la Salle de Commandement, le Capitaine était assis dans son fauteuil et semblais las. Ils étaient en route vers un système solaire potentiel à quelques jours de là, mais le cœur n'y était plus. Tout le monde avait le moral au plus bas, et tous faisaient leurs tâches d'une monotonie accablante. Brad avait décidé d'aller en regénérescence, et Pétrolia se tenait toujours enfermée dans la Salle des Machines, travaillant sur un quelconque projet pour s'occuper l'esprit. Valence avait tenté en vain de l'approcher, mais la jeune technicienne refusait de parler de tout ce qui concernait Flavien. Bob n'avait plus d'appétit et restait pendant des heures au volant du vaisseau, fixant le vide interstellaire.

Charles regarda autours de lui. La Salle de Commandement semblait bien vide sans la présence de l'opérateur radar. Il semblait y avoir un vide, un manque…

Charles se leva et prit place à côté du radar. Il glissa ses doigts sur la console, et un petit sourire s'afficha sur ses lèvres lorsqu'il pensa à tout ce qui s'était passé à cet endroit, à toutes les fois que Flavien l'avait interpellé de cet endroit…

Son sourire s'effaça rapidement. Flavien n'était plus là, il ne le serait plus jamais.

Un clignotant attira son attention et il se rendit bientôt compte de sa fonction. Il appuya sur une touche et un crachottis d'interférences se fit entendre :

-Mayday!...Mayday!…m…vaiss…s'écraser!...Demande…immédiate!...épète… aide…immédiate!...coordonnées…586…789…244…

Un signal de détresse! Charles se mit en alerte immédiatement.

-Bob! Changez de trajectoires! Coordonnées 586, 789, 244

-Bien Capitaine, Répondit le pilote.

Il freina rapidement et tourna le volant plusieurs fois.

-On sera là dans pas trop longtemps Capitaine, une dizaine de minutes.

-Espérons qu'il ne sera pas trop tard, Murmura Charles.

Les Jeïlaes jetèrent Flavien brutalement sur le sol d'une cellule sombre et s'en allèrent en refermant la porte à clé. Le jeune homme s'assit et regarda autour de lui. Il se trouvait dans une petite pièce presque complètement plongée dans l'obscurité. Les murs étaient faits de pierre et le sol n'était que de la terre battue. Il aperçut dans un coin les installations sanitaires, et de l'autre, il distingua un lit superposé. Lorsque ses yeux se furent adaptés à la lumière, il distingua une forme sur le lit du haut, qui le regardait silencieusement, et il recula par instinct.

-Qui êtes-vous? Demanda la figure dans la pénombre.

-J..J'm'appelle Flavien.

-Je me nomme Wufjn.

Flavien se mit debout. Il n'y avait aucune hostilité dans la voix de sont nouveau compagnon de cellule. Peut-être était-il sympathique.

-Je peux me tromper, Continua Wufjn en descendant de son lit, mais vous ne sembler pas Meilien…

-Non, effectivement…

Flavien s'approcha de l'étranger et distingua pour la première fois ses traits. Mis à part qu'il était plus ou moins humanoïde, il ne ressemblait en rien aux autres créatures intelligentes qu'il avait déjà rencontrées. Il était recouvert de poils, ras mais souples, son visage était formé d'un genre de museau plat d'où sortaient de longues canines et ses grandes oreilles étroites, percées de trois anneaux de métal, se dressaient sur sa tête poilue Ses mains ressemblaient à des pattes munies d'énormes griffes noires. Son corps était très musclé et il portait un pagne en cuire ainsi qu'une grosse bande métallique autour du bras gauche. Juché sur ses longues pattes arrière, il semblait pourtant à l'aise à se tenir debout, quoique son dos dessine une arche plutôt recourbée vers l'avant. Une longue queue touffue traînait par terre, comme un contrepoids à sa carrure incurvée.

Si Flavien n'avait pas su mieux, il aurait pu le confondre avec l'image mythique que les Terriens avaient des loups-garous.

-Vous n'êtes pas Meilien non plus, Affirma Flavien tout en gardant ses distances. Ce n'était pas qu'il voulait juger son compagnon de cellule par son apparence, mais ses crocs acérés lui fichaient la trouille.

-Je suis un Eelyrch, Répondit Wufjn. J'étais de passage dans ce système quand les moteurs de mon vaisseau ont lâché. Je me suis écrasé sur cette planète et j'ai été fait prisonnier des Jeïlaes…Il y a déjà deux ans de cela…

-Deux ans… Murmura Flavien. Si Wufjn n'avait pas réussi à s'échapper en deux ans avec son physique imposant, Flavien se demanda comment lui allait réussir à y arriver.

-Les Meiliens présentent une peur maladive des étrangers. Ils semblent persuadés que nous sommes hostiles et que nous possédons des renseignements secrets concernant le clan ennemi. Les Jeïlaes m'ont torturé pendant des mois avant de d'accepter que je ne possédait aucune information valable pour eux.

Flavien frissonna. Pas seulement à cause du froid qui régnait dans la pièce, mais aussi car ce serait peut-être à son tour de subir le même traitement que Wufjn.

-Je faisais partie d'un voyage d'exploration, Raconta Flavien à son tour, Nous étions descendus sur cette planète quand il y a eu bombardement. J'ai reçu un morceau de métal…

Flavien raconta tout ce qui s'était passé, le départ du Capitaine, sa rencontre avec Laëllia, la tentative de communication, la mort de la jeune fille, sa capture par les Jaëlaes.

-Mon vaisseau est probablement déjà loin maintenant, Murmura Flavien, Et je n'ai plus aucun moyen de les rejoindre.

Il alla s'asseoir lentement sur le lit du bas, et fixa ses mains tristement. Wufjn le regarda un instant de ses grands yeux noirs.

-Nous trouverons un moyen de sortir d'ici, Dit le Eelyrch avec une certaine détermination dans sa voix. Il monta dans son lit et Flavien sentit le meuble trembler sous le poids imposant de son compagnon qui venait de s'y coucher.

-Vous devriez vous reposer, Recommanda Wufjn, Ça vous fera du bien.

Flavien considéra ce conseil un instant, puis se dit que de toutes façons, il n'avait rien de mieux à faire pour l'instant. Il s'étendit sur le matelas qui lui sembla fait de quelque sorte de paille, et posa la tête sur le vieil oreiller usé. Il n'y avait qu'une seule couverture, une espèce de toile coupée à la hâte, et Flavien s'enroula dedans du mieux qu'il put.

Il faisait très froid dans la cellule, et Flavien tremblait comme une feuille. Il avait de la difficulté à se réchauffer sous cette couverture de fortune. Il se frotta les bras, puisse roula en boule pour essayer de conserver sa chaleur. Il s'imagina auprès de Pétrolia, partageant leur chaleur. Il imagina ses cheveux sur son cou, ses mains autours de lui, sa peau lisse et son odeur lui donnant un sentiment de sûreté. Comme elle lui manquait! Il avait l'impression d'avoir perdu une partie de lui, que quelque chose manquait à sa survivance, son existence.

Il ferma doucement les yeux, tentant d'oublier tout ce qu'il avait perdu, et sombrer lentement dans un monde ou la douleur pouvait être atténuée pendant l'espace de quelques heures.

Au matin, ou du moins ce qui semblait être le matin dans cette cellule plongée dans l'obscurité, Flavien se fit réveiller par le bruit du verrou de la porte. Deux Jaëlaes firent irruption dans la pièce et tirèrent le jeune homme de son lit. Wufjn se redressa aussitôt en un grondement agressif, mais les lances électriques des gardes le firent immédiatement renoncer à essayer de résister. Les Jaëlaes emmenèrent brutalement Flavien hors de la cellule et Wufjn fut forcé à les regarder partir. Il contempla la porte se refermer derrière eux, impuissant.