Bonsoir jolies fleurs ! J'espère que vous allez pouvoir profiter du week-end de 3 jours qui se profile. Nous arrivons dans une deuxième phase de l'histoire, les chapitres sont (je crois) plus longs et la dynamique évolue... J'espère que ça va vous plaire ! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, j'adore lire vos messages et c'est mon seul salaire ;)
Situation : quelques temps après le chapitre précédent
PS : désolée pour les fautes, enjoy ! :)
Cheryl adorait conduire une fois la nuit tombée. Elle profitait de l'obscurité pour observer une autre facette de la vie. Pour laisser ses pensées vagabonder et s'imaginer des scénarios fantastiques. Dans le noir, tout était possible. Elle ne conduisait plus dans le Riverdale morne qu'elle arpentait le jour levé. Elle se retrouvait dans un Riverdale plus mystérieux, dans une ville vulnérable et pleine de secrets, d'interdits, de possibilités infinies.
Elle qui n'avait pas la chance de pouvoir toujours tout entendre, elle chérissait l'opportunité qui lui était offerte de percevoir les bruits de la nuit. Plus feutrés, plus délicats, plus surprenants.
Elle roulait doucement sur la route qui menait de Pop's à Thornhill. Comme à chaque fois qu'elle revenait d'un repas au diner avec Betty, elle aimait prendre son temps et laisser le moment distiller sa magie et sa douceur quelques minutes supplémentaires. Elle retardait le retour, pour être seule, dans sa voiture, avec son monde intérieur. Elle profitait du trajet pour organiser ses souvenirs, pour ancrer dans sa mémoire les discussions précieuses qu'elle avait échangées avec la blonde.
Elle remarqua une forme, au loin, au bord de la route, et ralentit presque inconsciemment. Elle s'avança sur son siège et plissa les yeux pour tenter de deviner ce qui se trouvait là. Elle repéra en premier le rose des cheveux, puis la veste en cuir. Enfin, un sac à dos et le corps recroquevillé de Toni Topaz, posé à même le sol.
Elle immobilisa sa voiture au milieu de la route, complètement abasourdie par la vision incongrue qui se présentait face à elle.
Elle baissa sa fenêtre sans réfléchir et interpella sa camarade d'une voix incertaine.
Toni releva prestement son visage vers Cheryl et cette dernière aperçut alors ses joues baignées de larmes, ses lèvres tordues en une grimace déplaisante, la tristesse et la colère qui irradiaient de son visage délicat.
La rousse lut la surprise, ainsi qu'une pointe de honte, dans le regard de la jeune Topaz. Toni sembla prendre conscience de la présence de Cheryl et de ce que cela impliquait – qu'elle l'observait. Elle passa ses doigts sous ses yeux et tourna la tête à droite puis à gauche pour voir si quelqu'un arrivait.
-Qu'est-ce que tu fais là ? Tu… tu vas bien ? Lui demanda la rousse, mais ses questions manquaient d'assurance.
Cheryl ne comprit pas d'où le sentiment montait, mais elle s'inquiéta immédiatement pour sa camarade. D'accord, elles n'étaient pas amies et elles n'interagissaient pratiquement jamais. Le peu de fois où Toni lui avait adressé la parole, Cheryl avait fini incroyablement mal à l'aise. Mais cela n'avait étrangement pas été désagréable, et ce n'était certainement pas une raison pour ne pas s'intéresser à la situation visiblement hasardeuse dans laquelle se trouvait Toni.
La jeune Topaz resta silencieuse un long moment et Cheryl sentit l'atmosphère autour d'elles se tendre. La fille aux cheveux roses était loin d'elle, toujours assise par terre alors que la rousse se tenait derrière le volant de sa voiture, mais elle dégageait une telle détresse que Cheryl ne pouvait l'ignorer.
-Mêle-toi de tes affaires, Cheryl. Répondit-elle finalement en refusant de croiser son regard.
La rousse fronça les sourcils. Ce n'était pas vraiment la réponse à laquelle elle s'était attendue. Et, malgré la façade coriace que Toni mettait toujours en avant, Cheryl sentit à quel point la fille aux cheveux roses était brisée et désemparée.
Cette certitude la rendit plus courageuse et elle s'enhardit. Elle coupa le contact et croisa les bras sur sa poitrine.
-Je ne bougerai pas d'ici tant que tu ne m'auras pas dit ce qui t'arrive. Répliqua-t-elle, intrépide.
Cheryl pouvait se montrer obstinée quand elle l'avait décidé et, à cet instant, elle l'avait décidé. Elle ne lâcherait pas l'affaire car il était hors de question qu'elle laisse Toni seule dans la nuit noire et terrifiante. Elles ne partageaient rien – à part leur paillasse de chimie – mais cela n'empêchait pas Cheryl de tenir suffisamment à Toni pour vouloir lui venir en aide.
La jeune Topaz la scruta, avec cette intensité dérangeante dont elle avait le secret, et Cheryl ne se déroba pas sous l'ardeur de son regard. Elle entendit Toni soupirer. La fille aux cheveux roses baissa les yeux vers ses pieds, mais Cheryl eut le temps de voir des larmes briller dans ses prunelles.
-Je n'ai pas envie d'en parler… Avoua-t-elle à voix basse.
Son ton brisa sans bruit le cœur de Cheryl. Elle semblait éreintée et paraissait encore plus petite qu'à l'accoutumée, recroquevillée par terre. Sa figure frêle et minuscule tremblotait, mais Cheryl ne savait pas si c'était à cause du froid ou des sanglots qui la parcouraient.
-D'accord… Laisse-moi au moins te ramener chez toi. Proposa gentiment la rousse.
Toni secoua la tête, refusant toujours de regarder sa camarade.
-Non… je-je ne peux pas rentrer. Murmura-t-elle et Cheryl comprit enfin pourquoi elle se tenait là où elle était, à plus de vingt-deux heures, un soir de semaine.
Toni n'était pas en sécurité chez elle. C'était la seule certitude que la rousse avait pour le moment et elle l'accueillit à bras ouverts. Elle ne réfléchit pas plus longuement avant de proposer son aide à la fille aux cheveux roses, car c'était qui elle était. Une jeune femme altruiste, avec un cœur en or et de la générosité plein les poches.
-Alors viens dormir chez moi. Annonça-t-elle simplement, comme si c'était une évidence.
Le ton de sa voix ne laissait pas vraiment place à la discussion et Toni releva enfin son visage vers elle. Cheryl put lire l'étonnement et le scepticisme sur ses traits fins. Sa camarade ne lui faisait pas confiance et ce n'était pas surprenant. Elles n'étaient pas proches, alors la proposition de Cheryl sortait de nulle part.
-Ecoute, je ne veux pas que tu restes ici toute seule. Tu seras au chaud chez moi et… ça me rassurerait de savoir que tu es en sécurité dans ma maison, plutôt qu'en train d'errer dans la nuit. Se justifia-t-elle.
Sa franchise surprit Toni. Elle ne s'attendait pas à ce que Cheryl lui tende la main alors qu'elle s'amusait à la taquiner dès qu'elle en avait l'occasion.
La fille aux cheveux roses soupira, exténuée. Elle n'avait ni la force ni l'énergie de refuser l'aide de la rousse qui avait d'ailleurs l'air bien trop déterminé pour que Toni ne tente de lutter. Et, même si elle n'oserait pas l'avouer, elle mourrait d'envie de se retrouver dans la chaleur réconfortante d'une maison, loin des rues froides ou du mobil-home sinistre qu'elle avait fui en vitesse.
Elle se leva et ne se donna pas vraiment le temps de la réflexion. Elle laissa tomber sa fierté pour montrer sa vulnérabilité et s'avança vers la voiture de Cheryl.
-Très bien. Annonça-t-elle simplement en déverrouillant la portière côté passager.
La rousse ouvrit de grands yeux, étonnée de voir que Toni acceptait son offre sans rechigner. Elle secoua la tête pour s'éclaircir les idées et se ressaisir.
-Oh ! Euh… parfait, allons-y dans ce cas ! Répondit-elle avant de démarrer.
La jeune Topaz boucla sa ceinture en silence alors que Cheryl allumait ses phares. La rousse jeta un coup d'œil rapide en direction de sa passagère. Une vague de morosité s'échappait de son corps légèrement vouté et une profonde mélancolie émanait de sa figure angélique.
Mais Cheryl ne dit rien et les conduisit sans bruit jusqu'à Thornhill. Elles attendirent que les grilles du portail s'ouvrent et Toni fronça les sourcils.
-Tes parents ne vont pas être… je ne sais pas, fâchés, que tu ramènes une inconnue chez toi en pleine nuit ? La questionna-t-elle, intriguée.
Cheryl haussa les épaules, visiblement blasée, et pénétra dans la propriété.
-Je ne les ai pas vus depuis trois jours, donc je doute qu'on les croise ce soir. Et, si c'est le cas, ils ne s'attarderont pas sur ta présence. Enfin, ne le prends pas personnellement, ils sont comme ça, c'est tout. Ajouta-t-elle pour que Toni ne se sente pas vexée ou offensée par le manque d'intérêt que les Blossom lui porteraient sans aucun doute en la voyant.
Toni ne sut comment réagir à l'aveu de Cheryl. Qu'est-ce que cela signifiait ? Elle vivait avec ses parents et ils ne s'étaient pas croisés une seule fois en trois jours ?
Cheryl gara sa voiture dans le spacieux garage et quitta son véhicule. Toni fit de même, encore interloquée par la confession de la rousse. Mais elle reprit son habituelle expression d'indifférence avant de suivre sa camarade hors du bâtiment.
Elles marchèrent en silence jusqu'à l'imposante demeure et Toni sentit ses yeux s'écarquiller et sa bouche s'entrouvrir. Elle n'avait jamais eu l'opportunité de se retrouver face à une résidence aussi luxueuse et elle était réellement impressionnée.
Quand elles pénétrèrent dans le hall, elle ne put empêcher son souffle de se bloquer dans sa gorge à la vue de l'immense escalier en bois verni qui se tenait face à elle. Elle s'arrêta inconsciemment pour contempler la pièce autour d'elles, des étoiles dans les yeux. Elle aurait menti si elle avait dit qu'elle n'était pas intimidée par les lieux.
Cheryl remarqua le changement dans le comportement de Toni et lui offrit un sourire rassurant.
-Tu vois, on est quand même mieux ici qu'au bord de la route ! S'amusa-t-elle.
Toni porta son regard sur la rousse et vit toute sa bienveillance briller sur son visage de poupée. Elle laissa ses prunelles s'attarder sur ses pommettes rosées, ses lèvres voluptueuses, ses longs cils et son teint de porcelaine.
Elle reporta son attention sur l'entrée, car ses boucles de feu et sa bouche charnue commençaient à lui faire tourner la tête.
-Vous devez avoir une sacrée fortune ! Plaisanta-t-elle pour retrouver un minimum de contenance.
Cheryl se mit à rougir et balaya sa remarque d'un geste de la main.
-C'est le sirop d'érable, nous n'y sommes pas pour grand-chose. Tenta-t-elle de se défendre modestement.
Elle se dirigea vers l'escalier pour essayer de changer de sujet de conversation et Toni sentit alors que parler argent semblait la mettre mal à l'aise. Elle décida de laisser tomber et suivit simplement la rousse à l'étage.
-Il y a une chambre d'amis à côté de la mienne, si tu veux ton espace. Lui proposa Cheryl qui marchait devant elle.
La fille aux cheveux roses observa sa silhouette ondulante et une impression de déjà-vu prit le dessus. La vision de Cheryl, en maillot de bain rouge, se superposa à celle de la rousse qui avançait à pas légers dans le couloir. Son esprit s'embruma un instant et elle sentit une vague d'émotions s'abattre sur son âme fatiguée. Mais elle était trop épuisée pour tenter de les démêler et, en toute honnêteté, elle n'en avait aucune envie car elle avait peur de ce qu'elle allait découvrir si elle commençait à creuser.
-Ne t'embête pas, je ne suis pas une invitée d'exception. Je peux partager ta chambre, si ça ne te dérange pas bien sûr. Ajouta-t-elle, de peur de paraître impolie.
Elle ne voulait pas s'imposer, elle était ici en territoire inconnu et elle ne savait pas vraiment quelles étaient les règles et les limites à ne pas dépasser.
Cheryl s'arrêta devant une porte et se tourna vers Toni. Son visage était indéchiffrable et son expression hautement mystérieuse.
La jeune Topaz avala difficilement sa salive face à Cheryl qui la scrutait avec intérêt, son regard intense et pénétrant, comme si elle cherchait à la déchiffrer et à découvrir quelle énigme elle représentait.
Mais, comme il était venu, son air inaccessible et obscur laissa place à un sourire plein de sympathie et de bonté.
-Comme tu veux ! Répondit-elle d'un ton chantant en déverrouillant la porte.
Toni pénétra dans la pièce à la suite de Cheryl et observa avec curiosité les lieux.
Contrairement à l'ensemble du manoir qui était austère et inhospitalier, la chambre de la rousse dégageait une atmosphère reposante et accueillante. Les murs d'un bleu très pâle étaient décorés de nuages blancs. Les rideaux rose pastel apportaient une touche de couleur bienvenue. Le luminaire éclairait la chambre d'un halo chaleureux et Toni se mit à sourire dans le vide. La pièce ressemblait tant à Cheryl que c'en était touchant.
-Des couleurs pastel… ça ne me surprend pas. Avoua Toni à voix basse.
Sa réflexion attira l'attention de la rousse qui la fixa, intriguée, les sourcils froncés.
-Pourquoi ? Lui demanda-t-elle, désireuse d'entendre sa justification.
Toni haussa les épaules, son regard se posant affectueusement sur les meubles blancs, les coussins violet pastel, le baldaquin et ses voilages rose pâle. La palette de couleur n'était pas très variée mais s'accordait parfaitement et correspondait tout à fait à la personnalité de Cheryl.
-C'est ce que tu portes la plupart du temps et c'est doux… tout à fait toi, quoi. Expliqua Toni, son sourire dansant encore sur ses lèvres.
La rousse sentit le rose lui monter lentement aux joues et replaça une mèche de cheveux vagabonde derrière son oreille. Elle fixa Toni avec amusement et la considéra en silence un instant. La jeune Topaz, d'habitude si laconique et impénétrable, laissait voir aux yeux gourmands de Cheryl l'intérêt qu'elle lui portait. Un intérêt suffisant pour avoir remarqué qu'elle s'habillait souvent dans les mêmes tons. Et cette simple constatation était très inattendue. La rousse venait tout juste de découvrir à quel point Toni faisait attention à elle. Mais peut-être parce que la fille aux cheveux roses ne le savait pas elle-même, ou parce qu'elle désirait que cela reste secret.
-Tu trouves que je suis douce ? L'interrogea Cheryl, ébahie.
Toni tourna la tête vers elle et, comme celles de la rousse quelques secondes auparavant, ses joues s'empourprèrent. Elle se mordilla les lèvres et laissa son regard glisser sur le parquet en bois clair.
-Oui, enfin… euh… tu es bienveillante et calme et… douce quoi ! S'emporta-t-elle en souriant, légèrement agacée car les mots lui faisaient défaut et la laissaient tomber.
Elle avait du mal à se justifier, ce qui amusa beaucoup Cheryl. La rousse rit discrètement face à l'embarras de sa camarade et se dirigea vers la porte de son dressing, pour changer de sujet et éviter de mettre Toni encore plus mal à l'aise en la taquinant ou en la confrontant gentiment.
-Je peux te prêter un pyjama si tu as besoin. Je me doute que tu n'as pas le sac de Mary Poppins et que… tu auras peut-être besoin de m'en emprunter un ? Avança Cheryl, désireuse de ne pas froisser Toni si elle avait tort.
La fille aux cheveux roses fut soulagée de voir que la rousse n'insistait pas à propos de cette douceur qui lui avait échappé, et elle en oublia un moment sa gêne et sa honte de n'avoir pratiquement rien dans son sac à dos.
-Je veux bien un pyjama oui, s'il te plaît. J'ai seulement pu attraper quelques vêtements pour les jours à venir et mes affaires de cours ainsi que le strict minimum vital pour ma toilette, donc tu as vu juste. Avoua-t-elle.
Cheryl acquiesça et récupéra un joli ensemble en satin bleu nuit qu'elle proposa à Toni. Cette dernière leva un sourcil, amusée et impressionnée à la fois de voir que la rousse possédait de tels vêtements simplement pour dormir.
Elles se préparèrent à aller au lit en silence, chacune perdue dans ses pensées, puis elles empruntèrent la salle de bain l'une après l'autre, la jeune Blossom en premier. Pendant que Cheryl se brossait les dents, Toni parcourut sa chambre avec une curiosité non dissimulée. Elle ne connaissait presque rien de la rousse, alors c'était avec plaisir qu'elle en découvrait un peu plus, qu'elle imaginait ce qui la passionnait ou ce qu'elle faisait en observant simplement les objets qu'elle possédait. Visiblement, elle appréciait d'en apprendre beaucoup sur l'univers car des livres d'astronomie étaient sagement rangés sur ses étagères, accompagnés de classiques de la littérature que Toni n'avait jamais eu l'occasion de lire mais qu'elle connaissait de nom.
-C'est libre ! Annonça la voix chantante et mélodieuse de Cheryl.
La fille aux cheveux roses fut prise de court en pleine inspection des lieux et se sentit rougir furieusement. Elle n'était pas du genre à se faire surprendre en flagrant délit d'intérêt.
Pour cacher à la rousse son malaise, elle se râcla la gorge, rangea sagement ses cheveux derrière ses oreilles et la remercia avant d'entrer dans la salle d'eau.
Elle se dépêcha de se préparer à se coucher et, quand elle quitta la pièce, remarqua que Cheryl était tranquillement installée dans son lit, à contempler le plafond, les doigts croisés sur le ventre, allongée sur le dos. Toni rit sans bruit de la voir couchée dans une position si solennelle et mortuaire, mais ne dit rien, et vint simplement la rejoindre.
Les draps étaient incroyablement soyeux et Toni sentit sa tête s'enfoncer avec délice dans l'oreiller. Elle ferma un instant les paupières de contentement et soupira, puis rouvrit les yeux pour découvrir Cheryl en train de l'observer comme une créature curieuse.
Un sourire délicat s'épanouit sur les lèvres de la rousse avant qu'elle ne se redresse dans le lit. Elle retira un de ses processeurs et le posa sur la table de chevet. Elle se rallongea, sur le côté cette fois, pour faire face à Toni.
Leurs visages étaient proches et la jeune Topaz remarqua alors des détails qu'elle n'avait jamais aperçus. Elle distingua avec netteté les contours des pommettes rosées et charnues de la rousse. La forme bien délimitée de ses lèvres. L'éclat vif de ses prunelles foncées. Les subtiles taches de rousseur posées sur le bout de son nez retroussé.
-Ça va ? Chuchota Cheryl, ce qui tira Toni de sa contemplation déplacée.
Elle ne comprit pas tout de suite ce que la jeune Blossom lui demandait par là, puis elle se rappela. La soirée affreuse qu'elle avait passée, sa fuite désordonnée, son désarroi quand elle avait compris que personne ne pourrait l'héberger. La détresse qui l'avait submergée lorsqu'elle s'était retrouvée sans rien et qu'elle s'était alors effondrée dans l'herbe, à haïr le monde et cette situation misérable. L'arrivée de Cheryl, son agacement face à l'insistance de la rousse. Sa reconnaissance envers sa camarade, son soulagement de savoir qu'elle ne passerait pas la nuit dans la rue. Et ces yeux qui, à présent, la fixaient avec intensité et qui réchauffaient son ventre comme un soleil d'hiver.
-Maintenant, oui. Murmura-t-elle, un sourire dans la voix et sur ses lèvres fines.
Cheryl lui sourit en retour, et c'était doux d'observer sa gentillesse se perdre dans ses prunelles si vivantes. Elle fronça les sourcils, soucieuse, avant de prendre la parole à nouveau.
-Tu voulais peut-être aller chez des amis plutôt que de dormir ici ? Je… Excuse-moi si je t'ai imposée de venir chez moi. Annonça Cheryl à voix basse.
Toni n'en revenait pas. Cette fille valait une tonne d'or et une rivière de diamants. Sa bienveillance et son altruisme semblaient infinis et la jeune Topaz crut se noyer un instant dans toutes ses bonnes intentions. Personne n'avait jamais été aussi attentionnée envers elle, et c'était à la fois grisant et incroyablement troublant.
Elle qui détestait avouer aux autres dans quelles conditions elle vivait, elle ne se sentit pas de cacher la vérité à une personne qui lui avait si généreusement ouvert les bras, alors qu'elle ne savait presque rien d'elle. Et puis, Toni se dit qu'un peu d'honnêteté ne pourrait pas lui faire de mal.
-Non… J'ai appelé Sweet Pea pour savoir si je pouvais rester chez lui mais son petit frère a la grippe, alors il a préféré ne pas me faire prendre de risque pour que je ne tombe pas malade, parce que je n'ai pas de quoi me payer un rendez-vous chez le médecin. Et j'ai demandé à Fangs aussi, mais lui non plus ne pouvait pas m'héberger parce qu'ils accueillent déjà un ami de sa sœur qui est en galère et qui dort sur leur canapé pour l'instant. Expliqua-t-elle.
La rousse l'écouta religieusement mais ses sourcils froncés prouvèrent à Toni que quelque chose la dérangeait.
-Sweet Pea ? Fangs ? Ce sont… tes amis ? Demanda-t-elle, mal assurée de ce qu'elle avançait.
Toni lui sourit, amusée.
-Oui, c'est Sullivan et Finn. Ils ont des surnoms… inattendus. Plaisanta-t-elle.
Cheryl comprit enfin de qui elle parlait et hocha la tête pour lui prouver qu'elle avait fait le lien.
- Et… tu n'as pas à t'excuser Cheryl, tu ne m'as pas forcé la main. Je... Merci de m'avoir proposé de passer la nuit ici. Ajouta-t-elle avec un sourire reconnaissant.
Cheryl ne dit rien, rougit légèrement face au remerciement de sa camarade et garda son beau sourire solaire sur sa bouche délicate.
Elles se contemplèrent en silence un moment mais Toni voyait que la rousse était en pleine réflexion. Elle sembla hésiter à lui poser la question qu'elle avait sur le bout de la langue, puis se lança avec un courage curieux.
-Qu'est-ce que tu avais prévu de faire si je ne t'avais pas proposé de dormir chez moi ? L'interrogea finalement Cheryl.
Toni réfléchit avant de lui répondre. Elle ne savait pas vraiment si elle voulait lui dire la vérité ou si elle comptait lui mentir. Mais elle appréciait d'avoir quelqu'un à qui se confier, qui ne semblait pas la juger et qui l'écoutait avec intérêt. Cela ne lui arrivait pas souvent et ce n'était étrangement pas malvenu.
Elle haussa les épaules, son regard toujours rivé à celui de Cheryl.
-Honnêtement ? Aucune idée… J'aurais fait une nuit blanche… ou j'aurais attendu que le Whyte Wyrm ferme pour dormir sur le canapé dans la réserve… Tu m'as attrapée en plein moment de vulnérabilité, j'étais encore en train de me remettre de mes émotions, sinon je n'aurais jamais accepté ton aide ! Avoua-t-elle en riant doucement.
Cheryl fronça à nouveau les sourcils et sa question fusa sans qu'elle ne puisse y penser à deux fois.
-Pourquoi ?
Toni fut prise de court. Elle ne s'était pas attendue à ce que Cheryl s'intéresse suffisamment à ses confessions pour lui demander des explications, mais elle aurait dû s'en douter. La rousse avait l'air de vouloir tout savoir, même si ses questionnements n'avaient rien de malsain. La jeune Blossom était simplement pleine d'une curiosité naïve et inquiète dont Toni n'avait pas l'habitude.
-Parce que… euh… je n'aime pas quand les gens savent que j'ai des problèmes et je préfère faire semblant que tout va bien et que je gère la situation. Je suis dans un gang, Cheryl, donc je ne peux pas me permettre de montrer mes faiblesses aux autres, c'est une bonne façon de m'attaquer sinon. Tenta-t-elle de se justifier.
Elle n'avait pas envie que la rousse interprète mal ses paroles et qu'elle croie qu'elle ne voulait pas de son aide parce qu'elle était Cheryl Blossom. En temps normal, elle n'acceptait jamais les mains tendues, sans se soucier de qui se tenait au bout du bras. Elle avait été élevée ainsi, et vivre au sein d'un gang n'avait pas changé ses habitudes.
-Je ne compte pas t'attaquer tu sais. Répondit simplement la rousse.
Toni reporta son attention sur Cheryl. Elle la vit papillonner des paupières, ses beaux yeux pleins de sommeil et d'honnêteté. Plus le temps passait, plus elle semblait avoir du mal à rester éveillée.
-Oui… je sais. Murmura Toni.
Un sourire léger se déposa sur les lèvres de la rousse puis elle ferma les yeux, visiblement prête à se laisser emporter dans les bras de Morphée.
Toni la considéra encore un moment, sans bruit. Qui avait donc mis une créature aussi éthérée et céleste sur sa route ? Elle ne méritait pas les bonnes intentions et la générosité de l'ange majestueux qu'était Cheryl Blossom.
Elle remarqua que la rousse s'était endormie sans avoir retiré son deuxième processeur. Elle approcha la main de l'oreille de sa camarade et enleva délicatement l'appareil. Elle décrocha l'antenne de son cuir chevelu puis déposa soigneusement l'ensemble sur la table de chevet.
Elle laissa ses doigts glisser à nouveau sur les mèches soyeuses de la rousse et en replaça quelques-unes derrière son oreille. Elle toucha légèrement la peau de sa mâchoire en ramenant son bras vers elle et vit le corps de Cheryl être parcouru d'un frisson. Elle soupira dans son sommeil et un sourire subtil grandit sur sa bouche endormie.
Toni se mit à rougir, sans vraiment savoir pourquoi, et décida de laisser la fatigue l'emporter avant d'avoir l'occasion de s'étendre un peu trop sur la chaude sensation qui s'épanouissait dans son ventre.
