NA : Hello tout le monde :) je me permets une petite note parce que je vois dans les stats que vous êtes quand même assez nombreux à lire cette histoire. Je me demandais si vous aviez des remarques ou des critiques à faire concernant le style d'écriture ou l'histoire elle-même. Si c'est le cas, n'hésitez pas à laisser une review ou envoyez moi un message privé pour me faire part de vos remarques, bonne lecture ;)

PS : Au passage j'ai lu le dernier chapitre de SNK, autant dire que j'ai été assez déçu. Je vais modifier ça dans cette fiction.

Chapitre 7 : Un Diner très instructif

Le voyage jusqu'à la Capitale dura pratiquement cinq heures, et Amos dormi allongé sur une banquette durant l'intégralité du trajet. Armin aussi était épuisé, le soulagement qu'il avait ressentit après toutes les violentes émotions qu'il avait traversé aujourd'hui manquèrent d'avoir raison de lui. Mais il lutta contre le sommeil pour éviter de laisser Mikasa broyer du noir toute seule à cause de son incroyable vitalité.

— Alors… commença-t-il pas très sûr en observant leur camarade endormi, Amos est un noble. Je savais qu'il avait un secret, mais je ne m'attendais pas à ça.

— Moi non plus, avoua l'orientale en secouant la tête.

— Mais c'est une bonne chose, s'empressa-t-il d'ajouter, grâce à ça Eren est sûr d'être bien traité, et il a une vrai chance de sortir vainqueur de son procès.

Mikasa serra les poings, elle détestait vraiment cette sensation d'impuissance qui la traversait. Sa famille était en danger, et elle ne pouvait rien faire pour la protéger malgré toute sa détermination et son immense force, elle ne pouvait que se reposer sur la promesse d'Amos.

— Pourquoi est-ce qu'il est jugé ? Quel crime a-t-il commis ? Il n'a rien fait de mal…

— Il a le pouvoir de se transformer en une créature qui nous dévore depuis un siècle, les autorités ont surement peur qu'il se retourne contre elles. Il faut qu'il prouve qu'il est de notre côté, je suis sûr que ça va bien se passer.

Mikasa ne partageait pas son optimisme, elle avait vraiment du mal à confier le sort de tout ce qui faisait sa vie à quelqu'un d'autre.

— Ce qu'Amos a dit me fait peur, avoua-t-elle finalement après un instant d'hésitation, quand il a dit que « certaines personnes » nous utiliseraient nous ou ce que nous disons pour condamner Eren… De qui parlait-il ?

— Je ne sais pas… mais ce sont certainement des hommes de pouvoir, peut-être d'autres nobles, ou des militaires très haut placé. En tout cas ils seront certainement présents au procès.

L'orientale sentit un souffle de haine s'emparer de son corps, et elle serra ses poings si forts que ses phalanges blanchirent.

— Mikasa ! s'exclama Armin en voyant ses paumes saigner. Calme-toi !

La jeune fille relâcha ses doigts en haletant, et découvrit des petits croissants rouges à l'endroit où avaient été ses ongles.

— Ce n'est rien, dit-elle en les essuyant sur son pantalon, juste quelques égratignures.

Le petit blond n'était pas convaincu, et réfléchit rapidement au moyen de distraire son amie de ses pensées noires.

— Je me demande comment Eren réagira.

Elle lui adressa un regard interrogateur.

— Quand il apprendra qu'Amos est noble, clarifia-t-il.

— Pas très bien j'imagine, soupira la Ackerman, il a toujours détesté ces gens. Et il a une très haute opinion d'Amos.

Armin baissa la tête.

— Il va le vivre comme une trahison, alors qu'à mes yeux ça embellie tout ce qu'il a fait. Je veux dire… qu'est-ce qui peut pousser un Hannibal a rejoindre le Bataillon d'Exploration ?

Mikasa pencha la tête de côté, visiblement confuse.

— Qu'est-ce qu'un Hannibal ? demanda-t-elle naïvement.

Armin la regarda, avant de sourire.

— Tu devrais lire les journaux, c'est important de se tenir au courant de ce qu'il se passe au sein des murs.

— Je me fichais de ça avant que ça ne nous concerne directement, avoua-t-elle en cachant la partie inférieure de son visage sous son écharpe.

— Je comprends, dit le petit blond avant de porter son regard sur Amos, hé bien…, la Maison Hannibal est, à l'heure actuelle, la famille noble la plus puissante de l'Humanité.

Mikasa écarquilla les yeux de surprise.

— Mais… ce n'est pas la famille royale qui est la plus puissante ?

Armin secoua la tête.

— La mère du Roi est une Hannibal, expliqua-t-il, son grand-père - Lord Peter Hannibal - est notre Premier Ministre. Comme sa Majesté est encore très jeune, c'est lui qui règne à sa place.

L'orientale était effarée, le fait que leur ami soit noble était déjà assez impressionnant en soi, mais delà à ce qu'il soit issu d'une telle famille…

— Donc… hésita-t-elle en suivant le regard d'Armin, Amos a un lien de parenté avec le Roi ?

— Sans aucun doute, mais je ne sais pas exactement qui il est, la seule fois où les journaux ont parlé d'un potentiel héritier de la Maison Hannibal, ils avaient mentionné le fait que celui-ci était mort d'une grave maladie. J'imagine qu'on aura le temps de lui poser des questions quand on arrivera.

Sur ces mots, Armin bailla à s'en décrocher la mâchoire, Mikasa posa une main sur son épaule.

— Tu devrais dormir, la journée a été longue.

Il acquiesça, il voulait resté éveillé mais son corps refusait de l'écouter.

— Tu devrais suivre ton propre conseil tu sais ? Tu es très forte, mais tu n'es pas invincible.

— Je sais, dit la jeune fille en couvrant son visage de son écharpe.

Elle savait parfaitement qu'elle avait des limites, contrairement à ce que d'autres pouvaient penser, mais aujourd'hui plus que tout autre jour, elle détestait les avoir atteinte.

— Je vais essayer, promit-elle.

Armin doutait de sa réussite, cependant il n'était pas capable de faire plus qu'il n'avait déjà fait. Il ferma les paupières, et sombra dans un sommeil profond.

Mikasa le regarda dormir, et sourit pour la première fois depuis qu'elle avait vu Eren soulever l'énorme rocher, elle s'approcha de son ami, et passa un bras protecteur autour de lui.

— On leur survivra, murmura-t-elle autant pour le convaincre que pour se convaincre, on leur survivra comme on a survécu à tout le reste.

Elle jeta un coup d'oeil vers Amos, toujours inconscient.

— « Je compte sur toi. »

(-)

Amos reprit connaissance un peu moins d'un quart d'heure avant qu'ils n'arrivent à destination, il se redressa, et constata que ses invités étaient affalés l'un contre l'autre. Un sourire éclaira son visage. Il se leva, et alla ouvrir la fenêtre de la portière pour déterminer la distance qu'ils leur restaient à parcourir. Puis il s'approcha de ses amis, et leur caressa le crâne.

— Debout tous les deux, allez debout.

Si Mikasa se réveilla doucement, ce ne fut pas le cas d'Armin qui ouvrit les yeux en sursaut, et repoussa la main d'Amos d'un revers de bras avant de commencer à se débattre.

— Calme-toi ! s'exclama ce dernier en le saisissant par les épaules pour le maintenir sur la banquette.

— Armin ! appela l'orientale en le forçant à la regarder dans les yeux. Tout va bien.

Le petit blond haleta comme un ours pendant une dizaine de secondes, avant de détendre ses muscles, encourageant ainsi ses amis à le lâcher.

— Je suis désolé, lâcha-t-il, je…

— Tu n'as pas à être désolé, le rassura Amos, ce fut une très longue journée.

Mikasa lui adressa un sourire réconfortant, qui fonctionna un peu et lui rendit quelques couleurs.

— Nous sommes arrivés à Mitras, annonça l'ancien Nox pour changer de sujet, je me suis dit que vous vouliez peut-être voir à quoi ressemblait la capitale.

Leur curiosité fut immédiatement piquée et ils se levèrent à leur tour pour observer la ville la plus célèbre de l'Humanité.

Tout d'abord, ils furent impressionnés et émerveillés par la beauté et la taille des bâtiments. Ils se trouvaient dans le quartier central de Mitras, où la majorité des constructions étaient les manoirs des nobles et les grandes maisons des riches. Ceux-ci étaient composées de pierres finement taillées, de marbre pour certains, à la couleur blanche éclatante qui rendait particulièrement bien sous la lumière des torches. Les gens dans la rue étaient tous habillés si élégamment qu'on aurait pu penser qu'un mariage royale était sur le point d'avoir lieu, les seules personnes qui étaient reconnaissables aux yeux des cadets étaient les différents membres des Brigades Spéciales qui patrouillaient. Mais contrairement aux militaires de Trost, ceux-ci semblaient aux aguets, près à arrêter le moindre trouble-fête.

— Tout ce luxe et cette extravagance sont-ils vraiment nécessaires ? finit par demander Mikasa une fois l'émerveillement passé.

— Bien sûr que non, répondit Amos, le luxe n'est jamais nécessaire. Mais que voulez-vous ? Dès qu'il y en a un qui a la folie des grandeurs, les voisins s'empressent de l'imiter ou de voir plus grand pour éviter de passer pour moins qu'ils ne sont.

L'orientale grimaça de dégoût.

— Est-ce que le statut est la seule chose qui les intéressent ?

— C'est bien souvent le cas, oui, répondit-il simplement.

— J'ai du mal à croire que tu ai grandis ici, avoua Armin qui avait du mal à quitter les magnifiques bâtiments des yeux.

— Je n'ai pas grandi ici, corrigea-t-il, je suis venu de temps en temps avant mes classes, mais j'ai passé la majorité de mon enfance au château de Caraxes, au coeur des terres de la famille Hannibal à l'Est de Sina. D'ordinaire, le manoir est une résidence pour les membres de la cour.

— D'ordinaire ?

— Comme la majorité de la famille est de sang royal ou travaille au Gouvernement, ils logent tous au Palais Royal. Le manoir devrait être vide, mais pour le cas où il ne le serait pas, ou pire, si jamais mon grand-père vient nous rendre une petite visite, je vous demande d'agir aussi poliment et respectueusement que possible. Et d'appliquer la même stratégie qu'avec les brigadiers, d'accord ?

Ils acquiescèrent simultanément.

— Bien, vous voyez ce grand bâtiment là-bas ?

Armin et Mikasa se penchèrent en avant, et aperçurent un genre de temple en marbre dont l'entrée était bardée des écussons militaires des trois branches, eux-mêmes surplombé par le portrait de la Déesse Sina.

— C'est le Palais de Justice, les informa-t-il, Eren sera - s'il n'est pas déjà - détenu dans une des cellules au sous-sol. Je ne vous dis pas ça pour que vous tentiez quelque chose d'aussi stupide qu'une évasion, je vous dis cela pour que vous réalisiez qu'il n'est pas si loin de nous.

Mikasa semblait prête à se jeter hors de la diligence pour aller le secourir, mais elle avait retenue sa leçon, elle ne devait pas se laisser guider par ses émotions, et ce, peu importe leurs forces ou la justesse de ses actions. Elle devait se contrôler, et faire confiance à ses camarades.

— Bien, conclut Amos alors qu'ils passaient le portail d'une propriété privée, nous sommes arrivés.

Les deux amis mentiraient s'ils disaient qu'ils n'étaient pas curieux de découvrir la bâtisse dans laquelle ils allaient logés, et ils écarquillèrent les yeux lorsqu'ils descendirent de la diligence. Le Manoir face à eux était exclusivement composé de marbre, à la blancheur si rayonnante qu'on aurait pu croire que sa construction s'était achevée la veille. Il s'étendait sur au moins soixante mètres de large sur treize mètres de haut, entouré d'un muret de deux mètres cinquante, il surplombait une cour à la pelouse parfaitement taillée, au centre de laquelle une fontaine en forme de chevalier de l'ancien temps se dressait fièrement, l'épée pointée vers le ciel. Un emblème en forme de chauve-souris ornait fièrement la voûte de la grande porte.

Bien qu'Amos fut sincèrement amusé par les expressions effarées de ses amis, il sentit le besoin de réitérer son avertissement une dernière fois :

— Souvenez-vous de ce que je vous ai dit, soyez respectueux et polis, ne cédez pas aux insultes, aux moqueries ou aux menaces si jamais il y en a, et ne faites rien sans mon aval. Le moindre faux-pas pourrait avoir des répercussions graves sur vous ou Eren.

Les deux adolescents serrèrent les dents, avant d'acquiescer et d'afficher des visages impassibles. Satisfait, Amos attendit que le cochet ouvre la portière de la diligence et descendit le premier. Un homme d'environ cinquante ans à l'élégante tenue noire et blanche les attendait, le dos droit et le sourire accueillant.

— Bienvenue au Manoir Hannibal, Maitre Amos, dit-il en s'inclinant, je me réjouis de vous revoir.

— Bonsoir Frédéric, répondit ce dernier en affichant un large sourire, le plaisir est partagé.

Le dénommé Fréderic se redressa et prit un temps pour examiner le noble de la tête aux pieds.

— Comme vous avez grandi, nota-t-il avec une pointe de fierté, le petit garçon sérieux que vous étiez s'est mué en un solide jeune homme.

Le grand blond se gratta la tête avec embarras, avant de s'écarter pour présenter ses amis.

— Frédéric, je vous présente Armin Arlet et Mikasa Ackerman, deux de mes camarades du 104ème corps de cadets, ils seront nos invités le temps de quelques jours.

Il se tourna vers ces derniers.

— Armin, Mikasa, je vous présente Frédéric, le Premier Majordome de la famille Hannibal. Il sera à votre disposition durant votre séjour, si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas lui demander.

— C'est un plaisir que de vous rencontrer, Maitre Arlet et Mademoiselle Ackerman, salua le domestique en s'inclinant à nouveau.

Les concernés échangèrent un regard incertain et un peu gêné, c'était la première fois que quelqu'un les saluait et les appelait de cette façon, le petit blond réfléchit rapidement au meilleur moyen de répondre, avant de s'incliner à son tour.

— Merci de nous recevoir.

— Oui, acquiesça l'orientale en l'imitant, merci.

Frédéric semblait particulièrement amusé par leurs réponses, mais il ne fit aucune remarque et se tourna vers le jeune noble.

— Avez-vous une préférence quant aux chambres d'hôtes ?

— Oui, mettez-les au quatrième étage, dans les chambres liées.

— Très bien, j'imagine que vous reprendrez votre ancienne chambre ?

— Je ne suis pas encore Lord Hannibal, fit remarquer le grand blond en haussant les épaules.

Le sourire sur le visage de Frédéric se crispa une demi-seconde, suffisamment longtemps pour qu'Armin le remarque.

— Conduisez-les à leurs chambres et donnez-leur des vêtements propres, reprit le jeune noble d'une voix légèrement autoritaire, je retrouverai mon chemin tout seul.

— Très bien Maitre Amos, répondit le majordome en s'inclinant avant de tendre le bras vers la porte d'entrée, si vous voulez bien me suivre.

— On se reverra au diner, les informa leur hôte avec un sourire.

Ses deux camarades acquiescèrent avec une légère hésitation, avant d'emboîter le pas du cinquantenaire. Le Manoir était presqu'aussi impressionnant à l'intérieur qu'à l'extérieur, le papier-peint et les peintures accrochées aux murs embellissaient les couloirs de leurs couleurs rayonnantes. Armin se sentait comme un enfant curieux en pleine exploration, tout ce qui l'entourait était nouveau pour lui, et il ne put contenir le sourire béas qui trahissait son émerveillement. Mikasa ne partageait pas son enthousiasme, certes, elle était impressionnée par toute cette beauté architecturale, mais ce luxe extravagant l'agaçait grandement. Toutes les dépenses inutiles que devaient engendrer ne serait-ce que l'entretien de ce manoir pourraient nourrir de nombreuses familles. Elle ne put se résoudre à admirer ce qu'elle considérait comme étant la source de la misère.

— Excusez-moi, Frédéric ? demanda Armin en hésitant.

— Oui, Maitre Arlet ?

Le petit blond baissa la tête avec embarras, avant de continuer :

— Est-ce que je peux vous poser une question ?

— Bien évidement.

— Pourquoi y'avait-il une chauve-souris géante sur la porte d'entrée ?

— Ah, fit le majordome avec admiration, ceci est le blason de la famille Hannibal. C'est en rapport avec la création même de leur Noble Maison.

Les yeux d'Armin s'illuminèrent de curiosité.

— Je pense que Maitre Amos se fera une joie de vous conter cette histoire lors du diner, ajouta-t-il en gloussant poliment, pour le moment voici vos chambres.

Il pointa de son doigt ganté deux portes sur leur gauche, avant d'en ouvrir une et de les inviter à l'intérieur.

Sans surprise, la pièce était incroyablement grande pour une personne, de même que le lit à baldaquin.

— La salle de bain est ici, annonça Frédéric en indiquant une porte avant d'en pointer une autre, comme l'a demandé Maitre Amos, vos chambres sont directement reliées. Le diner sera servi dans une heure, je viendrai vous chercher moi-même pour vous guider vers la salle à manger. Pour le moment je me permets de vous suggérer de vous relaxer dans la salle de bain, vous y trouverez tous les produits nécessaires pour vous remettre de votre épuisante journée, ainsi que des peignoirs que vous pouvez enfiler en attendant que l'on vous fasse monter des vêtements propres.

— Merci pour tout, Frédéric, dit Armin en s'inclinant.

— Je ne fais que mon devoir, répondit le majordome en souriant avant de les laisser seuls.

Le petit blond observa la chambre quelques instants, un sourire idiot sur le visage.

— J'ai du mal à croire ce qui nous arrive, avoua-t-il finalement, ce matin encore on se réveillait dans nos lits de cadets, puis nous sommes officiellement devenus des soldats, puis les titans nous ont attaqués, puis Eren s'est transformé en titan, puis l'Humanité a obtenu sa première victoire grâce à lui, ensuite on découvre qu'Amos est un noble, et maintenant on est là, et il n'est pas encore minuit…

— Oui, admit Mikasa en gloussant brièvement, ce fut de très loin la journée la plus folle de nos vies.

Armin gloussa à son tour, avant de se diriger vers sa propre chambre.

— On devrait suivre les conseils de Frédéric, le diner sera probablement le meilleur qu'on ait jamais mangé, il ne serait pas convenable qu'on se présente couverts de sueur et de bave de titan.

Mikasa acquiesça, et attendit que son ami ait rejoins ses appartements pour se diriger vers la salle de bain. À ce stade elle n'était plus vraiment surprise par le luxe de la pièce, et elle accueillit bien volontiers l'opportunité de se baigner dans de l'eau chaude et d'oublier toutes les éprouvantes épreuves et les violentes émotions qu'elle avait traversé en ce jour.

Cependant, lorsqu'elle retira son écharpe elle se souvint qu'Eren était dans une des cellules du Palais de justice, à à peine quelques centaines de mètres d'elle. Elle ne savait pas comment il allait. Était-il toujours inconscient ? Était-il bien traité comme l'avait promis Amos ? Était-il effrayé ? Était-il déprimé ?

Elle se retint de continuer à se tourmenter, elle devait accepter le fait que le destin d'Eren n'était plus entre ses mains. Il ne voudrait pas la voir s'inquiéter autant, il lui dirait de profiter de ce traitement luxueux pour reprendre des forces, qu'elle le mérite. Ces pensées la firent sourire, elle plia délicatement son écharpe, fit couler l'eau à la température qui lui convenait, et se déshabilla entièrement. Elle avait vraiment besoin de ce bain chaud.

(-)

Pendant ce temps, le Major Erwin et le Capitaine Levi rendaient une petite visite au nouveau pensionnaire du Palais de Justice. Afin de lui offrir une place au sein de leurs rangs, et de le rassurer quant à son procès, l'informant du fait qu'il avait un ami puissant qui veillait sur lui, mais refusant cependant de divulguer son nom par pure précaution.

Une heure plus tard, un garde lui apporta un somptueux repas pour sa plus grande surprise et son plus grand choc. Lorsqu'il demanda qui lui avait fait un tel cadeau, le brigadier lui tendit une lettre à contrecoeur, visiblement furieux de voir un monstre comme lui recevoir un festin de Roi. Le titan rebelle l'ignora pour déchiffrer le message inscrit sur le papier.

« Salut Eren, j'espère que tu apprécieras le diner, vois ça comme ta juste récompense pour avoir permis à l'humanité de vaincre les titans pour la première fois de son Histoire. Ne te prive pas, Armin et Mikasa mangeront la même chose ce soir, ils vont très bien au passage. Ton procès aura lieu dès que Trost sera débarrassé de tous les titans encore présents dans l'enceinte de la ville, ce qui devrait prendre toute la journée de demain. Par conséquent, il devrait logiquement se dérouler dans deux jours. Je te verrai là-bas. Repose-toi et évite d'ouvrir ta grande bouche, la moindre parole de travers sera prise en compte et utilisée contre toi. À plus, l'idiot suicidaire. »

Eren fronça les sourcils en lisant son surnom, seuls ses camarades du 104ème corps de cadets le connaissaient. Serait-il possible que l'un d'entre eux soit le puissant ami dont parlait le Major Erwin ? Si c'était le cas il n'avait pas la moindre idée de qui cela pouvait être, et il aura une foule de question à lui poser. Mais il se contenterait pour l'instant de savoir que ses deux meilleurs amis étaient sains et saufs.

Il posa le regard sur son diner, et entendit son ventre émettre un grondement digne de celui de Sasha. Qui était-il pour refuser un festin gratuit ?

(-)

Comme Frédéric l'avait promis, deux femmes de chambres vinrent leur apporter des vêtements à leurs tailles. Armin hérita d'une élégante chemise et d'un veston noir, tandis que Mikasa se retrouva avec une jolie robe bleue, suffisamment simple pour qu'elle puisse la porter sans arrière pensée. Le majordome vint les chercher peu après minuit et les conduisit à la salle à manger où Amos les y attendait. Il avait troqué son uniforme militaire pour une chemise et un pantalon noir, ainsi qu'un veston d'aristocrate bleu argenté.

— Bienvenue chers invités, dit-il avant de se figer légèrement en remarquant leurs tenues.

Mais il reprit rapidement ses esprits :

— J'imagine que vous avez faim après une telle journée, sourit-il en tirant une chaise avant de regarder Mikasa, Mademoiselle ?

L'orientale cacha son visage avec son écharpe, et répondit favorablement à l'invitation. Les garçons s'installèrent après elle, Frédéric fit alors signe à trois valets de chambres d'apporter les assiettes couvertes qu'ils tenaient.

— En entrée le chef vous offre son tartare de saumon fumé sur son lit d'avocat, couvert de ses tranches de tomates et d'oignons rouges.

Les rétines des invités manquèrent d'éclater lorsque les couvercles de leurs plats furent soulevées, dévoilant le dressage artistique de la nourriture la plus appétissante qu'ils eurent jamais vus.

— « Ils sont adorables. »

— Armin, réprimanda-t-il soudainement alors que le petit blond s'apprêtait à attaquer son tartare, les bonnes manières veulent que nous autres messieurs attendions que la demoiselle commence avant de la suivre.

Le jeune homme rougit d'embarras, et reposa sa fourchette. Mikasa haussa un sourcil, un peu surprise par cette règle de politesse, avant de saisir sa propre fourchette et de commencer à manger.

Amos fit alors signe à Armin qu'ils pouvaient s'y mettre à leur tour, et le petit blond ne fut que trop heureux d'obtempérer. Il eu cependant la présence d'esprit de s'alimenter proprement.

— Ce sera tout pour l'instant Frédéric.

Le majordome s'inclina avant de quitter la pièce.

— J'imagine que vous avez beaucoup de questions à me poser, dit le jeune homme après s'être essuyé la bouche. Allez-y.

— Comment va Eren ?

Évidement que cela serait la première préoccupation de Mikasa.

— Il va bien, il est réveillé. Je lui ai fais porter le même repas que nous aurons ce soir, je me suis dit qu'il avait mérité une récompense et un peu de réconfort.

Un sourire de gratitude éclaira le visage de l'orientale, elle hocha la tête en guise de remerciement.

Armin sembla hésiter quelques secondes, avant de finalement demander :

— Donc… ton vrai nom est Amos Hannibal ?

— C'est ça.

— Pourquoi est-ce que tu t'es engagé dans l'armée ?

Il soupira tristement, mais continua de manger.
— Tous les Hannibal effectuent les classes militaires, c'est une tradition qui vise à nous enseigner la discipline, nous nous engageons sous de faux-noms afin de préserver notre anonymat et éviter de bénéficier d'un traitement de faveur.

— C'est tout ? osa demander Armin déçu. C'est la seule raison pour laquelle tu t'es engagé ?

— Officiellement, répondit Amos avec un sourire, officieusement vous connaissez mes raisons. Je n'ai jamais menti à ce sujet.

Ses invités lui rendirent son sourire, il était bon d'apprendre que leur ami était bien celui qu'ils avaient toujours connu.

C'est alors qu'Armin nota un détail qui stoppa momentanément sa dégustation, il hésita, il hésita vraiment.

— Est-ce que je peux te poser une question… concernant ta mère ?

Ce fut au tour d'Amos de s'arrêter de manger, sa fourchette à mi-chemin entre son assiette et sa bouche.

— Je suis désolé, s'empressa d'ajouter le petit blond, je n'aurais pas dû demander.

— Non, répondit le noble en reposant sa nourriture, ce n'est rien…

Il prit une profonde inspiration, et sembla débattre intérieurement quelques instants, avant de soupirer.
— Je n'ai jamais raconté ceci à qui que ce soit, avoua-t-il en recommençant à manger, « à part Historia. » J'imagine que tu te demandes ce qu'une dame de la noblesse faisait à Holst ?

— « Toujours aussi malin, » nota le petit blond en acquiesçant timidement.

Amos prit son temps pour mâcher, attisant ainsi la curiosité de ses invités. Mikasa aussi était sincèrement intéressée par le passé du jeune noble, mais craignait qu'ils n'aillent trop loin. Son rival ne parlait pratiquement jamais de ses parents, comme elle.

— La femme que j'appelle ma mère n'est pas celle qui m'a donné naissance, lâcha-t-il soudainement.

Comme quelqu'un qui laissait tomber un haltère qu'il portait depuis trop longtemps.

— La seule chose que je vous dirai concernant la femme qui m'a donné naissance c'est qu'elle ne mérite pas d'être appelée « Maman ». Ni par moi, ni par qui que ce soit.

La haine froide dans sa voix était à peine perceptible tant il savait se contrôler, mais ses invités parvinrent tous deux à la déceler.

— Ma mère… commença-t-il en hésitant. Elle n'était pas noble, elle était… tout ce que mon père voulait qu'elle soit. Femme de ménage, cuisinière, masseuse, chanteuse, courtisane…

— Et elle acceptait ça ? demanda Mikasa choquée.

— Mon grand-père contrôlait chaque aspect de son existence, elle n'était pas comme les autres domestiques, elle n'était pas payée, juste nourrie et logée. Et elle était amoureuse de mon père, les Déesses seules savent pourquoi, ajouta-t-il en roulant des yeux.

Comme aucun commentaire ne fut prononcé, il continua :

— Mon père n'était pas vraiment quelqu'un de bien, mais ce n'était pas non plus une mauvaise personne. Il m'a aimé, et je ne demandais rien de plus. Ce n'était pas le cas de mon grand-père, il avait espéré autrefois que mon père devienne l'héritier parfait, rusé et fort. Mais c'était un soulard paresseux, incapable de devenir l'homme qu'il devait être. Quand mon grand-père l'a compris il s'est empressé de le marier afin d'obtenir son héritier tant désiré : moi.

— Pourquoi ne pas essayer d'avoir un autre fils ? demanda Armin.

— Ma grand-mère est décédée en donnant naissance à ma tante, mon grand-père a refusé de se remarier après sa mort.

Le petit blond hocha la tête, satisfait de cette réponse.

— Donc mon père a épousé la femme qui m'a porté, et onze mois plus tard je suis né. Pour le plus grand soulagement de celle-ci, de mon père et de mon grand-père, je suis né garçon, nul besoin donc de faire d'autres enfants.

Mikasa ne semblait pas en croire ses oreilles. Les enfants ne sont pas des objets, on ne les fait pas selon ses besoins, mais selon ses envies. À entendre Amos, il semblerait que ni son père, ni sa… ni la femme qui l'a enfanté ne voulaient de lui. Elle ne pouvait imaginer quelque chose d'aussi déchirant.

— La femme qui m'a donné naissance ne s'est plus préoccupée de moi dès que je suis sorti de son ventre, elle s'est retiré dans une maison de campagne de la famille Hannibal et n'aurait reparu que pour le cas où concevoir un deuxième fils se serait révélé nécessaire. J'ai grandi sous la tutelle de mon grand-père, à entrainer mon corps, à aiguiser mon esprit et à élargir mes connaissances. Je devais maitriser toute capacité qui pouvait me rendre meilleur, le maniement de l'équipement tridimensionnel est un bon exemple. C'est une des raisons pour lesquelles je suis si doué, j'apprends à me servir de ce truc pratiquement depuis que je sais marcher.

L'histoire qu'il leur contait était d'une tristesse navrante à leurs yeux, ils espéraient secrètement qu'elle s'égaie bientôt, et ce, même s'ils connaissaient déjà la fin.

— Ma mère… était orientale.

Ils écarquillèrent les yeux de stupeur, aucun d'entre eux ne s'attendait à ça.

— C'est pour ça que tu…

— Oui, elle m'a toujours parlé dans sa langue maternelle depuis que je suis né, c'est devenu ma deuxième langue maternelle. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle mon grand-père l'a gardé, pour qu'elle m'enseigne sa culture et son langage.

— Pourquoi ? s'étonna Armin. À quoi cela pourrait-il te servir ?

— Je ne sais pas encore, avoua-t-il en haussant les épaules, mais il ne fait jamais rien par hasard. Donc il doit y avoir une vrai raison.

Mikasa sentit un frisson d'excitation la traverser, malgré ses origines elle ne savait pas grand chose sur la culture orientale. Sa propre mère étant morte avant d'avoir pu tout lui transmettre, elle brulait d'envie de demander à Amos de lui en dire plus, mais il était préférable d'attendre qu'il finisse son histoire.

— Ma mère fut techniquement ma nourrice, mais elle m'a aimé dès le jour de ma naissance. C'est elle qui m'a apprit à marcher, c'est elle qui me chantait des chansons et des berceuses… Bref… vous voyez le tableau : c'était ma mère.

Ils sourirent en notant la tendresse avec laquelle il avait prononcé ces mots, il le pensait vraiment.

— Malheureusement, reprit-il alors que sa mine s'assombrissait, elle a commit une erreur. Mon grand-père m'a fait subir un entrainement physique très poussé afin de me transformer en… hé bien en ce que je suis aujourd'hui. J'étais sans arrêt couvert d'ecchymoses et de plaies, c'était très dur pour elle de me voir souffrir, mais à part me panser elle ne pouvait pas faire grand chose. Ça a empiré quand mon père est mort.

Armin n'osa pas lui demander les causes du décès, et ce même s'il était curieux à ce sujet.

— Je savais très bien pourquoi je m'entrainais si dur, j'avais vraiment en tête l'objectif d'être le meilleur possible, et je savais que cela passait par de nombreuses épreuves. Mais ma mère, elle, ne comprenait pas, ne voulait pas comprendre et je ne la blâme pas du tout pour ça. Tout ce qu'elle voyait, c'était que son petit garçon souffrait constamment. Alors… Elle est allée trouver mon grand-père, et lui a supplié d'arrêter de me torturer.

— J'imagine qu'il n'a pas apprécié…

— Il a voulu la tuer quand j'avais huit ans, répondit-il pour leur plus grande horreur, il voyait l'amour que je lui portait comme une faiblesse, et prétendait que je ne pouvais pas aimer une roturière. Aussi, il a voulu m'enseigner une leçon en la tuant sous mes yeux. Mais… j'ai réussi à le faire changer d'avis.

— Comment tu as fais ça ? demanda Mikasa surprise. D'après ce que tu nous dis de lui il n'a pas l'air enclin à faire preuve de pitié.

— Ce n'est pas la pitié qui l'a fait changer d'avis, c'est la menace.

Armin était estomaqué et impressionné.

— Quelle menace un enfant de huit ans peut-il proférer pour faire céder un homme aussi puissant ? questionna-t-il sincèrement intrigué.

Amos attendit de terminer son plat et de s'essuyer la bouche, avant de lever la tête pour exposer la cicatrice sur son cou.

— J'ai menacé de me suicider.

Mikasa écarquilla les yeux d'horreur, avait-elle bien entendu ?

— C'est brillant, lâcha Armin époustouflé, tu l'as forcé à choisir entre son égo et son héritage. Tu étais l'héritier parfait, celui qu'il avait toujours voulu avoir, il ne pouvait pas se permettre de te perdre.

— Exactement, confirma Amos en hochant la tête, c'était le seul moyen que j'avais de la sauver. Après ça, mon grand-père lui a acheté une maison à Holst et l'y a exilé. Vous connaissez la suite.

Une fois son récit terminé, il prit une grande inspiration et soupira de soulagement.

— Je ne pensais pas que ça ferait autant de bien d'en parler, avoua-t-il finalement, et dire qu'on en est qu'à l'entrée…

Il éclata d'un rire nerveux.

— J'espère que je ne vous ai pas coupé l'appétit, ajouta-t-il en jetant un coup d'oeil à leurs assiettes.

Ils avaient été tellement pris par son histoire qu'ils en avaient presque oublié de manger, leur estomac respectif fit immédiatement part de son mécontentement.

Ils rougirent d'embarras devant le sourire amusé de leur hôte, et se reconcentrèrent sur leur nourriture.

— Ça a dû être horrible, finit par lâcher Mikasa.

Elle n'arrivait même pas à concevoir comment un enfant pouvait en être réduit à menacer son propre grand-père de suicide pour sauver sa mère. Ou comment un grand-père pouvait considérer l'amour que portait un fils pour sa mère comme une faiblesse. Ou comment une femme pouvait mettre un enfant au Monde sans l'aimer, même si celui-ci était issu d'un homme qu'elle n'aimait pas.

— C'est loin d'être la pire chose qui me soit arrivé tu sais, répondit Amos avec nonchalance. Je suis plutôt fier de cet épisode. Après tout j'ai sauvé ma mère en étant plus malin que l'homme le plus intelligent que je connaisse, le tout à l'âge de huit ans.

Mikasa se trémoussa inconfortablement sur sa chaise et choisit de se concentrer sur sa nourriture. Elle comprenait son point de vue, elle le comprenait vraiment. Mais elle ne pouvait pas comprendre comment de telles choses pouvaient se produire, même dans un Monde aussi cruel. Elle n'osait imaginer ce qu'était cette « pire chose » dont il parlait.

Une fois que leurs entrées furent finalement terminées, Amos ramassa la clochette à côté de ses verres en cristal et la fit sonner. Aussitôt, Frédéric entra dans la salle à manger et les débarrassa de leurs assiettes vides.

— Désirez-vous une bouteille de vin avec le plat principal ? proposa consciencieusement le majordome.

— Pourquoi pas ? sourit le jeune homme. Je pense qu'on l'a bien mérité. Une bouteille de Yarckell 814 fera parfaitement l'affaire à mon sens.

Frédéric s'inclina avant de confier les assiettes sales à un valet qui patientait à l'entrée de la pièce, puis de faire signe aux trois autres qui attendaient d'apporter le plat principal.

— Boeuf Provincial à l'ail, annonça-t-il alors que les serviteurs retiraient les couvercles.

Armin se retint de toutes ses forces de se jeter sur sa nourriture, les odeurs de viande, d'ail et de champignon qui s'en échappaient étaient si délicieuses qu'elles manquèrent de le faire baver.

— « Si Sasha était là elle aurait fait un carnage. » songea-t-il en souriant.

Le valet qui était parti avec les assiettes revint avec la bouteille de vin quémandée par Amos, le majordome servi un généreux verre à chacun des adolescents, avant de laisser la bouteille aux côtés du jeune noble.

— Bon appétit, souhaita Frédéric avant de s'éclipser.

Les garçons attendirent dignement que Mikasa commence avant de la suivre.

— Est-ce que je peux te poser une autre question ? demanda Armin après s'être généreusement nourri d'abord cette fois.

— Bien sûr.

— Pourquoi est-ce que l'emblème de la Maison Hannibal est une chauve-souris ?

Un sourire éclaira le visage du grand blond.

— Tout d'abord, il faut savoir que ma famille n'a pas toujours été une famille noble.

— Ah non ?

— Non, notre anoblissement remonte à l'an 724, soit peu de temps avant la construction des murs et l'apparition des titans. À l'époque nous étions déjà de riches marchands, mais nous n'avions pas une goutte de sang bleu dans les veines. Cela changea le jour où une maison qui croulait sous les dettes, les Tybur, offrirent l'une de leurs filles en mariage en échange d'une somme d'argent conséquente.

— Ils ont vendu un de leurs enfants ? s'exclama Mikasa outrée.

Amos serra les dents, avant de lui adresser un sourire triste.

— C'est hélas, très courant dans la noblesse. La meilleure façon de faire des alliances c'est par le mariage, ainsi les lignées sont mêlées et les intérêts deviennent communs. C'est un bon moyen de prévenir une trahison. Et il n'y a pas que les filles qui sont concernées, moi-même je n'y échapperai pas. C'est mon devoir, en tant que prochain Lord de la Maison Hannibal de garantir l'avenir de notre famille et maintenir son statut en épousant une jeune femme de noble naissance pour sécuriser une alliance qui profitera à la prochaine génération.

L'orientale serra les poings, plus elle en apprenait sur le monde de la noblesse, plus elle était écoeurée. Qui était ses gens qui utilisaient leurs propres enfants comme des monnaies d'échanges pour obtenir un quelconque avantage matériel ? Ses propres parents n'avaient été que de simples roturiers, mais leur mariage fut des plus heureux malgré sa courte durée, et ce bonheur était inestimable à ses yeux. La façon dont Amos parlait de son mariage comme un moyen de devenir plus puissant, ou de rester puissant… Elle ne su trouver les mots pour décrire le dégoût que cela lui inspirait.

— Enfin, donc Damian Hannibal, mon ancêtre, épousa Lisbeth Tybur. Normalement, cela aurait dû suffire à la création de la noble maison Hannibal. Mais les autres familles nobles répugnaient à accepter l'entrée dans la noblesse d'une famille de simples marchants. En apprenant cela Lisbeth Hannibal née Tybur entra dans une colère noire, et imagina un stratagème perfide pour forcer la main de la noblesse. Elle profita d'un banquet au cours duquel les Lords et le Roi de l'époque s'étaient réunis, et paya les servantes pour qu'elles répandent des phéromones de chauves-souris femelles partout dans la salle à manger. Le soir même, les mâles déferlèrent dans celle-ci et mordirent absolument tous les invités.

Un sourire apparu sur les lèvres de Mikasa, elle aurait adoré être là pour voir ça.

— Résultat, ils attrapèrent tous une maladie grave liée à leurs morsures. Et alors qu'ils se croyaient tous condamnés, Lisbeth, qui était une médecin de génie, leur offrit un remède miracle qui les guérit. En échange de quoi le Roi lui accorda une faveur. J'imagine que vous vous doutez de ce qu'elle a demandé.

Le sourire sur les lèvres de l'orientale s'élargit, elle était sincèrement impressionnée par l'ingéniosité et l'aplomb de l'ancêtre de son ami.

— J'aurais adoré rencontrer Lisbeth Hannibal, admit-elle en avalant une bouchée de boeuf.

— Elle est juste derrière toi, dit Amos en pointant du doigt le grand tableau qui ornait le mur. Il représentait un grand homme brun aux yeux verts et à l'expression confiante, et une jeune femme aux cheveux blonds courts munie d'un regard malicieux. Ce même regard qu'Armin avait remarqué chez Amos chaque fois qu'il avait une idée fumante en tête.

— Damian et Lisbeth Hannibal, présenta ce dernier avec fierté, les fondateurs de la Maison Hannibal, mes ancêtres.

Il laissa ses invités admirer le tableau quelques instants, mâcha un bon morceau de son boeuf, et conclut :

— Et c'est pourquoi la chauve-souris est l'emblème de notre famille, elle tombait un peu sous le sens.

— Est-ce que les autres maisons nobles utilisent des animaux comme emblème ? demanda Armin émerveillé.

— Certaines, répondit Amos en sirotant son verre de vin, d'autres utilisent des armes ou des objets bien précis. La maison Syral utilise une rose violette par exemple.

Mikasa se paralysa sur place en entendant cela, et écarquilla les yeux de réalisation.

Hannibal la remarqua immédiatement.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

L'orientale hésita, avant de soupirer et de leur dire :

— Pendant l'évacuation de Trost, il y avait un marchand qui bloquait un passage vers le Mur Rose à cause de sa carriole trop chargée, il y avait un autre homme avec lui. Lui et ses gardes portaient des vêtements et des uniformes couverts de roses violettes.

Amos écarquilla les yeux à son tour, il prit un temps pour maitriser ses émotions, et lui adressa un regard exaspéré. Armin n'était pas du tout rassuré.

— Cet autre homme, est-ce qu'il avait le crâne dégarnie, des cheveux blonds bouclés, une longue moustache ridicule, et un corps particulièrement large ?

— Oui, admit la jeune fille en sentant son inquiétude grandir.

— Qu'est-ce que tu as fais ? questionna Armin au bord de la panique.

Mikasa prit un temps pour calmer ses tremblements, puis elle confessa :

— Ils refusaient d'abandonner leur carriole quand bien même elle empêchait des centaines de gens de se mettre à l'abri, ils retardaient l'évacuation pendant que nos camarades mourraient. J'ai… menacé de les tuer s'ils ne libéraient pas le passage.

La mâchoire d'Amos se décrocha.

— Tu as menacé de mort Lord Syral ?! lâcha-t-il hagard avant de plonger son visage dans ses mains. Oh putain…

Armin eut bien évidement l'idée de poser la question qui fâche :

— Est-ce que ça aura des répercussions sur le procès d'Eren ?

Un long grognement exaspéré lui servit de réponse.

— Mais… hésita Mikasa alors que ses yeux trahissaient sa terreur. Ta famille est plus puissante, n'est-ce pas assez ?

Amos émergea de ses paumes, et la regarda comme si elle venait d'affirmer haut et fort que les cochons savaient voler.

— Primo, ce n'est pas comme ça que ça marche, secondo, aucun membre de ma famille ne me viendra en aide.

— « Ce sera même probablement l'inverse. »

— Comment est-ce que tu t'es retrouvée dans une situation pareille ? reprit-il en s'efforçant de ravaler sa consternation pour aller de l'avant et trouver une solution.

— Un déviant de treize mètres avait réussi à passer la garde du milieu et fonçait vers eux, je l'ai abattu avant de leur dire de libérer le passage.

Le visage d'Amos s'illumina subitement.

— Donc tu lui as sauvé la vie, conclut-il en laissant échapper un soupir, d'accord. Je peux travailler avec ça.

Aussitôt, il se saisit de sa clochette, et rappela son majordome.

— Frédéric, vous ferez parvenir une invitation à prendre le thé demain après-midi à Lady Carolyn Syral, précisez et insistez sur le fait que l'affaire dont je souhaite l'entretenir est urgente.

Le cinquantenaire s'inclina avant de repartir précipitamment, Amos s'autorisa un soupir.

— Vous n'avez pas à vous inquiéter, assura-t-il en avalant le contenu de son verre de vin, je vais régler ça.

Mikasa baissa la tête vers sa nourriture, et mangea sans prendre le temps de la savourer.

— Je suis désolée, lâcha-t-elle penaude.

Son rival balaya ses inquiétudes d'un geste.

— Ne le sois pas, tu as sauvé des centaines de personnes en faisant cela. Je me charge des conséquences.

— Comment tu vas faire ça ? demanda Armin.

— Ça je ne vous le dirai pas, déclara-t-il avant de se servir un autre verre de vin.

Il en avala la moitié avant de reprendre :

— Inutile de vous tourmenter, je vous ai promis que je sortirai Eren de ce guêpier et vous savez que je tiens toujours mes promesses.

Mikasa sembla reprendre des couleurs, et mangea plus calmement. Elle voulait le remercier, mais elle lui devait tellement qu'elle n'avait plus le sentiment que des remerciements suffiraient.

— Et si vous me parliez de votre enfance à Shiganshina ? proposa le grand blond pour changer de sujet. J'avoue que je n'ai jamais mis les pieds dans l'enceinte du Mur Maria, et j'imagine qu'avec son tempérament, Eren devait souvent se retrouver dans de sacrés pétrins.

Armin saisit à deux mains la perche qui leur était tendue, et passa les vingt prochaines minutes à raconter leur histoire. Mikasa l'interrompit de temps en temps pour faire une remarque sur l'imprudence d'Eren ou l'intelligence d'Armin.

Ce ne fut qu'au moment où le petit blond s'apprêtait à parler de son livre sur le Monde Extérieur que l'exclamation indignée de Frédéric se fit entendre.

— Vous ne pouvez pas entrer ! Lord Amos est en train de diner avec ses invités !

— Tch, dégage de mon chemin si tu tiens à ta peau vieux larbin, répliqua une voix que le jeune noble ne connaissait que trop bien.

Il froissa ses traits avec agacement tandis qu'Armin et Mikasa l'observaient d'un regard interrogateur.

— Souvenez-vous de ce que je vous ai dit, rappela-t-il en posant un doigt sur ses lèvres, pas un mot quoi qu'il arrive.

Il eut à peine finit de prononcer ces paroles que la porte s'ouvrit, et qu'un grand gaillard quarantenaire portant un chapeau et un imper entra dans la pièce la main dans la poche.

— Hé bah putain, lâcha l'intrus en ricanant, t'as drôlement poussé, petit démon.

Amos s'essuya calmement la bouche, avant de le gratifier d'un regard mécontent.

— Kenny, au cas où cela t'aurais échappé je suis en train de partager un bon repas avec mes amis, et ce après avoir passé la journée à combattre des titans. J'espère donc que tu as une bonne raison de venir m'interrompre.

Le dénommé Kenny rejeta la tête en arrière et éclata de rire.

— Calme tes ardeurs Frai du Diable, c'est ton grand-papounet qui m'a demandé de te remonter les brettelles.

Le visage d'Armin se contorsionna d'inquiétude, tandis que Mikasa sentait son instinct la mettre en garde contre cet homme.

Amos en revanche, resta parfaitement calme.

— Et qu'est-ce que mon estimé grand-père a à me reprocher ?

— Tu sais très bien ce qu'il te reproche, répondit le grand gaillard en se saisissant d'une chaise pour venir s'installer à leurs côtés.

Pour la plus grande horreur de Frédéric resté à l'entrée, il posa ses pieds sur la nappe blanche.

— Vire tes putains de bottes de ma table avant que je ne te fasse bouffer ton chapeau ! aboya Amos furieux, faisant sursauter Armin.

Kenny lui jeta un regard qui signifiait qu'il n'était pas intimidé, mais il obtempéra néanmoins.

— Toujours aussi insolent, marmonna-t-il avant de reprendre plus haut, il veut savoir ce qui t'as pris de foutre le gamin titan sous la protection de la famille. Il t'a traité de « sale petit garnement insensé » au passage.

Le jeune noble ne broncha pas, il sortit une cigarette de son paquet tandis que Frédéric s'empressait d'aller chercher un cendrier, non sans lui avoir jeté un regard réprobateur.

— Si ce n'est que ça, répondit-il en haussant les épaules, j'ai estimé qu'Eren Jaeger était un atout précieux pour l'Humanité, et qu'étant donné ses exploits à Trost il était préférable d'éviter qu'un brigadier insensé ne l'abatte sous le coup de la peur. De plus, comment mon estimé grand-père aurait-il réagit si une autre maison avait tenté de s'approprier ses pouvoirs ? C'était une situation à éviter. J'ai pris la bonne décision à mon sens.

— C'est pas l'avis du vieux Peter, répliqua Kenny en se saisissant de la bouteille de vin pour y boire au goulot, lui et les autres nobles craignent de voir le gamin titan mener une rébellion avec les gens de Rose pour envahir Sina.

Mikasa haussa un sourcil face à la stupidité de cette crainte, Amos roula des yeux.

— Eren Jaeger veut rejoindre les bataillons d'Exploration et massacrer des titans, les affaires de l'Intérieur ne l'intéresse pas. À vrai dire nous devrions nous réjouir, grâce à lui le Mur Rose n'est pas tombé, et les risques de le voir tomber ont considérablement diminués. S'il était tombé la rébellion qu'ils craignent serait certainement arrivée, gamin titan ou pas.

— Et si tu as tort ? Si jamais il venait à menacer la paix de l'Intérieur ?

— Alors je l'abattrai moi-même, répondit simplement le jeune homme.

Mikasa lui jeta immédiatement un regard assassin, et l'aurait probablement incendié d'un chapelet de menaces si Armin ne l'avait pas retenu par le poignet.

Rien de tout cela n'échappa à Kenny.

— Ta copine a pas l'air d'accord, fit-il remarquer.

— Son avis n'importe pas, répliqua Amos avec nonchalance.

Ce qui revint à jeter de l'huile sur le brasier qui brulait dans le regard de la jeune fille.

Le quarantaine ricana en se grattant la barbichette, avant de finir la bouteille qu'il tenait.

— Hé bien, j'espère pour toi que tu sais ce que tu fais, ton grand-papounet était vraiment furieux contre toi quand j'ai quitté son bureau.

— Dis lui qu'il devrait se calmer s'il ne veut pas faire une crise cardiaque, et que s'il n'est pas content de mes décisions il peut toujours venir me le dire en face.

Kenny haussa les sourcils de surprise, avant d'éclater d'un rire tonitruant.

— Hé bah putain, lâcha-t-il hilare, le petit démon est devenu un vrai diable.

Sur ces mots, il se leva.

— Je lui transmettrai, je t'avoue que j'ai hâte de voir la tronche qu'il va tirer.

— Rassieds-toi, ordonna sobrement le jeune homme en tirant sur sa cigarette, j'ai une faveur à te demander.

Le quarantenaire lui jeta un regard intrigué, avant d'obéir.

— J't'écoute.

— Tu te souviens de la promesse que je t'ai faite il y a des années ?

La mine du grand gaillard prit un air étonnamment sérieux.

— Ouais, et alors ?

— Je souhaiterai la briser pour une personne.

Kenny l'observa très attentivement pendant quelques secondes, la tension qui découlait de leur duel de regard donna des sueurs froides à Armin.

— C't'e personne dont tu parles, il est ce que je crois qu'il est ?

— Elle, corrigea Amos, et oui.

Les yeux gris de l'Égorgeur se posèrent sur Mikasa, la jeune fille ne broncha pas.

— C'est elle ?

— Oui.

Les deux natifs de Shiganshina froncèrent les sourcils, de quoi parlaient-ils ?

— Depuis quand un beau gosse comme toi a besoin de raconter des secrets à une fille pour la mettre dans son plumard ? demanda-t-il surpris.

— Ignore-le, lança Amos à l'adresse de Mikasa qui semblait sur le point d'arracher la tête du quarantenaire. Et Kenny, sois respectueux avec mes invités.

Le concerné haussa les épaules.

— Meh, dis-lui, du moment qu'elle ne le raconte à personne. Mais tu m'en dois une, petit démon.

— Je te dois que dalle, répliqua le jeune homme, tu me dois quatorze faveurs au cas où ça t'aurais échappé.

Pour la première fois depuis qu'il était arrivé, l'Égorgeur paru embarrassé.

— Tant que ça ?

— Oui.

— Merde…

Amos termina sa cigarette, avant de l'écraser dans le cendrier en cristal qu'avait apporté Frédéric.

— Mais rassures-toi, les prochaines faveurs que je te demanderai te permettront de pratiquer ton hobby préféré.

Un sourire carnassier se dessina sur le visage du quarantenaire, Armin sentit un filet de sueur froide couler le long de son dos.

— Brave gosse, ricana-t-il avant de se lever de nouveau, sur ce les mioches, j'ai encore quelques corvées à faire ce soir. À plus.

Sans plus de cérémonie, il sortit de la salle à manger sans jeter un regard en arrière. Amos attendit qu'il disparaisse de leur champ de vision avant de faire signe à Frédéric de fermer la porte de la pièce.

Une fois leur intimité retrouvée, il poussa un soupir.

— Je suis désolé pour ça, dit-il sincèrement, il était nécessaire de le baratiner.

Mikasa se relaxa légèrement.
— Donc… tu ne pensais pas ce que tu disais quand tu parlais de tuer Eren ?

— C'est l'inverse, compris Armin, tu as dis ça pour le protéger.

— C'est ça, confirma Amos en terminant son boeuf, il est primordial que mon grand-père pense que je suis prêt à faire son sale boulot si jamais protéger Eren s'était révélé être une erreur.

L'orientale relâcha ses muscles crispés, avant de poser un regard empli d'une colère froide sur la porte par laquelle Kenny était sorti.

— Qui était ce vieux singe ?

— Ça Mikasa, c'était Kenny Ackerman.

Les expressions ébahies de ses invités étaient prévisibles, mais elles n'en restaient pas moins amusantes.

— Et c'est une bonne chose que tu sois parvenue à te contrôler, ajouta-t-il sérieusement, ce « vieux singe » est un psychopathe, et il est beaucoup trop fort pour toi.

La jeune fille ne savait pas comment réagir, sa figure était la personnification de la confusion.

— C'est de ça dont vous parliez, réalisa Armin. Le secret de la force surhumaine de Mikasa… c'est une histoire de famille.

— Excellente déduction petite tête, complimenta Amos avec un sourire.

La jeune fille était complètement perdue, trop de choses lui était arrivée aujourd'hui. Si elle n'avait pas fait une sieste dans la diligence elle aurait probablement saturée.

— « Je suis apparentée à ce vieux taré, » réalisa-t-elle avec dégoût.

Elle chassa cette désagréable pensée de son esprit, avant de fixer Amos d'un regard dur.

— Dis-moi ce que tu sais, demanda-t-elle d'une voix froide.

— Mikasa ! s'exclama Armin choqué par le ton qu'elle avait employé. Il n'est pas notre ennemi.

— Mais il savait, contra-t-elle froidement, il savait depuis le premier jour où on s'est rencontrés.

Amos acquiesça doucement.

— C'est vrai, admit-il sans le moindre regret, cependant, comme tu as pu l'entendre lors de ma conversation avec Kenny, je lui avais fais la promesse de n'en parler à personne. Et je lui ai justement demandé la permission de briser cette promesse afin de te parler de ton héritage peu commun.

— Il est sous tes ordres, répliqua l'orientale, tu n'avais pas besoin de sa permission.

Cette fois, Hannibal lui adressa un regard aussi froid que le sien.

— Je prends mes promesses très au sérieux, dit-il avec agacement, je suis un homme de parole. Souviens-toi de ça quand je sortirai Eren de son trou.

— Les gars ! supplia Armin qui craignait que la situation ne dégénère. S'il vous plait, nous sommes tous du même côté. Calmez-vous.

Amos fut le premier à récupérer son expression naturelle, avant de faire sonner sa clochette.

— Nous prendrons le fromage et le dessert en même temps, dit-il à Frédéric qui s'empressa de signaler aux valets d'exaucer le jeune homme.

Une fois qu'ils eurent retrouvés des assiettes pleines et une intimité acceptable, l'hôte reprit la parole sous le regard impatient de son invitée :

— Avant la construction des murs, les Ackerman étaient les gardes du corps d'élite de la famille royale. La force surhumaine qui découlait de leur lignée avait fait d'eux un clan de guerriers craint et respecté par l'Humanité toute entière.

ils étaient tous les deux stupéfaits par cette révélation.

— Comment sont-ils si forts ? demanda Armin.

— Ta supposition est aussi bonne que la mienne, répondit Amos, les légendes disent qu'ils avaient du sang de titan dans les veines. Mais je n'y crois pas, ils existaient bien avant l'apparition des titans.

Mikasa resta interdite.

— Comme je le disais, reprit le jeune noble, ils furent les gardes du corps des Fritz pendant des siècles, mais cela changea après l'apparition des titans et la construction des murs. Un an après que l'Humanité soit parvenue à échapper à son prédateur naturel, le Roi Fritz ordonna les génocides purs et simples du clan Ackerman et de tous les orientaux.

Deux paires d'yeux exorbités suivirent cette révélation.

— Apparement ils avaient fomenté un coup d'État pour prendre le pouvoir au sein des murs, comprenez bien que ceci est la version historique officielle, ne vous y fiez jamais à l'avenir. L'Histoire est écrite par les vainqueurs et les puissants.

Tandis que Mikasa baissait les yeux avec tristesse, Armin demanda avec inquiétude :

— Est-ce que… cet ordre est toujours en vigueur ?

— Non, rassura Amos, alors que ces lignées étaient sur le point de disparaitre, le leader du clan Ackerman conclu un pacte avec le Roi. En échange de sa propre vie, le souverain épargnerait les quelques survivants restants, à la condition que les orientaux vivent reclus dans les montagnes et que les Ackerman taisent leur nom. Si jamais ces derniers avaient le malheur d'afficher publiquement leur héritage, ils subissaient les persécutions de la part du peuple. La même chose valait pour les orientaux si ceux-ci avaient le malheur de quitter leur exile.

Mikasa ne dit rien, elle n'avait jamais rien su de tout cela. Elle eut une pensée pour ses parents, son père avait sans doute commis l'erreur d'exposer malencontreusement son nom et avait dû fuir dans les montagnes pour échapper au courroux du peuple. Là il y avait rencontré sa mère, et tous deux étaient restés en exile pour éviter d'autres persécutions. Ils se croyaient en sécurité là-bas, mais cela avait fini par causer leur perte.

— Lorsque je t'ai rencontré, Mikasa, continua-t-il en regardant la jeune fille, je peux honnêtement dire que j'étais vraiment très choqué. Rencontrer une Ackerman c'est déjà très rare, une orientale encore plus, alors une Ackerman orientale… La descendante des deux lignées les plus rares de l'Humanité… Je me sentais honoré, et je l'ai été bien plus encore lorsque j'ai appris à connaitre l'incroyable jeune femme que tu es.

La concernée rougit furieusement, et s'empressa de cacher ses joues derrière son écharpe. Armin remercia discrètement Amos d'un signe de tête, avant de froncer les sourcils en réalisant quelque chose.

— Mais… Mikasa n'a jamais caché son nom ou ses traits à qui que ce soit, et je ne crois qu'elle fut jamais persécutée. Si ? demanda-t-il à la jeune fille qui secoua la tête.

— C'est parce que les persécutions ont pris fin il y a presque vingt ans, expliqua Amos.

— Pourquoi ? questionna Armin curieux. Pourquoi tout arrêter subitement ? Et comment convaincre le peuple tout entier d'arrêter ? Y'a-t-il eu une annonce publique de la part du Roi ?

— Non, rien de tel, dit-il en haussant les épaules. Je ne sais pas comment les persécutions ont cessés. Mais je sais que la raison pour laquelle elles ont prit fin est liée à quelque chose que Kenny a fait quand il était jeune.

Mikasa haussa les sourcils de surprise.

— Qu'est-ce qu'il a fait ? demanda-t-elle.

— Ça je ne sais pas, admit Amos, il m'a révélé que c'était grâce à lui un soir où il était ivre. Mais il a refusé de me dire comment il y est parvenu peu importe la quantité d'alcool qu'il s'enfilait.

Encore une fois, la jeune fille ne savait pas quoi ressentir. Elle devait à ce vieux malpoli le fait de n'avoir jamais été persécutée de sa vie pour ce qu'elle était, mais le fait que son rival l'avait décrit comme un psychopathe lui faisait froid dans le dos. Elle supposa qu'elle pouvait être reconnaissante envers son parent éloigné sans l'apprécier pour autant.

— Tu dis que j'ai hérité ma force de mon père, réalisa-t-elle le regard confus, mais mon père… Il n'a jamais été fort comme moi. S'il l'avait été… il nous aurait protégé, ma mère et moi.

Amos fut désolé pour elle en entendant la tristesse dans sa voix, il consentit donc à révéler cette dernière information.

— La puissance des Ackerman est innée dans chaque membre de ton clan, mais elle n'est pas automatique. Elle doit être éveillée par l'instinct de survie.

Mikasa écarquilla les yeux en se remémorant le jour où Eren l'avait sauvé, elle était terrifiée, incapable de bouger ne serait-ce que le petit doigt jusqu'à ce que son frère adoptif ne lui hurle de se battre pour sa survie. Elle se souvint très clairement de cette sensation qu'elle avait ressentie, ce pouvoir qui avait foudroyé son cerveau et s'était répandue dans ses veines. C'était la force ancestrale des Ackerman, son clan, sa famille. Son père en revanche… n'avait sans doute jamais eu à traverser une telle expérience, et c'est pourquoi les bandits l'avaient tué si facilement. Elle serra les poings de rage et de tristesse quand elle repensa au moment où elle avait vu son géniteur se faire égorger. Il aurait pu être tellement fort, mais il ne l'avait jamais été et à cause de ça il n'a pas su protéger sa famille. Elle ne le haïssait pas pour ça, loin de là, elle haïssait le fait qu'elle avait dû vivre un tel traumatisme pour obtenir le pouvoir d'éviter qu'une telle tragédie ne se reproduise. Et malgré ça, elle avait bien failli perdre sa famille une deuxième fois aujourd'hui, le monde était vraiment cruel, même pour des gens aussi forts qu'elle. Ce n'est pas si surprenant qu'un Ackerman comme Kenny ait tourné comme il a tourné, étant donné les persécutions qu'il a dû vivre dans sa jeunesse.

Mikasa sentit soudainement le poids d'une responsabilité dont elle ignorait encore l'existence i peine dix minutes peser sur sa poitrine. Elle était la descendante de deux clans, deux familles injustement traitées durant des décennies, elle était une guerrière dans l'âme et dans le sang. Et en hommage à ses parents, en hommage à ses ancêtres, elle devait continuer de vivre afin d'honorer ce pourquoi ils se sont battus et ce pourquoi ils ont tant soufferts. Elle s'admonesta pour avoir essayé de mettre fin à ses jours durant la bataille de Trost, elle n'avait pas le droit de faire une chose pareille. Elle aurait réduit à néant les sacrifices de ses parents, elle aurait craché sur ses ancêtres, elle…

Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, la plus grande honte qu'elle eut jamais ressentit était en train de lui ronger les entrailles. Comment avait-elle pu faire une chose pareille ? Le fait qu'elle ait failli trahir la mémoire d'Eren était déjà assez lourd à porter, si en plus elle ajoutait à cela le fait qu'elle avait failli trahir tous ses ancêtres…

— Mikasa, s'inquiéta Armin en posant sa main sur celle de son amie. Est-ce que tout va bien ?

La jeune fille ne l'écoutait pas, la voix d'Eren résonnait dans sa tête :

— « Bats-toi ! Bats-toi ! Bats-toi ! »

Il avait raison, elle ne pouvait pas s'apitoyer sur son sort, elle ne pouvait qu'apprendre de son erreur et continuer d'avancer. Pour cela, elle devait se battre. Elle était plus forte qu'elle ne le croyait, et grâce à Eren, elle était l'une des personnes les plus fortes de l'Humanité. Elle se l'était déjà promis, mais elle le fit une fois : plus jamais elle ne renoncerai. Elle ferai tout ce qui était en son pouvoir pour survivre tout en protégeant sa famille. Pour Eren, pour Armin, pour son Papa, pour sa Maman et pour tous ses ancêtres.

Elle prit une grande inspiration afin de se maitriser, et expira bruyamment avant de s'essuyer les yeux.

— Ça va aller, dit-elle finalement en tâchant de calmer les battements de son coeur.

Sur ces mots, elle se leva sous le regard inquiet du petit blond et le regard intrigué de leur hôte. Avant de contourner la table pour rejoindre ce dernier.

— Est-ce que tu peux te lever s'il te plait ? demanda-t-elle d'une voix impassible.

Amos fronça les sourcils, incapable de deviner ce qu'elle avait en tête, et le regard d'Armin ne lui inspirait rien de bon.

Il s'essuya la bouche, et se tint debout face à l'orientale.

Elle l'enlaça sans prévenir, et le serra contre elle, pour la plus grande surprise d'Hannibal.

— Merci, dit-elle avec sincérité en resserrant son étreinte, tu as fais tellement pour moi aujourd'hui. Je ne sais pas si j'arriverai à te rendre la pareille un jour, mais je n'oublierai jamais tout ce que tu as fais.

Amos hésita, les seules personnes à l'avoir jamais enlacé étaient sa mère, Christa et occasionnellement Ymir. L'embrassade de Mikasa était vraiment sincère, et ses paroles étaient pleines d'émotions, il sentait ses larmes de reconnaissance mouillées son épaule. Aussi, il lui rendit son étreinte, bien qu'un peu embarrassé.

— C'était un plaisir, répondit-il.

Mikasa serra encore plus fort, à tel point que ses côtes commencèrent à le faire souffrir.

Armin les regarda en souriant. Au départ il avait eu peur que son amie ne se mette à déprimer en apprenant le sort de ses ancêtres. Ceci mêlé à la situation d'Eren aurait pu la torturer. Aussi, il fut soulagé de voir qu'elle tenait le coup, et qu'elle faisait confiance à Amos pour la suite des évènements.

— Tu sais, fit remarquer ce dernier, on attend toujours que tu commences à manger.

Mikasa sourit, avant de retourner s'asseoir. Le reste du repas se passa très bien, et l'orientale était reconnaissante d'avoir pu vivre ce moment.

Elle ne regrettait que l'absence d'Eren.