Chapitre 7

"Hide my head I want to drown my sorrow

No tomorrow, no tomorrow

And I find it kind of funny

I find it kind of sad

The dreams in which I'm dying

Are the best I've ever had."

-Tears for fears, Madworld

La porte s'ouvrit brusquement, et un jet lumineux inonda la Salle de Visionnement, noyant l'obscurité et blessant mes yeux habitués à la noirceur de la pièce.

-Flavien?

C'était la voix du Capitaine. Peut-être me cherchait-il? Après tout, je n'avais pas dormi dans le dortoir avec les autres.

-Qu'est-ce que vous faites ici?

Je tentai de me relever rapidement, prenant un air tout à fait usuel.

-Je…Je voulais juste… hum… penser un peu et je me suis endormi…

C'était lamentable comme excuse, mais je n'en trouvais pas d'autre.

-Ah…, Fit le Capitaine, J'ai vu Pétrolia tantôt, ça va pas vous deux han?

Il me parlait tout doucement, comme s'il s'inquiétait pour moi, comme s'il pensait que je m'étais chicané avec Pétrolia. Si seulement il savait…

-Hum, oui… J'veux pas vous déranger avec ça.

Il me sourit aimablement. J'avais horreur de jouer ce jeu avec lui, mais je ne pouvais faire autrement. Il mit une main sur mon épaule, et je dus forcer mes muscles à rester détendus.

-Vous savez, Me dit-il, J'ai remarqué que vous n'étiez pas dans votre lit hier soir, mais j'ai deviné ce qui se passait. Ne vous inquiétez pas, tout va rentrer dans l'ordre… Et puis, que diriez-vous de prendre un peu de repos aujourd'hui? Après tout, c'est grâce à vous si on a trouvé la planète.

Je me sentis faible à ces paroles. Tellement faible. Oui, grâce à moi, mais à quel prix? J'aurais préféré ne jamais trouver cette planète, ne jamais avoir eu à rencontrer cette femme, et surtout, surtout ne jamais avoir eu à faire semblant d'être digne de tous ces éloges de la part d'un si grand homme. Si seulement il savait… Il serait sûrement moins fier.

-Capitaine… C'est gentil de votre part…euh… J'peux tu aller prendre une douche?

-Bien sûr, faites.

Je lui fit un salut, et m'éloignai en direction de la salle de bain.

Je voulais seulement m'éloigner de tout, m'isoler, chercher un endroit où tout est plus calme. Je ne voulais plus penser, juste exister. Subsister en attendant que les autres soient sauvés, et ensuite je pourrais m'effondrer.

Je me sentais perdu dans le gouffre de la souffrance, je perdais pieds... Je n'étais plus fait pour ce monde. J'étais différent. Pourquoi moi? Pourquoi mon corps? Pourquoi? Cette question revenait sans cesse, mais elle restait sans réponse.

Parfois je ne savais plus quoi dire, ni penser. Les mensonges me consumaient. Tout était en désordre dans ma tête. Tout était vide et trop rempli à la fois. Trop, pas assez, je ne savais plus…

J'entrai dans la salle de bain et me déshabillai machinalement.

Je tournai le manche métallique du robinet, et l'eau jaillit sur mon corps fatigué. Je remarquai sans émotion les traces que les seringues avaient laissées sur ma peau, mais je n'en fis rien. Il n'y avait rien à faire. Elles m'avaient souillé, et plus rien ne pourrait me laver de ce que j'avais enduré.

Je me lavai lentement. Je me sentais comme dans un brouillard, un rêve distant de la réalité.

Après un temps, sans savoir combien de temps s'était écoulé, je sortis de la douche, m'essuyai et m'habillai.

Alors que je fermais mon casier, j'entendis un son derrière moi, un pas sur le pont métallique. Ma respiration devint rapide, mon pouls s'accéléra.

Sulayaa?

Je me retournai rapidement.

Brad.

-Vous avez bientôt fini oui? Me demanda-t-il, arrogant, J'ai une douche de 45minutes à prendre moi!

Je remarquai sa pile de livres et soupirai.

-J'vous la laisse, la douche.

-Bonnnnn… J'espère que vous avez pas trop laissé votre saleté dedans.

Je lui jetai un regard qui se voulait méprisant, mais je n'avais pas l'esprit à frapper Brad. Je sortis simplement.

Je marchai comme dans une transe, sans savoir où j'allais, sans même voir où mes pas me menaient.

J'avançai, sans but, sans penser.

Je me retrouvai dans le dortoir. Bob était assis sur le lit de Pétrolia, et grignotait un pogo. À mon arrivée, il me lança un regard noir, mais ne dit rien. Je montai machinalement sur mon lit et m'étendis. Je ne savais plus quoi faire de moi-même, de la douleur qui me rongeait de l'intérieur. Je ne pouvais ni parler, ni pleurer, ni même crier. J'avais mal. Trop mal.

Je saisis mon oreiller, et le serrai contre moi, comme pour apaiser la douleur qui me tenaillait à l'intérieur, qui me déchirait les entrailles.

-Quessé que t'essaye de faire? Me cracha la voix de mon ami assis plus bas, Tu rêves que ton oreiller, c'est Sulayaa?

Je frémis à ce nom, me ne dis rien. Je ne pouvais pas.

J'entendis un sifflement exaspéré. Bob prenait sûrement mon silence comme une confirmation à ses propos.

-J'te croyais mieux que ça.

Je l'entendis se lever, puis la porte s'ouvrir et se fermer.

Je respirai aussi profondément que mes poumons comprimés me le permirent. Le visage enfoui dans mon oreiller, j'essayai de penser à rien, au néant, mais même le vide était insupportable. Je me retournai le plus possible, me dissimulant encore plus profondément dans mon oreiller, et je sentis mon visage se tordre, mon corps se replier, ma gorge se resserrer.

Mes mains étaient glacées, tout comme mon sang. En fait je mourais à l'intérieur. Lentement, mes yeux se remplissaient de noir, je ne voyais plus… Je fixais le néant, les personnes chères à mon cœur s'éloignaient maintenant. Alors que toute ma vie se suspendait plus qu'à un fil, la chute approchait rapidement… Si seulement l'ombre ne m'avait pas enchaîné, si seulement j'avais appris à tomber…

Je devais traverser le souper avec Sulayaa et les membres d'équipage.

Ma respiration devint irrégulière, douloureuse et mes traits se plissèrent encore plus. Des larmes mouillèrent mes joues et transpercèrent le tissu caressant mon visage. Ma tête se vidait, il ne restait qu'une seule pensée.

Je devais y arriver.

À tout prix.

"When we collide we lose ourselves.

When we collide we break in two,

And as we push and we shove and we hurt the ones we love,

It's a hard mistake.

When we collide,

We break."

-Collide, Dishwalla