Stanyslas n'avait rien dit de tout le voyage. Il avait ressassé les diverses réactions des autres élèves de Beauxbâtons : cris de surprise, petits pas de côtés, regards suspicieux…

Maxime Olympe, la Directrice, était arrivée rapidement sur les lieux du tag. Elle avait tout aussi rapidement fait apparaitre un grand voile, avec inscrit dessus « idiot celui qui croît sans penser » pour recouvrir l'ensemble du tableau abîmé, mais le mal était fait.

Au moins, on ne l'avait pas dérangé dans le Bus de la Brume. Morgane, d'habitude si bavarde, était restée avec lui, mais n'avait rien dit non plus. Est-ce qu'elle se posait des questions elle aussi ? Elle en aurait eu tous les droits. Après tout, n'avait-il pas été le premier à soulever cette question.

Mais quand même… Il avait pensé qu'elle ne le traiterait pas différemment si c'était le cas, s'il était un enfant pourpre. D'autant que rien ne le prouvait encore ! Ce n'était que quelques mots écrits très gros et en toute illégalité : pourquoi les gens y accordaient-ils autant d'importance ?

Comme leur transport venait de s'arrêter sur le quai de Versailles, Stan réunit ses affaires et s'apprêta à partir sans un regard pour son amie. Alors qu'il allait traverser le miroir, c'est cette dernière qui l'interpella.

« - Dis donc, Stan ? Tu ne vas quand même pas partir sans me dire au revoir ?

- Je… Je croyais que tu ne voulais pas me parler !

- Et pourquoi ça ?

- Parce que… tu ne m'as pas parlé de tout le voyage ?

- Toi non plus, je te signale ! Tu avais l'air tellement fâchée… J'ai pensé que tu préfèrerais que je te laisse tranquille… »

Stan regarda Morgane avec une soudaine bouffée d'affection. Elle était plus prévenante et plus intelligente qu'il ne se l'était imaginé. Il eut l'envie de la serrer dans ses bras, mais… et bien c'était une fille et lui un garçon. Il ne fallait pas exagérer ! Il se rapprocha malgré tout de son amie et, ne sachant que faire, lui posa une main sur l'épaule.

« - Merci Morgane. Tu es vraiment… une chic fille. Et… j'ai hâte que les vacances soient terminées. »

Morgane ouvrit de grands yeux, tout d'abord pour la main qu'il avait posée sur son épaule, ensuite pour les propos qu'ils venaient de tenir.

« - Toi ? Stanyslas Gravel ? Le garçon qui nous rabat les oreilles à propos de ses parents depuis une semaine, tu as hâte que les vacances se terminent ?!

- Heu… - La jeune fille sourit, retrouvant la petite étincelle qui la caractérisait tant. –

- Merci Stan ! Moi aussi j'ai hâte, à dans deux semaines alors !

- À dans deux semaines… »

Et sans plus attendre, c'est Morgane qui traversa au pas de course l'un des miroirs du quai versaillais. Stan n'attendit pas longtemps pour en faire de même.

Sitôt le portail traversé une poitrine généreuse vint enserrer son visage dans le but évident de l'étouffer.

« - Mon chéri ! Tu nous as tellement manqué ! Mais alors comme ça c'est vrai ? Tu es vraiment devenu un Cameleau ? Tu ne plaisantais pas ?! »

Charlie Gravel se recula enfin, tenant toujours son fils par les deux épaules. Son regard était sévère, mais il l'était toujours moins que celui de son mari qui attendait un peu en retrait. Stan trembla intérieurement. Il avait envoyé quelques courriers à ses parents depuis le début de l'année et avait fini, au bout du troisième ou quatrième, par leur dire la vérité. Qu'il était un Cameleau… Il regrettait un peu maintenant, il n'était pas vraiment de bonne humeur et il n'avait aucune envie d'être grondé, surtout pas après la façon dont il avait quitté l'académie. Hélas, il fallait bien qu'il réponde, et sans mentir, ça ne servirait plus à rien.

« - Oui maman, oui papa… Je suis désolé.

- … Fiston…

- Papa…

- Approche idiot ! »

Et son père vint le tirer à lui pour lui donner une chaleureuse accolade. Stan en resta véritablement coi. Cela faisait des semaines, pour ne pas dire des mois, qu'il appréhendait la réaction de ses parents qui lui avaient mis une pression immense depuis tout petit, et voilà qu'on l'embrassait ! Incroyable !

« - Mais, mais… Je ne suis pas un Marbouelin comme vous, comme vous le vouliez… Je ne comprends pas,

- Écoute fiston, c'est vrai que ta mère et moi nous avons été vraiment déçus…

- surpris.

- Oui pardon, surpris au début. Mais nous y avons beaucoup réfléchi…

- Surtout ton père…

- Et une affinité avec l'eau est une très bonne chose aussi, oui, une très bonne chose. Vraiment.

- Vraiment… ?

- Vraiment, vraiment. – Stan soupira de soulagement. –

- Merci papa ! Merci maman !

- Mon chéri, tu n'as pas à nous remercier. C'est notre rôle de parent de te soutenir, et ce quel que soit ta nature.

- Tous les parents voudraient que leurs enfants soient à leur image… - Stanyslas sentit la déception l'envahir à ces mots. – Mais c'est une joie mille fois supérieure quand ils s'aperçoivent que leurs enfants sont encore meilleurs qu'eux ! »

Jack Gravel s'essaya au clin d'œil, exercice qu'il ne maîtrisait absolument pas, ce qui eut le don de faire sourire son fils deux fois plus. C'était peut-être le bon moment pour aborder un autre sujet difficile songea Stan.

« - Papa… Maman… je dois vous dire quelque chose.

- Pas ici mon chéri, pas ici. »

Et sans plus attendre, ils rentrèrent au domaine familial.

Ricane les attendait avec son habituel petit sourire malicieux. Stan le salua et lui parla de Toufeu et Touflamme. Ricane lui répondit que ça ne l'intéressait pas, que s'il avait voulu rencontrer d'autres elfes, il ne serait pas resté cloîtré dans cette propriété à veiller sur un petit garçon humain durant une dizaine d'années. Stan eut un instant de doute quant à la signification de ses paroles, mais Ricane ricana et l'affaire fut close.

On prit un bon repas, on papota à propos de l'école, des leçons, des nouveaux sortilèges qu'il avait appris, des professeurs aussi. Monsieur Vastoral était dur et sec comme du bois mort, mais toujours juste. Monsieur Louis semblait toujours à moitié endormi et, comme personne ne l'avait jamais vu se transformer, les élèves plaisantaient beaucoup sur son animal totem. On avait même ouvert des paris chez les Tirelairs, le panda et le paresseux arrivant en bonne place dans les côtes. Stan parla évidemment de Mademoiselle Tosenblat et son père l'interrogea sur Madame Tristemine.

Enfin, on en revint aux familles de Beauxbâtons. Le repas était terminé, Charlie était partie en cuisine pour aider Ricane à débarrasser et essuyer les plats. Jack avait emmené son fils dehors.

Ils se trouvaient à présent sur l'un des bancs de la propriété. Aucun des deux ne disait un mot. Le père tirait sur une longue pipe d'où se dégageait une épaisse fumée colorée, le fils regardait le petit étang familial attendant que la conversation commence.

« - Fiston, montre-moi ce que tu sais faire. »

Stan s'était attendu à cette demande, il était fébrile, incapable de savoir s'il parviendrait à impressionner son père.

« - Heu… Avant, il faut que tu saches que ma magie fonctionne mal, papa… - Jack haussa un sourcil. -

- Comment ça « ta magie fonctionne mal » ?

- Et bien… Parfois mes sorts sont très forts, je veux dire VRAIMENT très fort… et d'autres fois je n'arrive à rien ! »

Stan ne plaisantait pas, sa magie était instable. Elle donnait des résultats si contrastés que certains camarades le surnommaient pile-ou-face pour plaisanter, et ce, même si la plaisanterie ne le faisait pas rire.

« - Arrête de parler et montre-moi. »

Sans plus rien dire, Stanyslas s'exécuta. Il alla au bord de l'étang, puisqu'il était un Cameleau, l'eau était l'élément qu'il devait maîtriser le mieux. Il tendit sa baguette, droit devant lui, et se concentra. Il tenait absolument à impressionner son père. Il pensa au premier sort d'eau qu'il avait appris, un sort simple, mais très utile. Un sort pour contrôler de l'eau, d'une simple goutte à des lacs entiers selon la puissance du magicien. Stan, lui, avait déjà réussi à le faire. Du moins avait-il déjà réussi une fois et raté deux fois plus...

« - Aguamobili ! »

Il y eut un petit bruit, un « ploc », et quelques rides à la surface du lac, comme si l'on avait jeté un petit caillou dans l'eau. Stan sentit l'inquiétude le gagner.

« - Aguamobili ! »

Une boule d'eau de la taille d'une balle de ping-pong se détacha de la surface du petit étang. Stan la fit bouger lentement et avec difficulté avant qu'elle n'éclate et retombe en pluie naturelle. Le pauvre adolescent était complètement démoralisé.

« - Je suis désolé papa, je ne sais pas ce qui ne va pas ! J'essaye vraiment de tout mon cœur, mais elle ne veut pas m'obéir ! Ça ne marche pas, ça ne sert à rien, ça…

- Ça suffit, Stan. Agis en scientifique, pas en enfant. Un scientifique réfléchit, cherche des réponses. Tu dis que parfois ça marche très bien et d'autres fois non. Ce qu'il te faut, c'est comprendre ce qui déclenche ce changement. Le reste n'a pas d'importance.

- Oui papa, désolé, tu as raison. »

Stan revint s'asseoir sur le banc, son père lui passa un bras autour des épaules. C'était un bel instant, un moment privilégié entre père et fils.

« - Stan, est-ce que tu connais la Légende de la Pensée Bleue ?

- Non… C'est quelque chose que vous m'avez donné à lire avant que j'aille à l'académie ? Je ne m'en souviens pas…

- Nous t'avons peut-être fait lire un peu trop de choses et un peu trop jeune aussi ! – Jack Gravel rit à cette idée. – Mais non, cette histoire-là, Stanyslas, on ne la trouve pas dans les livres. Tu es grand maintenant, alors laisse-moi te la raconter, c'est une histoire connue de tout botaniste qui se respecte… Comme tu le sais, chaque famille de Beauxbâtons a pour emblème une fleur n'est-ce pas ?

- Oui, nous les Cameleaux avons la pensée bleue justement !

- C'est ça, les Aigrefeux ont le coquelicot rouge, les Tirelairs le muguet blanc et les Marbouelins l'aconit violet. Mais sais-tu pourquoi ce sont ces fleurs qui ont été choisies ?

- Parce qu'elle représente nos traits de caractère ?

- C'est une des raisons, oui, mais il en existe une autre.

- La Légende de la Pensée Bleue ?

- Laisse-moi te raconter… »

Jack Gravel se redressa, se tourna légèrement vers son fils, et prit le contrôle de la fumée de sa pipe pour narrer son histoire…

« - Il y a une légende, presque une rumeur en fait, une théorie d'alchimiste… Tu sais que l'académie a été presque entièrement refondée par Nicolas Flamel n'est-ce pas ?

- Oui, il a utilisé la fortune que lui a procurée la pierre philosophale. Tout le monde sait ça.

- Bien sûr. La pierre philosophale, celle qui donne vie et richesse à qui la possède… Tu sais que la dernière pierre philosophale a été détruite il y a quelques années par Nicolas Flamel lui-même et qu'il est mort peu après.

- Oui, bien sûr, tout le monde connait l'histoire d'Harry Potter et la pierre philosophale.

- Oui. Cependant… - Jack Gravel se pencha encore davantage, il se mit à murmurer comme s'il craignait d'être entendu. – Une rumeur dit que l'académie Beauxbâtons a toujours été une sorte de testament pour Nicolas Flamel, la rumeur prétend que quiconque percera le mystère de l'académie retrouvera la pierre philosophale.

- Alors il en existerait encore ?

- Non. Tu ne comprends pas Stanylas, ce que la rumeur dit ce n'est pas que l'académie garde une pierre philosophale dans ces murs, mais qu'elle est la solution pour produire sa propre pierre ! Beauxbâtons est une énigme géante Stan, et celui qui saura résoudre ces mystères, saura créer une nouvelle pierre ! Tu comprends ce que je te dis ?! »

Stan regarda son père, les yeux emplis de doutes. Était-il vraiment en train de lui dire ce qu'il pensait ? L'académie cacherait la recette pour fabriquer une pierre philosophale et personne ne le saurait ? Ce devait être une blague de son père. Ce n'était pas vraiment son genre, mais là, ce devait être une blague !

« - Tu te moques de moi, papa ! Ça se saurait s'il existait une façon de fabriquer une pierre philosophale ! – Stan rit nerveusement, espérant entrainer son père avec lui, mais il n'en fut rien.

- Stanyslas, je ne plaisante JAMAIS quand il s'agit de botanique et d'alchimie. Regarde-moi, Stanyslas ! »

Une ferveur soudaine s'était emparée de son père. Ce n'était plus une conversation intime, c'était devenu oppressant. La main de Jack serrait à présent l'épaule de son fils avec force.

« - Stanyslas. Tout ce que je t'ai dit et tout ce que nous t'avons appris, nous l'avons fait en prévision de ce moment. Beauxbâtons est la clé, une recette cryptée pour créer une nouvelle pierre philosophale et je veux que nous déchiffrions cette énigme Stanyslas. Toi et moi. Un père et son fils. Est-ce que ça ne serait pas magnifique ?

- …Mais… - Stan avait presque peur de son propre père. – Pourquoi est-ce si important, papa ? »

La main de ce dernier relâcha enfin sa prise. Il se leva et partit en direction de son atelier de travail qui se trouvait à l'écart de la maison. Jamais il ne se retourna pour voir si son fils le suivait, il savait que c'était le cas. Il déverrouilla la porte et entra, toujours sans attendre son grand garçon.

Stanyslas était perplexe, il n'y avait rien qu'il ne connaisse déjà dans l'atelier de son père. Des plantes en pagaille, des potions à foison, des papiers, des plumes, des ingrédients divers et variés. Tout était parfaitement ordonné, comme d'habitude. Pourquoi l'avait-il fait venir ici ?

Jack se dirigea vers un petit tiroir pour en sortir une vieille lettre tout abîmée. Elle avait dû être lue tant de fois que chacun de ses plis usés laissait passer la lumière. Il la tendit à Stan sans un mot.

« Cher Jack Gravel,

Je ne doute pas un instant de votre bonne foi lorsque vous nous dites que notre première missive ne vous est pas parvenue. C'est pourquoi nous avons tenu à ce que celle-ci vous soit remise en main propre par l'un de nos amis communs, ainsi aucun doute ne sera permis quant à la réception de ce courrier.

Certains pourraient croire que le temps joue contre nous, il n'en est rien. Il est, bien au contraire, notre allié le plus précieux et ce que nous sommes prêts à vous offrir le plus généreusement possible.

Or donc, comme vous le savez, nous sommes parfaitement au fait de vos compétences et comptons que vous en fassiez à présent un usage des meilleurs.

Nous sommes, à ce sujet, plus qu'heureux de pouvoir compter sur votre coopération pleine et entière dans l'entreprise qui nous anime tous à présent.

Nous avons, mon ami, entendu vos doutes quant à la pertinence de notre projet. Cependant, il vous faut comprendre que, dans l'affaire qui nous lie, il n'est plus question ni d'accord, ni de consentement, mais simplement de coopération. La vôtre.

Aussi nous ne doutons pas un instant que vous ferez preuve d'un zèle sans égal pour satisfaire à nos demandes. N'oubliez pas que nous n'aurons aucun mal à vous retrouver, vous ou votre famille.

Nous connaissons vos talents, vous connaissez la légende. Il n'y a rien à ajouter. Percez le mystère et vous serez récompensés, faillissez, et vous-savez-qui saura vous le faire payer.

Toujours un œil ouvert, toujours vigilant, vous ne serez jamais seul.

C.M.

PS : Nous nous reverrons dans une vingtaine d'années, pour le meilleur… ou pour le pire.

PPS : Veuillez conserver cette lettre comme preuve de votre engagement. Détruisez-la et nous saurons. »

Mais qu'est-ce que c'était que ça ? Stan était totalement déboussolé. Il regarda son père sans savoir quoi dire. Qui était-il, qui avait donc écrit cette lettre ? Et pourquoi ? Il était sans voix.

« - Papa… ? »

Son père avait un air et était aussi immobile qu'une statue de cire. Il observait Stan, comme curieux de voir sa réaction.

« - Papa… ? Qu'est-ce que ça veut dire ?

- Stanyslas, je suis désolé de devoir t'imposer ce fardeau, mais tu es trop vieux à présent pour te cacher plus longtemps la vérité. J'ai reçu cette lettre il y a environ vingt ans. Comme tu as pu le lire, on m'y a menacé.

- Mais pourquoi ? Que voulaient-ils de toi ?

- Que veulent-il de moi ? Que je décode l'énigme de Beauxbâtons.

- Mais pourquoi tu n'en as pas parlé, je ne sais pas moi, au Ministère de la Magie par exemple !

- Ce n'était pas si simple à l'époque Stan…. Et puis…

- Et puis quoi encore ?! Pourquoi n'était-ce pas SI simple ?! »

Stan sentait la colère monter en lui. Dans quel monde avait-il vécu jusqu'ici ? Qu'elle était cette histoire complètement absurde de menace et de pierre philosophale ! Lui, tout ce qu'il voulait, c'était simplement passer des années simples et heureuses à l'école ! Pourquoi donc fallait-il qu'il se retrouve mêlé à toutes ces histoires ! Corne de botruc !

« - Stanyslas, calme-toi. Tu ne sais pas de quoi tu parles ! J'ai ignoré leur demande les premières années ! Mais…

- Mais quoi ?!

- Ils ont menacé ta mère et ta sœur.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Ils nous ont menacés de la peste pourpre.

- Alors c'est ça la vérité ? Je suis bien un enfant pourpre après tout !

- Non, Stany… »

Stanyslas quitta l'atelier en claquant la porte si fort que les fenêtres en tremblèrent. Il fila aussi vite qu'il put dans sa chambre. Il bouillait de colère. Il lui avait menti ! Ils lui avaient tous menti ! Comment avait-il pu être aussi naïf, aussi bête ! Pourquoi l'aurait-il caché s'il n'avait pas été un enfant pourpre ?! Pour rien ! Des mensonges, rien que des mensonges ! Stan frappait du poing dans son oreiller avec toute la force qu'il avait.

Soudain, son petit Occamy sortit de sa capuche. Il avait à peine grandi depuis le début de l'année. De la taille d'un gros lapin quand il se déployait au maximum, il vint se placer entre le coussin et la main du garçon. Celui-ci s'arrêta. Il contempla son petit animal de compagnie, le précieux cadeau que lui avaient fait ses parents pour son entrée à l'académie. Les larmes montèrent doucement avant de se déverser à flots sur ses joues rougies par l'émotion. Il s'allongea et pleura un long moment jusqu'à s'endormir de fatigue.

Le lendemain matin, Stan resta au lit. Il ne voulait voir personne, surtout pas son père ni sa mère.

Dix heures. On toqua timidement à sa porte. Il ne répondit pas. On toqua encore. Il enfouit sa tête sous sa couette.

La porte s'ouvrit lentement et Charlie Gravel rentra. Elle vint s'assoir sur le rebord du lit. Elle ne chercha pas à découvrir Stan, elle ne lui dit pas bonjour, elle ne lui demanda pas non plus de venir manger. Elle s'assit là et resta immobile plusieurs secondes. Finalement, avec une petite voix fragile que Stan ne lui connaissait pas, elle livra à son fils quelques-uns de ses plus sombres souvenirs.

« - C'était il y a une quinzaine d'années maintenant, je me trouvais sur la Place Cachée après avoir fait quelques courses pour ton père et ta sœur. Je me dirigeais vers l'une des sorties lorsque des hommes me sont tombés dessus. Ce n'était pas n'importe qui. C'étaient des Mages Noirs, au service de forces ténébreuses terribles... À l'époque, il y en avait encore beaucoup et la disparition récente du Seigneur des Ténèbres n'avait pas suffit à calmer leur ferveur. Je n'ai pas eu le temps de réagir. Je ne me souviens de rien. Je sais qu'ils ont tué de nombreuses personnes sur la Place Cachée mais je ne me souviens de rien. Je n'ai même jamais compris ce qu'ils avaient fait… ce qu'ils m'avaient fait ce jour-là. »

Sa voix tremblait, Stan osait à peine respirer. Il était attentif à l'extrême.

« - Tout ce dont je me souviens après c'est de ton père qui me ramenait à la maison. Je n'ai rien dit de jour-là, ni sur le moment, ni après. Je ne voulais pas l'inquiéter plus qu'il ne l'était déjà et puis… j'avais l'impression que rien n'avait changé. J'avais simplement survécu, j'étais une chanceuse, je pensais. Je me trompais. Quelques années plus tard, je suis tombée enceinte de toi. Rapidement j'ai ressenti des douleurs qui n'avaient rien d'habituelles. Au bout du troisième mois, je décidais d'en parler à ton père. Il fut affolé. Dès le lendemain, il quittait son travail, installait son atelier dans notre propriété, et consacrait tout son temps à moi, à ma grossesse… À toi. »

Y avait-il des larmes dans les yeux de sa mère ou ces dernières étaient-elles restées coincées dans sa voix ? Stan n'osait toujours pas bouger. Une fois n'était pas coutume, il se sentait de plus en plus bête…

« - Il m'a fait passer toute une série d'examens et le verdict est vite tombé : j'avais été infectée par une variante de la peste pourpre. Nous ne savions pas encore ce que cela pourrait te faire… Nous étions terrifiés à l'idée de te perdre. Ton père… il a travaillé jour et nuit pour trouver une solution. Et il a réussi Stan. Il a réussi. Tu es né et tu étais vivant ! »

Il y avait une joie sincère dans les mots de sa mère.

« - Tu étais si fragile, tu criais si fort. Ton père a fabriqué un médicament rien que pour toi, pour apaiser tes douleurs… Ho… et tes cheveux ! Tes cheveux étaient noirs comme la nuit, magnifiques. Tu sais, ce n'est que lorsque nous avons appris, les jours suivants, pour les autres enfants, pour leurs cheveux pourpres, que nous avons enfin respirés. Tes cheveux noirs… Ton père… Ton père t'a sauvé la vie, Stan. »

Stan sortit enfin la tête de sous sa couette. Sa mère ne regardait pas dans sa direction, elle contemplait une toile de famille, une main posée sur le rebord de son matelas. Il hésita un instant, puis décida de poser la sienne par-dessus.

« - Mais… pourquoi ne m'a-t-il pas dit ça d'abord maman ? »

Sa mère le regarda enfin avec un sourire.

« - Peut-être que tu ne lui en as pas laissé le temps…

- Alors je ne suis pas un enfant pourpre ?

- Non, Stan, tu n'es pas un enfant pourpre…

- Mais papa… il a toujours peur d'eux ?

- Il y a de ça oui, mais pas seulement… Ton père… il aimerait te débarrasser des médicaments.

- …Maman…

- Oui Stan ?

- Je devrais aller m'excuser auprès de papa ?

- Je crois que oui Stan, tu devrais… »

On approchait de la fin des vacances et Charlie Gravel avait enfin consenti à faire le voyage jusqu'à la Place Cachée pour que Stan puisse trouver un petit cadeau à ramener à ses deux amis.

« - Alors comme ça tu t'es fait des amis malgré nos recommandations ?

- Ce n'est pas ma faute ! Morgane n'arrête pas de venir me voir quoique je fasse de toute façon. Et Indy… Bon Indy, c'est peut-être un peu ma faute. Mais maman ! Il est très intelligent ! Il m'aide pour les devoirs et comme il a toujours l'air contrarié, les autres nous laissent généralement tranquilles.

- Stan… On ne se faisait pas d'illusions avec ton père. D'abord Cameleau, maintenant deux amis… Je crois que tu nous auras tout fait… »

Charlie Gravel ne plaisantait pas. Pourtant, elle ne pouvait empêcher ses lèvres d'esquisser un léger sourire. Stan était parfaitement heureux à cet instant. Il avait fait un gros câlin à son père, un gros câlin à sa mère, passé un excellent Noël et jardiné avec Ricane.

Il avait pris le temps, surtout, de discuter avec son père. Ce dernier l'avait serré fort dans ses bras avant de lui demander pardon. Comme son fils avait fait exactement la même chose, il s'était pardonné mutuellement. Finalement, Jack avait demandé à son fils d'oublier toute cette histoire, qu'il était encore trop jeune, qu'il n'aurait jamais dû lui en parler, que les Mangemorts avaient disparu et qu'il n'avait donc plus aucune raison de s'inquiéter.

Si Stan n'avait pas cru à tout ce que son père lui avait dit, il était néanmoins heureux que ce dernier essaye de lui épargner ses problèmes.

Cela permettait à Stan de pouvoir se concentrer à nouveau sur SES problèmes à lui : trouver comment Lothar l'avait empoisonné, trouver qui avait tagué le tableau de l'Entrée et enfin, trouver deux cadeaux pour ses amis. Stan passa tout d'abord devant la boutique de Monsieur Sanfin sans s'y arrêter. Il n'allait pas offrir un chaudron ou une casserole à aucun de ces deux amis tout de même ! Il s'arrêta un instant devant la boutique Bonnetvolant. Il hésita…

« - Tu penses qu'un chapeau plairait à Morgane, maman ?

- Comment pourrais-je savoir, tu n'as même pas eu l'idée de nous apporter une photo de tes fameux amis !

- Mais maman ! Tu as déjà vu Morgane au magasin de baguette !

- Si tu crois que je me souviens des visages de tous les enfants que je croise !

- Désolé maman...

- Ce n'est pas grave, mon chéri. En vérité, je pense qu'un chapeau devrait toujours faire plaisir à ton amie, à moins qu'elle ne soit pas du tout coquette. »

Stan s'interrogea : Morgane était-elle coquette ? Ce n'était pas le premier adjectif qui lui serait venu à l'esprit en pensant à elle, ça, non. Pourtant il ne pouvait nier qu'elle était jolie avec sa cascade de cheveux noirs, son air espiègle et ses boucles d'oreilles assorties à ses yeux. Elle devait être coquette après tout. Dommage qu'elle soit si prompte à lui bastonner l'épaule.

« - Entrons voir alors. »

Et ils entrèrent. La boutique était cosy. Tout, ou presque, était recouvert de velours, de moquettes et autres tissus épais. Les chapeaux de démonstration voletaient dans l'air et venaient délicatement, de temps à autre, se poser sur la tête d'un client oisif.

On trouvait également des écharpes, des sacs à main, des gants, des chaussettes et même des culottes épaisses.

Stan se promena un moment seul dans les rayons. Il était en train de comparer deux accessoires lorsqu'il remarqua le regard amusé de sa mère.

« - Qu'y a-t-il, maman ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?

- Je trouve mignon que tu te donnes tant de mal pour ta petite copine, mon chéri.

- Mais ce n'est pas ma petite copine !

- Hm hmm…

- Je lui fais un cadeau parce que j'en fais un à Indy et parce que c'est Noël !

- D'accord. De toute façon, je préfère ça.

- Bien.

- Bien.

- …Attends, comment ça, tu préfères ça ?! »

Mais Charlie Gravel s'était déjà éloignée. Stan prit encore une bonne dizaine de minutes avant de revenir avec une écharpe aux couleurs des Cameleaux : bleu ciel avec de légères bandes jaune pâle. Comme tout produit de chez Bonnetvolant, l'écharpe était enchantée et s'enroulait d'elle-même autour du coup de son porteur sans jamais trop le serrer.

« - Tu es sûr de toi Stan ?

- Non, mais je ne vois pas ce que je pourrais trouver de mieux, j'ai déjà fait deux fois le tour du magasin, je n'en peux plus ! »

Charlie régla donc l'écharpe pour son fils avant de retourner dehors. Ne restait plus qu'à trouver un cadeau pour Indy, mais là ce serait facile. Stan avait déjà sa petite idée. Ils se dirigèrent donc d'un pas décidé vers la boutique de Gaston MacAaron. C'était la meilleure boutique de Quidditch de toute la France, nulle part ailleurs on ne trouvait autant de choix et des produits d'une telle qualité. C'était sûr, ici, Stan trouverait de quoi ravir son ami.

Il était en train de regarder les casques lorsque Raphaël Martin entra dans la boutique. C'était l'élève Marbouelin à côté duquel Stan s'asseyait parfois. Il appréciait particulièrement ce garçon à l'allure ingrate, mais à l'esprit affûté. De plus, c'était un Marbouelin, l'occasion était trop bonne de la présenter à sa mère.

« - Maman, maman ! Regarde, c'est Raphaël Martin, un de mes camarades de classe, c'est un Marbouelin ! »

Charlie Gravel leva les yeux et afficha immédiatement un sourire aimable alors que le jeune garçon approchait, accompagné, visiblement, de son père.

« - Stanyslas ! Je te présente mon père, Charles Martin. Papa, voici Stanyslas Gravel, figure-toi que c'est le fils de Jack Gravel dont tu m'as parlé !

- Enchanté Monsieur Gravel, et je présume que vous êtes Madame Gravel ? Enchanté. »

L'homme ressemblait au fils, mais l'âge avait joué en sa faveur, donnant du caractère et de la virilité au physique atypique que la nature lui avait donné. Il tendit une main puissante à Charlie Gravel qui la serra avec délicatesse. Stan remarqua cependant que celle-ci tremblait.

« - Monsieur Martin. Le plaisir est pour moi.

- Comment se porte Monsieur Gravel ? Depuis qu'il s'est retiré du domaine public, il manque à toute la communauté des botanistes. Assurément, sa retraite, si jeune, fut une grande perte pour le monde des sorciers.

- Jack se porte très bien, merci. Il profite du calme de la province et travaille toujours autant, mais pour d'autres raisons.

- De bonnes raisons, j'en suis certain. »

La poignée de main prit fin sur cet échange cordial. Les Martins père et fils partirent dans un rayon voisin tandis que Charlie les observait s'éloigner.

« - Maman ? Ça va ?

- Oui ? Oui. Oui, mon chéri, tout va très bien, merci.

- Ha ? D'accord… Tu es sûr ?

- Oui, enfin ! Monsieur Martin m'a juste rappelé le bon vieux temps, tu sais ce que c'est. Je me suis perdu dans mes souvenirs. Avec ton père, nous faisions beaucoup de sorties autrefois.

- D'accord…

- Allez, assez perdu de temps ! Trouvons ce que tu cherches et filons d'ici. »

Ils trouvèrent la perle rare après un bon quart d'heure de recherche. Il s'agissait d'un ouvrage, un guide pour Gardien de Quidditch intitulé « Gérer la pression et arrêter les grosses patates par Mehdi Churros ». Stan était très fier de lui. Il avait hâte de retourner à l'académie. Avant cela, il restait encore une étape : le Corbeau Mystique. Les parents de Stan avaient décidé de faire poser un enchantement de Locator Indelibilis sur Salvador et Stan. Cela permettrait à Stan de ne plus avoir à emprunter les oiseaux de l'école pour écrire à ses parents. Il n'aurait plus qu'à utiliser son petit Occamy comme un hibou sans avoir peur de le perdre ou qu'il soit volé. En effet, l'enchantement de Locator Indelibilis, faisait apparaitre, sur la partie du corps choisi par le sorcier, le lieu où se trouvait son animal de compagnie et ce, où qu'il soit.

C'était un sort très populaire ces dernières années et qui se justifiait d'autant plus que l'Occamy restait un animal rare et précieux.

Stan avait longuement réfléchi à la partie du corps qu'il se ferait enchanter. La plupart des sorciers le faisaient sur l'un des avant-bras, dans la partie intérieure. C'était discret et facile d'accès. On pouvait cependant se le faire inscrire sur le plat de la main ou la paume, voir sur une jambe ou un pied. Il n'y avait en fait aucune réelle restriction si ce n'est que l'endroit devait être visible évidemment. Et encore ! On trouvait là aussi des exceptions.

Stan choisit un endroit particulièrement discret. Il demanda en effet s'il était possible de placer l'enchantement sur le côté droit de sa main gauche. La propriétaire de la boutique n'y vit aucune objection et procéda donc à l'enchantement sous le regard observateur de Charlie Gravel.

« - Vas-y… Fais un essai maintenant. »

L'inscription restait invisible en temps normal. Elle ne se révélait, en fait, qu'après avoir prononcé l'incantation « Locator » ainsi que le nom de son animal.

« - Locator Salvador. »

Aussitôt les mots dits, une fine écriture se traça d'elle-même sur le côté de son index gauche. On pouvait lire « Domaine familial, dans le jardin ». C'était incroyable. Stan avait des étoiles plein les yeux. Il se sentait plus proche encore de son petit Occamy. Il sauta dans les bras de sa mère en la remerciant.

Dorénavant, il pourrait écrire à ses parents quand il le souhaiterait. De plus, il pourrait également écrire à sa sœur et ses amis lorsqu'il serait en vacances. Charlie et son fils prirent congé de la boutique et rentrèrent chez eux. La journée avait été longue, mais elle avait été parfaite.

Le jour du départ était arrivé. Les vacances avaient été riches en émotion. Qui aurait cru que Jack Gravel était un botaniste si renommé qu'il avait dû travailler sous la contrainte pour des gens aussi dangereux que les Mangemorts ? Sûrement pas son fils en tout cas. Stan n'en revenait pas.

Il en admirait d'autant plus son père. Il avait tout fait et tout sacrifié pour protéger sa famille, pour le protéger lui.

Il n'avait pas osé aborder le sujet des enfants pourpres à nouveau avec ses parents. Il ne leur avait pas parlé de l'immense tag avant son départ. Il avait décidé d'être comme son père. Fort. Il réglerait ce problème seul. Enfin, presque seul. Il espérait qu'Indy et Morgane ne le laisseraient pas tomber au retour des vacances.

Stan grimpa dans le dernier Bus de la Brume. Il savait qu'il y retrouverait ses amis et c'est effectivement ce qui arriva. Indy le salua d'un laconique « Stan ! », Morgane fut plus effusive, comme à son habitude.

« - Stan, enfin ! On avait peur que tu ne viennes pas ! On a cru que tu avais décidé d'arrêter l'école ou que tes parents te retenaient chez toi. On s'est même demandé si tu n'avais pas rejoint une secte secrète d'enfants pourpres !

- Ok… Salut Morgane, salut Indy, je vois que je vous ai manqué en tout cas.

- Pour sûr. »

Indy lisait, et quand Indy lisait, le reste avait bien moins d'importance à ses yeux. Heureusement, Stan avait bien une idée de comment attirer son attention.

« - Je vous ai amené des cadeaux !

- Des cadeaux ? – la tête du jeune blondinet avait enfin quitté le vieux grimoire qui lui écrasait les genoux. –

- Des cadeaux ! »

Il commença par le cadeau d'Indy parce qu'il était à peu près sûr que ce dernier lui plairait. En effet, le garçon chétif sourit avec malice en remerciant Stan.

« - Merci ! Le livre du professeur Churros ? Je ne savais même pas qu'il en avait écrit un ! Tu es plus futé que tu en as l'air, le pourpre !

- Hey ! Ce n'est pas drôle !

- Désolé Stan. Merci, vraiment, ça me fait plaisir.

- J'espère qu'il est bien…

- Parce que tu ne l'as pas lu ?! »

Indy prit un air exagérément outré qui fit rire les trois compères à l'unisson. C'était le tour de Morgane à présent. Ses yeux pétillaient d'impatience. Elle n'essayait même pas de cacher sa curiosité, elle était véritablement sincère dans sa façon d'être. C'était quelque chose que Stan était incapable de faire et il l'admirait sincèrement pour cela. Au moment de lui donner son cadeau enfourné dans un sac tout froissé, Stan ressentit le besoin de s'excuser.

« - Bon… je suis désolé, ce n'est peut-être pas très bien comme cadeau. Mais je ne savais pas trop ce qu'une fille aimerait. Alors j'ai essayé de me mettre à ta place, mais ce n'était pas facile… Bref. J'espère que ça te plaira un peu. »

Et il relâcha enfin sa prise sur le sac. Curieusement, alors qu'elle semblait tout excitée par l'idée de recevoir quelque chose, elle prit beaucoup de soin pour ouvrir le sac et l'emballage qui contenait l'écharpe. Quand elle vit celle-ci, elle la déploya autant que possible devant elle sans un mot. Stan commença à véritablement s'inquiéter.

« - Oui, je sais c'est une écharpe, ce n'est peut-être pas très malin, mais je me suis dit que le temps était frais en ce moment et…

- Stan. »

Morgane le regarda droit dans les yeux, le visage impénétrable.

« - Stan… »

Voilà, il en était sûr, il était nul pour choisir des cadeaux, et encore plus des cadeaux de fille !

« - Stan ! Je l'adore ! »

Et elle se jeta naturellement à son coup pour le remercier.

« - Merci ! Elle est super géniale ! En plus, ce sont les couleurs de notre Famille ! Et regarde Indy ! Elle s'enroule toute seule sur moi ! Olala ça a dû te coûter une fortune !

- En fait c'est ma m..

- Merci, merci, merci Stan ! »

La jeune fille plongea son visage dans l'écharpe qui lui recouvrait à présent les épaules et la poitrine. Elle souriait et fermait les yeux de plaisir, savourant la douceur et l'épaisseur du tissu magique. « Alors elle était bien coquette… » songea Stan. « Et elle est vraiment jolie aussi… ».

Le jeune garçon secoua la tête, à quoi pensait-il ! Il regarda ses deux amis. Indy était déjà en train de parcourir le sommaire de son nouveau livre tandis que Morgane faisait rouler son écharpe entre ses mains pour en admirer les paillettes qui la parsemaient discrètement.

C'était reparti pour un semestre entier. Plus long que le premier de deux mois, il promettait encore bien des surprises. Stan avait à présent six mois pour réussir son année, prouver qu'il n'était pas un enfant pourpre et montrer à tous que Lothar était une véritable peste ambulante. Il y arriverait. Il ne savait pas encore comment, mais il y arriverait. Ne serait-ce que pour ses parents. Il voulait être à la hauteur de son père.

S'il n'était toujours pas décidé à devenir botaniste comme lui, il voulait au moins lui montrer qu'il possédait la même force de caractère. Il ne se laisserait pas faire, il lutterait pour se défendre lui et sa famille. Jack Gravel serait fier de son fils !

Le jeune garçon pouvait sentir la présence de Morgane à ses côtés qui cherchait à présent à s'assoupir dans sa nouvelle écharpe. Ses cheveux légèrement bouclés et noirs comme l'ébène lui tombaient sur le visage, mais elle n'en avait cure.

Stan ferma les yeux à son tour alors que les Bus de la Brume démarraient. Il avait confiance en l'avenir. À ses côtés, Indy referma le livre pour interrompre le fil de ses douces pensées par quelques mots plein de mystère.

« - Les amis… j'ai quelque chose à vous dire.

- Tu nous le diras plus tard… - Morgane avait déjà la voix pâteuse. –

- C'est à propos de Tristemine.

- Je croyais qu'on devait laisser Madame Tristemine tranquille… - Morgane semblait très décidée à dormir. -

- C'est juste que je cherchais des informations sur les différents types de poisons que Lothar aurait pu utiliser, pendant les vacances. Or, dans l'un des livres que j'avais empruntés, il parlait de Luc Millefeuille. Vous saviez qu'il avait travaillé au BAG ?

- Au BAG ?

- Le Bureau des Affaires Gastromagiques ! »

Stan s'était redressé. Il n'avait aucune idée de l'importance de cette information, mais tout ce qui pouvait avoir un lien, de près ou de loin, avec les enfants pourpres l'intéressait. Morgane continuait à faire de la résistance, toujours sans ouvrir un œil, elle montra son manque d'intérêt par une remarque laconique.

« - Et alors ? Ce n'est pas SI étonnant pour un botaniste renommé…

- Peut-être, mais lui, il était directeur de son propre bureau d'étude avant de… vous-savez.

- D'accord, mais quel rapport avec Tristemine ?

- Et bien… »

Indy voulut ménager son effet, mais Stan n'avait aucune envie de jouer le jeu. Il le pressa.

« - Allez, dis !

- Et bien, Madame Tristemine travaillait dans le même bureau d'étude que lui, elle était sous ses ordres !

- Mouais… Elle ne devait pas être la seule, j'imagine… - Malgré son scepticisme affiché, Morgane se redressa à son tour. –

- Je n'ai pas fini. Mon père m'a dit qu'il y avait une rumeur qui courrait sur eux à l'époque.

- Tu sais, moi, les rumeurs… »

Stan était vacciné contre ces dernières, étant lui-même victime de l'une d'entre elles. Il s'interrogeait sur le crédit à accorder à ces dernières, mais si Indy en parlait, il fallait au moins qu'il l'entende.

« - Mais cette rumeur-là est différente, mon père la tient directement d'un ancien membre de ce bureau d'étude !

- Allez, Indy, accouche ! – Stan ne pouvait qu'approuver l'impatience de son amie. –

- Très bien, je me lance… Madame Tristemine aurait été la fiancée de Luc Millefeuille lorsqu'il travaillait encore au BAG !

- Sa fiancée ?! »