Severus n'avait pas eu le temps de se poser la question de ce qu'il adviendrait au gamin puisqu'une moto pétaradante fit son arrivée, et Hagrid en descendit pour récupérer le petit.
Étrangement, Severus eut du mal à se défaire de l'enfant, qui s'accrochait à lui. Il croisa le regard vert, et reçut un sourire timide, mais il n'y répondit pas. À la place, il tendit le petit garçon à Hagrid.

Cependant, il ne put se détourner avant que la moto ait totalement disparu dans le ciel, le coeur empreint d'un vide étrange. Puis, il secoua la tête et transplana pour Poudlard, prêt à faire son rapport.

- Ils sont morts ! Vous aviez promis Dumbledore ! Vous aviez promis de la protéger.
Le Directeur voûta les épaules.
- Je ne pouvais pas prévoir. Leur gardien du secret… il les a trahi ! Moi même je ne savais pas où ils vivaient par sécurité !

Severus renifla, poings serrés, transforma le chagrin de la mort de Lily en colère.
- Pour ce que ça change !
- La prophétie… Mon garçon, je sais à quel point vous teniez à… cette chère Lily, mais en se sacrifiant pour son bébé elle a anéanti Voldemort pour un temps. Elle nous a offert un répit bienvenu dans cette guerre en attendant que son fils soit assez grand.
Il serra les poings.
- Vous saviez !

Dumbledore détourna les yeux et haussa les épaules.
- Bien sûr que non. Mais il faut voir le bon côté de cette situation mon garçon.
Severus ferma un instant les yeux, luttant pour ne pas sauter à la gorge de l'homme face à lui, qui se réjouissait de la mort de la seule personne importante dans sa vie. Il était prêt à annoncer sa démission, à quitter Poudlard et peut être même l'Angleterre quand le Directeur reprit la parole, d'un ton plus assuré.
- Pendant votre absence, j'ai vu le Ministre. Vous aurez un procès pour votre implication dans… la petite organisation de Voldemort, cependant puisque vous avez un poste à Poudlard et que vous avez contribué à nous aider, vous ne passerez pas une seule minute à Azkaban. Ils vont probablement exiger que vous soyez placé sous ma tutelle, c'est à dire continuer à travailler ici, mais je pense que c'est une bien faible punition non ?

Severus resta silencieux, incrédule. Il avait été piégé en beauté. Un instant, il se demanda si Voldemort n'avait pas été un Maître moins cruel malgré les Doloris… Dumbledore coupa ses pensées en continuant, avec un léger sourire.
- Et puis, je suis certain que vous serez ravi de prendre sous votre aile le fils de James et Lily quand il entrera à Poudlard. Après tout, ce serait un bel hommage que de protéger son garçon. D'ailleurs… à ce sujet, je dois y aller. Le placer en sécurité. Hagrid doit être proche de la destination et je ne voudrais pas le faire attendre par ce froid.

Ainsi congédié, Severus quitta les lieux, un peu sonné. Il rejoignit ses cachots mais il avait appris de ses erreurs. Plutôt que de boire jusqu'à l'inconscience, il s'enferma dans son laboratoire, commençant à brasser des potions de plus en plus complexe. Tout pour distraire son esprit, pour ne pas penser à ce qui venait de se produire, à son avenir déjà tracé par un vieil homme manipulateur.

Son procès eut rapidement lieu. Il était encore étourdi par les évènements, dévasté par la mort de la seule femme qu'il avait aimé à la folie.
Il se laissa enchaîner dans la salle, sous les regards méprisants des personnes présentes. Dumbledore était présent, majestueux, un petit sourire satisfait.
Il les laissa l'humilier, se moquer de lui. Après tout, ils ne pourraient pas faire pire que les Maraudeurs, et il avait acquis une certaine immunité.

Ce fut une parodie de justice. Au point que Severus se demanderait souvent dans quelle mesure Dumbledore avait organisé les choses. On lui reprocha d'avoir été un Mangemort, même quand il avoua sous véritasérum qu'il n'avait pas participé aux raids sanglants mais qu'il était celui qui brassait les potions pour Voldemort.
Il hocha la tête aux bons moments, avouant tout ce qu'ils voulaient.

Puis Dumbledore se leva, et prit la parole, prenant les choses en main. Il annonça que Severus était un espion précieux pour son Ordre, que son rôle avait été précieux. Il argumenta soigneusement, calmement.
Il annonça que Severus Rogue était un professeur de Poudlard et qu'il resterait près de lui, preuve qu'il était du bon côté.

Il y eut bien quelques protestations, cependant le Ministre en personne prononça la sentence : tant que Severus Rogue était professeur à Poudlard, il ne serait pas inquiété pour ses activités de Mangemort.
Amer, le maître des potions comprit qu'il n'irait pas à Azkaban mais qu'il serait enchaîné à Poudlard. Il échangeait une prison contre une autre. Les Détraqueurs étaient juste remplacés par une armée d'élèves.

Passé le choc de la mort de Lily, Severus devint encore plus sombre qu'avant. De professeur mal aimé, il devint détesté, faisant trembler les élèves dès leur arrivée à Poudlard.
Il était le seul à obtenir un silence religieux dans ses classes, à imposer son autorité d'un regard.

Il parcourait les couloirs de l'école à grands pas, sa cape flottant derrière lui. Il retirait des points, impitoyable, ignorant les regards haineux. Il se moquait d'être autant critiqué, détesté. Il prenait un malin plaisir à ce que tout le monde se plaigne, espérant presque que Dumbledore en aurait assez et finirait par le virer…

Sa réputation se construisit, année après année. Les reproches et remontrances glissaient sur lui.
Cependant, il avait cessé de vivre réellement. Il se moquait bien de son apparence, de son air revêche, de son manque de vie sociale. En dehors des élèves et de ses collègues, il n'avait des interactions avec personne, hormis les Malefoy qu'il voyait une ou deux fois dans l'année, pour son rôle de parrain.
Il s'était éloigné du petit garçon blond, parce qu'il avait le même âge que le fils de Lily, et que le voir l'obligeait à se demander ce que devenait le garçon aux yeux vert qui l'avait agrippé avec confiance. Alors, furieux de sa faiblesse, il se convainquait que le gosse avait une vie de rêve, choyé et protégé et qu'il serait le même imbécile arrogant que l'avait été son père.