Hello !

Pause finie, la publication reprend !

J'espère que vous allez bien, que le confinement n'est pas trop dur. C'est vrai qu'il est moins strict que l'année dernière, mais je sais que le manque de contact sociaux peut être compliqué. Au moins, les fanfictions se multiplient, ce qui vous permet un peu de sourire, j'espère !

Concernant Sombre Rêves, je peux vous annoncer que ce tome cinq sera terminé et devrait enchaîner, plus tard, sur un sixième. Nous en reparlerons au dernier chapitre. Néanmoins, l'avertissement du début de tome tiens toujours. Faites attention à vos lectures, à votre santé mentale.

En ce moment, Al Fonce propose Semaine Paire, et alors que je ne lis presque jamais de Drarry, je dois admettre que cette histoire est drôle, rafraîchissante, et fais du bien. Sinon, j'avais aimé Les Mémoires de Sirius O. Black, quand j'étais enfant, c'est fluide et fun. Dans mes histoires, je pourrais vous conseiller Baby-Sitter pour Mômes Spéciaux et ses spin-offs mais c'est du Avengers !

Sinon, Jusqu'à la toute fin est globalement plus léger, c'est un recueil de tranches de vie très courtes sur la Nouvelle Génération.

Bien, reprenons ! Nous avions terminé sur un effondrement de la part de Lucifer, donc ce chapitre verra des séances chez le thérapeute, et des moments difficiles.

Merci à Corvino pour ses différentes reviews sur les tomes ! Je suis tellement heureux-e que cette histoire te plaise au point où tu l'as lue trois fois ! Merci infiniment pour tes compliments sur mes personnages, mon écriture, et pour suivre cette histoire. Les tomes sont effectivement de plus en plus sombres, et suivent les originels. Je suis content-e que la relation entre Lucifer et Noah t'ai satisfaite, je sais que c'est très frustrant quand ce genre de choses est passé outre !

Ce chapitre est dédié à BlueSerdy. C'est un message de sa part qui m'a permis de reprendre l'écriture, et qui fait que vous pouvez le lire aujourd'hui !

J'espère qu'il vous plaira !


Les marques sur son visage et son cou rappelaient cruellement à Lucifer la crise à laquelle il s'était abandonné. Les plaies grattaient en cicatrisant, et Dudley sursautait chaque fois qu'il les redécouvrait. La relation entre son cousin et sa tante paraissait s'être améliorée depuis Noël, à moins que sa présence pathétique et épuisée n'encourage l'autre adolescent à lui épargner cris et reproches.

Pétunia le réveillait à neuf heures, le forçait à rejoindre la salle à manger malgré la faiblesse musculaire qui le forçait à s'appuyer sur les murs, puis il travaillait sur le canapé en attendant le déjeuner. Il arrivait qu'il s'endorme. Sa tante se contentait de l'appeler à midi et demie pour qu'il se nourrisse. Tous les deux jours, à quatorze heures, elle le conduisait chez son thérapeute.

-Nous irons au cinéma, ce soir, déclara-t-elle en le déposant devant leur maison -elle travaillait l'après-midi-. Essaie d'étudier et prépare la sauce des pommes de terres.

-Promis.

La séance qu'il venait d'endurer lui retournait encore l'esprit. Il déverrouilla la porte d'entrée, prit la peluche blaireau qui trônait entre deux oreillers, et se blottit sur le canapé. Les lettres envoyées par ses proches attendaient de trop nombreuses réponses. Noah lui écrivait chaque jour, Harry lui envoyait de courtes missives comportant des anecdotes quotidiennes, auxquelles Ron et Hermione ajoutaient parfois quelques mots amicaux. Sally-Ann avait écrit longue lettre, où elle lui sommait de ne pas répondre si cela lui était trop difficile.

« Tu dois dépasser la honte que tu ressens, pour t'accepter. »

Les mots de son thérapeute résonnaient en boucles à l'intérieur de sa tête. Il avait besoin de parler, encore, pour répondre à l'homme qui avait conclu la séance par ces quelques mots dangereux. Sa lettre à Noah débordait de phrases infinies et de litanies épuisantes qu'il se refusait à lui envoyer. Ne pas pouvoir communiquer avec son meilleur ami à chaque instant se révélait éprouvant.


La porte d'entrée claqua brutalement, suivi d'un marmonnement d'excuses. Dudley laissa son sac de cours dans l'entrée et vint dans le salon. Il portait encore ses chaussures, détail qui aurait fait hurler Pétunia si elle avait été présente.

-Bonjour, marmonna-t-il en évitant de s'attarder sur le visage balafré de son cousin.

La présence de la peluche le désarçonna. Lucifer se recroquevilla sous la violence de l'image qui lui était renvoyée : un adolescent qui se comportait comme un enfant, blessé, mentalement perturbé. Dudley recula sans parvenir à se retrancher dans sa chambre.

-Tu n'as pas l'air d'aller bien.

-J'ai honte.

Les mots lui arrachèrent la gorge. Il resserra le blaireau, se sentant aspiré par une spirale d'autodestruction et de haine.

-C'est nouveau, fit son cousin, les sourcils froncés.

La surprise arracha Lucifer à sa douleur, et il fixa son interlocuteur, interdit.

-C'est nouveau, répéta Dudley. Tu n'as jamais eu honte. Tu étais toujours coloré, voyant. Tu ne t'es jamais posé la question avant de fondre en larmes, de poser des questions, ou de... d'être là.

Son cousin se tenait maladroitement dans l'encadrement de la porte. Bien qu'en surpoids de par l'hérédité, il avait gagné en forme physique et ses pommettes ressortaient légèrement. Lucifer entrouvrit les lèvres sans trouver de réponse adéquate.

-Tu ne déranges pas, reprit Dudley. Quand tu pleures. Ni quand tu es heureux. Tu es juste là, comme d'habitude.

Cette conscience aiguë de ses différences de comportement était venue avec les crises d'angoisse, réalisa Lucifer. Ses émotions difficilement contrôlées n'avaient commencé à poser problèmes que lorsque l'hyperventilation avait brutalement attiré l'attention sur sa personne. Il ne s'était jamais haï avant elles.

-Merci, répondit-il sincèrement.

Dudley fixa ses pieds, mal à l'aise, ne sachant comment mettre fin à la conversation. Lucifer annonça le programme de la soirée, et son cousin se dirigea vers la cuisine, l'air perturbé mais le pas ferme.


Pétunia se garait désormais à une dizaine de minutes à pieds du cabinet du psychologue, offrant ainsi à Lucifer de prendre l'air frais. Une semaine après avoir quitté Poudlard, le garçon tenait à peine debout. Elle le rattrapait sans mot dire au niveau du bras lorsqu'il trébuchait, et lui posait diverses questions sur Poudlard, Ombrage et son avancée dans le travail. Les strictes directives de sa tante empêchaient l'adolescent de se perdre dans le désespoir qui l'habitait.

-J'ai répondu à Sally-Ann ce matin, entre la métamorphose et l'étude des runes. Elle aurait été peinée si je ne l'avais pas fait. Je suis certain qu'elle se procurera Braveheart avant l'année prochaine.

Il sourit en mentionnant le premier film qu'il ait vu au cinéma. Les lèvres de Pétunia s'étirèrent légèrement tandis qu'elle approuvait d'un signe de tête.

-J'aimerai que tu me parles de ce qui s'est passé avant que je vienne te chercher à Charing Cross, dit-elle soudain.

Lucifer se raidit, et son souffle se coupa. Sa tante l'aida à se redresser puis ralentit le pas. Elle l'avait récupéré au Chaudron Baveur en remerciant brièvement le professeur Chourave, avec qui elle avait échangé quelques mots tout en serrant les épaules de son neveu d'une poigne ferme. Arrivés chez eux, elle leur avait servi un thé brûlant dans ce silence chargé de mots qu'elle ne parvenait pas à prononcer, l'avait aidé gagner sa chambre puis à défaire ses valises. Une instruction à Dudley avait suffit à ce que le moldu propose une partie de jeux vidéos à son cousin.

-Je... inspira le rouquin.

La sécheresse de la femme à son égard n'avait d'égal que l'amour qu'elle lui portait. Il s'assit sur un banc, conscient qu'être en retard au rendez-vous importait, en cet instant, bien peu.

-Je...

Relater l'épisode à Noah et son thérapeute avait été pénible. La honte le brûlait autant que les marques d'ongles. Il n'avait pas peur que sa tante cesse de l'aimer, constata-t-il. Sa présence solide, certaine, lui permettait de mieux respirer et de ne pas craindre la chute. Pétunia l'aidait à méditer, quinze minutes avant le dîner, conformément aux conseils du thérapeute.

-Le professeur Rogue martelait des ordres. Ils m'atteignaient, m'angoissaient... Je lui ai calmement demander de cesser afin que je puisse me reprendre et que la session soit productive.

Les horreurs proférées le giflaient de nouveau. Avec son excellente mémoire, il relata l'altercation et les réactions effrayantes de l'homme, répétant avec exactitudes les phrases de l'un et l'autre. Pétunia se remit à marcher à mi-récit, rigide, dans une tension où il sentait une férocité jaillir pour le protéger. Elle laissa son neveu à la porte du cabinet avec une salutation laconique.

Lucifer parlait rapidement, déversant ses ressentis trop vifs, trop nombreux, les cauchemars qui le hantaient de nouveau et ses nuits bien trop agitées, son besoin de sommeil croissant. Terrifié par la trahison de son corps, ne pouvant plus se fier à son esprit, il se roulait en boule dans le fauteuil, s'y étirait, agitait frénétiquement les jambes dans une recherches d'explications que le psy le laissait explorer tout en retenant chaque instant.

-Ce tourbillon de haine et de destruction, Lucifer, porte le nom de dépression. Ce n'est pas inhabituel avec un syndrome de stress post-traumatique, mais la tienne est survenue avant, à cause de divers facteurs. Ton cerveau ne parvient plus à prendre autant de plaisir à vivre qu'autrefois, et toute ton énergie est focalisée à pallier à ce syndrome post-traumatique... ou à te protéger de Voldemort. Enfant, ta nature intègre et déterminée t'ont protégé de ces sensations d'être indésirable. Du fait de la dépression, des crises d'angoisses et du stress post-traumatique, il n'y a plus assez de barrières à ces pensées. La méditation t'aide à concentrer et contrôler tes émotions, mais il faut que tu acceptes l'adulte que tu es en train de devenir. Tu es fort, Lucifer, et tu es parvenu à surmonter nombre d'épreuves. Tu travailles sur toi tous les jours. Tu vas y parvenir. Repose toi, continue à suivre le rythme imposé par Pétunia, puis celui du pensionnat. Nous allons nous arrêter ici pour aujourd'hui. Je veux que tu te reposes. Le troisième trimestre est à affronter. Lorsque nous nous reverrons cet été, tu auras parcouru bien du chemin encore. Je te dis à mercredi. Essaie de réfléchir à des méthodes pour bloquer les tourbillons quand tu sens qu'ils t'emportent.

Ils se serrèrent la main. Dehors, Pétunia l'attendait.


Cher Lucifer,

Voici les cours du jour. Je maîtrise parfaitement le sortilège de duplication à présent, grâce à Sally-Ann. Je sais que tu n'es pas sensé te soucier des devoirs, mais le professeur McGonagall a insisté sur le fait que les sortilèges de transferts tombent souvent aux BUSE, je t'ai donc ajouté l'intitulé de la dissertation en fin de parchemin.

Merci pour tes conseils sur le Philtre de Paix, j'ai réussi à en brasser un au dernier cours.

J'espère que tu te sens mieux, ta dernière missive paraissait plus vive.

A Poudlard, la vie quotidienne s'est interrompue suite à la nomination d'un nouveau professeur de Divination. Le professeur Ombrage a fait renvoyer le professeur Trelawney. Je suppose que c'était à prévoir, néanmoins, cela m'ennuie pour les raisons que tu peux imaginer. Elle a été remplacée par Firenze, un centaure qui vit dans la forêt interdite, nom qui te sera, je l'espère, familier.

A bientôt Lucifer, garde cette énergie !

Susan

La lettre de son amie l'attendait au retour de la séance. Courtes et expéditives, reflétant l'efficacité de la jeune fille, ces missives se contentaient d'annoncer des faits objectifs en raison des possibles censures de courrier. Il devinait la colère noire de Susan face au licenciement d'une femme, dont la matière était certes très imprécise, mais dont les connaissances en divination basique étaient solides. Elle savait interpréter les feuilles de thé et les rêves sans manuel et discernait aisément des choses intéressant son interlocuteur dans les boules de cristal. Sally-Ann la qualifiait d'excellente en charlatanisme.

« Ce sont des suppositions nébuleuses d'une matière qui ne l'est pas moins, mais qui restent particulièrement amusante », répliquait Susan.

Epuisé après son entrevue avec le psychologue, Lucifer ne parvint pas à lui répondre et se plongea directement dans la lecture de ses cours.

Il éprouvait des difficultés à se concentrer, relisant les mêmes passages sans en saisir leur essence, pratiquant les mouvements décrits avec sa baguette sans être certain qu'ils soient corrects. Il se décida à appliquer les conseils de son entourage en fin d'après-midi et retira un livre de sa chambre. Il s'agissait d'un vieil exemplaire du Docteur Jekyll et Mister Hyde. Malgré la délicieuse plume de Robert Louis Stevenson, le conte lui évoquait Voldemort et Quirell. Ses mains lâchèrent l'ouvrage, tremblantes tandis que l'envahissaient les souvenirs : la pièce orangée sculptée dans la pierre, au cœur de Poudlard où trônait le miroir du Rised, ses ongles qui se plantaient dans sa main pour maintenir désespérément ses paupières fermées et ne pas voir... Ne pas voir Voldemort, porté par Peter Pettigrew dans le cimetière, petite chose inhumaine possédant encore trop d'influence, Voldemort qui renaissait devant eux... Voldemort...

-Ce n'est pas que Voldemort ! hurla-t-il.

Il reposa le livre dans sa bibliothèque, écoeuré. Dudley entrouvrit la porte de sa chambre.

-Tout va bien ?

-Je crois, répondit Lucifer. Ce n'est pas que Voldemort. Ce sont ses serviteurs qui lui donnent ce si grand pouvoir, ses serviteurs qui lui ont permis de renaître alors qu'il était si affaibli. Sans eux, il se trouverait toujours en Albanie, incapable d'agir. Sans la lâcheté de mon parrain, il serait toujours dans cette forme de vie pathétique, fomentant sa vengeance et son retour mais nous laissant nous préparer. Comme toujours, la source du pouvoir de Voldemort ne réside pas uniquement en sa personne. Ses serviteurs et l'idéologie, le racisme latent des sorciers ont mené à son premier règne, comme tant de fois dans l'Histoire. Je dois trouver des livres...

Il s'arrêta, haletant, mais se força à prononcer les mots suivants :

-Ce n'est pas ma présence dans le cimetière qui lui a permis de renaître. Les meurtres qu'il commet ne me sont pas imputables. Je ne suis pas coupable.

Chacun d'entre eux lui arracha la gorge, étirés à l'infini devant un Dudley qui souriait avec compassion, sans savoir trop quoi faire. Finalement, son cousin ouvrit la porte de sa chambre.

-Tiens... Maman me l'a acheté, pour... enfin, je n'ai pas vraiment réussi à le lire, mais je crois que ça peut te plaire.

Dans ses mains, se trouvait le premier volume de Ca, par Stephen King.


L'atmosphère sombre et psychologique du thriller était exactement ce dont Lucifer avait besoin. Il se délecta des premiers chapitres puis se décida à concocter un gâteau pour le dîner. Il se sentait en bien meilleure forme lorsque, passé dix-huit heures, sa tante poussa la porte d'entrée. La cuisine embaumait la pâte citronnée, et elle embrassa distraitement son neveu, juste au dessus de la tempe, sans y penser. La respiration de Lucifer se suspendit autant que les gestes de la femme, mais ils ne dirent mot, tandis qu'elle paraît saluer son fils.

Le risotto de courgettes mijotant, Pétunia demanda à Dudley de les rejoindre dans le salon, et leur ordonna de s'asseoir. Les deux garçons prirent place, nerveux et indécis.

-Je connais Severus Rogue depuis l'enfance. Ce que je vous dis ce soir doit rester secret et ne pas sortir d'ici.

Elle jeta un regard perçant à Lucifer, qui se tendit. Dissimuler d'importantes choses n'amenait rien de bon.

-Sous la bénédiction de Cygnus Weber, ce genre de règles ne s'applique pas à Noah. Quant à Harry, il serait préférable que James lui en parle. Il n'en fera jamais rien, mais je te demande de ne pas le lui révéler. Il s'agit d'informations extrêmement sensibles en tant de guerre.

Outrepassant le choc des connaissances de sa tante vis à vis des Weber, Lucifer saisit aussitôt les notions martiales et historiques. Il acquiesça, tandis que Dudley demeurait bouche bée, un peu perdu.

-Nos parents, Lily et moi vivions à Cokeworth. Elle était intrépide, joyeuse, et magique. Nos parents redoutaient ses dons, car elle agissait de façon qui aurait été dangereuse pour n'importe quel autre enfant. Pour n'importe quel moldu. Elle pouvait sauter d'une balançoire en plein vol, passer sa main à travers les barreaux des cages de lions ou de crocodiles dans les zoo, ou plonger du haut d'une falaise, sans qu'il ne lui arrive jamais rien. Elle riait en revenant sur la terre ferme, inconsciente que ses capacités dépassaient l'entendement.

La femme se leva, partit remuer le dîner, puis revint s'asseoir. Ni Lucifer, ni Dudley n'avaient esquissé le moindre geste, tétanisés par cette discussion d'ordinaire taboue.

-J'étais l'aînée. Timorée, autoritaire, et exacte réplique d'une fille modèle des années 1960. Je suivais ma sœur partout où le vent la portait, déterminée à la protéger du reste du monde. Severus Rogue nous a observées, Lily et moi, durant des semaines, avant de l'approcher. Il lui a expliqué qu'elle était une sorcière. Très rapidement, j'ai compris qu'il disait vrai. Lily était magique, comment aurait-il pu en être autrement ? Et j'étais moldue, normale. Tout à coup, l'impétuosité de ma sœur, qui lui avait toujours attiré des ennuis, devenait naturelle aux yeux de nos parents. Ils lui recommandaient de faire attention à moi, ne parlaient que de sa magie...

Elle regarda Dudley, le dévisageant longuement. Dans ses yeux, l'amour pur qui brillait ne pourrait jamais être à Lucifer. Cet amour, Lily l'avait emporté en se sacrifiant pour les protéger. Harry et lui en avaient été entourés au cimetière, l'année précédente. Sa vue se brouilla, tandis qu'une pointe transperçait sa gorge.

-Ils s'inquiétaient, dit enfin Pétunia. Je n'avais pas les mêmes capacités qu'elle, et ils craignaient que je sois blessée dans nos escapades. Malheureusement, j'ai surtout retenu que je n'avais pas les mêmes capacités que ma sœur, et qu'ils s'intéressaient bien plus à son monde qu'à celui dans lequel nous vivions. Un monde que j'ai rejeté.

Ses yeux gris se tournèrent vers Lucifer. Il soutint difficilement ce regard où il redoutait de voir ce à quoi il n'avait pas droit. Pourtant, l'étincelle brillait, avec une certaine retenue certes.

-Il m'a tout pris. Et puis, tu es arrivé. Tu m'as donné. Tu as rouvert les portes que j'avais claquées et fermées à double tour.

L'adulte retint la douleur, omis de son discours qu'il lui avait forcé à donner plus qu'elle n'aurait cru en être capable, d'aimer au-delà de ce qu'elle avait imaginé, car il est des choses que les enfants ne doivent apprendre qu'une fois adultes, et Lucifer et Dudley étaient encore des enfants.

-Lily est arrivée à Poudlard avec plus de connaissances que nombre de nés-moldus, car Severus Rogue les lui avait fournies. Il aimait la magie plus que tout, et elle a appris à l'aimer tout autant à son contact. Il était son meilleur ami. La répartition ne les as pas éloignés : des années durant, j'ai entendu ce nom lorsqu'elle rentrait aux vacances, lorsque nos parents parlaient de sa scolarité. Jusqu'au jour où la politique s'est mêlée à leur amitié, où Severus Rogue a choisi de suivre Voldemort et où Lily se battait résolument pour l'égalité.

Lucifer entrouvrit les lèvres, luttant pour ne pas poser la myriade de questions qui tourbillonnait dans son esprit. Comment, en ayant une meilleure amie née-moldu, l'homme avait-il pu adhérer aux idées de suprématie de sang ? A quel point l'amitié entre Lily Evans et Severus Rogue avait-elle approché le même amour qui le liait à Noah ? Pourquoi les convictions de Lily n'avaient-elles pas été suffisantes pour faire changer d'avis son ami ? Quand était-il entré chez les Mangemorts ? Espionnait-il dès le départ, sans que nul autre que Dumbledore ne le sache ? Pétunia lui lança un regard sibyllin.

-Severus Rogue est métisse. La violence de son père moldu, qui haïssait la magie et faisait payer leur nature à son fils et sa mère a attisé de la haine.

-Je comprends, dit Dudley. Pourquoi Lucifer ne nous déteste pas ?

L'intervention fit naître un silence glaciaire. Le Poufsouffle cligna très rapidement des yeux à plusieurs reprises, tentant de démêler les informations qui déferlaient de son ressenti afin de pouvoir répondre. Pétunia s'était retranchée au plus profond d'elle-même.

-Tout le monde ne réagit pas de la même manière, coupa-t-elle, tranchante.

-Le père de... Severus Rogue ne l'aimait pas, énonça lentement Lucifer. Pour aimer, il faut apprendre. Et... J'ai été aimé.

-Je t'aimais bien, acquiesça son cousin.

Le surréalisme de la situation donnait des vertiges au rouquin. Il fatiguait. Laissant sa tante figée, il partit servir le risotto tandis que Dudley dressait la table. Ses jambes tremblaient, et il faillit renverser son verre à plusieurs reprise. Pétunia força sèchement ses doigts à refermer leur prise sur l'objet.

-La brisure de leur amitié a été dûe à Lily. Ces mois ont été particulièrement ardus pour elle. Ils tenaient l'un à l'autre, mais elle avait un sens de l'éthique et de l'honneur aussi fort que le tien. Elle a coupé leurs liens. L'été avant leur septième année, il est venu frapper à notre porte, discuter, tenté de réconcilier leurs visions. J'y ai assisté de loin. J'ai vu le déchirement de ma sœur, ses larmes, sa frustration. J'ai vu le désespoir de Severus Rogue. Et j'ai vu celui de James Potter, après sa mort.

Lucifer fronça les sourcils, tentant de percevoir les sous-entendu dans ces mots hachés.

-Severus Rogue ne parvient pas à te regarder dans les yeux parce que tu ressembles à Lily, lâcha Pétunia. La cause qu'il a si ardemment soutenue, au point de perdre la personne la plus importante de sa vie, l'a finalement tuée. Il redoute que vous le découvriez, Harry et toi. Il redoute vos mots, mais plus que tout, il redoute ce que vous réveillez et qu'il ne parvient pas entièrement à réprimer. Il refuse ce que tu le forces à affronter.

Elle le considéra de nouveau. Ses mains, qui tenaient les couverts, tremblaient légèrement. Jamais elle n'avait parue si fragile, si endeuillée.

-Tu n'y es absolument pour rien. Severus Rogue ne supporte pas le miroir que tu es. Tu as les mêmes expressions faciales que Lily, la même férocité à te battre pour ce que tu crois juste, la même fougue quand il s'agit de forcer les autres à se faire face -la seule exception se trouvant être ton jumeau.

Elle reposa ses couverts.

-Si Dumbledore lui a demandé de t'enseigner l'Occlumencie, en toute connaissance de cause, Severus Rogue est le plus qualifié pour ce faire. Je lui ai envoyé une lettre pour qu'il reprenne vos cours. A la moindre incartade de sa part, je serai prête à riposter. J'ai également envoyé une lettre à Dumbledore pour lui demander de penser à une autre solution. J'aimerai que la méditation soit suffisante. Il est grand temps que certains apprennent à te voir, lorsqu'ils te regardent, et non le frère de leur héros, le fils de Lily, ou l'enfant de l'ombre.

La bouche sèche, Lucifer acquiesça, peinant pour articuler le moindre mot. Dudley encaissait les révélations sur l'enfance de sa mère, cherchant du soutien chez son cousin.

Lucifer embrassa sa tante sur la joue avant d'aller dormir. Les longs doigts fins de Pétunia s'accrochèrent un instant à son bras.


Lucifer devait être de retour à Poudlard le lundi, à dix heures. A neuf heures, le professeur Chourave et Pétunia Evans et son neveu se retrouveraient au Chaudron Baveur afin de faire un point sur les dernières semaines et les aménagements à prévoir.

-Alors... hésita Dudley, ça veut dire que je ne vais jamais voir le Chemin de Travers ?

Sa mère eut un sursaut, et Lucifer constata qu'il n'était pas le seul à qui une thérapie était bénéfique. Son cousin avait toujours été terrorisé par la simple mention de magie. A présent, son front perlait d'une sueur nerveuse, mais il esquissait un pas dans sa direction.

-Peut-être cet été, proposa-t-il. Floran Fortârome sera ouvert, et tu te délecteras de ses glaces.

-Le Chemin de Traverse sera peut-être trop dangereux cet été, siffla Pétunia. La situation peut se dégrader en quelques heures à peine, Lucifer.

Le garçon tressaillit, et eut un mouvement de recul.

-La dernière évasion massive d'Azkaban a relâché de trop nombreux criminels qui ont rejoint Voldemort. Des initiatives de ce genre se produisaient toujours les jours, il y a vingt ans. Avant de partir pour sa septième année, Lily a fait poser des protections dans la maison et créé un Portoloin d'urgence, au cas où Cokeworth serait attaqué.

Lucifer songea à Hermione, qui aurait pu mettre en place ce genre d'initiative. Il découvrait dans les mots de sa tante une mère brillante, intrépide et susceptible.

-Tu vas mieux, ajouta la femme. Tu as beaucoup récupéré cette semaine, et je veux que tu sois conscient des risques. Tant que le Ministère continuera de nier le retour de Voldemort, le Royaume-Uni gardera une certaine stabilité. Le jour où ils l'accepteront publiquement, ses partisans n'auront plus de raison de se montrer discrets.

-C'est en partie pour cette raison que des proches de l'entourage du Ministre n'essaient pas de communiquer sur son retour, réalisa Lucifer. Mais n'est-ce pas dangereux que d'ignorer la vérité ? Nous laissons Voldemort fomenter plans et machinations, prendre l'avantage, sans préparer de Résistance d'une ampleur satisfaisante, en laissant les querelles du quotidien et Ombrage diviser la population.

Il retrouvait peu à peu son énergie, bien que la lassitude et les crises resurgissent sans jamais crier gare. Protégé dans la petite maison blanche, entre l'amour de sa tante et la compassion de son cousin, il était épargné par le monde. Le thérapeute avait averti que son retour à l'école serait laborieux.

-Nous irons dimanche matin, trancha Pétunia. Une heure, pas plus. Je veux que ta baguette prête à dégainer.

Les deux adolescents restèrent muets sous la surprise. Lucifer reprit sa lettre pour Noah, incrédule et effrayé, s'interrogeant sur la satisfaction qu'il sentait émerger en lui.


Sa dernière séance avec le thérapeute s'était également conclue par un entretien avec sa tante. Il avait progressé en méditation, à condition d'invoquer un écran blanc et de se concentrer dessus. Il le peignait parfois, lorsqu'il s'agitait trop, de la même couleur bleu-argentée que les patronus. Ces quinze minutes quotidiennes devraient être respectées à Poudlard, l'avait avertie Pétunia.

-Lucifer a franchi un pallier important dans son établissement ces derniers jours, avait déclaré le psychologue. Tu peux être fier de toi, et profiter du regain d'énergie que tu vas ressentir, mais uniquement à des fins raisonnables. Lis, promènes-toi, fais de l'exercice. Je ne suis pas satisfait de son état physique. Il a énormément maigri et puisé dans ses réserves pour tenir jusqu'ici.

L'homme avait préconisé de garder l'emploi du temps aménagé jusqu'à la fin de l'année, et discuté longuement avec son patient des jours plus sombres. La dépression reviendrait l'étouffer, et si le syndrome de Stress Post-Traumatique diminuait, les crises d'angoisses et les flash-backs ne disparaîtraient que bien plus tard. Le thérapeute aurait préféré garder l'adolescent auprès de sa tante jusqu'à la fin de l'année. Lucifer et Pétunia savaient à quel point il lui était nécessaire de retourner à Poudlard.

Le dimanche matin, Pétunia conduisit jusqu'à l'entrée de Londres avant de prendre le métro jusqu'à Charing Cross. Elle rabroua son fils à plusieurs reprise, dont la nervosité accroissait à chaque station. Dudley répliqua par quelques violente piques, et seule la pâleur soudaine de Lucifer les arrêta. Il respira profondément, les mains tremblantes, incapable de proposer de retourner chez eux, la culpabilité dévorant sa poitrine. La femme le poussa jusqu'au Chaudron Baveur d'une poigne ferme.

Un voile gris sombre semblait s'être abattu sur Londres. Le Chaudron Baveur accueillait quelques étranges clients, pour qui la présence de deux adolescents en période scolaire était tout à fait impensable. Pétunia se vit conseiller d'éduquer ses enfants à Poudlard, et non elle-même. Elle pressa le pas jusqu'au mur de brique qui séparait le Chemin de Traverse du monde moldu. Dudley sursauta devant les verrues d'une vieille sorcière, éberlué de voir toutes ces personnes porter des robes.

La main de sa tante était si crispée sur son épaule que Lucifer en grimaçait. Elle appuyait sur les nœuds musculaires de son cou.

-On se croirait dans The Elder Scroll, bredouilla Dudley en observant les bicoques et les devantures de magasin alambiquées.

En face, la vue de Gringott's lui coupa le souffle. Lucifer observait les lieux avec une tristesse latente. Ils lui semblaient délabrés, depuis la première fois qu'il avait mis les pieds dans ce monde magique et enchanteur. Contrairement à Pré-Au-Lard ou la Demeure Weber, l'endroit lui avait laissé dans la bouche un goût amer. La désillusion profonde d'un enfant abandonné par son père au profit de son jumeau.

La désillusion d'un enfant moins exceptionnel que l'autre.

Il tourna la tête vers sa tante si rapidement qu'il s'en fit mal. Ce n'était pas la première fois qu'elle venait. Ses parents avaient dû l'emmener, et elle avait assisté à tout ce qui lui serait jamais refusé. Des merveilles auxquelles rêvait chaque jeune moldu, des étoiles dans les yeux. Avec la spontanéité d'un petit garçon, Lucifer glissa une main dans celle de la femme, et l'entraîna vers Scribbulus.

Le magasin d'encre, de plumes et de parchemins regorgeait d'accessoires utiles plus ou moins marqués par la magie. Soudain conscient de son comportement enfantin, le rouquin lâcha la main de Pétunia. Ses mouvements semblaient l'avoir sortie de ses souvenirs et de sa tétanie. Elle observa le matériel avec la minutie d'une secrétaire, testant quelques encres sur des parchemins mis à disposition. Dudley paraissait intéressé par les Plumes Autocorrectrices, mais harcela rapidement sa mère pour explorer d'autres échoppes. Il pointa Gringotts's du doigt.

-Non, répliqua sèchement sa mère.

-La banque est tenue par des Gobelins, explicita Lucifer. Ce n'est pas la meilleure rencontre à faire pour une première fois.

La mention des créatures ne fit qu'attiser la curiosité de Dudley, qui se renfrogna devant l'expression inflexible de sa mère. Lucifer observa avec affection la devanture de la Ménagerie Magique, songeant à Korrigan, qui, roulé en boule sur son lit, l'aidait chaque soir à s'endormir. Ils entrèrent dans le magasin de Quidditch, où ils admirèrent la finesse de l'Eclair de Feu, puis dans le magasin de Farce et Attrapes. Enfin, avec les quelques gallions qu'il avait retrouvés dans un tiroir, Lucifer invita sa famille à Floran Fortarôme.

-Ce n'est pas très magique, observa Dudley en plantant sa cuillère dans une boule à la fraise et au beurre de cacahuète.

Lucifer lui indiqua doucement les motifs qui se mouvaient sur la fine coupe, et la mâchoire de son cousin parut se décrocher.

-Il existe des friandises qui ont de réels effets magiques, sourit-il. Les frères de Ron sont en train d'en développer pour leurs Boîtes à Flemme. Ce sont des bonbons bicolores, dont un côté rend malade et l'autre guérit. Ils ont créé les Pastilles de Gerbes, les Nougats Néansang, les Petit-fours Tournedoeil, et ils travaillent sur des Bonbons de Fièvre.

-Pour quoi faire ? répliqua Dudley, effaré.

-Il me semble que c'est pour permettre aux élèves de sécher un cours.

Pétunia les fusilla du regard, particulièrement son fils, qui paraissait soudain tenté.

-Il y en a des plus amusantes, reprit Lucifer. Les Chocogrenouilles sautent, et elles contiennent des cartes à collectionner, avec des photos sorcières. Les bulles baveuses rendent la salive violette et ne perdent jamais leur saveurs, ce sont des chewing-gum. Les Animauves font pousser divers cris pendant quelques minutes... Harry m'a parlé de crèmes canari, qui transforment en poussin pendant quelques secondes. Je t'enverrai une sélection inoffensive.

Il glissa un regard vers sa tante, pour vérifier qu'elle approuvait. Toujours tendue, la femme dégustait sa glace, le regard lointain. Elle posa une main sur celle de son pupille avec une affection non-dissimulée.

-Merci, murmura Lucifer lorsqu'ils ressortirent du Chaudron Baveur.

Elle hocha la tête, et entrouvrit les lèvres sans parvenir à formuler une réponse.

Embrasser sa tante avant d'aller dormir était devenu une routine. Ce dimanche soir, elle l'étreignit brièvement en lui souhaitant bonne nuit.


Les cheveux d'un rouge éclatant, Lucifer écouta sa directrice de maison et sa tante échanger sur son état. Korrigan pétrissait ses cuisses en ronronnement avidement, ravi d'être en liberté et sur les genoux de son humain.

-Nous garderons les aménagements jusqu'à la fin de l'année, conclut le professeur Chourave. Cela signifie, Lucifer, que tu ne pourras passer ni les BUSE de Soin aux Créatures Magiques, ni celles d'Astronomie. Ton rendez-vous d'orientation est fixé à la première semaine après Pâques, afin de discuter de tes idées de métier et d'études après Poudlard. Des branches telles que la magizoologie, la navigation et l'exploration demandent ces compétences. Font-elles parties de ta sélection ?

-Je n'ai pas réfléchi à après Poudlard, murmura Lucifer. Je n'ai réfléchi à rien d'autre qu'au combat contre Voldemort et... à Poudlard.

Pétunia crispa ses mains sur la table sans intervenir. L'adolescent songea à Luna et à sa passion pour la cryptozoologie, à la tendresse avec laquelle elle évoquait les Sombrals, à son air rêveur. Sur ses genoux, Korrigan releva la tête et le fixa, comme pour le confronter.

-Je ne sais pas, admit-il. J'aime découvrir, explorer, mais... je n'ai jamais réfléchi à y consacrer ma vie.

-Pernelle et Ebenezer Weber le font. Noah a passé sa vie entre la Demeure Weber et les missions d'exploration les moins dangereuses. Il est possible qu'il ne puisse pas demeurer entièrement sédentaire, une fois Poudlard terminé. En avez-vous discuté ?

Lucifer connaissait les souvenirs de son compagnon. Noah les racontait le soir, des étoiles dans les yeux en évoquant l'Oasis d'Entre-Deux, le Cercle Arctique, ou la forêt Amazonienne. Il avait fait ses premiers pas, à 18 mois, au sommet des ruines Incas. Néanmoins, leurs discussions concernant l'avenir se focalisaient sur leurs recherches historiques.

-Le présent et le passé nous prennent bien trop de temps, souffla-t-il.

Le professeur Chourave lui adressa un sourire amer. Elle n'appréciait guère de voir ses élèves emberlificotés dans la guerre et leur quotidien trop douloureux.

-Vous devriez prendre ce temps. Si vous décidez de voyager, tu auras besoin de solides connaissances. Je te propose d'en reparler en septembre : si tu le désire, tu pourras suivre les cours des cinquième année et tenter ces deux BUSE à la fin de ta sixième année. Tu n'auras pas besoin d'un niveau ASPIC.

Lucifer hocha la tête, avalant sa salive avec difficulté. Soudain, les cours paraissaient de nouveau trop nombreux, trop étouffants, trop stressants.

-Le troisième trimestre de cinquième année est le plus difficile, avertit la directrice de Poufsouffle. La charge de travail ne va pas diminuer, et vous devez consacrer un temps important aux révisions des examens. La pression est intense, et Mrs Pomfresh a commencé a distribuer des doses de potions calmante. Hannah en a reçu, Noah et Susan également. Je voudrais que tu passes à l'infirmerie tous les Samedi, pour évaluer ton état, jusqu'aux vacances de Pâques. Nous aviserons par la suite.

Elle consulta Pétunia du regard. Celle-ci approuva d'un hochement de tête, puis tendit une enveloppe à Lucifer.

-Ce sont les préconisations de ton thérapeute.

Elles étaient à remettre au professeur Rogue, forçant l'adolescent à affronter cet homme qu'il n'avait pas revu depuis son effondrement, et dont il connaissait soudain bien trop de choses. Nul autre mot ne fut prononcé à ce sujet, car le lieu était public, et sans doute soumis aux espions. Enfin, tous trois se levèrent. Pétunia embrassa son neveu, dans une poigne un peu trop crispée, puis quitta le Chaudron Baveur.

A dix heures et quart, Lucifer sortait du bureau du professeur Chourave, possédant une journée pour retrouver ses marques. Il ne devait retourner en cours que le lendemain. Une fois ses affaires déposées dans le dortoir, Korrigan trottinant derrière lui, le rouquin s'installa dans la salle commune pour y travailler. Il regrettait l'absence de ses amis. L'atmosphère du Château l'étouffait déjà, lui rappelant violemment chacune de ses crises. Il devait affronter ses camarades. Affronter sa honte, sa culpabilité, ses actes. Reconnaître qu'ils étaient siens, ne pas s'en distancer, mais reconnaître également qu'il n'aurait pu en être autrement, et qu'ils étaient l'enchaînement logique d'émotions chez un adolescent qui avait vécu des expériences traumatisantes.

-Potter, tu es de retour !

La préfète de sixième année s'approcha de lui, puis marqua un temps d'arrêt.

-Tu n'es plus contagieux ?

-Ils ne m'auraient pas laissé rentrer, sinon, observa Lucifer avec un semblant de sourire et un filet de voix.

-Excellent ! Je ne sais pas quelles nouvelles tu as eu, mais en deux semaines, Poudlard a encore empiré. Le professeur Trelawney a été renvoyée, bien que Dumbledore la garde à l'abri à l'intérieur du Château. Elle y est toujours logée. On redoute que ce soit bientôt le tour de Hagrid. Ce n'est pas un excellent professeur, mais c'est le meilleur Garde-Chasse qu'on puisse avoir. Enfin, son licenciement ne devrait pas arriver, étant donné le nombre de lettres que Dumbledore avait reçu, suite à l'article de Skeeter, l'année dernière. Mon père en avait envoyé quelques-unes, et tous les adultes que je connais également. En ce qui concerne la Défense, les crayons à papier remplissent parfaitement leur usage : noter des indications que Ombrage pourrait demander dans la marge du livre que nous étudions réellement, pour la plupart, des recommandations du professeur Lupin. Olivia lui avait envoyé une lettre, et il nous a fourni une liste complète d'ouvrage pour les ASPIC. Pour le moment, personne ne se doute de notre stratagème. Il a été question d'en informer les Gryffondor et les Serdaigle, mais plus un secret est partagé, plus rapidement il sera éventé.

Elle tapota la table de ses longs ongles, réfléchissant aux autres nouvelles importantes, corrigea machinalement quelques informations concernant l'essai de Botanique de son cadet, puis conclut :

-Tu as l'air en meilleure forme, je suis contente. N'oublie pas que le sang de dragon réagit vivement, mélangé à l'essence de Murlap et des plantes un peu mutines, et tu devrais avoir un Effort Exceptionnel.

Le garçon s'empressa de noter ses instructions, puis reprit les lettres de Susan pour s'entraîner aux sortilèges de transfert.

Un peu après midi, les cinquièmes année pénétrèrent dans la salle commune. Noah fondit sur lui et l'étreignit avec tout l'amour qu'il ressentait. Lucifer inspira son odeur chaude au creux de son cou, la pointe citronnée, qui le réconfortait dans les pire moment. Il sentit le ventre de son meilleur ami se soulever au fil des multiples inspirations qu'il prenait, tandis que ses doigts pâles s'entortillaient dans ses longues mèches rousses.

-Lucifer, murmura-t-il.

-Je t'aime, Noah.

En réponse, le garçon le serra plus fort encore. Les Poufsouffles les contournaient sans leur prêter attention, habitués à tous les membres de leur maison et à leur petit monde.

-Je t'aime. J'étais...

Le jeune Weber le relâcha, et Lucifer observa les cernes qui creusaient ses joues livides, la tristesse latente du manque qui émanait de lui. Il résista à l'envie de l'attirer à nouveau contre lui, se contentant d'entremêler leurs doigts. Sally-Ann et Susan attendaient patiemment qu'ils aient terminé de se retrouver. Elles l'étreignirent également, et il sentit la réticence de la première à le relâcher. Justin, Ernie et Hannah manifestèrent leur satisfaction de le retrouver guéri, puis ils se rendirent dans la Grande Salle.

Harry déjeunait, mais il se leva sitôt que son frère pénétra dans la pièce. Il marqua un temps d'arrêt au loin. Etait-ce parce que son jumeau ressemblait tant à leur mère, dans cette silhouette lointaine ? Les mots de Pétunia résonnaient toujours dans son esprit. Ils se fixèrent en silence quelques secondes, heureux de se retrouver mais ne sachant trop quelles nouvelles se donner, au milieu de tout ce monde.

-Mon thérapeute m'a conseillé de faire du sport, dit Lucifer. Je ne me souviens guère des leçons de Vol, pourrais-tu venir voler avec moi ?

-Je suis interdit de Quidditch à vie, répliqua sombrement son frère.

-Tu es interdit de Quidditch, mais pas de vol. Mon Eclair de Feu se trouve dans ma valise.

Il entendait la pointe de malice dans son ton, la férocité à détourner les règles d'Ombrage et son insupportable dictature. Un sourire appréciateur se dessina sur le visage de Noah, mais Harry secoua la tête.

-Je viendrais avec toi sur le terrain d'entraînement, promit-il. Si jamais je suis pris sur un balai, c'est toi qui en subiras les conséquences. Il en est hors de question.

-Elle peut me faire ce qu'elle veut, gronda Lucifer. La répression ne fonctionne qu'un temps.

Sally-Ann éclata de rire, tandis que Susan leur rappelait qu'ils devaient déjeuner avant de se rendre en métamorphose. Le sourire de ses proches et le soulagement qu'il percevait d'eux rendaient l'adolescent heureux.