Chapitre 6 :

Draco entend des rires et des cris qui viennent de derrière la porte de la maison que partagent Ginny Weasley et Londubat, sauf s'il a mal déchiffré l'écriture affreuse de Neville et alors ça voudrait dire qu'il se trouve devant une maison dont les habitants par une surprenante coïncidence font aussi une fête un 30 juillet.

Ça va faire deux minutes qu'il fixe la porte verte, la plante qu'il a apporté comme cadeau émet une sorte de ronronnement rageur, visiblement sa patience quand à être empaquetée et plongée dans le noir a atteint ses limites.

Ça a le mérite de secouer Draco. Il est venu jusqu'ici, il peut très bien survivre à une soirée remplie de gryffondors. Il a promis à Londubat qu'il viendrait à sa stupide fête d'anniversaire –qui fait encore des fêtes d'anniversaire à 33 ans ? – tout en étant conscient que Potter et son toy boy seraient présents. Il ne va pas se débiner alors qu'il se trouve devant cette porte. En plus sa psychomage, qu'il a malheureusement mis au courant de l'invitation, ne le laissera pas en paix s'il fuit maintenant. Apparemment c'est bon pour lui de voir d'autres gens que ses collègues ou sa mère ou ses élèves ou elle-même. Et c'est bon pour lui d'essayer de s'amuser un peu.

Il est un peu sceptique d'une telle affirmation. Il se trouve plutôt bien avec un entourage restreint et il a des doutes quant à sa capacité à s'amuser à une fête de gryffondors mais il est prêt à donner une chance à cette soirée.

Il appuie rapidement sur la sonnette avant de changer d'avis. Moins d'une minute plus tard Ginny Weasley ouvre la porte et son sourire ne se fane même pas quand elle le reconnaît. D'habitude quand Draco la voit c'est par le biais des journaux sportifs où elle est vêtue de sa tenue de poursuiveuse. Mais ce qu'elle porte en ce moment, c'est-à-dire une robe vaporeuse d'un vert d'eau qui lui arrive juste au-dessus des genoux, la rend plutôt jolie. Ses cheveux roux s'échappent un peu de son chignon et ses joues sont rouges, apparemment la fête bat vraiment son plein.

-Salut, dit-il après s'être raclé la gorge parce qu'elle continue à le fixer sans rien dire avec un sourire que Draco trouve limite moqueur –et non, il n'est pas parano-, désolé je suis en retard.

Il a fait exprès d'arriver en retard bien entendu. Toujours ça de pris sur cette soirée.

-Tu es là et c'est l'essentiel ! répond Weasley avec un sourire engageant –et moqueur, un peu quand même-.

Puis elle l'attrape par le bras et l'entraîne dans sa maison. Cette soudaine familiarité, en plus de le mettre mal à l'aise, conforte Draco dans le fait qu'elle a dû un peu picoler.

-C'est pour Neville ! dit Draco essayant de lui refiler la plante dans les mains tandis que ses oreilles sont agressées par de la musique pop et de nouveaux rires provenant de ce qui doit être le salon.

-Tu lui donneras toi-même, ricane Ginny Weasley ne lâchant toujours pas son bras tandis qu'elle le conduit vers la source du brouhaha. Draco Malfoy offrant un cadeau à Neville Londubat, personne ne va vouloir louper ça !

-C'est son anniversaire, grommelle Draco se sentant bizarrement trahi, et il m'a invité. Le protocole exige que j'apporte un présent. Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a d'extraordinaire à ça.

-Merlin, Malfoy tu es bien trop sérieux ! s'exclame-t-elle visiblement amusée. Il faut te détendre !

Elle claque des doigts et un plateau avec des flutes toutes pleines d'un liquide doré flottent devant eux.

-Champagne de France ! dit-elle en lui offrant un verre avant de s'en prendre un à son tour.

Draco en profite pour récupérer son bras.

-D'habitude se sont les elfes de maison qui font de la magie en claquant des doigts, déclare Draco d'un ton neutre en acceptant tout de même le champagne. Tu devrais peut-être vérifier du côté de tes ancêtres…ça expliquerait beaucoup de choses.

Il préfère largement être narquois que de montrer qu'il est en fait plutôt impressionné par ce tour.

-Oh en réalité Malfoy, il se trouve que j'ai des ancêtres en commun non pas avec des elfes de maison mais avec toi. Nous sommes en quelques sortes cousins éloignés.

Draco le sait déjà malheureusement, ses parents lui ont fait étudier le nobiliaire des Malfoy dès qu'il a su lire-ce qu'il a appris à faire étonnamment tôt soit dit en passant-. Donc ça fait un moment qu'il est courant de cette aberration généalogique. Cependant devant Ginny Weasley il fait mine d'être choqué et dégouté (il n'a pas vraiment à se forcer pour la seconde partie).

Ils arrivent dans le salon bondé qui donne sur une impressionnante terrasse avec une toute aussi impressionnante piscine sur laquelle s'entassent encore plus d'invités, qui pour leur part sont totalement non-impressionnants. Draco retient un sifflement appréciateur mais il se sent aussi légèrement amer de voir que Ginny Weasley a évidemment réussi professionnellement au point d'habiter dans une immense maison alors que lui vit dans une chambre –certes tout confort mais qui reste une chambre- qui ne lui appartient d'ailleurs même pas.

Elle le mérite probablement mais ça lui rappelle qu'avant la guerre c'était sa famille qui vivait dans le luxe et les Weasley dans un taudis. Ce constat, qui s'étale sous ses yeux, réveille son orgueil de Malfoy malgré lui.

Il se rassure en se disant que puisque sa mère s'est vue offrir la maison des Blacks par Potter, les économies qu'il a fait dans le but de la loger décemment peuvent dorénavant lui assurer un prêt à la banque pour acheter quelque chose à lui. Ça ne sera jamais une grande villa comme celle-ci, mais avoir un vrai endroit qui lui appartient le tente de plus en plus.

Il y a beaucoup de monde, plus que ce que Draco escomptait mais il se rassure en décidant qu'il passera plus facilement inaperçu ainsi.

Il reconnait quelques anciens gryffondors, des collègues de travail aussi et des joueuses de l'équipe des Harpies. Des lampions flottent dans les airs et donne à la fête une ambiance quasiment féérique s'il n'y avait cette foule, la musique rythmée et assourdissante, l'endroit aurait été même plutôt romantique.

Des gens se baignent dans la piscine, d'autres dansent sur la terrasse, beaucoup boivent. Draco se laisse guider par Ginny Weasley jusqu'à un groupe près des tables. Il y a Londubat, un Weasley –du moins il suppose puisque l'homme est roux et qu'il a les même yeux que Ginevra- trapu, une nana brune qui se colle au Weasley et Granger.

-Malfoy ! s'exclame Londubat en le voyant, le sourire et les yeux tous brillants d'alcool. Ravi que t'ai pu venir, vieux !

Ginny se presse contre Londubat et l'embrasse sous la mâchoire. Le regard de Neville s'adoucit quand il se pose sur elle, puis il l'embrasse à son tour mais sur les lèvres cette fois.

Draco qui boit hebdomadairement avec Neville est au courant que ses problèmes de couple se sont arrangés depuis quelque mois. Depuis que lui et sa rouquine ont mis cartes sur table et qu'ils se sont mutuellement avoués que leur idée d'être un couple libre n'est pas, en fait, ce qu'ils cherchaient tous les deux. C'est un concept, débile de l'avis de Draco, qu'ils ont eus puisque Weasley voyage souvent à cause de son travail et que les relations en pointillées et longues distances sont en général casse-gueule. Ils ont donc réalisé qu'en réalité ils voulaient être totalement exclusifs l'un envers l'autre. Ce qui est bien, car ça évite à présent à Draco de boire avec un Londubat déprimé mais il ne demandait pas pour autant d'assister à de telles démonstrations d'affection.

-Je ne suis pas vieux, répond-t-il en tendant la plante à Neville –même si techniquement il est de presque deux mois plus âgé que son collègue-. Joyeux anniversaire, je suppose.

Neville délaisse les lèvres de Weasley pour s'intéresser au cadeau de Draco dont il défait l'emballage à la vitesse de l'éclair. Draco a déjà vu des gamins à Noel moins empressés que cet adulte de 33 ans.

-Une Arcus Caelum ! souffle-t-il visiblement ravi et fasciné tandis que le dernier lambeau du papier cadeaux voltige jusqu'à leurs pieds. Mince, merci beaucoup Malfoy ! Elle est sublime !

La plante cesse de bourdonner comme si elle comprend qu'un compliment lui est adressé et qu'elle en est particulièrement satisfaite-ce qui est peut-être bien le cas-. Les feuilles multicolores frissonnent, scintillent et changent de couleur quand Londubat, les yeux brillants de joie, les frôlent de ses doigts.

-Oui, elle est magnifique, roucoule Ginny Weasley.

Draco hausse les épaules mais il est plutôt fier de sa trouvaille, même Granger semble impressionnée.

-Tu as tellement de la chance d'être avec un botaniste, fait la femme brune à Ginny en regardant la plante avec envie, je n'ai jamais de belles plantes chez moi. Charlie on ne lui offre des trucs monstrueux pour les dragons, il y en a partout dans la maison…

Le rouquin répond à la femme brune une ligne boiteuse sur l'inutilité des fleurs quand on a déjà chez soi une femme aussi belle qu'elle et Draco préfère s'éloigner avant de vomir. Il a donné son cadeau à Londubat, il peut donc souffler un peu sans paraître grossier.

-ça faisait un moment, Draco, dit Granger qui l'a suivi. C'est bien que tu sois venu.

Draco se demande si tout le monde ici va lui dire ça, comme si c'était vraiment stupéfiant qu'il ait fait le déplacement.

-J'ai hésité. Puis je me suis dit qu'un jour j'allais organiser une fête entre anciens serpentards puis inviter Londubat qui me devra bien ça et tout mettre dans une pensine pour revoir ça lors de mes longues soirées d'hiver.

Sauf qu'en réalité, il ne fréquente plus personne de serpentard mais il suppose que s'il décide d'organiser quelque chose, certains de ses anciens camarades viendraient…au moins par curiosité. Pas de quoi remplir une terrasse comme celle-ci, ceci dit. C'est un détail que Granger n'a pas besoin de savoir.

-Quel plan diabolique !

Draco esquisse un sourire en coin.

-Je sais, mais je n'ai aucun mérite. Ça me vient naturellement.

-Neville t'apprécie beaucoup, répond Granger.

Il le sait et même si ça le tue un peu, le sentiment est devenu réciproque au cours de ces deux dernières années à le côtoyer quotidiennement.

-ça ne l'empêchera pas de souffrir, affirme-t-il.

-Et moi aussi, je t'apprécie, ajoute-t-elle avec un léger haussement d'épaule. Je voulais juste que tu le saches.

Ça c'est inattendu. Bien sûr quand Draco était encore avec Potter, lui et Granger s'entendaient plutôt bien mais Draco a toujours cru que son comportement passé était une barrière infranchissable pour se faire réellement apprécier par les gens qu'il avait connu-et insultés, et humiliés, et blessés- adolescent. Mais Londubat a fini par lui prouver le contraire.

Et maintenant Granger lui dit ce truc gênant sans même sourciller.

-Je…d'accord, répond-t-il avant d'avaler cul sec sa coupe de champagne.

Ça fait rire Granger alors il lui lance un regard noir.

-ça aurait pu rester tacite, admet-elle souriant toujours, mais ta tête est très drôle !

-Merlin, tu es excessivement embarrassante ! Énonce Draco froidement. Ton mari déteint évidement sur toi.

-Oui, ça lui arrive, répond-t-elle d'un ton suggestif et Draco se demande avec horreur si elle vient de faire une sorte de blague salace ou pas.

Il décide pour sa santé mentale qu'elle n'a pas fait ça.

-En fait, je risque de t'embarrasser encore mais je voulais aussi savoir si tu accepterais de t'engager dans l'association LGBTS que j'ai créé. Ça fait un moment que je pense à toi. Harry est un porte-parole formidable mais je crois qu'un sang-pur qui s'engage aussi publiquement peut faire réfléchir les sorciers issus des vieilles familles. Tu n'es pas sans savoir que beaucoup d'entre eux siègent au ministère et sont hélas plus impressionnés par la filiation des gens que par l'influence que peut avoir un sang-mêlé, tout héros soit-il, sur les jeunes et la couche populaire des sorciers.

-LGB..quoi ? bafouille Draco perdu devant ce flot soudain d'informations.

-LGBTS, les lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transsexuels Sorciers, explique-t-elle. Je trouvais que ne défendre que la cause des homosexuels était quelque peu réducteurs.

Draco la regarde pour voir si elle est sérieuse et elle semble l'air.

-Je ne suis pas le bon candidat, dit-il, tu oublies que mon nom est entaché à tout jamais. Même si certaines vielles familles respectent encore les Malfoy, ce n'est clairement pas dans leurs intérêts de le montrer. Et pour la majorité qui me hait, ça va leur donner encore plus envie de te mettre des bâtons dans les roues.

La vraie raison, que Draco tait, est qu'il espère devenir un jour directeur de Poudlard. Il doit donc choisir ses causes politiques avec soin et ce que lui propose Granger est bien trop casse-gueule pour ses ambitions à long termes.

-J'ai déjà pensé à tout ça, répond Granger en fronçant les sourcils. Mais il y a une rumeur ridicule qui court. La presse n'en a pas encore parlé mais j'ai déjà entendu des bruits de couloir au ministère. Ces crétins sont en train de se persuader que puisque les seuls sorciers qui sortent du placard, sont soit des nés moldus, soit des sangs mêlés alors c'est que le « problème » vient de leurs gênes moldues et donc intrinsèquement que les vrais sorciers, les sangs purs, sont, bien entendus, hétéros. Je n'ai pas à t'expliquer à quel point ce genre de raccourcis peut devenir dangereux. Il faut croire que même si Voldemort est mort, certaines de ses idées ne le sont pas tant que ça.

Dire que Draco est choqué est un euphémisme. Surtout que grâce au travail acharné de Granger depuis juin, la loi a enfin évoluée et l'homosexualité n'est plus considérée comme une maladie mentale. Il ne savait pas que la riposte allait se faire aussi rapidement et sous cet angle puant.

-C'est ridicule. L'ancien élève de Potter, Léto, c'est un sang pur, non ? Et puis le fait que je sois gay est connu de tout le monde.

-Il se trouve d'après la recherche de leurs « experts » une de ses arrière-arrière grand-mère d'Ophicius est née de père inconnu, donc pour eux, ça laisse supposer que le père était moldu. Quand à toi, comme tu n'as jamais été vu en compagnie d'autre homme, ils considèrent que ton coming-out, déjà très vieux et quasiment oublié, était juste un moyen de te rendre intéressant.

A ce niveau- là de la conversation, Draco ne peut qu'être impressionné par le niveau de connerie et de crédulité atteint par les opposants du projet de Granger.

-C'est complétement idiot, murmure-t-il finalement. Il n'y a personne d'autre qui…

-Personne avec une lignée aussi irréprochable que la tienne, Draco, coupe la jeune femme avec une moue attristée. Ecoute, tu n'es pas obligé de me répondre tout de suite. Ce soir on fait la fête et ce n'est pas vraiment le moment pour parler de ça. Mais réfléchis-y.

-Ouais, on peut dire que tu sais mettre les gens dans une bonne ambiance, ironise-t-il.

-Ne dis rien à Ron s'il te plait, dit-elle avec un air navré, je lui ai promis de ne pas penser au boulot ce soir…

-C'est loin d'être une réussite, commente Draco. Mais sois sans crainte, je n'ai aucune envie d'adresser la parole à ton mari. Lui et moi nous détestons cordialement.

Granger lui jette un regard dubitatif, mais ne fait heureusement aucun commentaire. Peut-être qu'en effet Draco trouve ça divertissant de rabaisser la belette à la moindre occasion mais pour sa défense, c'est majoritairement cet idiot de rouquin qui vient d'abord le chercher. Lui ne répond que pour sauvegarder son honneur.

Une voix magiquement amplifiée s'élève soudainement au-dessus de la musique pour annoncer le lancement d'un concours de plongeon et met un terme à cette conversation. Granger se fait harponner par une autre invitée gloussante lui suppliant de se mettre en maillot de bain avec elle et Draco trouve plus sage de s'éclipser et de chercher un coin tranquille où personne n'aurait la bonne idée de le faire participer à cette absurdité.

Il trouve l'endroit parfait, presque au bout du jardin et claque des doigts pour voir si par miracle de l'alcool arrive et quand un plateau apparait flottant juste sous son nez, avec des verres remplis de ce qui semble être du whisky cette fois, il se dit que cette soirée commence enfin à devenir intéressante.

« HARRY POTTER VA EFFECTUER LE PREMIER PLONGEON ! » hurle la même voix amplifiée qu'il y a quelques secondes et cette voix lui dit vaguement quelque chose. « Oh merci Harry de nous montrer le chemin! »

Il y a des rires là-bas vers la piscine et c'est un peu dur d'avoir le cœur qui se serre dès qu'il entend le nom de Potter. Draco avale son verre rapidement et grimace sous la brûlure de l'alcool. Il se demande à partir de quand il peut quitter la fête sans paraître impoli.

Il est content de s'être éloigné, ça lui évite de voir Potter s'amusant. Il doit être probablement en maillot de bain et puis trempé et désirable et en compagnie de son irritant petit ami de vingt-cinq ans, surdoué, ridiculement amical et beau.

Il n'aime pas repenser à l'affreuse soirée du congrès de potion et au fait qu'il s'est rarement senti aussi insuffisant de sa vie. Il a horreur de cette sensation, lui qui a toujours eu un égo assez énorme. Mais voir ce type pendu au bras de Potter, réussir là où il a échoué, c'était plus difficile à supporter qu'il l'avait imaginé.

« Quel plat magistral ! » ironise la voix amplifiée qui peut éventuellement être celle de Finnigan. « Bravo Harry, c'était magnifiquement raté ! Tut tut, tes gestes obscènes montrent juste à quel point tu es mauvais perdant ! C'est très moche de ta part ! Très moche ! Ouuuuuuuuh !»

Draco entend les rire et une nuée de « ouh » repris en cœur et imagine sans peine Potter rire avec ses amis tout en faisant semblant d'être touché au cœur par cette aussi bruyante qu'infantile mise au pilori.

Finnigan-s'il ne se fourvoie pas- annonce le second challenger, une fille que Draco ne connait pas donc son esprit se détourne de la compétition et il part s'assoir sur un des bancs encore quelques mètres plus loin.

Il n'est pas surpris quand il voit Potter arriver quelques minutes plus tard, il se doutait bien qu'il allait devoir lui faire face au cours de cette soirée –et ça peut ou ne pas être la raison du fait qu'il ait montré quelques signes de stress avant de venir ici-. Il reconnait facilement sa démarche même si l'homme est emmitouflé comme un indien dans une immense serviette éponge d'un très laid jaune moutarde. Seuls ses pieds nus, ses chevilles et son visage sont visibles. Il a l'air ridicule emmailloté de la sorte. Il aurait été plus sexy avec sa serviette autour des hanches, ou mieux, avec juste une serviette pour sécher ses cheveux et laissant le reste de son corps tonique exposé à la vue de tous. Mais là il est ridicule et pourtant le cœur de Draco s'emballe et il le trouve beau quand même. Potter est encore à quelques mètres, avançant toujours vers lui et il plisse les yeux dans sa direction car il n'a évidemment pas pris ses lunettes. Mais c'est bien, ça laisse à Draco le temps de se recomposer une expression neutre en toute sécurité.

-Hermione m'a dit qu'elle t'avait vu partir par-là, dit Potter en guise de salutation.

Draco pense que Granger est une traitresse et que Potter est probablement venu le voir par pitié, car il est tout seul dans son coin. Il doit s'imaginer que c'est de son devoir de venir lui parler, puisqu'après tout ils ont décidés d'être cordiaux l'un envers l'autre.

-Je vais bientôt retourner à la fête, c'est juste que j'avais peur d'être enrôlé pour plonger, explique-t-il comme ça Potter ne se sentira pas obligé de rester.

Mais Potter reste et s'affale même sur le banc à côté de lui. Sa capuche de fortune tombe dans le processus révélant ses cheveux noirs humides et plus en bataille que jamais. Draco ressent le besoin stupide de tendre la main vers eux pour les coiffer.

-Tu es plus malin que moi, grimace-t-il avant de poser franchement les yeux sur lui.

Et Draco se rend compte, en même temps que son corps devient plus chaud sous l'intensité de ce regard, que ça fait un moment que personne –et Potter en particulier- ne l'a pas regardé de cette façon. Délibérément. Lentement. Lourdement. Comme s'il le dépouillait mentalement de tous ses vêtements au point que Draco a envie de couvrir son entrejambe-qui commence d'ailleurs à réagir- avec ses mains, tandis que son cœur reprend sa course folle. Mais Potter clignote soudainement des yeux avant de froncer les sourcils, comme s'il se rappelait soudainement qui était en face de lui. Et que cette personne ne méritait pas qu'il s'abaisse à ça.

Si Draco doit être honnête, ce changement soudain d'attitude pique un peu.

-Tes cheveux ont poussé, lui dit Potter comme conclusion à son indécente fouille visuelle, comme si rien ne venait d'avoir lieu.

Et pour lui c'est probablement le cas.

Draco se demande s'ils vont parler de ses putains de cheveux à chaque fois qu'ils se croisent mais il se rappelle que c'est lui qui a lancé cette idée de se comporter civilement l'un envers l'autre alors il ne peut pas –trop- le rabrouer.

-C'est ce que font les cheveux généralement.

C'est sorti plus sèchement qu'il ne l'a voulu mais c'est parce qu'il est encore chamboulé simplement car Potter l'a fixé un peu trop intensément. Il se trouve stupide mais ce n'est pas la faute de Potter si l'état émotionnel de Draco n'a rien à envier à celui d'un adolescent en pleine puberté. Potter essaie juste de faire la conversation et lui est inutilement sur la défensive. Draco décide donc de se reprendre et de donner le change comme l'adulte détaché et imperturbable qu'il est.

-Granger m'a dit que les sorciers avaient oublié que j'étais gay, reprend-t-il avec légèreté. Tu peux croire ça ?

Potter lui lance un regard sceptique mais qui heureusement cette fois est dénué de toute forme d'inconvenance.

-Pas vraiment, admet-t-il. Mais j'aimerai bien qu'ils oublient pour moi aussi. C'est usant d'avoir constamment l'impression de n'être défini que par sa sexualité, dès que je croise un journaliste le sujet revient sur le tapis.

Draco est toujours un peu surpris quand Potter lui confie des choses de ce genre mais il chérit aussi ces moment-là. Il a l'impression qu'il reste un lien particulier entre eux qui pousse l'autre homme à lui faire des confidences et ça lui fait se sentir spécial. C'est une sensation agréable mais qu'il n'est pas vraiment prêt à analyser plus en profondeur.

-Tu es discret pourtant, lui fait remarquer Draco, je veux dire depuis le congrès, on ne vous a même plus vu dans les journaux, avec…ton petit ami.

Draco n'a jamais utilisé le nom du petit ami de Potter, même en pensée il a du mal avec ça. Comme si ne pas le nommer avait le pouvoir de le rendre peut-être pas irréel –il n'est pas aussi naïf- mais moins concret.

-Tu ne sais pas ? Nous ne sommes plus ensemble, ça fait un moment déjà.

« Oh. » pense immédiatement Draco, puis « Comment aurai-je pu savoir si tu ne dis rien à la presse, crétin ! » Mais ce n'est pas ce qu'il dit, il ne dit pas « désolé » non plus, car il ne l'est pas. Il est tout le contraire, il se sent soulagé. C'est totalement idiot car ça ne veut pas dire que Potter n'a personne –le monde entier lui court après- et même s'il n'a personne, Potter lui a clairement dit qu'il ne voulait plus de lui, plus de montagnes russes. Draco sait tout ça, mais il se sent soulagé quand même. Il espère que son visage ne laisse rien paraître.

-Dans ce cas ça explique, en effet, pourquoi on ne vous voit plus apparaitre ensemble, dit-il simplement.

Potter a un sourire éblouissant qui donne à Draco envie de rouler les yeux devant la soudaine et puissante sensation de béatitude qui l'étreint.

-C'est rafraichissant de parler avec toi, explique Potter. Les gens se sentent obligés de me dire qu'ils sont désolés. Je ne sais pas pourquoi ils s'imaginent que je suis celui qui a été quitté, alors que c'est l'inverse. C'est presque vexant.

« Comment peut-on te quitter ? » veut dire Draco, qui lui n'est pas surpris mais quand même content de savoir que c'est Potter qui a largué le toyboy, parce que c'est vrai, Potter était trop bien pour lui. Mais heureusement, heureusement, il n'a pas assez bu pour ne pas réfléchir avant de parler.

Car lui, l'a quitté. Il a rejeté Potter. Trois fois même.

Une première fois puérilement quand il était totalement perdu, en utilisant le chantage en plus : « Sors du placard ou je te largue. »

Une seconde fois, celle la fait toujours affreusement mal quand il y repense, et celle-là est légitime. Car Potter l'a trompé avec Crivey. Même s'ils n'étaient plus ensemble sur le papier, Potter comme lui sait que c'était une trahison, que Draco a eu le cœur brisé.

Et une troisième fois, il y a presque un an maintenant, quand Potter lui a dit « Tu es l'homme de ma vie » et que Draco l'a regardé s'éloigner, sans rien répondre. Celle-ci est peut-être la pire de toute car il est cette fois le seul fautif. Le seul à blâmer et les remords sont écrasants. Il y repense souvent et rejoue la scène dans sa tête sauf qu'à la fin il écrase sa fierté, le passé, ses doutes et ses peurs et il répond que pour lui aussi, c'est pareil.

-Je ne sais pas, Potter. Ils pensent peut-être que tu es trop gentil pour briser le cœur de qui que ce soit.

-Et tu es bien placé pour savoir que ce n'est pas le cas, n'est-ce pas ? répond Potter.

Il le regarde sans broncher, impassible et juste un peu curieux de savoir comment Draco va réagir à cette allusion de leur passé. Comme s'il attendait juste que Draco le maudisse ou l'insulte ou le frappe. Mais Draco ne dit rien, ça fait bien longtemps qu'il n'a plus envie de punir Potter.

-Denis Crivey est ici, tu sais, reprend le brun tranquillement et cette nouvelle information fait contracter douloureusement l'estomac de Draco. Ginny l'a invité, elle n'est au courant de rien et elle l'aime bien…

-Ginny Weasley, Crivey, moi…A se demander si c'est vraiment la fête d'anniversaire de Londubat ou bien une réunion de tes anciennes conquêtes, ironise Draco alors que ses nerfs s'affolent à l'idée de croiser l'amoureux transi de Potter. Attention Potter, tu es cerné…

Il ricane pour faire bonne mesure mais c'est la tumulte en lui.

« Tu comptes le baiser ? » veut-il demander mais même dans sa tête ça sonne terriblement hystérique et la réponse risque de le tuer alors il serre les mâchoires et compte silencieusement jusqu'à cinq. Il est jaloux bien sûr. Et l'idée de croiser Crivey ici jette un voile rouge dans son esprit et sa main se crispe inconsciemment contre la poche où est logée sa baguette. Il est étonné par la force de ce qu'il ressent encore aujourd'hui, ce mélange de douleur et de rage. Il a dit à Potter que leurs problèmes de couple étaient plus profonds et bien antérieurs à cette histoire de tromperie avec Crivey et il le pense vraiment. Mais il se souvient aussi de l'impression de voir son monde s'écrouler quand Potter lui a avoué ce qu'il avait fait. Cette sensation intolérable d'impuissance parce que sa confiance-et son cœur- avait été piétinée et que Draco étant ce qu'il était, il était incapable de pardonner un tel acte.

Il pensait en être capable à présent mais la violence de ce qu'il ressent juste à l'entente du nom de Crivey dans la bouche de Potter le prend par surprise et met en doute le fait qu'il croyait sincèrement avoir tourné la page.

-Et comment va-t-il ? demande-t-il finalement avec un détachement qu'il est loin de ressentir car son silence devient trop long.

Il veut juste que Potter ne soupçonne rien de son désarroi.

Est-ce qu'il compte bientôt mourir pendu par ses propres intestins ?

Quelque chose comme de l'étonnement et peut-être même de la déception passe dans les yeux verts, si bien que Draco se demande s'il n'a pas posé la question sur son désir de mort douloureuse de Crivey à voix haute mais il est à peu près sûr que ce n'est pas le cas.

-Je crois que ça va. Ça s'arrange un peu avec sa famille, dit Potter. On n'a pas beaucoup parlé…

-C'est toujours délicat de parler avec ses ex, approuve Draco toujours en détresse intérieurement.

-Avec toi, ça ne l'est pas, répond Potter immédiatement.

Draco lève un sourcil septique dans sa direction, car il n'est pas stupide et il sait bien qu'entre eux c'est toujours gênant. Pour la première fois dans la soirée, Potter a l'air confus et un peu coupable. C'est adorable d'ailleurs. Ça donne presque envie à Draco de lui pardonner d'avoir mentionner le nom de Denis Crivey.

-Ce que je veux dire, reprend-t-il en passant une main nerveuse dans ses cheveux ce qui fait que la serviette se détache de ses épaules et que Draco a maintenant une vue imprenable sur son torse nu, c'est que quand je parle avec toi je me sens comme au bord d'un précipice. Je crois que le moindre faux pas va nous pousser à nous lancer des maléfices. Et ce n'est jamais ennuyeux. J'aime bien ça. C'est quelque chose qui n'a jamais changé. Quand on était gosse c'était déjà comme ça, quand on était ensemble c'était comme ça. Et c'est encore comme ça maintenant.

Les mamelons de Potter sont érigés et il a la chair de poule. Draco a donc mis du temps à comprendre le sens des paroles du brun et il lui faut un effort considérable pour déglutir et détourner les yeux ailleurs.

Il pense que Harry Potter a froid et qu'il est complétement inconscient de l'effet qu'il lui fait.

Il pense qu'il déteste Crivey et peut-être que c'est perdu d'avance de vouloir Harry à ce point. Harry qui ne veut plus de lui. Et Draco ne sait pas s'il pourra même lui faire confiance à nouveau, car même toutes ses années après, il ne se sent pas à la hauteur de cet homme et la jalousie qu'il ressent le fait se sentir minable. Pour faire confiance à l'autre, il faut déjà avoir confiance en soi et Draco qui croyait avoir dépasser ce cap, se rend compte qu'il a encore du chemin à faire pour être en accord avec ce qu'il est.

Alors à quoi bon se battre ? A quoi bon même tenter quelque chose ?

Sauf que…

Sauf que, à son corps défendant l'espoir vient de lui être redonné par l'aveu imprévu-et inconscient- de Harry qui croit peut-être ne plus vouloir des montagnes russes mais qui aime encore les précipices après tout.

II ne s'est jamais battu pour eux et ça fait trois ans qu'il se sent vide, triste et solitaire au point qu'il n'arrive même plus à s'en cacher derrière sa mauvaise foi.

S'il est vraiment l'homme de la vie de Harry Potter alors il est temps qu'il se comporte comme tel.

Alors Draco, assit sur un banc, le cœur battant trop vite car l'homme qui se tient tranquillement à côté de lui à toujours eu ce pouvoir sur lui, prend une grave décision : Puisque Potter aime les précipices, Draco va le faire tomber.

A suivre…