Mae Govannen mellon !
Avant tout, je tiens à vous remercier pour les votes et les commentaires, voir que cette histoire vous plaît me motive à la continuer.
Hannon Le (Merci)
Ensuite, je tiens à préciser qu'aujourd'hui ce chapitre sera bien plus long que les autres. Alors n'hésitez surtout pas à me donner votre avis, vos impressions et comment vous voyez la suite !
Et une dernière chose, si certains d'entre-vous ont des notions d'Elfique, de Noir Parler, ou encore dans la langue des Nains, alors n'hésitez pas à me contacter, je suis preneuse !
Sur ce, bonne lecture à vous !
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Le temps est froid. Cela fait déjà une semaine que les nuages ont recouvert le ciel et la pluie ne cesse de tomber. Une semaine que des trombes d'eau inondent le paysage et empêchent les marchands d'y voir clair sur le chemin.
Les deux parents se tiennent à l'avant, comme à l'accoutumée, couverts par de grosses capes de pluie. Les enfants, eux, sont à l'arrière, enroulés dans des couvertures et des manteaux, bien à l'abri sous la bâche de la charette.
Un éclair déchire soudainement le gris du ciel et le tonnerre retentit, arrachant un hénissement de peur au cheval qui tire la charette tant bien que mal dans le chemin boueux. La rousse est terrorisée par l'orage mais essaie de le cacher en restant immobile. Malheureusement, il y en a un qui le remarque :
- T'es une trouillarde en fait.
- C'est pas vrai !
- Si, t'as peur de l'orage.
- C'est pas vrai !
- Mais ils vont s'calmer, les petiots !
- Barnie, petite, ça suffit maintenant !
Les deux enfants se taisent.
Voila deux semaines environ qu'ils ont quitté Fondcombe. Le voyage pour arriver à Lacville est long, les pauses sont rares et le temps qui se dirige de plus en plus d'un automne pluvieux vers un hiver rude n'arrange pas les choses ; pluie, grêle, verglas, flaques d'eau et de boue s'enchaînent, rendant le chemin à peine praticable. Sans oublier le froid.
Autant de choses qui rendent pénible un trajet déjà long et morne. Bien entendu, ça n'aide pas les deux enfants à se calmer, et les disputes pour tout et rien sont fréquentes. Il y a une mauvaise atmosphère entre eux et les parents ne savent plus quoi faire.
À l'occasion d'un soir un peu plus sec, ils font une pause près de collines offrant un bon abri contre le vent. De là ils aperçoivent à grand-peine une forêt, loin à l'horizon, en partie cachée par le brouillard.
Le père s'amuse à raconter aux enfants que dans ces bois vivrait une sorcière qui piège les hommes par sa beauté, les emprisonnant dans son domaine sans qu'on ne les revoie jamais.
Cette histoire donne des frissons aux enfants qui se promettent intérieurement de ne pas s'en approcher. De toute façon, ce n'est pas sur leur route.
Les parents allument un feu dans un recoin sec et préparent le souper. La petite, elle, s'occupe du cheval, observant Barnie calé dans son coin. Il n'aide plus autant ses parents qu'avant, reste continuellement dans la charette et n'en bouge plus, préférant faire la tête plutôt que d'aider aux tâches.
La rousse ne se sent pas à l'aise. Non seulement à cause des légendes de cette forêt, mais aussi à cause d'un mal de tête qui ne veut pas partir. Il est apparu quand ils se sont arrêtés pour leur repas et refuse de partir... Et comme si cela ne suffisait pas, la petite voix qu'elle entend dans son esprit se manifeste à nouveau :
'N'approche pas des bois. N'y vas pas.'
Elle ne l'avait plus entendue depuis leur départ d'Imladris jusqu'à ce soir. Elle soupire en se remémorant l'endroit; les cascades, la lumière, les rires des elfes, l'air sérieux du seigneur Elrond.
Un doute l'envahit; quand le haut-elfe l'a interrogée à ce sujet, c'est comme s'il avait compris quelque chose...
La petite se demande bien comment c'est possible.
Le repas du soir se passe dans un grand calme, aucune discussion, juste le bruit des gamelle, la danse des couverts et le crépitement du bois dans les flammes. Barnie rompt le silence;
- Père, je peux avoir l'eau ?
- Tiens petiote, fais passer s'il te plaît !
Elle prend la gourde d'eau et la tends vers le garçon qui l'ignore complètement, détournant même la tête pour éviter de la regarder :
- J'ai demandé à père, pas à toi.
- Barnie ! Tu deviens vraiment agaçant avec elle ! Intervient sa mère qui ne supporte plus le comportement de son fils. C'est pas parc'que Dame Arwen et elle s'entendent bien, qu'il faut qu'tu viennes faire partager ta mauvaise humeur ! Tu crois qu'ça nous fait plaisir ?
Alors que Barnie se fait passer un savon... Encore... La rousse ressent un nouveau malaise. La scène lors du dîner à Fondcombe lui revient en tête, son petit cœur se serre, et un sentiment de ne pas être à sa place la prends.
Elle ne veut pas se disputer. Elle ne veut pas qu'ils se disputent. Elle a une furieuse envie de partir et de courir au loin. Un intense désir de pleurer la prend, mais elle se retient, malgré que cela aggrave son mal de tête. Elle pose sa main sur son front subitement :
- Mal au crâne, petiote ?
-... Elle hoche positivement la tête.
- T'inquiètes donc pas, on va aller dormir, ça t'f'ras du bien.
Elle l'espère.
Plus le temps passe, et moins elle se sent bien auprès de ces marchands, de cette famille.
Une famille... Elle s'interroge de plus en plus sur la signification de ce mot, et malgré ce que lui a dit Elrond, elle ne ressent aucun lien pour ces humains et se questionne davantage sur sa vraie famille.
Pourquoi ne se souvient-t'elle pas d'eux ? Quels étaient leur noms ? L'aimaient'elle ? Pourquoi l'avoir laissée dans les Montagnes Bleues ?
Mais sa question la plus importante à ses yeux reste : Où est Thorin ?
Il lui manque tellement... Jouer de la musique, chanter avec lui, rire, entendre ses histoires... Il n'y a plus rien de tout ça. Juste des disputes et un malaise constant. C'est dur...
Discrètement, elle prends en main son collier runique en pierre blanche... Son bien le plus précieux, et le symbole de leur promesse. Elle s'accroche de toutes ses forces à l'espoir de le retrouver un jour et, qui sait, de vivre avec lui..
Au lendemain d'une nuit courte et agitée, la petite se réveille à l'arrière de la charette en marche. Ses yeux sont encore mi-clos, des cernes les soulignant, et sa tête est lourde. Elle distingue encore moins bien la route que le brouillard du matin ne le permet.
Depuis peu, ses cauchemars reviennent. Si ce n'était que périodique avant, c'est désormais quotidien. Chaque nuit, elle fait des songes de plus en plus sombres, plus violents et angoissants. Elle voit des hommes et des femmes qui combattent sans relâche sur une terre stérile, sans végétation d'aucune sorte. Ils se font tuer, massacrer. Elle entend des créatures parler dans une langue horrible, et des cris sans fin... Et elle voit ces cavaliers vêtus de capes noires, dont il est impossible de voir le visage.
Une scène particulière se distingue :
Des nuages noirs envahissant le ciel, des épées inondées de sang, des combats qui semblent sans fin, deux grandes portes faites de métal noir, des humains et des elfes se battant sur le flanc d'un immense volcan crachant du feu.
Puis elle le voit lui, cet homme dans une caverne où coule la lave. Il tient une chose dans sa main. Une simple chose... Mais si brillante... Si attirante... Si précieuse... Et il repart.
'Isildur ! '
Un elfe hurle ce prénom, un elfe qu'elle reconnaît pour l'avoir vu à Fondcombe : Elrond.
C'est la dernière image qu'elle voit avant de se réveiller ce matin.
Son ventre vide la ramène à la réalité... Elle a faim. Mais avant de manger, elle doit se préparer.
Elle prends ses affaires et reste à l'arrière de la charette, caché des yeux de tous, préservant son intimité.
Elle coiffe ses cheveux roux en deux nattes qu'elle ramène sur les côtés, découvrant son petit visage rond et doux. Elle s'habille de la belle robe que Dame Arwen lui a offerte, prenant son temps pour l'enfiler, ne voulant pas l'abîmer. Enfin, elle enfile des petits souliers noirs discret à ses petits pieds.
Elle prends un miroir à main rond dans une caisse et se regarde : elle se trouve aussi jolie que lorsqu'elle était à Fondcombe. Elle se sent vraiment belle et un sentiment de confiance l'envahit.
Une fois prête, elle sort de sa 'petite cachette', et range ses autres affaires.
Elle ouvre un des sacs de provisions et constate qu'il est bientôt vide. Il est vraiment temps qu'ils arrivent à Lacville et qu'ils refassent le plein. Ils ne vont pas tenir plusieurs jours comme ça.
Elle se prends un fruit pour ce matin et va se rasseoir :
- Merci, j'avais faim ! Barnie lui prends des mains et croque un gros coup dedans.
- Hé !
Sans lui prêter plus d'attention, il rejoint ses parents à l'avant et se met à parler avec eux.
La rousse est contrariée et triste, mais surtout elle reste affamé. Devrait-t'elle manger quelque chose d'autre ? Il ne leur reste plus beaucoup..
Elle soupire.
Bon, elle attendra le repas de midi...
Assise dans la charette, observant les parents et leur fils, elle se met a les envier.
Son imagination travaille et elle se demande à quoi ressembleraient ses parents si elle en avait... Soudainement inspirée, elle fouille les bagages à la recherche de quoi dessiner. Finalement munie d'un bout de parchemin et d'une plume, elle tente de représenter sa vision de ses parents... Autant dire que le résultat n'est pas concluant, mais très drôle.
La journée s'écoule. Le voyage lui semble interminable et devient vraiment insupportable... le chemin suivi par les marchands contourne une très dense et obscure forêt. Ils disent qu'une mauvaise atmosphère s'en dégage et que c'est bien trop dangereux de la traverser.
Les arbres sont sinistres et la lumière n'a pas l'air de vouloir traverser leur feuillage.. Aucun cri d'animal ne résonne, aucun oiseau ne vole ou ne chante, ni même un lapin derrière un quelconque buisson... Rien.
La rousse se sent attirée par cette forêt, attirée par une force inconnue et invisible, la voix en elle se remet à lui parler d'une manière sinistre :
'Viens à moi... esclave...'
Paniquée, elle se concentre sur la conversation des adultes. Ils appellent cet endroit 'Forêt Noire', non sans une certaine crainte. C'est dans cette forêt que vivraient d'autres elfes, moins accueillants que ceux de Fondcombe.
D'après le père, ils ne sont pas très drôles, ni aimables, mais irréprochables quant à la qualité de leur vin :
- Il paraît qu'leur Seigneur en est fier comme tout c'qui vient d'chez lui d'ailleurs.
- Et... À quoi il ressemble ce Seigneur ? Il est comme le Seigneur Elrond ?
- Houla ! C'est l'contraire !
- Le Seigneur Elrond commerce avec nous, il nous invite, on peut parler avec lui... Explique la mère.
- Et... L'autre ?
- On n'l'a jamais vu petiote. On n'sait même pas à quoi y r'semble.
- On a toujours commercé avec ses gens, qui sortait de la forêt juste pour ça. Ils sont juste... Différents.
Les mots de la mère restent dans l'esprit de l'enfant qui s'en retourne vers les arbre de cette forêt. Elle frissonne.
Ils continuent leur route sans mot dire. Les yeux de la petite restent braqués vers la forêt malgré la brume. Elle s'attarde sur chaque détail et manque de sursauter en distinguant un mouvement. Une silhouette bougeant à travers l'obscurité, mais elle ne voit rien d'autre et ça la frustre.
Elle est tellement concentrée là-dessus qu'elle sursaute lorsque Barnie l'attrape aux épaules :
- Aaaaaaaaaaah !
- Haha ! La trouillarde ! Tu flippes à cause de la forêt ?
- Non !
- Et pourquoi ça t'intéresse de voir des Seigneurs Elfes ? Tu va faire 'amis-amis' avec eux ? T'es une vrai maniaque des elfes !
- Bah t'es pas mieux ! T'es amoureux des elfes !
- Pas de tous... Juste Dame Arwen. Et encore, tu me l'a volée !
- T'es jaloux Barnie ! De toute façon, Dame Arwen elle est déjà amoureuse. Et je connais même son nom.
- C'est pas vrai !
- Si c'est vrai !
- Menteuse !
- Mais si, c'est vrai ! Son nom, c'est..
- Vous allez pas recommencer !Intervient la mère mécontente. Barnie, on est déjà tous à cran alors tu vas...
Sa phrase est coupée par une violente secousse, arrachant un hennissement au cheval. Une seconde frappe la caravane par le flanc, faisant tomber les enfants ainsi que les caisses, et bousculant les parents. Le cheval recommence à hennir et se cambre dangereusement, terrifié par des grondements venant de l'arrière.
Un seul coup d'oeil de la rousse, et le cauchemar commence.
Deux grands loups se tiennent sur les flancs et éventrent les sacs de marchandises ainsi que la bâche. De nombreux autres se dirigent vers eux, chevauchés par des créatures hideuses portant des armes. Leur visages défigurés et leurs cris bestiaux arrachent un cri de terreur à la petite. Ses cauchemars viennent de la rattraper.
Un des quelques loups sans selle saute sur la charette et passe sa gueule à l'intérieur. Les enfants reculent et hurlent alors que la mère essaie de les tirer hors de portée . Le père tente de contrôler le cheval fou de terreur. Un choc violent l'arrache de son siège. L'un des monstres l'a mis à terre avec un coup de masse, le réduisant à la merci de loups...
Un terrible hurlement de douleur et d'effroi retentit. Les deux enfants cachent leurs oreilles et se recroquevillent pour échapper au cauchemard.
La mère arrache un pan de la bâche et saisit Barnie avant de le lancer le plus loin possible.
Un loup passe sa tête dans la charrette et voit la petite. Elle est morte de peur en voyant cette grande gueule qui claque devant elle, cherchant à la dévorer. Elle se fait tirer en arrière par la femme qui l'envoie auprès de Barnie, juste avant que la charette ne se fasse retourner. Le fracas du bois s'accompagne des râles et des rugissements des loups et de leurs maîtres.
En se relevant, la petite voit que l'un des cavaliers reste en marge et observe. Il est plus grand, avec un corps pâle couvert de cicatrice, et chevauchant un loup blanc :
- Courez... La forêt ! Courez !
- Maman !
Coincée sous la charette, la mère de Barnie leur fait signe de partir. Le garçon tente de se relever et de foncer vers elle, mais il est trop tard... Les loups lui sautent dessus sous les rires de ces choses monstrueuses.
La plus jeune tire Barnie en arrière, couverts par les bruits de la pluie et du festin macabre. Paniqués, pleurants, ils s'enfoncent dans la forêt. La dernière chose qu'ils entendent est le hurlement de la femme...
Ils courent dans la Forêt Noire. Terrifiés, pleurant encore sous le choc de ce qu'il vient de se passer. Tout a été si vite !
Ils ne peuvent s'arrêter. Ils courent le plus vite possible, ignorant leurs jambes lourdes, s'enfonçant à travers la végétation si menaçante et sinistre... La voix dans l'esprit de la rousse l'appelle à nouveau mais elle fait tout pour l'ignorer, cherchant plutôt à échapper à ces... Orques.
Oui. Ce sont des Orques, et les loups sont des Wargs. Comment le sait-elle ? Peu importe, elle doit les distancer.
Les arbres sont immenses, tordus, comme souffrants... et une atmosphère pesante étouffe cette forêt. Leur peur s'intensifie. Ils n'ont plus de souffle mais continuent car leurs vies en dépendent. Un coup ils vont à droite. Un coup ils vont à gauche. Ils n'ont aucune sorte d'idée du bon chemin à prendre. Puis subitement, la végétation s'espace. Une rivière trouble leur barre la route. Plus loin, elle est franchie par un pont cassé :
- Y... Y... Y a peut-être, un chemin... Elle tente de contenir ses larmes. Il faut... Il faut qu'on parte...
- Lâche-moi.
- Barnie...
- Lâche-moi !
Il la pousse violement à terre avant d'être pris de vertige. Il s'adosse à un arbre et vomit. L'air lui manque, la tête lui tourne... Ou bien est-ce la forêt qui se tord et se déplace ? Quelque chose ne va pas... Elle le regarde alors que ses larmes coulent le long de ses joues. Tout a été si vite, et ce fut si brutal :
- Barnie... Qu'est-ce qu'on va faire ?
Il la regarde soudainement, comme si il venait de prendre conscience de sa présence. Ses yeux sont humides et gonflés et ses pupilles sont dilatées :
- Barnie... ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
- Tout est de ta faute.
- Quoi... ?
- Tu m'as entendue ! Il s'approche et l'attrape par le col, un regard de haine dans les yeux. Tout est de ta faute ! Si on t'avais pas rencontré, Dame Arwen me remarquerait ! Si t'étais pas là, mes parents serait encore en vie ! Si... Tout est de ta faute ! Soyez maudits, toi et ton nain !
Elle geint et pleure en voyant ce garçon aussi haineux. Celui-ci la repousse, pris d'un nouveau malaise. La rousse recule alors qu'il la pointe du doigt :
- T'es maudite... T'es maudite.
- Barnie...
- T'approche plus de moi !
Il part, courant au hasard dans la direction d'où ils venaient. La petite le regarde s'éloigner sans pouvoir rien faire. Sans savoir quoi faire :
- Me laisse pas ici...
La main tendue vers sa silhouette s'éloignant, elle n'arrive plus à bouger. Les larmes coulent. Elle se recroqueville dans les feuilles mortes, pleurant et hoquetant au rythmes des souvenirs qui lui reviennent. Tout était si bien... Tout était si beau... Et désormais tout est détruit...
Le temps passe sans qu'elle ne le remarque, la météo change petit à petit. La pluie cesse mais la forêt reste humide et sombre.
Elle se relève difficilement, passant ses mains sur ses petits yeux rougis. Un hoquet lui échappe entre deux souffles. Elle regarde sa robe... Sa jolie robe que Dame Arwen lui avait donné est toute sale et déchirée maintenant. Ses petites nattes sont défaites... La voici pieds nus, dans cette immense forêt noire. Et cette voix qui la commande, la dirige vers un endroit inconnu...
Doit-elle la suivre ? Lui obéir ? Elle ne sait pas quoi faire... Elle a si peur, si froid, et une terrible sensation d'être observée l'envahit.
Elle se met à marcher lentement, les bras croisés, la tête basse et le regard vide. Son esprit est comme fermé à ce qui l'entoure, elle marche mécaniquement et ne fait plus attention à rien. Elle ne sent qu'à peine la douleur de ses pieds nus marchant sur des branches cassées et des racines.
Combien de temps cela fait-il ? Dix minutes ? Une heure ? Deux ? Le temps n'est plus si important. Les souvenirs de ce qu'elle a vu la hantent, et ce qui la trouble encore plus est qu'elle a déjà vu des créatures comme celles qui ont assailli la caravane... Dans ses cauchemars. Son esprit est si fermé qu'elle ne perçoit pas pas le mouvement dans les branches grinçantes, elle ne remarque pas les toiles de fils blancs sur les arbres et à terre. Et elle ne ressent pas les présences qu'il y a derrière et autour d'elle :
- Pauvre petite nourriture, seule et perdue. Dis soudainement une voix.
- Où crois-tu aller ? Ajoute une deuxième.
- Nous échapper ? Continue une troisième.
Elle réalise que ces voix ne viennent pas de son esprit... Mais de derrière et d'au-dessus d'elle...
Tournant doucement sa tête, elle se fige d'horreur quand elle rencontre à quelques petits centimètres d'elle un monstre poilus avec huit yeux ronds et noirs, avec des mandibules en guise de mâchoire.
Pas. Un seul. Geste.
Pas. Un seul. Mot.
Elle est incapable de faire quoi que ce soit. Son cerveau lui signale le danger imminent mais son corps refuse de bouger, ou de parler. Même respirer devient délicat. Ses yeux se reflètent dans ceux de ce monstre. Elle a la sensation que le premier qui bouge déclenchera la suite de son drame.
Une araignée descend derrière. Puis vient une autre sur un côté. Et encore une autre,... Si proches d'elle, si menaçantes et répugnantes. Elles tournent en rond, indécises. La petite en ignore le pourquoi, mais la peur la paralyse.
La ronde des yeux étouffe son esprit. Où qu'elle regarde elle ne voit que des globes luisants et des pattes poilues.
Elle se réfugie mentalement dans un souvenir, se demandant si cela sera son dernier :
- Thorin...
Thorin qui joue de la harpe, le feu qui réchauffe ses pieds, le décor enneigé... Puis une ombre surgit, effaçant le souvenir.
La voix en elle grandit, elle la sent emplir sa tête, et prend une forme ; Un œil de feu envahit son esprit et une voix puissante, vieille comme le temps, supplante la sienne ;
- Ungolianth-hai. (Peuple d'Ungolianth.)
Les araignées s'immobilisent, subjuguées. Le regard de l'enfant a changé. Plus menaçant. Plus intimidant. Et une ombre la surplombe :
- Ungolianth-haidho krimpza. Krimpza ash gûl. (Vous, peuple d'Ungolianth, êtes à moi. Vous me servez, obéissez. )
Les araignées semblent paniquées, apeurées. Certaines s'inclinent maladroitement avec leur pattes alors que d'autres reculent et sifflent. La rousse tremble intérieurement, mais est contrôlée par cette ombre, telle un pantin. Son corps bouge et indique de son bras une direction précise aux créatures :
- Thrakshi u Dol Guldur. (Emmenez-la à Dol Guldur.)
Sans attendre, elles forment un cortège autour de la petite qui commence à marcher vers l'endroit qu'elle a pointé, elle marche sous le contrôle de l'ombre en elle. L'enfant va bien moins vite que les araignées mais elles marchent ensemble pendant un long moment.
La lumière filtrée par la canopée devient lunaire mais l'on ne distingue pas l'astre nocturne.
Les araignées restent au sol, marchant lentement, dégageant le passage pour l'enfant. Et l'entourant pour ne pas qu'elle s'échappe...
Petit à petit, la pression sur son esprit s'amenuise et son esprit reprend le contrôle. La voix finit par s'évanouir dans un dernier mot :
... Snaga... (...Esclave...)
La rousse respire de plus en plus fort, tenant sa tête endolorie. Elle ralentit mais se reçoit un coup de patte dans le dos, lui disant d'avancer. Elle ne peut s'arrêter, et malgré la peur, elle continue de marcher, craignant ce qui se passera si elle tente de fuir son escorte. Elle tremble de tout ses membres...
Puis survient la flèche.
Venant de nulle part, un projectile se fige dans la tête de l'araignée à la droite de la gamine. Une autre, à l'avant, subit le même sort. Certaines créatures remontent dans les branches en sifflant de colère, et un combat semble démarrer dans les frondaisons. L'enfant en profite, saute par-dessus un buisson et s'enfuit.
Elle cours le plus vite possible, haletante et transpirante mais incapable de se stopper. Les bestioles grouillent derrière elle, émettant leur cris strident, leurs mandibules claquent et leurs huit pattes leur permettent d'avancer vite et de bondir. Ce n'est que par justesse et miracle qu'elle n'a pas encore été rattrapée... Mais ce n'est que de courte durée ! Elle tombe à terre, trébuchant à cause d'une racine quelconque. Elle se retourne et rampe en arrière, cherchant une issue. Mais le sol se creuse et elle finit par tomber dans un trou de fils blancs et gluants. De la toile.
Elle se met à hurler en voyant les bestioles qui descendent... Puis soudain, toute leur attention se reporte sur des choses fonçant vers elles. La petite, prisonnières des toiles, ne voit que des silhouettes fines et rapides, s'élançant sur les monstres. Des cris en tout genre retentissent, certains de douleurs et d'autres de rage, des bruits de cordes et des sons de lames.
L'enfant tente en vain de se dégager, jusqu'à ce qu'une femme ne descende et ne vienne l'aider. Une très grande dame rousse, vêtue d'une tunique verte et dotée d'oreilles pointues... Une elfe ? Une elfe de la forêt... ?
Celle-ci utilise habilement sa dague et coupe les toiles autour d'elle, puis la prends dans ses bras pour remonter hors de ce trou maudit.
Une fois en haut, elle la dépose à terre délicatement. La petite ne tient plus sur ses jambes et s'écroule. Elle voit autour d'elle beaucoup d'autres elfes et les corps morts des créatures qui la pourchassaient :
- Vérifiez qu'aucune araignée n'aie pondu par ici. On ne doit pas prendre de risques, le Seigneur Thranduil ne le permettra pas. Elle regarde l'enfant qu'elle vient de libérer. Toi, que fais-tu dans cette forêt ?
- Je... Je...
- Que faisais-tu avec ces araignées ? Tu semblais les suivre, pourquoi ?
- Heu... Je... Je ne...
Par réflexe et pour se donner du courage, elle attrape son collier, sa rune blanche, mais constate que celle-ci à disparue. Elle se relève subitement et se met à chercher aux alentours sous l'œil interrogateur des elfes :
- Elle est avec les nains. Dit l'un d'eux, un grand blond.
- Hír Nin Legolas ?
Dans sa main se trouve le collier qu'elle cherche. Elle dû le perdre dans sa course et c'est lui qui l'a retrouvé.
Il s'avance et s'approche d'elle. Il la juge de toute sa hauteur, fixe ses yeux et y voit la peur, mais un sentiment étrange le gagne. Il ressent l'aura de cette petite apeurée et pleurante, et l'ombre d'un doute traverse son visage.
Il se tourne vers l'elfe rousse :
- Vérifiez correctement la zone et remontez la piste qu'elle a suivie. Elle ne vient pas du même chemin que les nains. Il referme ses doigts sur la pierre blanche sous les yeux terrifiés de l'enfant. Je m'occupe de l'amener à mon père.
- Bien mon Seigneur.
Sans qu'elle ne comprenne pourquoi, elle se retrouve ligotée et tenue en laisse par le blond.
D'abord des monstres chevauchant des loups, puis la mort des marchands, l'abandon de Barnie, l'attaque de ces araignées, sa possession et maintenant des elfes bien moins accueillants et gentils que ceux de Fondcombe, dont un qui l'emmène de force.
Comment les choses ont-elles dégénérées aussi vite ? Comment cela pourrait être pire ? Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ?
C'est lorsqu'elle arrive devant un ponton qui les mène vers une immense porte sculptée dans le bois, surplombé d'arches, et en parfaite harmonie avec le décor de la forêt, que sa peur se transforme en admiration. Elle ne peut détailler quoi que ce soit, cet elfe blond ne lui en laisse pas le temps.
Ils pénètrent dans cet endroit incroyable. Tout a été sculpté à même le bois et la roche : les immenses arches, les ponts en serpentin, les salles en dessous... Il y a même une grande rivière qui passe au-travers de ce lieu inconnu. C'est impressionnant.
Ça n'a pas le même charme qu'à Fondcombe. Il y a peu de lumières, de formes élégantes, ou d'ouverture pour laisser entrer le vent et la lumière, mais cela reste tout de même trés elfique.
L'elfe, nommé Legolas si elle se souvient bien, l'amène dans des dédales de couloirs pour arriver près d'une grande arche, une entrée gardée par deux elfes en armure, menaçants à ses yeux d'enfants...
Les gardes saluent l'elfe respectueusement avant qu'il ne pénètre dans la salle, toujours en tenant la corde liant ligotant les mains de la petite. Et au bout d'un énième chemin bâti en hauteur, se trouve une salle toute particulière : surélevée, protégée par des gardes, et décorée par des gravures recouvrant des racines sortant du plafond. Un immense trône avec deux grands bois surplombe quiconque entre dans la pièce. La surplombe, elle.
Et alors elle le voit...
De longs cheveux presque blancs et éclatants, une couronne de bois sur la tête et des bagues aux doigts. Une longue robe souligne la finesse de son corps et sa prestance... Elle rencontre un seigneur elfe pour la seconde fois, celui dont elle parlait avec les marchands. Elle ne savait pas qu'elle allait le rencontrer de si tôt..
Bien qu'il possède l'élégance et l'allure des hauts-elfes comme Elrond, il ne dégage pas la même aura.
Bien plus intimidant. Bien plus menaçant.
Le Roi Thranduil.
