Quand nous ouvrons la porte une salve de sorts nous tombent dessus. Scorpius et moi les controns tous, en reculant, dos au mur. La salle est plongée dans l'obscurité, et je ne vois pas d'où les attaques viennent :
- PUTAIN MAIS CA S'ARRÊTE JAMAIS ? Je hurle.
- LOUIS ?
- PAPA ? Je réponds en fronçant les sourcils.
- Lumos !
L'enchaînement me fait doucement sourire, alors que je me jette dans les bras de mon père, qui me sert contre lui et embrasse mon front sans aucune pudeur. Je m'en fiche bien. Par-dessus son épaule, Charlie reprend son souffle et me regarde, soulagé, alors que Scorpius s'avance vers lui.
- J'ai cru que je t'avais perdu, murmure mon père à mon oreille.
Il s'écarte de moi et pointe un doigt accusateur sur moi, soudainement furieux. Toute tendresse a quitté son visage :
- Je t'avais dit quoi, Louis Raymond Weasley Delacour ?
Il attend patiemment ma réponse, alors que je bredouille faiblement :
- De ne rien faire de stupide ? Je propose.
- Après l'heure du couvre-feu, tu aurais dû rentrer et arrêter tes observations !
- Tu crois vraiment que c'est le moment de me passer un savon ? Je murmure en pointant du doigt les quelques sorciers qui sont restés en arrière.
- Tu n'y échappera pas ! Me prévient-t-il. Quant à toi…
Il se précipite sur Scorpius, qui paraît encore plus pâle que d'ordinaire :
- J'ai suivi Louis parce que je l'ai vu se faire aspirer par un arbre ! Se défend-t-il tout de suite. Je n'ai pas réfléchi ! Je me suis dit que c'était une mauvaise idée de le laisser seul, qu'il n'était pas préparé, et vous avez spécialement insisté pour que la magizoologiste ne soit jamais seul et franchement, sans moi, votre fils serait déjà en…
Mon père le prend dans ses bras à son tour.
- Merci.
Charlie me donne une pichenette sur le bout du nez, comme si j'avais encore cinq ans.
- Ne refais jamais ça ! Ton père est devenu complètement dingue quand on s'est aperçu de votre disparition…
- Comment avez-vous fait pour arriver jusqu'ici ? Je demande.
- Eloïsha a observé les ponstastillas toute la nuit, après le signalement de votre disparition. Elle s'est doutée que tu avais compris leur déplacement…
- Pas tout à fait. Enfin, j'ai surtout vu un snillusions se faire happer par la force magique de l'arbre. C'est après que j'ai compris…
Je triture nerveusement mes piercings à mon oreille, en acceptant la gourde d'eau que me lance mon parrain. J'avale à grandes gorgées, la bouche sèche :
- On a lancé plusieurs sortilèges pour vous retrouver, sans succès, explique Charlie.
- Vous n'avez pas dû prendre la même entrée que nous, je réfléchis.
- On s'est dit que vous chercheriez à rejoindre la salle principale.
- Scorpius a eu la même pensée, je souris.
Mon père le félicite chaleureusement, alors que je lève les yeux au ciel.
- Ravi de constater que vous ne vous êtes pas entre-tués…, ricane Charlie.
Je repense à ce qu'il m'a dit, quand il a affirmé que s'il m'avait suivi, c'était uniquement parce que c'est ce qu'Allénore aurait fait.
- Franchement on est pas passé loin de le faire, j'avoue. On rentre quand ? Je demande subitement. Je suis épuisé… Et Scorpius a besoin de soin. Son épaule est en vrac, il a presque failli la perdre…
- On ne peut pas.
- Vous n'avez pas de portoloins d'urgence ? Je m'exclame.
- Ils ne fonctionnent pas. Tous les sorts de transplanage et d'apparition sont inefficaces, explique mon père.
- Tu crois vraiment que j'ai pas tenté le coup plus tôt ? Ronchonne Scorpius en me foudroyant du regard.
- Bah tu l'as dit toi-même, vieux ! T'es pas un expert !
Mon oncle tapote mon épaule avec force, pour me rassurer. Mon père se tourne vers nous, après avoir examiné le bras de Scorpius, désormais parfaitement guéri :
- Les sortilèges dominos ont été levés dans cette zone, nous rassure-t-il. Le maléfice de nécrose ne fonctionne plus ici. T'as dû avoir un mal de chien…
Scorpius hausse les épaules, comme si de rien n'était. Il est moins fragile qu'on ne le pense, finalement… Il ne s'est pas plaint de la douleur un seul instant, après que j'ai replacé son épaule.
- On a trouvé une antichambre, avec une pensine immense, lui apprend Scorpius. On a pu voir une partie de ce qu'il s'est passé à travers les souvenirs de certains hommes et de certaines femmes…
- Je sais. Nous sommes passés par trois antichambres de ce genre… Des sorciers prélèvent déjà les souvenirs, fait mon père.
- Le dragon foudre a réellement existé, je murmure sans toujours vraiment y croire.
- Tu as pu les voir ? M'interroge Charlie, tout émerveillé.
- Pas toi ?
- Je n'ai pas eu le droit de faire trempette …, se désole-t-il en lançant un regard noir à son frère aîné.
- Ils étaient gigantesques, Charlie… Et puissants. Vraiment puissants.
- On a retrouvé aucun ossement pour le moment …, observe Scorpius. Pourtant, ces dragons ont été enfermés dans le temple. Et ils avaient sûrement de quoi survivre… Les humains qui les ont protégés s'en sont assurés.
- Je n'en sais rien. Il y a manifestement plusieurs façons d'entrer dans ce temple, mais aucune pour en sortir, enchaîne mon père.
- Comment se sont-ils nourris ? Et pour l'oxygène ? Pour l'eau ? Comment ont-ils pu vivre sans soleil ?
- Dans les souvenirs que j'ai vu, les humains et les dragons se nourrissaient de snillusions, qui se laissaient piéger par les sorts. Les humains buvaient les larmes des dragons.
- Vous pensez qu'il y en a toujours ici ?
- De quoi ?
- Des humains, répond Scorpius.
- Je ne pense pas. A défaut d'avoir trouvé des ossements de dragons, nous en avons trouvé des humains… Ainsi qu'une chambre funéraire.
- Et les dragons alors ? Chuchote Charlie.
- Ils ont tout fait pour s'adapter et survivre, je rétorque. Pour moi, ils sont toujours là.
Une créature aussi forte ne peut pas avoir disparu de la sorte.
- Tu as réussi à lever beaucoup de maléfices ? s'enquiert mon père auprès de Scorpius.
- Au moins une dizaine.
- C'est du bon travail…
Scorpius sourit fièrement alors que nous commençons à explorer cette nouvelle salle, qui semble immense, à la lueur de nos baguettes. Les murs ne comportent aucunes inscriptions. Il n'y a aucune gravure, rien. Tout est lisse et noir. Si je regarde en bas, j'ai peur à chaque pas que je fais, de tomber dans le vide. Ça me provoque un léger vertige.
- C'est abominable d'avoir enfermé ces dragons…, marmonne Charlie.
- Je crois qu'ils n'ont pas eu le choix, et que c'était la meilleure chose à faire pour les protéger. C'était une espèce déjà menacée.
- Pourquoi est-elle apparue dans un environnement aussi peu adapté à sa morphologie ? s'étonne Charlie.
- Le hasard. La magie. Franchement, je n'en sais rien, je réponds distraitement en continuant de marcher.
Mon père me lance une barre protéinée, avant même que mon estomac ne se mette à gargouiller, et je l'en remercie.
- Si jamais on reste coincé ici jusqu'à la fin des temps, je refuse de manger des snillusions, je maugrée en mordant à pleines dents dans la barre.
- Ne dis pas de choses comme ça, grogne Scorpius. On va sortir de ce Temple.
Mon père et Charlie ne disent rien, ce qui accentue le malaise. J'enlève distraitement la poussière qui s'est accumulé dans mes cheveux. Je me mets à siffler, détestant ce silence lourd et pesant. Le groupe est composé d'une petite vingtaine de sorciers et sorcières, qui avancent doucement. Eloïsha n'est pas parmi eux, et j'en suis presque déçu.
- Nous sommes sûrement de nouveau dans un couloir sans fin, soupire l'un d'eux.
Mon père hoche la tête, et s'arrête.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Demande Charlie.
- On trouve la solution, sourit énigmatiquement un briseur de sorts.
- Lumos Maxima !
Quand je lève les yeux vers le plafond, il semble infini lui aussi. Un sorcier en évalue la hauteur, alors que d'autres examinent les murs, à la recherche d'une sortie. Je m'assois à même le sol, complètement épuisé, et rejoint mon oncle.
- Et moi qui pensais que ce serait une promenade de santé… Quelle vaste blague ! s'esclaffe-t-il.
Je pose mes mains à plat sur le sol en fermant les yeux. De toute façon, tout est si obscur que ça ne change rien. Je me frotte les yeux, fatigués. Ça fait combien de temps, que je n'ai pas dormi, que je suis enfermé ici ?
- Je suis soulagé que vous nous ayez trouvé…, je souffle.
- C'est un coup de chance… Ce Temple a l'air immense. Ton père avait beau garder espoir, il était très inquiet. Et moi aussi…
J'examine les quelques blessures que je me suis faites. Charlie fronce les sourcils, en me regardant grimacer, alors que je palpe mes tempes. J'ai dû m'ouvrir l'arcade à un moment donné… Sa baguette éclaire mon visage :
- Louis… Qu'est-ce que tu as ?
- Un très beau visage ?
- Non…
- T'es vexant, je rétorque en faisant mine d'être vexé.
- Non, je veux dire…
- Je me suis pris quelques pierres, rien de grave…
- Non ! m'interrompt-il encore une fois. Ton visage ! On dirait que tu as de la suie partout sur les paupières …
Je regarde mes mains, distraitement. Elles sont effectivement couvertes d'une sorte de suie noire. Charlie pointe sa baguette sur le sol :
- Recurvite !
Le sol s'éclaircit presque instantanément autour de Charlie, qui écarquille les yeux. Les sorciers autour de nous hoquettent de surprise, alors que nous nous levons.
- Elle vient d'où, cette suie ? Demande l'un d'eux.
- Des dragons…, murmure Charlie en même temps que moi.
Quelques briseurs de sorts ont pris exemple sur Charlie et s'attellent à nettoyer le sol de toute la suie qui le recouvre.
- Il y a des inscriptions ?
- « Seuls les hommes ayant un cœur de dragon, et les dragons ayant un cœur d'humain, peuvent vivre en harmonie en ces lieux », traduit une sorcière.
- Laquelle des deux espèces a vu son cœur changer en premier ? Suppose Charlie en me regardant.
- Peut-être aucune des deux… L'Homme ne peut pas vivre éternellement, enfermé entre quatre murs ! Tu imagines sincèrement tout un peuple, en train de vivre ici, isolé de tout ?
- La magie fait de ces miracles, Louis… Ne la sous-estime pas.
- Quant aux dragons…
- Peut-être ont-ils attaqué les humains ?
- Je n'en sais rien, mais le fait est que plus personne ne vit ici. Sinon, pourquoi les humains ne nous ont-ils pas déjà attaqué ? Ils ont usé de serments inviolables ! Leurs sortilèges d'amnésie ont tenu des siècles ! Ils étaient prêts à tout pour protéger cet endroit des envahisseurs !
- Ecartez-vous du centre ! Ordonne soudainement mon père.
Tout le monde s'exécute, et quand il pointe sa baguette sur l'inscription, imité par tous les autres briseurs de sorts, le sol tremble légèrement. Un escalier l'éventre sans ménagement et je me demande quand tout ceci aura une fin…
Nous patientons plusieurs minutes, en attendant que le plancher se stabilise. Un point lumineux, bleu et rapide en sort, suivi de plusieurs. On dirait des étoiles filantes qui nous assaillent, qui partent dans tous les sens. Elles ne volent pas vraiment. Elles bondissent, de murs en murs, s'accrochent. Elles ricochent.
- Qu'est-ce que c'est ? s'alarme une sorcière.
Les points lumineux émettent des petits cris étouffés, assez aiguë, tant et si bien qu'ils me paraissent même joyeux.
- C'est vivant, sourit Charlie.
Un point lumineux atterrit à nos pieds. Je me penche pour l'observer. Une paire d'ailes atrophiées mais ridiculement plus grandes que le reste du corps, deux yeux saphir et des griffes acérées et longues et des écailles d'indigo. Avant même qu'il n'ouvre la bouche pour cracher une petite décharge électrique, je comprends :
- Le dragon foudre…
Comment une aussi grande créature, si gigantesque qu'elle surplombait les arbres de la forêt de Papouasie, a-t-elle pu devenir une aussi petite chose, qui se loge sans difficulté dans la paume de ma main ?
Les points lumineux finissent par se poser, curieux. Leurs yeux, sensibles à la lumière qui se dégage de nos baguettes, sont plissés, et leur teinte saphir s'est assombrie. Le dragon foudre se frotte contre mon pied et s'y dépose, enroulant, protégeant son corps de ses ailes qui le camoufle tout entier.
- C'est…, murmure Charlie.
- Fascinant ? Je propose.
Mais c'est plus que ça. Il n'y a pas de mot.
C'est une toute nouvelle espèce que l'on découvre.
- Il faut que l'on emprunte ces escaliers, nous rappelle à l'ordre mon père. Les dragons venaient de là…
Mais ni Charlie ni moi ne l'avons écouté :
- T'as vu ses ailes Louis ?
- Elles semblent recouvertes d'écailles. Je n'ai jamais vu ça.
- Moi non plus…
- Elles doivent le protéger … Si ses ailes le recouvrent entièrement, atteindre le dragon doit être impossible, je comprends.
- A croire que le dragon foudre a trouvé une autre utilité a des ailes qui ne peuvent pas le faire voler, approuve Charlie. Et ses griffes… Regarde ses griffes !
Elles sont immenses, comparées à son corps. Elles semblent affûtées, tranchantes…
- Ce sont plutôt ses yeux qui m'intriguent, je réponds. Il a l'air de très bien voir dans le noir.
- Tu l'as vu cracher de la foudre ?
- Une petite décharge électrique …
- Ses ailes, son corps luisent … Soit il produit sa propre lumière, soit il rejette celle qu'il a absorbé, suppose Charlie.
- Les dragons peuvent faire ça ?
Je lève la tête pour observer les autres dragons foudre. Les quelques magizoologistes qui sont entrés dans le temple et faisant partie de l'équipe de mon père, observent également les spécimens les plus proches d'eux. Bien que nous soyons toujours dans le noir, nous devinons les contours de la pièce, circulaire, grâce aux dragons qui se sont posés sur les murs. On se croirait au milieu d'une constellation…
- Je ne sais même pas si on peut encore appeler ça un dragon, Louis ! s'exclame mon oncle.
La créature n'est pas plus grosse qu'un psychard…
- Mais je n'ai jamais rien vu d'aussi beau…
« Beau »… Il est peut-être là, le bon mot.
- Charlie, Louis…
Mon père nous interpelle, un sourire amusé sur le visage.
OoO
Nous sommes descendus dans la chambre principale. Les dragons foudre nous ont observé tout du long, et nous ont accompagné. Les murs sont d'or et de saphir. Le ciel sous nos yeux, étincelle et brille doucement.
- C'est magnifique…, souffle Scorpius.
Nous sommes dans un puits de lumière, immense, qui forme comme un dôme au-dessus de nos têtes. Il est en verre, parfaitement transparent, nous laissant voir, que dehors, il fait bien jour. Les arbres sont immenses, comme dans les souvenirs que j'ai vu dans la pensine. La végétation ici, a pris le pas sur tout ce que l'Homme avait construit. Les plantes grimpent, percent le sol, les fruits sont prêts à être cueillis, les légumes à être déterrées. Il y a quelques snillusions aussi, avec lesquels les dragons foudre semblent jouer. On devine encore quelques habitations dans les arbres, quelques meubles, quelques outils, mais tout ou presque, a été recouvert par de la verdure.
- Comment ont-ils pu cacher cela au monde entier pendant autant d'années ? s'interroge une sorcière.
- La forêt entière protégeait le secret, en quelque sorte. Peut-être que les Hommes, en l'affaiblissant, ont affaiblit également les sortilèges de protection et d'amnésie ? Suggère un briseur de sorts.
Ce qui est sûr, c'est que nous sommes tous en train d'assister à un événement, une découverte qui va bouleverser le monde sorcier à jamais…
Les dragons foudre nous étudient, presque autant qu'on les étudie. Chaque fois que nous faisons quelque chose qui leur déplaît, ils nous lancent des décharges électriques. Les plus puissantes d'entre elles paralysent les victimes, qui se retrouvent complètement hagardes et incapables de faire quoique ce soit pendant plusieurs minutes. Dès que nous nous approchons trop près des habitations, des vestiges humains de cet endroit, des tablettes, des statues, des constructions, les dragons foudre sont sur leurs gardes et changent du tout au tout.
- La coupole en verre peut se briser facilement, nous rassure un autre briseur de sorts.
- On ne peut pas prendre le risque de laisser les dragons foudre s'échapper d'ici sans avoir de quoi les accueillir, l'avertit Charlie.
A chaque pas que l'on fait, les dragons foudre nous imitent. Tantôt joueurs et espiègles, leurs grands yeux intelligents nous scrutent avec intérêt. Ils réclament notre attention.
- Des siècles à être enfermés… Qui sait depuis combien de temps ils sont seuls ? Sourit Scorpius, en se penchant pour prendre entre ses mains un petit dragon qui vagit faiblement.
- Les dragons sont dangereux, je l'avertis. Fais attention. Celui-ci est peut-être aussi petit et mignon qu'un chat, mais on ne sait rien encore de ses capacités. Ses griffes pourraient te lacérer la peau. Son venin pourrait être mortel. Quant à sa foudre… Qui sait de quoi il est vraiment capable ?
Scorpius le repose sagement, alors que le dragon pousse un long gémissement plaintif.
- Qu'est-ce qui se passera, quand le monde découvrira leur existence, à ton avis ?
- Je n'en sais rien, j'admets. Du bon, du moins bon…
Les trafiquants sont de plus en plus nombreux. Les marchés noirs de créatures magiques n'ont jamais été aussi importants.
- Tu penses que les trafiquants pourraient s'intéresser à eux ?
- C'est certain, je hoche la tête. Sur le marché noir, ils se vendront comme des petits pains. C'est pour ça qu'il faut se montrer prudent, et les empêcher de sortir pour le moment.
- La réserve de Roumanie les accueillera ?
- Sûrement, répond Charlie à ma place. Ils seront étudiés dans un endroit plus secret. Louis a raison… Des hommes et des femmes ont sacrifié leurs vies, leur peuple pour protéger ces dragons. Ne pas les protéger à notre tour, serait salir leur mémoire.
Au moment où les briseurs de sorts lèvent les derniers maléfices et enchantements, les magizoologistes retiennent les dragons qui semblent goûter l'air de l'extérieur avec une impatience grandissante. Quand les premiers briseurs de sorts quittent le Temple, après avoir fait exploser la coupole de verre, les dragons les regardent, presque suppliants. Charlie et moi, restons près d'eux, pendant plusieurs heures, jusqu'à ce que le directeur de la réserve de Roumanie arrive, et avec lui, une dizaine de dragonologues.
Le Temple du dragon foudre sera exploré plus tard. On en apprendra plus, sur la vie de ces gens, qui ont tout donné pour protéger des dragons.
- Tous les secrets sont découverts tôt ou tard, je souris, en regardant le dernier dragon être emmené.
oOo
De retour sur le camp, la fête bat son plein. J'ai à peine eu le temps de prendre une douche et de manger un peu… J'ai essayé de dormir, mais j'ai trop de choses en tête, pour fermer les yeux. Nous sommes restés trois jours dans le Temple. C'est à la fois très peu et beaucoup… A l'intérieur, j'avais perdu toute notion du temps.
En sortant de la tente, j'entends de la musique, des bouteilles que l'on sabre et des chants hurlés à tue-tête. Assis à une table, je retrouve Scorpius. Ses blessures ont été soignées, et ses cheveux sont encore humides.
- Je viens d'envoyer un message à Rose et Albus, m'apprend-t-il. Je leur ai dit que tu allais bien.
Évidemment qu'il l'a fait. Ils sont inséparables tous les trois. Enfin, tous les quatre… Scorpius est triste. Je devine qu'il aurait aimé se confier à Allénore également. Moi aussi je le voudrais. Elle adorerait entendre l'histoire du dragon foudre.
- Ok, je réponds simplement.
- Je sais qu'ils s'inquiètent pour toi, grogne-t-il.
- Sommes-nous vraiment obligés de nous détester ? Je murmure. Après tout ce qu'on a vécu …
- J'en sais rien, avoue Scorpius. Après Allénore…
- Elle a disparue Scorpius. Elle a abandonné tout le monde. Les aurors n'ont rien trouvé. Elle a lancé des sortilèges pour qu'on ne puisse pas retrouver sa trace. Il faut que tu te fasses une raison.
- C'est moi, que t'essaies de convaincre, ou toi ?
- Toi, je rétorque vivement.
- Je sais que quelque chose lui est arrivé. Et je sais qu'on est tous responsables.
En fait, il s'en veut autant qu'il m'en veut.
- Je ne te pardonnerai pas, de l'abandonner à ton tour, termine-t-il en buvant une dernière gorgée de whiskey-pur-feu. Comme je ne te pardonnerai pas, d'ignorer les messages de Rose, et d'éviter Albus chaque fois qu'il vient te voir.
C'est trop dur, de leur parler, de faire comme si rien n'avait changé. Mais tout a changé et faire semblant serait nier la vérité. Je déteste mentir. Je déteste le mensonge.
- Alors, on va se détester…, je soupire.
- Détester est peut-être un peu fort. Mais je te méprise.
- Parce que je vais de l'avant ?
- Parce que tu es capable d'aller de l'avant, sans te soucier de ce qu'elle est devenue.
- Qu'importe. Elle ne veut plus de moi dans sa vie, alors je ne veux plus d'elle dans la mienne ! j'affirme plus sèchement que je ne le voulais.
Je refuse d'en entendre plus, alors je m'éloigne. La nuit tombe lentement comme un couperet, comme la fin d'une aventure. J'évolue dans le camp. Mon père a sûrement trop bu et s'évertue à imiter un espèce de solo de guitare, debout sur un banc. Je suis déçu de ne pas avoir apporté mon appareil photo. Cependant, Charlie rit à gorge déployée et ne se gêne pas pour le mitrailler. Je m'éloigne un peu plus du camp. Dehors, les ponstastillas ont déjà commencé à s'éparpiller.
- T'es pas en train de dormir ? Me fait sursauter une voix.
Eloïsha m'observe, les yeux mystérieux et les lèvres pincées.
- Mes félicitations, Weasley. Tu as trouvé bien avant moi le parcours des ponstastillas.
- Mais tu as tout deviné à ton tour seulement quelques heures après moi, je souris. Ne t'en veux pas. Je suis un génie.
- Si humble, si modeste, ricane-t-elle.
- Je suis doué et je le sais. Qui y'a-t-il de mal à ça ?
- Rien. Tant que tu ne te sens pas pousser des ailes…
- Tu sais, j'ai appris récemment qu'elles ne servaient pas qu'à voler.
- Tu charmes toujours les gens, comme ça ?
- Oui.
- Tu flirtes avec moi ?
Elle ne s'est pas gênée pour le faire il y a trois jours… Alors pourquoi n'en ferais-je pas autant ?
- Peut-être, je souris.
- Tu sais que je vais sûrement faire partie de ton jury de délibération à l'obtention de ton diplôme ? Sourcille-t-elle.
- Et pourtant, tu continues à me parler et à entrer dans mon jeu ! Je souris davantage.
- Raconte-moi ce que tu as vu…, m'ordonne-t-elle d'une voix suave. Parle-moi du dragon foudre. Parle-moi de ce temple. Parle-moi…
Je m'exécute, sans omettre aucun détail. Je ne néglige pas ma peur, ma douleur, ma solitude, ma fascination. Je lui confie ce qu'il s'est passé dans ce temple, ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu, la trouille que j'ai ressenti jusque dans le fond de mon ventre, et l'émerveillement devant ces créatures que je ne saurais même pas décrire avec précision. En m'écoutant, Eloïsha s'est encore rapprochée de moi. Ses lèvres frôlent mon oreille, et ses mains sur ses genoux, vont jusqu'aux miens.
- Tu es doué, Louis Weasley. C'est un fait. Tu as du cœur aussi. C'est un autre fait…
Je m'approche d'elle, tout doucement. Elle reste froide, impassible, mais ne recule pas d'un pouce.
- Et tu me plais, aussi.
Quand elle pose ses lèvres sur les miennes, j'ai un bref mouvement de recul. Mais je ne m'enfuis pas. Je l'accueille.
Quand il est question d'amour, la seule partie du corps à toucher est le cœur. Eloisha n'effleurera jamais le mien et nous le savons tous les deux. En revanche, elle peut avoir tout le reste. Quand j'entre dans sa tente, alors que ses mains me caressent, que sa langue joue avec la mienne, j'ai à peine le temps de voir Scorpius, et son regard désapprobateur, qu'Eloïsha me fait tout oublier de ses mains et de sa bouche. Elle passe mon t-shirt au-dessus de ma tête et j'attends la suite, comme on attend la prochaine aventure après que la précédente se soit achevée.
J'ai le droit de me sentir bien. J'ai le droit de me sentir heureux.
Aujourd'hui, j'ai participé à la découverte de l'un des secrets les mieux gardés du monde sorcier et je crois que j'ai trouvé le sujet d'étude de mon mémoire…
