« Ace, Nami. Réveillez-vous, c'est pas un endroit pour dormir ici ! »
Je reconnus la voix lointaine de Marco-san. Mais que faisait-il dans ma chambre ?
« Laisse-les, Marco ! Tu ne vois pas comme ils sont mignons ? »
C'était le rire de Thatch-san ? De quoi parlaient-ils aussi fort de bon matin ?
« Ils devraient au moins dormir dans un lit... » répliqua Marco-san.
Réveillée par leur bruyant échange, j'ouvris doucement les yeux avant de me faire péniblement agresser par la lumière du jour. Je tentai de me redresser, mais mes muscles me lancèrent de douloureux appels de répit. Je perçus alors contre moi une mystérieuse masse molle. Sentant ma soudaine agitation, l'amas vivant indéterminé grogna faiblement et resserra son étreinte autour de ma taille dénudée. Mon débardeur avait remonté jusqu'au-dessus de mon ventre et ma poitrine était écrasée sur son torse ferme. J'avais moi-même un bras enroulé autour de sa nuque, les doigts entremêlés à ses mèches sombres. Il me fallut quelques instants pour reconnaître l'homme paisiblement étendu sur le plancher à mes côtés. Il avait le front collé entre mon épaule et ma clavicule, le visage enfoui dans mon cou. Sa respiration brûlante me chatouilla et, comprenant la situation, je sentis des rougeurs me monter aux joues. Pourtant, malgré ma gêne, je me surpris à espérer rester ainsi. J'humai avec désir le parfum masculin qui se dégageait de sa peau. Mon cœur palpitait avidement.
Il ouvrit finalement les yeux lourdement et croisa mon regard embarrassé. Il cilla quelques fois, perplexe, et j'en profitai pour dégager mes jambes confondues aux siennes. Il retira ses bras et je me libérai de son étreinte. Nous nous redressâmes en massant nos muscles endoloris.
« Bien dormi ? questionna Thatch-san, amusé.
— Hmm... répondit simplement Ace.
— Comment s'est-on endormis là... me demandai-je sans véritablement attendre de réponse.
— En tout cas, ça n'a pas l'air de vous avoir vraiment dérangés.
— Vous pouvez aller vous reposer plus confortablement dans vos lits si vous le voulez, proposa Marco-san.
— Nan ça ira, commença Ace en s'étirant. Faut qu'on se bouge, on arrivera bientôt à la prochaine île. T'es prête pour ta première aventure avec nous ? me lança-t-il d'un gigantesque sourire.
— Et comment ! »
Sur ces mots, nous nous dirigeâmes vers la salle à manger. Le déjeuner se passa dans une ambiance joviale, comme toujours. Ace piquait dans les assiettes de tout le monde, Joz-san rouspétait, Thatch-san et Vista-san riaient, Izô-san buvait, Rakuyô-san racontait ses exploits...
Je m'éclipsai pour trouver de quoi me changer à l'infirmerie. J'attrapai un pull bleu marine, fin mais large, un simple short en jean, et entrai dans ma cabine prendre une rapide douche. Cela fait, je m'habillai et sortis sur le pont, une serviette posée sur la tête.
Je marchai à la recherche du Commandant du bateau sur lequel j'étais, et le trouvai assis en tailleur en train de rire avec Marco-san et Thatch-san. Je m'immisçai à leurs côtés tout en frottant ma serviette contre mes cheveux encore humides. Je reçus alors une petite tape amicale sur le dos de la part de Thatch-san.
« Bah alors, t'étais passée où ?
— Je prenais une douche. Je peux jeter un coup d'œil au Log Pose ? »
Il me tendit l'objet dont l'une des trois aiguilles pointait le Nord. Je demandai également une carte marine, que Marco-san sortit généreusement de sa chemise. Je laissai glisser la serviette sur mes épaules et m'accroupis sur le plancher en étalant la carte devant moi. Ils se joignirent à ma hauteur. J'étudiai le papier en leur posant des questions sur notre position, auxquelles ils répondirent patiemment.
« Et vous avez des informations sur la prochaine île ?
— Elle se nomme l'île du Marbre. Comme on peut le deviner, elle a été entièrement reconstruite en marbre et il a donc été décidé de l'appeler ainsi. On ne sait rien d'autre, ça sera une surprise pour tout le monde » répondit Marco-san.
Je traçai du doigt l'itinéraire que nous avions suivi depuis mon arrivée et m'arrêtai sur le dessin du bout de terre qui représentait l'île. Elle n'était pas de bien grande superficie.
Il faudra que j'étudie parfaitement les contours afin de dessiner ma propre carte. Ma toute première île du Nouveau Monde...
« Tu regardes quoi comme ça ? »
Je tournai la tête et me retrouvai nez-à-nez avec un jeune et beau Commandant qui s'était penché vers moi, peut-être un peu trop près, cherchant ce qui attirait mon attention. Je déglutis, désorientée par notre soudaine proximité qui me rappelait le petit incident de la nuit dernière. Intrigué par mon silence, il releva les yeux jusqu'aux miens. Je détournai rapidement la tête sous les coups martelants de mon cœur et bafouillai :
« R-Rien de spécial ! Il nous reste combien de temps avant d'arriver ?
— Franchement pas longtemps. Regarde là-bas » me conseilla Thatch-san en désignant du menton la direction.
Je me relevai et suivis son indication. L'île grossissait à vue d'œil, droit devant nous. À cette vitesse, nous y serions en quelques minutes seulement.
Les Commandants appelèrent leurs troupes au rassemblement sur le bateau principal. Je me mêlai à la masse qui s'agglutinait, en attente des instructions, face aux plus éminents pirates de l'équipage qui entouraient le Capitaine. Marco-san prit la parole en premier et expliqua comment chaque groupe allait devoir être composé afin d'exécuter les diverses tâches de la manière la plus efficace. Certains étaient donc chargés d'apporter le maximum de nourriture, d'autres d'acheter le matériel de charpenterie nécessaire, et d'autres encore de trouver ceci et cela de fournitures essentielles au voyage maritime. J'écoutai attentivement sans pour autant comprendre le rôle que je devais jouer. Finalement, Joz-san hurla de faire particulièrement attention à garder les escargophones toujours sur soi, et qu'il faudra se contacter pour donner les positions de chacun la nuit. Dans une ultime déclaration, Barbe Blanche ordonna à tous de s'amuser et de profiter.
Suite aux exclamations de joie qui avaient inondé le bateau, je me faufilai entre les pirates pour trouver mes nouveaux compagnons. Je leur demandai dans quel groupe j'allais être affectée et quelle était la tâche que j'allais devoir remplir.
« Ne t'en fais pas, tu n'auras besoin de rien faire. Tu peux aller avec qui tu souhaites et satisfaire tes envies comme il te chante. Garde juste cet escargophone avec toi au cas où, conseilla Thatch-san en me tendant l'objet que je pris.
— Vous restez tous ensemble ? demandai-je.
— D'habitude les Commandants sont soit seuls, soit par deux pour éviter d'attirer trop l'attention. Tu veux faire équipe avec moi ?
— D'acco-
— Non, interrompit Ace. Viens avec moi, ce sera mieux. On ne sait pas dans quels genres d'endroits il pourrait t'emmener !
— Retire cet air narquois, le vrai danger ici c'est toi ! » railla Thatch-san dans un rire sincère, rapidement suivi des autres qui écoutaient.
J'acceptai la proposition en feignant l'indifférence pour masquer mon enthousiasme. Nous nous apprêtions à descendre sur le port, quand un détail me sauta aux yeux.
« Ace ?
— Hm ? »
L'intéressé se retourna vers moi.
« Tu comptes te balader torse nu ?
— Ouais, pourquoi ? Ça te gêne ? »
Si ça me gêne ? Non pas qu'il soit mal foutu, loin de là, mais il est bien insouciant.
« On risque de se faire repérer si ton tatouage est exposé.
— Ah, ça ? C'est ma plus grande fierté.
— C'est trop voyant, tu devrais mettre une chemise.
— Je ne veux pas me cacher. »
Avais-je heurté un point sensible ? Il affichait une expression si sérieuse. En tout cas, il n'avait pas l'air de concéder à revenir sur sa décision. Il faudra être vigilants...
« N'aie pas peur, me rassura-t-il. Si les choses tournent mal, on saura se défendre. Tu n'es pas avec n'importe qui après tout ! »
J'acquiesçai en souriant. Il avait raison. Nous descendîmes finalement, prêts à explorer cette nouvelle terre. Nous marchâmes quelques minutes avant d'arriver à la ville. Tout était bel et bien édifié en marbre. Du sol jusqu'aux maisons en passant par les fontaines, les bancs et même les lampadaires. C'était d'une extrême beauté.
En explorant un peu, je vis une boutique somptueusement établie. J'embarquai Ace dedans, curieuse de savoir ce qui se vendait dans le Nouveau Monde. Ce que j'y découvris m'éblouit vivement. Les articles étaient d'une qualité remarquable. Des outils de toutes sortes abondaient çà et là. Prise par l'exaltation, j'inspectai les moindres recoins des étagères et tombai sur l'objet de ma convoitise. Je pris les larges feuilles vierges posées dans une vitrine ouverte entre les mains. Elles étaient d'une blancheur et d'une texture parfaites. Emportée dans mon engouement, j'en avais presque oublié mon compagnon de route. Je lui fis face et surpris son air amusé.
« Quel entrain ! Ça te plaît tant que ça cette paperasse ?
— Ce n'est pas de la paperasse, le corrigeai-je en souriant. C'est du papier d'une incroyable rareté. Ah, Monsieur ! À combien les vendez-vous ?
— Tu comptes les acheter ? demanda Ace, étonné.
— Oui !
— Je vends la dizaine à huit mille berrys Mademoiselle, répondit le vieux commerçant derrière son comptoir.
— Comment ?! Mais c'est bien trop cher ! Vous ne pouvez pas me faire une réduction ?
— Je suis navré, le prix est le prix. Ce papier ne se produit que par les meilleurs artisans de notre île ; il ne se trouve nulle part ailleurs. Fait avec de la poudre de marbre pour rendre le papier plus solide, plus brillant, plus unique.
— Vraiment ? Et vous refusez même pour une jolie jeune femme comme moi ? articulai-je mielleusement en me penchant sur le bureau, lui offrant une vue impeccable sur ma poitrine.
— M-Mademoiselle, vous êtes effectivement r-ravissante, m-mais comprenez je vous prie q-qu'il m'est difficile de baisser le prix... bafouilla le marchand, rougi jusqu'aux oreilles.
— Allons, je suis persuadée qu'un bel homme comme vous ne manque pas d'un peu de bonté. J'ai grand besoin de ces articles... Voyez-vous, je suis la fille d'un Vice-Amiral de la Marine très connu. Jonathan, le connaissez- vous ?
— Euh… N-Non ?
— Quel dommage… Il s'occupe habituellement de la base marine G-8, mais les circonstances nous ont amenés ici. Ah, je ne vous l'ai pas dit ? C'est aussi le protégé de l'Amiral Akainu.
— L'Amiral Akainu ?!
— Si je lui disais que… que vous essayez d'abuser de ma naïveté… je ne sais pas ce qu'il ferait sous le coup de la colère… Je pensais que vous pouviez m'aider... mais peut-être avais-je tort... »
Des larmes perlèrent au bord de mes yeux, menaçant de rouler sur mes joues à tout moment.
« Attendez, non, ne pleurez pas. Je vais vous chercher ces papiers, combien en voulez-vous ?
— ... Une centaine, murmurai-je en relevant la tête entre deux sanglots.
— Une centaine ? Bon, très bien. Je vous les laisse pour cinquante mille berrys, d'accord ?
— Vingt mille.
— Comment ?!
— Je les veux pour vingt mille berrys.
— Mais enfin je ne peux p- »
Il se tut en voyant de nouvelles larmes se manifester.
« Je n'en parlerai pas à mon père, c'est promis. Peut-être même que je lui vanterais vos mérites… articulai-je lentement, les joues rosies et le regard brillant.
— ... C'est d'accord pour vingt mille berrys... »
Je me redressai vivement, et le remerciai d'un grand sourire.
« Vous offrez le matériel qui va avec, n'est-ce pas ? Je veux dire, on ne peut pas utiliser ces belles feuilles sans encre, ni compas, ni règle, ni...
— Prenez ce qui vous fait plaisir, je vous les offre...
— Vraiment ? Merci Monsieur !
— Attendez, et qu'en est-il de notre accord ?!
— Un accord ? Quel accord ? »
Je mis tous mes achats dans un sac et pris Ace par la main avant de sortir en courant, comme une voleuse. Je rayonnais de bonheur et Ace éclata de rire en se tenant les côtes.
« Mon charme marche toujours ! m'exclamai-je avec fierté.
— Quelle séductrice ! Et puis quelle menteuse aussi ! C'est pas du vol ?
— On ne m'appelle pas la « Chatte voleuse » pour rien ! Et le vol, c'est de vendre la dizaine à huit mille, non mais ! Quel escroc, ce type ! Je lui ai quand même laissé vingt mille berrys ! Heureusement que j'ai gagné au jeu du « Buveur couronné » l'autre soir...
— C'était si important ces choses ? Tu comptes en faire quoi ?
— Oui, c'est très important pour moi. Ce sont mes précieux outils de travail. Mon rêve est de dessiner une carte complète du monde.
— Tu es cartographe ? C'est épatent.
— Et toi, ton rêve ?
— Mon rêve... Autrefois c'était de devenir le Seigneur des Pirates. Finalement, depuis que je suis entré dans cet équipage, je voue mes espoirs en mon père, Barbe Blanche. C'est son ère. J'en suis désolé pour Luffy, mais c'est mon Capitaine qui trouvera le One Piece.
— Luffy deviendra le Roi des Pirates. Il n'y a aucun doute là-dessus.
— Belle détermination.
— Ce n'est pas de la détermination, c'est de la confiance. Je crois aveuglément en lui. C'est peut-être déraisonnable de ma part, mais je ne peux pas douter de mon équipage.
— Et il ne vaut mieux pas. C'est ce qui nous fait avancer, après tout, et peut-être même ce qui nous rend vraiment libres. Je n'imagine pas tout ce qu'on éviterait de faire sans confiance.
— La liberté... Ouais, ça doit bien être ce qu'on recherche en prenant la mer. »
Nous parcourûmes les lieux pendant plusieurs heures, parlant de tout et de rien, achetant quelques vêtements, nous renseignant sur l'île... Le Log Pose ne prendrait que peu de jours à se recharger, ce qui n'était pas plus mal. Les habitants semblaient charmants et la ville était magnifique, mais je n'aurais pas souhaité y rester plus d'une semaine. Le ventre d'Ace lançait de violents cris de supplice, et nous dûmes nous rendre à un restaurant. Notre jeune Commandant avait englouti des assiettes entières avant de s'endormir subitement, la tête dans le plat. Heureusement, même avec le trouble causé chez les clients alarmés, personne n'avait semblé nous avoir reconnus. J'avais tout de même insisté pour sortir au plus vite. La nuit était tombée et il nous fallait chercher un hôtel où loger pendant les prochains jours. Malgré le piètre sens de l'orientation du pirate ardent, nous pûmes en trouver un avant qu'il ne fasse trop sombre.
Je demandai au guichet une chambre pour quelques jours et l'homme nous tendit une clé, nous informant que le petit-déjeuner serait servi à neuf heures. Nous montâmes à l'étage et découvrîmes notre chambre. Elle était chaleureuse, quoiqu'en marbre. Il y avait une salle de bain, un bureau, une armoire et un grand lit.
Et un grand lit...
« C'est une chambre de couple ou quoi ? fit remarquer Ace. Tu veux qu'on demande de changer ?
— Non, ça ira. Ça ne me dérange pas. »
Ma déclaration se figea dans l'air.
J'espère qu'il ne va pas comprendre de travers.
« Cool » déclara-t-il simplement.
Je posai mes affaires et choisis un quelconque vêtement comme pyjama parmi ceux que j'avais achetés. Je passai à la salle de bain me changer. Quand je revins, Ace s'était déjà endormi. Je me faufilai silencieusement sous la couette à ses côtés. Son visage était paisiblement couché contre l'oreiller, face au mien. Je sentis mes joues chauffer doucement et me laissai bercer par la chaleur qui s'était emparée du lit.
