Chapitre 7 : Kiyoko Shimizu et Koushi Sugawara :
Daichi attendit que Iwaizumi lui réponde avant de reprendre sa forme humaine. Le loup-garou n'avait pas l'air surpris suite à sa révélation ou du moins, son métissage ne l'étonnait pas de la façon qu'il l'avait prévu. "Le vampire que je sers est à moitié sorcier, déclara Hajime avec désinvolture, par contre, je suis plutôt surpris qu'il y ait des loups avec des humains."
Les siens avaient décidé de faire bande à part après que les vampires avaient été maudits. De même que, d'après Hanamaki, les humains avaient tendance à apprécier les loups-garous... Soit en tant qu'animaux de compagnie, soit pour leurs fourrures.
Il ne pouvait s'empêcher d'être dégoûté en pensant à ces atrocités même s'il se doutait que tous n'étaient pas comme ça.
Sawamura eut un rire amer mais ne développa davantage sur ce sujet. "Quand la malédiction a été jetée , raconta-t-il à la place, une poignée de vampires et quelques loups-garous ont décidé de se mêler aux humains dans la cité, histoire de se cacher en pleine foule. Des sorciers renégats leur ont donné les moyens de se camoufler."
Il regarda un moment les flammes de l'âtre :" Hanamaki m'a aussi envoyé un message en plus de votre lettre. Il m'a demandé de vous épauler au sujet de votre enquête. Si vous le souhaitez, bien entendu."
Hajime eut bizarrement chaud au coeur à la vue du sourire débonnaire que le noble lui adressa après. Il ne connaissait la cité humaune que par les lettres de Hanamaki et sa rencontre avec les gardes montraient combien celle-ci était protégée.
Avec en plus le Temple de la magie et leurs fichus sorciers, autant dire qu'il se trouvait en plein territoire ennemi. Sawamura serait probablement un de ses seuls alliés dans cette histoire selon Hanamaki. Hajime le considérait comme un des rares sorciers à avoir sa confiance donc il choisit de le croire pour l'instant.
Au moins Oikawa est avec lui donc ça devrait aller. Il irait quand même les voir afin de savoir si tout se passait bien.
C'était surtout la malédiction qui l'inquiétait, même si celui qu'il servait était en partie sorcier. S'il y a des loups-garous dans le coin comme me l'a dit Sawamura, je n'ai pas à me faire du mourron mais... On ne sait jamais."J'aimerai d'abord passer voir Hanamaki si vous savez où il est.
- Pas de souci, accepta Sawamura en hochant la tête, nous irons à la taverne où il vit une fois que vous serez.. préparé."
Ses yeux détaillèrent rapidement de haut en bas le corps nu devant lui.
Iwaizumi-san était, comme lui, non dénué de muscles saillants dont les flammes de la cheminée réhaussaient davantage leurs contours. Son odeur boisée entêtante et attirante montrait bien qu'il s'agissait d'un alpha.
Bien que la silhouette un peu massive et la beauté de ses prunelles vertes lui donnaient une allure tout ce qu'il y avait de plus virile et secrètement séduisante à ses yeux, Daichi ne put s'empêcher de sentir la colère monter en lui à la vue de la grande cicatrice brûnatre qui striait le torse et le ventre du loup-garou.
L'envie de renier ses racines humaines était grande par moments. "Je vais vous laisser. Shimizu viendra vous voir dès que vous aurez fini. C'est la gouvernante de mon domaine, déclara-t-il en s'éclipsant rapidement ensuite pour laisser Iwaizumi se vêtir tranquille.
Hajime prit les vêtements déposés sur le lit, une chemise aux nuances beiges et un pantalon sombre, des chaussettes en laine et enfin une veste en velours noire.
Le loup-garou s'habilla en pensant à l'attitude réservée de Sawamura. Il avait tendance à oublier que seuls les loups-garous étaient à l'aise avec leur nudité même s'il avait apprécié la façon dont l'omega s'était discrètement rincé l'oeil.
Hajime avait toujours eu cette tendance à intimider les omegas malgré lui au village, quand ce n'était pas les betas qui étaient effrayés par sa mine sévère.
Le jeune Kyoutani avait été le seul alpha qui l'avait surpassé en terme de mauvaise cote (et lui avait vraiment un caractère de cochon).
La nostalgie fit alors place à la culpabilité et la frustration.
Les siens ne lui en avaient jamais voulu d'avoir mis Oikawa en premier dans ses priorités. Son chef non plus, même si ce dernier avait plutôt jugé sa situation comme une opportunité personnelle.
En repensant à ce que lui avait relaté Hanamaki dans sa lettre, Hajime se dit que ses congénères et lui devaient encore être en vie quelque part.
Restait à savoir où.
Temple de la magie, quartier privé des cuisines, quelques heures plus tard :
"Voilà pour vous, Kiyoko-sama, fit la cuisinière en chef Shirofuku-san en tendant un plateau composé d'une soupière pleine de bisque de homards fumante placé à coté d'une assiette creuse en porcelaine et d'une cuillère en argent, je ne l'ai pas faite trop riche, ce soir.
- Merci Shirofuku-san, la remercia la jeune femme avant de quitter les cuisines, le plateau dans les bras en retenant du mieux qu'elle pouvait l'envie de froncer ses narines.
Son sang de louve rendait son odorat particulièrement sensible et le fumet des crustacés lui était très incommodant.
Elle avait guidé l'invité de Sawamura-sama jusqu'à l'étude de son maitre avant de se rendre dans la cité humaine en compagnie de son employeur et d'Iwaizumi-san.
Le domaine se trouvait à l'extérieur des remparts, non loin des fermes que Sawamura-sama dirigeait également.
Kiyoko espérait que leur sortie à la taverne de Matsukawa-san leur serait fructueuse. Elle-même avait décidé que cette excursion serait une occasion propice de s'occuper de son second travail, bien que couverture serait un terme plus judicieux.
La jeune femme alpha déambulait dans les couloirs au décorum solennel seulement nimbés de la lueur bleue pâle des lampes accrochées aux murs.
Tout y était silencieux à un point oppressant et bien que la magie qui persistait dans l'air possédait une vertu des plus apaisantes, Kiyoko jugeait ce lieu particulièrement lugubre.
Et pour cause, elle se trouvait dans les quartiers privés du Temple de la magie, dans un sanctuaire interdit au plus grand monde.
En tant que membre d'une famille de sorcières émérites, Kiyoko avait joué de ses relations pour y travailler dans un but bien précis.
Pour les habitants de la cité, elle était Kiyoko Shimizu, connue pour être une des sorcières alphas les plus belles et les plus puissantes du Temple.
Pour la noblesse humaine, elle était une sang-bleue dame de compagnie dans l'entourage de la Grande Demoiselle et alliée de famille de chasseurs la plus réputée que furent les Sawamura.
Pour le Temple, elle était une sorcière jugée digne d'être une gardienne de nuit.
En réalité, Kiyoko Shimizu n'était ni plus, ni moins qu'une sorcière renégate forcée à occulter le sang de louve qui coulait dans ses veines et qui s'était faite la promesse de soutenir et proteger ses amis de longue date, quitte à se salir des fois les mains.
Elle arriva devant une porte en ogive sombre et frappa deux coups discrets avant d'entendre une voix exténuée lui dire doucement d'entrer. "Voilà votre repas, Sugawara-sama, fit-elle en pénétrant dans la pièce.
Kiyoko fut accueillie par un doux sourire sympathique bien que les prunelles noisettes de l'omega assis dans un grand lit à baldaquin trahissaient un grand épuisement.
Sa courte chevelure grise ressortait plus avec la paleur presque blafarde de sa peau. De quoi être énervée contre les sorciers du Temple. "Tout va bien, Shimizu, la rassura Sugawara avec un sourire bon enfant, comment va Daichi?
- Sawamura-sama a acquis de la main-d'oeuvre supplémentaire pour ses fermes, lui répondit implicitement Kiyoko, et Azumane-san a retrouvé sa famille.
- Alors je suis rassuré, répliqua Sugawara pendant que Kiyoko posa doucement le plateau sur ses genoux, de la bisque de homards?, s'enquit-il en regardant la soupière, Shirofuku-san s'est surpassée.
- La bisque est moins riche qu'à l'accoutumée selon ses dires, fit Kiyoko en le laissant ensuite manger. Comme les murs était propice d'avoir des oreilles, la sorcière usait de codes pour faire part des nouvelles de leurs amis.
Sugawara le faisait pour lui révéler les agissements du Temple comme à cet instant bien que les siens furent plus choquants exprès quand la situation était grave. "Notre dame du matin m'a confié que le chenil du Temple a été vidé et que c'est certainement en lien avec les petits salons de l'après-midi.
- Je vois, fit Kiyoko en voilant son ton peiné, les prières ont échoué, n'est-ce pas?"
Sugawara-sama s'arrêta de manger en secouant tristement la tête. Parce que ces "prières" en question étaient inutiles, à part pour satisfaire la curiosité et l'obsession morbides des sorciers du Temple. "Tu sais comme moi que la fouine dit des propos inacceptables du point du vue des magiciens et en étant un moi-même..." Il regarda la chaine pendant au sol puis sa cheville attachée. "J'aimerai que mes prières agissent pour le bien de tous, murmura-t-il avec frustration.
Koushi Sugawara était un omega spécial dans leur communauté.
Ce que les magiciens nommaient un mage de lumière.
Un sorcier dont la magie était capable de purifier et de guérir.
Comme ceux-ci se faisaient rares, le Temple de la magie les mettaient "sous haute protection".
Officieusement, il les emprisonnaient.
En ce moment, il n'y en avait que deux dont l'un était Sugawara-sama. Deux gardiens étaient assignés à chaque mage de lumière : un de jour, qui escortait le mage jusqu'à la "salle des prières" et l'autre de nuit, qui veillait à ce que celui-ci mange et se repose dans de bonnes conditions.
Seul le gardien du matin possédait la clé permettant au mage de lumière de quitter la chambre et aller "prier". Celui de la nuit devait y rester pour veiller sur le sommeil de son protégé.
La chaine emprisonnant Sugawara-sama au lit était suffisamment lache pour qu'il puisse se déplacer afin de s'appréter dans la salle de bains ou aller aux toilettes, les deux pièces jouxtant sa chambre.
Kiyoko ne connaissait la gardienne du matin que de nom et seulement parce qu'elle avait été un temps promise à Sawamura-sama avant que le père de son ami ne se rétracte car son épouse avait donné naissance à un héritier entre temps.
Sawamura-sama et Sugawara-sama avaient parlé d'elle en bien mais le mage de lumière avait tendance à lui reprocher son trop grand zèle vis-à-vis du Temple.
Un plan se forma dans sa tête en regardant Sugawara-sama si désoeuvré.
Un plan qu'elle mettrait au point une fois qu'elle se présenterait dans un des "petits salons de l'après-midi." J'en ferai part d'abord à Sawamura-sama.
Et nul doute qu'Iwaizumi-san serait également interessé par ce qu'elle avait appris.
