À peine la porte fermée, Maëva mit un charme de silence avec ses dernières forces avant de se laisser tomber contre la porte fermée, pleurant de tout son soûl. Frappée par son père dans le monde moldu, ignoré par ses amies et pris pour une folle dans le monde sorcier. Peut-être qu'au fond, elles avaient raison. Elle voulait juste qu'on s'intéresse à elle.

Quittant sa veste, elle prit sa lame et appuya le plus fort possible sur ses bras, ignorant la douleur. Elle savait très bien que ce n'était pas comme ça qu'elle quittera sa vie, mais ce n'était pas le but. Oui, si elle voulait en finir, elle aurait sauté de la tour d'astronomie, ou une autre tour, ou aurait plongé dans le lac noir. Habillée. Comme cela, le poids de ses vêtements l'aurait entraîné vers le fond. Non, actuellement elle voulait juste se faire le plus de mal possible, pour se punir. Car elle ne savait pas comment évacuer son mal-être. Car elle n'était pas la fille idéale. Pas dans la bonne maison. Car elle ne voulait que de l'attention…

Quand ses bras furent assez meurtris, elle se leva, et se mit à frapper dans le mur sans relâche, sans se soucier que ce n'était pas chez elle. Ses phalanges étaient en sang, mais elle continuait, passant à la commode. Elle hurla à s'en briser la voix, à s'en faire éclater les poumons. Des gouttes de transpiration coulaient dans la nuque, trempant le col de t-shirt, déjà taché par le sang qui coulait de ses bras.


– J'aurais dû lui donner ses potions avant qu'elle aille dormir, marmonna Severus pensivement, entre deux conversations avec Harry.

– Je ne pense pas qu'elle dort, je pense qu'elle est allée directement dans sa chambre pour éviter d'avoir des questions pour savoir si ça s'est bien passé avec ses amies.

– Parce que cela s'est mal passé ? Devina Severus.

– Eh bien, commença Harry, ne sachant pas trop si c'était à lui de le dire. Miss Ruby Greengrass et Céleste Rochas lui ont dit qu'elle était folle, qu'elle ne voulait que de l'attention et de la pitié… je l'ai trouvé sur le ponton du lac. Elle m'a confié qu'elle voulait se blesser, et qu'elle ne savait pas par quoi remplacer ce besoin. Je ne voulais pas qu'elle soit plus malade qu'elle ne le soit déjà, donc nous sommes allés aux cuisines. Et c'est en discutant qu'elle a vu l'heure, et nous sommes revenus ici.

L'air de Severus se ferma.

– Les dernières personnes en qui elle avait confiance viennent de lui tourner le dos en l'accusant de mentir et tu n'as rien fait pour l'empêcher de se blesser ?

– Elle n'a rien fait !

Comme pris d'une illumination, Severus se leva, et se rendit à grande enjambée jusqu'à la chambre occupée par Maëva, vite suivi par Harry.

Si quelque chose le frappa à peine la porte ouverte, ce fut l'odeur du sang. Utilisant son occlumencie pour ne pas paniquer, il retrouva l'enfant prostré dans un coin, en train de se balancer d'avant en arrière, les bras autour des jambes, la tête cognant à intervalles réguliers contre le mur, répétant tout bas qu'elle l'avait mérité. La pièce était un capharnaüm. La malle était renversée, les draps éparpillés, le mur taché de sang, le bois de la commode griffé comme si on avait voulu l'arracher. Des plumes voletaient encore dans l'air, provenant d'un des oreillers déchirés.

Faisant venir à lui la plus concentrée de ses potions de sommeil, il lui fit avaler en lui tendant juste. Cela aurait été un poison, elle ne s'en serait pas rendu compte.

Un halètement lui apprit que Harry était dans l'encadrure de la porte. Sans un mot, il porta Maëva hors de la chambre pour l'emmener sur le canapé, voulant la sortir de cet endroit anxiogène.

Elle avait perdu du sang en se mutilant, mais pas assez pour mettre sa vie en danger. Elle s'était foulé la main en tapant dans les murs. Même casser les ongles en griffant le meuble.

Patiemment, ignorant l'élu qui était il ne savait où, il désinfecta puis banda les plaies et les blessures. Il lança quelques sorts, fit venir à lui des potions, et pour finir, nettoya le t-shirt et changea le jean en bas de pyjama épais. C'était tout ce qu'il pouvait faire pour l'instant.

Vérifiant une dernière fois qu'il n'avait rien oublié, il la porta jusqu'à sa propre chambre, remontant la couverture sur elle.

Par Merlin, il avait besoin d'un remontant.

– J'ai rangé et nettoyé la chambre, déclara Harry, l'estomac retourné parce qu'il avait vu. Je ne voulais pas que les elfes voient ça.

– Si tu veux vraiment l'aider, Harry, il fallait me prévenir qu'elle avait envie de se faire du mal, déclara Severus, fatigué. Ça aurait évité que ça dégénère à ce point en la laissant seule, j'aurai pu la faire parler, pour ne pas qu'elle se fasse du mal.

– Et comment peux-tu savoir ça ?

– Parce qu'elle, c'est moi au même âge. Tout ce qu'elle a vécu avec son père, je l'ai vécu aussi. Sauf que j'ai eu la chance d'avoir des amis et des professeurs qui me croyaient.

Versant un verre de brandy à Harry, il le lui tendit.

– C'est pour cela que je veux l'aider. Albus m'a tendu la main, maintenant c'est à moi d'aider une personne. Et toi, pourquoi t'intéresses-tu à cet enfant ?

– Parce que je sais ce que c'est de ne pas se sentir à sa place dans sa famille, et incompris par ses amis, avoua à son tour le héros de guerre. D'être harcelée moralement.

– Le golden boy n'avait pas eu le jouet qu'il voulait à Noël ? Renifla Severus.

– Tu veux dire les 36 jouets que mon cousin a eus pour son anniversaire pendant que moi je soufflais mes bougies imaginaires tracées dans la poussière ? La même poussière de la maison délabrée où mon oncle nous a forcés à aller pour ne pas recevoir encore une lettre de Poudlard ? Ou bien le moment où Hagrid est venu me chercher en me disant que non, mes parents n'étaient jamais morts dans un accident de voiture comme le prétendait ma tante ?

Avalant une gorgée d'alcool, Harry continua.

– À moins que tu fasses référence au moment où Oncle Vernon a vissé des barreaux à la fenêtre de la chambre que m'a gracieusement laissée mon cousin puisque le placard sous l'escalier était trop petit. Ou encore quand ils ont décidé que j'étais leur elfe de maison. Va faire les courses, Potter. Fais la cuisine, Potter. Va ranger la chambre de dudlynouchet, Potter. Reste dans ta chambre et fait comme si tu n'existais pas, Potter.

– Albus nous avait assuré que tu étais en sécurité, souffla Severus, incrédule.

– Des autres oui. Mais pas de ma propre famille. Avec tout le respect que je dois à Albus, il n'a pas toujours fait les bons choix.

Dans le silence de la soirée qui s'installait, dans ces confessions un peu bancales, les deux hommes se regardaient à nouveau, les préjugés tombant l'un après l'autre.

– Nous sommes quittes alors, décréta Severus, en finissant son verre.

– Il semblerait.

Pendant presque 3 jours, Maëva resta dans un état qu'on pourrait qualifier de catatonique. De plus en plus, Severus se demanda s'il était assez qualifié pour l'aider, n'arrivant pas à obtenir la moindre réaction. Ils étaient au milieu de la semaine. Le jour où il avait le moins de classe, puisque les classes de la première année à la troisième n'avaient pas cours l'après-midi.

Assis à la table de sa cuisine dans ses appartements en compagnie d'Harry qui passait tous les jours discuter avec la sorcière et travaillé avec lui sur des tâches inhérentes aux professeurs, il regarda du coin de l'œil Maëva qui, comme depuis qu'elle s'était réveillée, était plongée dans la contemplation du feu. Au bout d'une heure, il se leva et fit des tasses de thé, dont une qu'il déposa à côté de l'enfant.

Décidant de faire une pause, il s'assit sur le canapé, regardant le feu pour comprendre ce qui fascinait la Serpentard.

– Et s'ils avaient raison ? Si ça se trouve, je suis vraiment folle.

– Je vous interdis de dire ça, déclara Severus, qui crut avoir rêvé en entendant cette voix si tenue. Vous aviez toutes les raisons de craquer. Si vos amies ne sont pas capables de comprendre, elles ne vous méritent pas.

Maëva ne répondit pas, replongée dans la contemplation du feu crépitant.

.

Il était tard dans la nuit. Maëva était fatiguée, mais n'arrivait pas à trouver le sommeil. La nuit, ses souvenirs revenaient de plein fouet. Se levant, elle alluma sa baguette et trouva son scalpel.

Alors qu'elle allait appuyer la lame sur sa peau mise à nue, elle s'arrêta subitement. Il ne fallait pas, elle l'avait promis.

Laissant son scalpel, prenant son sac de cours, elle se rendit dans le salon, découvrant avec surprise que le professeur Rogue ne dormait pas non plus, et n'était pas seul non plus. Le professeur Potter était toujours présent, et vraiment proche de son collègue.

Si les deux hommes restèrent un instant gêné, Maëva n'en tenait pas rigueur, s'asseyant sur le tapis devant le feu.

– Je n'ai rien fait, déclara-t-elle, tout bas. J'avais envie de me faire du mal, mais je ne l'ai pas fait.

– Ce n'est pas une raison pour travailler à la place, sourit Harry, en lui enlevant le sac de cours.

– Harry a raison, déclara Severus, sans remarquer l'emploi du prénom. Quand nous avons dit trouver autre chose, ce n'est pas travailler.

Harry fit un sourire devant la mine dépitée de l'enfant, puis sortit de ses poches un jeu de cartes moldu pour le poser devant les deux autres.

Au bout d'une heure de jeu, les deux adultes, regardèrent attendrit, l'enfant qui s'était endormie devant le feu. Severus la souleva délicatement pour la porter dans son lit, espérant qu'elle puisse avoir une nuit paisible.

– Je vais y aller aussi, décréta Harry, essayant de réprimer un bâillement, en voyant Severus revenir.

– Hum, tu peux rester si tu veux, tenta maladroitement Severus. Je peux conjurer un lit dans…

– Où dormir avec toi ? tenta le survivant, le tout pour le tout, en caressant la peau diaphane du maître des potions.

Sans répondre, leurs lèvres se scellèrent, en même temps que le début d'un nouveau départ.

.

En cette nouvelle semaine, elle avait négocié sans lâcher le droit de retourner en cours. Elle n'était plus malade, après tout. Mais sa crise de nerfs avait marqué les esprits de son professeur, et il avait été réticent à la laisser seule. Mais le professeur Potter, Harry, comme il demandait de l'appeler en privé, avait plaidé en sa faveur auprès de son professeur de potion. Bien qu'elle n'eût toujours pas trouvé par quoi remplacer ses blessures, à part travailler tout le temps pour ne pas y penser, elle avait eu aussi l'autorisation de regarder sa chambre. Son dortoir. Même si elle se doutait qu'elle serait accueillie avec méfiance, cela avait été au-dessus de ce qu'elle s'était préparé. Des regards en biais, des regards de pitié, des murmures sur son passage, et des « je te l'avais dit ! » Provenant de ses camarades quand elle confirmait que oui, la rumeur comme quoi elle avait été battue était vraie. Elle ne voulait pas de pitié en faisant ça. Elle voyait là une façon de dire « ça s'est passé devant vous, vous n'avez rien vu. Combien sommes-nous ? ».

Les vacances d'hiver arrivaient à grands pas, apportant le mois de mars. Elle travaillait toujours avec le professeur Rogue pour discuter de ce qu'il se passait chez elle, un petit peu chaque semaine. Le professeur Potter était fréquemment là, l'aidant lui aussi, à sa manière. Parfois quand elle se faisait des plaies trop importantes, elle se laissait soigner, même si elle se doutait qu'ils avaient bien compris qu'elle ne disait pas tout.

Si tous les élèves étaient contents de ce repos bien mérité, puisque les vacances étaient à la fin de la semaine, Maëva était bien moins heureuse. Elle était même angoissée, ne sachant pas ce qu'elle allait décider. Elle pourrait rester au château, mais son père lui avait fait comprendre que si elle ne rentrait pas, il allait venir la chercher lui-même, et surtout qu'il n'était pas aussi ignorant que ce qu'il laissait paraître. Et c'était cela qui lui faisait le plus peur. Elle venait de comprendre que celui qui était son père était en fait un inconnu. Ce fut la sonnerie de fin de cours qui la sortit de ses réflexions, en même temps que la voix de son professeur.

– Miss Parker, restez s'il vous plaît.

Venant de se lever de son bureau, elle se rassit, se demandant ce qu'il allait lui tomber sur la tête. Elle n'avait rien à se reprocher pourtant. Elle avait arrêté de cacher son niveau, elle n'avait pas craqué une nouvelle fois, elle s'entendait cordialement avec Ruby, plutôt bien avec Céleste… elle avait même réussi à espacer le besoin de se faire du mal ! Enfin presque.

– Maëva ?

Sursautant, elle baissa les yeux, se rendant compte qu'elle était encore dans ses pensées.

– Est-ce que tout va bien ?

– Euh, oui ? répondit-elle, décontenancée.

Enlevant ses lunettes pour les poser sur le bureau, le professeur Potter se pinça l'arête du nez, en un geste qui lui rappelait étrangement le professeur de potions.

– Se plonger dans vos études n'est pas la solution pour ne pas vous blesser plus.

– Je ne fais pas ça, déclara la jeune fille, sans vraiment s'en convaincre.

– Nous sommes là pour vous aider. Vous pouvez avoir confiance en nous.

– C'est juste que… c'est bientôt les vacances. Et j'ai reçu une lettre…

Elle avait sorti de son sac un parchemin coincé entre deux livres. Ce parchemin qu'elle tendit à son professeur, et qu'elle avait lu bien trop de fois.

– Vous ne m'aviez pas dit qu'il était moldu ? demanda Harry, perplexe.

– Je le croyais aussi, murmura-t-elle, en repensant aux mots écrits sur le parchemin. Je me rends compte que j'ai vécu toute ma vie avec un inconnu.

Je ne suis pas aussi ignorant que tu ne le penses.

Je te retrouverai où que tu ailles.

– En aucun cas, nous ne le laisserons venir vous ramener chez vous.

– Vous ne pouvez rien, murmura-t-elle, avec le calme de celle qui a accepté son sort. S'il décide de venir, il est dans son droit. Il n'y a pas d'injonction contre lui, pas de mesure de protection pour moi. Je sais que ce n'est pas normal ce que je vis. Mais c'est ma seule famille. Je sais qu'il m'aime, et qu'on arrivera à s'entendre. Non, j'en suis convaincue.

Harry ne dit rien, se contentant de hocher la tête, même si ses pensées étaient toutes autres.

À la veille des vacances, elle avait énormément réfléchi. Analyser toutes ses erreurs, ses paroles, ses gestes. Et elle en avait tiré une conclusion. Son père n'était pas foncièrement méchant. Et ils allaient réussir à s'entendre. Ce fut donc de son propre chef qu'elle décida finalement de repartir par le Poudlard express, malgré les avertissements de ses professeurs.

– Miss Parker, vous avez fait tomber un papier, intervint Harry, faisant se retourner quelques élèves, juste avant de franchir les grandes portes.

– Je…

Voyant le regard de son professeur, elle joua le jeu, se demandant néanmoins ce qu'était ce papier.

– Merci, je n'avais pas fait attention ! s'exclama-t-elle, en enfouissant le papier dans sa poche.


Enfermée dans les toilettes du Poudlard express, elle déplia d'une main tremblante le mot.

Au moindre problème, appelez-nous. Vous n'êtes pas seule.

Harry et Severus.