Puis tout s'est accéléré, et ce temps, si précieux, s'est égrené bien trop vite.
—Eh bien, le teint verdâtre ne te sied guère, Byleth.
—Je suis contente également de te voir, Dorothea.
La chanteuse d'Opéra revient de tournée, si je puis appeler cela ainsi. Ce ne sont pas des concerts, et je ne sais comment nommer la chose. Ingrid l'a accompagnée mais Edelgard a préféré rester avec moi. C'était le mois dernier.
—Une hospitalisation d'urgence ? elle m'interroge en levant un sourcil curieux sur moi tandis que je me redresse dans mes oreillers étonnement confortable. C'est un peu radical pour seulement se faire remarquer, argua-t-elle ensuite.
—Tu sais que je ne fais pas dans la demi-mesure, je choisis d'entrer dans son jeux.
—Oh, Byleth, si tu voulais que quelques infirmières s'occupent de toi, tu aurais du me le dire... elle chuchote mutinement en s'approchant de mon oreille. Je connais une petite boutique où ils vendent des ensembles qui correspondraient parfaitement, et bien d'autres choses encore...
Le rire qui s'échappe de ma bouche m'arrache plusieurs inspirations expirations douloureuses dont je ne m'encombre pas toutefois. Certaines personnes ne changent pas, après tout.
—Pour quelqu'un détestant porter des accessoires, te voilà bien lotie !
—Il parait que les tubes sont à la mode, en ce moment.
Le sourire gravé sur les lèvres de la brune finit par s'évaporer lui aussi et ses prunelles malachites se posent très tendrement sur moi.
—Byleth... elle murmure en s'asseyant sur le bord de mon lit avant de poser sa tête sur mon épaule. Edie m'a plus ou moins raconté, mais... Que s'est-il passé ?
—Il faut croire que j'ai fini par l'attraper, ce rhume.
Qui s'est très vite changé en infection pulmonaire, me clouant dans ce lit d'hôpital.
—Sais-tu quand tu pourras sortir ?
—Je l'ignore, je fais laconiquement. Ingrid n'est pas avec toi ? je m'étonne ensuite.
—Non, mais elle devrait bientôt arriver.
—Tu devrais en profiter tant qu'elle n'est pas là, alors...
La présence de Dorothea se blottissant un peu plus près de moi réchauffe la mienne et mon corps. Nous avons toujours été proches, la brune n'est pas le genre de personne à se soucier de ce qu'on appelle communément l'espace personnel d'autrui et j'ai du apprendre à composer avec. C'est bien la première fois que je ne m'encombre pas des qu'en dira-t-on d'ailleurs.
Lorsque la porte de la chambre s'ouvre, celle aux yeux verts se redresse vivement, comme prise en flag' mais Edelgard a certainement déjà tout vu et ce regard accusateur qu'elle lui jette à l'instant n'est que forcé.
—Je vous laisse, je vais récupérer Ingrid ! s'enthousiasme notre amie à l'idée de retrouver sa compagne, ou bien à imaginer ce que l'on fera une fois seules, qui sait.
—Comment te sens-tu ? m'interroge la mienne une fois la grande partie.
—Mieux, j'imagine.
La blanche dépose un vase contenant de nombreuses fleurs rouges. Ce sont des œillets, et certainement les seules fleurs dont je connaisse et me rappelle le nom.
—Tu penses toujours aux préférées des autres mais n'en a jamais eu, alors j'ai choisi celles-ci.
Ses préfères à elle donc, et pourtant, les quelques pétales colorés particulièrement au milieu de ce bouquet de feu ne m'échappe pas. Je n'ai encore jamais pu voir d'œillets du même bleu que celui de mes cheveux. C'est surprenant, mais les deux couleurs ne se marient pas si mal.
—Edelgard... je souris en attrapant sa main. Approche.
Elle s'exécute, je ne lui laisse pas le choix, et je me pousse un peu pour lui faire plus de place.
—Essaierais-tu de combler la présence de Dorothea ?
Cette remarque me pique et me rappelle la jalousie qui s'est emparée de moi lors de l'anniversaire de la concernée. Qu'y puis-je si je suis possessive avec celle que j'aime, après tout ?
—Je suis désolée, Edelgard...
—Par chance, je suis plus tempérée que toi.
—Non... je souffle difficilement avant de répéter. Je... Je suis désolée.
Edelgard relève la tête et ses yeux me transpercent de part en part. J'ai beaucoup de mal à lui faire face, et les mots que je m'apprête à lui dire refusent de quitter ma tête pour rejoindre mes lèvres.
—Je suis tellement égoïste, El. Je t'ai retenue tout ce temps...
Ce sont ses larmes qui me répondent, bientôt rejointes par les miennes. Des larmes dont je n'ai finalement jamais fait le deuil puisqu'elles sont encore là, et mon cœur... Mué en milliers de pétales qui s'envolent.
C'est le moment où je suis censé lui dire de ne pas s'arrêter de vivre pour moi, de ne pas se morfondre, et de ne pas avoir peur de retrouver le bonheur et d'avancer, mais... J'en suis simplement incapable car j'aimerais qu'elle soit près de moi à jamais.
/
Les semaines, les jours, les heures, les minutes et enfin les secondes. Chacune de ses dernières a disparue pour rendre un peu plus précieuse la suivante, avant de rejoindre la précédente.
Je ne peux décemment pas manquer les rubans mauves que porte Edelgard lorsqu'elle sort de chez elle sous un soleil galvanisant la ville. Plus épais que les autres, ce sont ceux qu'elle portait lorsque nous étions toutes les deux enfants. Je me rappelle m'en être moquée un nombre incalculable de fois mais le sourire gravé sur ses lèvres finement rosées me fait me raviser.
Il fait frais, mais pas trop, et le soleil tend à réchauffer l'atmosphère. La neige tient par miracle, comme pour embellir chacun de nos pas. C'est la brise qui nous guide, ses douces notes agrémentées du parfum d'Edelgard dont jamais je ne me suis lassé bien qu'elle le porte depuis... Depuis toujours, en fait.
Nous arrivons très rapidement à destination, et je dois dire être heureuse de voir celle que j'aime sourire ainsi. Ses yeux sont restés gonflés si longtemps, rougis de chagrin, que les regrets étaient bien lourds à porter. Mais... Qui pourrait remettre mes choix en question ? Nous n'avons pas fait celui de nous aimer, il s'est imposé à nous, mais nous avons décidé d'en profiter jusqu'aux derniers instants.
Edelgard dépose des fleurs devant ma nouvelle demeure tout en prenant soin de retirer les précédentes qui rejoindront bientôt la terre. Je sais qu'elle n'est pas encore prête, mais elle est tellement forte que demain ne sera qu'un peu plus facile qu'aujourd'hui, du moins, moins difficile. Il y aura des hauts, et certainement aussi des bas, surtout lorsque les souvenirs seront vifs. Mais si une chose est certaine, c'est que sa mémoire sera à jamais marquée, tout comme son cœur et le mien.
Lorsque la brise souffle un peu plus fort, comme pour porter le poids de mes sentiments jusqu'à elle, l'un de ses rubans se dénoue et est emporté avec ses larmes derrière lesquels je me mets à danser.
—Moi aussi, je t'aime.
Je sais que lorsque mes doigts se refermeront au cœur des hurlements du vent, je pourrai l'attraper, cette part d'elle qui m'est si précieuse. Je serai cependant déjà très loin même si, d'une certaine manière, je serai toujours avec elle. Il fait encore jour, mais lorsque le soleil s'endormira pour laisser place à la lune, elle verra la lumière, elle me verra briller.
Alors il est temps. Il est temps pour moi de m'envoler. De m'envoler, et de danser.
De disparaître dans un dernier souffle.
Note de l'auteur: Pour une fois que j'en fais une, c'est plutôt rare. J'ai écris ce texte en recyclant une idée que j'avais eu pour un Negitoro, il y a fort fort longtemps maintenant. Bon, à l'époque, je n'avais fait qu'une petite page ou deux donc j'avais tout à faire mais j'ai trouvé que la narration plutôt brute et détachée de la protagoniste correspondait assez à la Byleth que j'aime faire. Je ne sais cependant pas quoi penser de ce texte que j'ai écris presque exclusivement pour la dernière partie. C'est celle ci qui m'a, de base, inspirée tout le texte à l'époque.
Cela fait un peu moins de deux mois cependant que je fais un gros blocage écriture, alors ce texte est un peu un crash test (un craxtexte... ouh la blague nulle) même s'il me tient à cœur ! J'ai l'impression d'avoir fait un charmant mélange de fluff et de drame, et le résultat est particulier même si j'ai finalement rush des passages somme toute important !
J'espère néanmoins que vous aurez apprécié ce moment, la boite de pansements n'est pas loin !
