Bonjour tout le monde ! Voici le chapitre 7, j'espère qu'il vous plaira. :)
/!\ Disclaimer : La série ne m'appartient pas et j'écris pour le plaisir. Je ne touche évidemment pas d'argent.
Sur ce, bonne lecture à vous !
La décision de justice rendue au moment du divorce avait achevé de briser Faith, et il lui avait fallu un moment pour s'en remettre. Son avocat avait certes promis de lui arranger des droits de visite après un entretien avec celui de son ex-mari, mais rien de tout ce qu'il pourrait lui obtenir ne serait satisfaisant à ses yeux. Ce serait évidemment un progrès certain par rapport à ces derniers mois où elle n'avait absolument pas pu les voir, ni l'un ni l'autre, et elle ne pouvait pas reprocher à l'homme de droit de ne pas faire d'efforts afin de lui obtenir la meilleure compensation possible au regard de la situation. Mais en tant que mère, non, elle ne pouvait décidemment pas se satisfaire de si peu.
Cependant, à la surprise de tout le monde, Emily avait répondu au juge qu'elle souhaitait aller vivre avec sa mère plutôt que de rester avec son père. Toutes les deux trainaient pourtant un long passif de disputes et de conflits où Emily prenait toujours le parti de son père. Fred avait toujours été son modèle et son héros, tandis que Faith, elle, avait toujours été la méchante de l'histoire, jamais présente pour elle et son frère.
La situation était différente à présent. Emily avait grandi et gagné en maturité. Elle s'était peut-être même rendu compte que tout ce que son père avait pu dire sur elle n'était pas toujours fidèle à la réalité. Tout n'était pas tout blanc ou tout noir. Les torts pouvaient être partagés. Et ils l'étaient.
Le retour d'Emily chez elle avait contraint Faith à quelques ajustements. Vivre seule avait changé quelques-unes de ses habitudes malgré elle, et elle devait notamment se réadapter aux bruits de vie. Et une adolescente pleine de vie, cela pouvait s'avérer particulièrement bruyant. Mais en réalité, même si parfois elle se trouvait agacée par la musique qui s'échappaient de la chambre de sa file, elle ne retournerait en arrière pour rien au monde. Les semaines défilaient et Emily et Faith se retrouvaient peu à peu. Elles étaient même devenues plus proches encore qu'elles n'avaient pu l'être jusque-là.
Un autre point positif dans sa vie depuis le divorce était que Faith avait enfin eu tous les accords pour reprendre le travail. Avec l'aide de Bosco elle avait réussi à passer son test de requalification haut la main, améliorant même ses scores par rapport à ses résultats moyens. Par ailleurs, le bleu qui patrouillait jusqu'à présent avec Bosco avait été affecté à une autre unité avec une flic récemment mutée à la 55e, et elle avait alors pu rendre sa place au sein de 55-David.
C'était comme si sa vie reprenait enfin du sens après avoir passé de long mois à s'égarer dans un brouillard épais. C'était agréable, pour changer.
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A l'image de la relation entre Faith et Bosco, celle entre Emily et le partenaire de sa mère avait également évolué énormément au fil des semaines. Une complicité nouvelle s'était développée entre eux, parfois au plus grand désespoir de Faith qui devait subir leurs frasques quasi quotidiennement. Ce côté parfois enfantin de la personnalité de Bosco, qu'elle aimait beaucoup d'ailleurs, ressortait énormément quand il interagissait avec Emily.
Cette dernière ne semblait d'ailleurs pas perturbée plus que ça par la présence de Bosco, qui était alors bien plus importante que ce à quoi elle avait été habituée par le passé. Elle semblait au contraire apprécier sa compagnie.
« Au moins quand Bosco est là t'es de meilleure humeur ! lui dit-elle dit un jour. »
Faith et elles étaient en train de se disputer pour des futilités, ce jour-là. C'était le weekend et Faith était en congé, mais au lieu de pouvoir en profiter pour passer la journée avec sa fille, elle avait dû supporter une affreuse migraine qui lui rendait tout insupportable. La musique d'Emily pour commencer, mais également toutes ses sollicitations pour des choses et d'autres. Mais devant tant d'agacement de la part de sa mère la jeune fille avait fini par prendre la mouche et dire ses quatre vérités.
En temps normal Faith aurait réagi, renchérissant avec humeur à l'insolence de sa fille, mais son commentaire la cloua tout simplement sur place et elle se contenta de regarder Emily quitter la pièce et claquer la porte de sa chambre avec force.
La vérité c'était qu'elle n'avait pas complètement tort. Faith devait reconnaître que ces derniers mois elle s'était habituée à la présence de Bosco dans la vie de tous les jours, et le retour de la routine du boulot était comme venue remettre une distance entre eux – une distance qui n'était pas vraiment là dans le sens où leur amitié était plus solide et profonde que jamais et qu'il venait régulièrement leur tenir compagnie – et elle en ressentait un manque. C'était une sensation étrange pour elle, si bien qu'elle n'osait pas vraiment s'y attarder. Enfin elle avait fait en sorte de ne pas s'y attarder jusqu'à présent. Les paroles d'Emily venaient changer la donne, ancrant des pensées inattendues dans son esprit.
Faith s'ébroua pour se sortir tout cela de la tête. Imaginer des scènes domestiques avec Bosco ce n'était clairement pas le bon chemin à prendre. Et la seule idée de refaire sa vie avec lui était complètement ridicule. De toute façon, elle n'était pas le genre de femmes auxquelles son partenaire s'intéressait.
Il était temps qu'elle réfléchisse à se reprendre en main. Si elle se mettait à fantasmer d'une vie avec son meilleur ami, c'était vraiment qu'elle avait touché le fond, pas vrai ? C'était peut-être là le signe qu'elle était prête à rencontrer d'autres hommes. Son divorce était maintenant avéré depuis plusieurs semaines et son mariage terminé depuis bien plus longtemps encore, il n'y avait donc rien qui la retenait. Pourtant…
Faith soupira, se leva du canapé et alla frapper doucement à la chambre d'Emily. Elle n'entra pas tout de suite, attendant que sa fille vienne lui ouvrir la porte ou l'invite à entrer. C'était quelque chose qui s'était mis en place tout seul depuis le retour de l'adolescente. Avec tout ce qui s'était passé ces derniers mois Faith avait eu le temps de se remettre en question dans de nombreux domaines, et la façon dont elle abordait sa relation avec sa fille en faisait partie. Puisqu'elle avait une nouvelle chance avec Emily, elle ne comptait pas la gâcher en répétant le même schéma qu'à l'époque. Aussi frustrant que cela puisse être, il était nécessaire que la confiance soit rétablie.
Emily ouvrit la porte, une expression fermée sur le visage, avant de retourner s'asseoir en tailleur sur son lit, un coussin serré contre sa poitrine. Faith entra et vint s'asseoir à côté de sa fille.
« Je suis désolée, Em', lui dit-elle doucement. »
Elle lui caressa doucement les cheveux avant de l'attirer contre elle et Emily se laissa faire.
Faith et Emily parlèrent longuement après ça. La policière mettait un point d'honneur à rétablir le dialogue avec sa fille à chaque instant puisqu'elles avaient eu tant de mal à communiquer sereinement à l'époque. Il y avait bien eu des moments, bien sûr, où elles s'étaient rapprochées. Comme ce jour où elles s'étaient retrouvées prises en otage à la banque alors qu'elles avaient prévu d'aller au centre commercial en tête à tête. Emily avait alors pris conscience de ce que sa mère était prête à faire pour la protéger, pour les protéger tous les deux avec Charlie. Elle avait réalisé alors l'importance de son travail, et le ressentiment de la jeune fille s'en était atténué pour un temps.
Alors elle s'excusa. Ce genre de choses arrivait à n'importe qui, un mauvaise journée ou un état de faiblesse, mais ça n'était pas pour autant que c'était juste de lui en faire porter le poids pour autant. Emily restait une enfant. Et si Faith avait traversé l'enfer ces derniers mois, sa fille l'avait traversé tout autant, à sa façon, depuis le jour de la fusillade à l'hôpital. Ce n'était pas le genre de choses qu'une adolescente devrait vivre, pourtant Emily était toujours debout et fière. Et de la fierté, le cœur de Faith en était gonflé à chaque fois qu'elle posait les yeux sur elle.
« Je suis désolée pour ce que j'ai dit à propos de Bosco, lui dit timidement Emily.
- Tu n'avais pas complètement tort non plus. »
Elles échangèrent un sourire complice.
« Toi aussi, tu es toujours de bonne humeur quand il est là, lui fit-elle remarquer.
- Tu crois qu'on peut l'adopter ? »
Faith éclata de rire à la suggestion d'Emily qui se mit à glousser également à ses côtés.
« Je ne suis pas certaine qu'il apprécierait que tu le compares à un animal de compagnie, tu sais ?
- Qui a dit qu'il devait être au courant ?
- Tu es bien la fille de ta mère, rit Faith en secouant doucement la tête. »
Emily lui adressa un sourire éclatant. Elle savait la complicité qui les unissait tous les deux, pour en avoir été témoin. Ce que sa mère ne savait pas en revanche, c'était qu'Emily s'était beaucoup rapprochée de Bosco depuis la fusillade, plus encore qu'elle ne l'imaginait. Encore maintenant, quand elle avait des inquiétudes au sujet de sa mère, c'était vers lui qu'elle se tournait. A sa demande, il ne lui avait jamais rien dit. Son père non plus n'était évidemment au courant de rien sinon ça aurait été un drame.
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Ces dernière semaines le renouveau que le foyer de Faith avait connu après le divorce semblait avoir disparu. La policière avait pourtant réussi à trouver un rythme avec sa fille, entre son travail et sa vie de famille. Elle se permettait même de traîner un peu avec les collègues avant de rentrer, certains soirs, quand Emily passait la soirée chez une camarade de classe.
Il y avait cette tension constante dans ses épaules, qui parfois enflait jusque dans sa nuque et explosait ensuite douloureusement sous son crâne. Si seulement il ne s'agissait que d'une douleur physique, elle aurait pu gérer. Le plus compliqué, en réalité, c'était cette impression de ne plus avoir le contrôle de ses émotions, de sa personnalité complète. Une sensation telle qu'elle ne saurait elle-même pas vraiment l'expliquer. La plupart du temps elle arrivait à passer au-dessus, à faire abstraction de cette ombre dans le fond de son esprit.
Ce soir-là encore Bosco se trouvait chez Faith et Emily. Ils étaient allés tous les trois assister à un entrainement de foot de Charlie dans le parc. C'était l'une des rares occasions où Faith avait le droit de voir son petit garçon en dehors de ses quelques jours de visites dans le mois. Ils étaient ensuite allés manger une glace avant d'aller regarder un film au cinéma qu'Emily voulait voir absolument. Le film en lui-même n'était pas très grand intérêt pour les deux policiers – une romance adolescente – mais le sourire sur le visage d'Emily était une récompense suffisante.
La journée aurait pu continuer en ce sens, dans la bonne humeur et la légèreté, mais c'était à croire qu'il y avait un quota à ne pas dépasser. Depuis leur retour à l'appartement, Emily était installée dans le salon avec un livre tandis que Bosco et Faith se trouvaient dans la cuisine à discuter tranquillement, une tasse de café à la main. L'heure du dîner approchait et elle lui proposa évidemment de rester en leur compagnie. C'était presque devenue une habitude, d'ailleurs. Bosco faisait partie de la famille, plus que jamais.
Faith reposa son café sur côté, sans le finir, et se massa brièvement la nuque avant de remonter ses manches pour se laver les mains. Caféine et migraine ne faisaient pas bon ménage, elle l'avait appris à ses dépens, aussi préféra-t-elle prendre les devants tant que le mal ne s'était pas encore installé.
Ils continuèrent de discuter tandis que Faith cuisinait, refusant poliment à chaque fois qu'il lui offrait son aide ou proposait de faire quelque chose à sa place. Une fois, deux fois, trois fois. Au bout de la quatrième fois, elle en eut marre. Il agissait exactement comme si elle n'était sortie de l'hôpital depuis la veille, alors que cela faisait plusieurs mois maintenant. Elle n'avait plus besoin d'être couvée, peu importe la bonté de l'intention.
« Bosco je ne suis pas en sucre ! s'agaça Faith en faisant cogner son couteau sur la planche à découper.
- J'ai pas dit ça.
- Et pourtant tu te comportes comme si c'était le cas !
- Je voulais juste te donner un coup de main.
- Mais je n'ai pas besoin que tu me donnes un coup de main ! s'emporta-t-elle soudainement. Je ne veux pas de ton aide, d'accord ? J'en ai marre que tu te comportes avec moi comme si j'étais une bombe à retardement !
- Faith, calme-toi, je-
- Ne me dis pas de me calmer ! »
Bosco leva les mains devant lui en signe d'apaisement et quitta la cuisine pour retourner dans le salon où Emily était en train de lire sur le canapé. Faith soupira et se passa une main sur le visage pour se calmer. En vain. Elle n'avait pas envie de se calmer, bien au contraire. Elle avait besoin de hurler. La colère était en train de gonfler dans sa poitrine. Une véritable bombe à retardement, pour le coup.
Cette simple pensée suffit à la mettre un peu plus en colère, comme si le simple fait de donner raison à Bosco lui était insupportable. De frustration, elle balança le couteau de cuisine dans l'évier et envoya balader la tasse vide qui traînait là sur le plan de travail, vestige d'un café froid depuis longtemps. Le mug en céramique éclata contre le sol, répandant les morceaux tranchants et le liquide brun sur le carrelage de la cuisine.
Faith souffla et se passa une main dans les cheveux, tourna un instant dans la cuisine pour reprendre contrôle de ses émotions, puis s'accroupit pour ramasser prudemment les éclats blancs. Ni Emily ni Bosco ne se présentèrent à la porte de la cuisine. C'était évidemment prévisible, étant donnée la réaction qu'elle avait eu vis-à-vis de son partenaire précédemment, et pourtant ça l'agaça.
Il n'y avait aucune bonne réponse, aucune bonne attitude, dans les choix qu'elle leur laissait et elle en avait conscience. Mais c'était plus fort qu'elle, ce tourbillon de violence. Elle ne le contrôlait pas. C'était comme si elle avait besoin de tout et son contraire.
Faith termina de préparer le repas et glissa le plat dans le four. Les gestes mécaniques l'aidaient à se calmer progressivement, l'automatisme prenant le contrôle de son cerveau. Aussi décida-t-elle de continuer sur sa lancée en allant mettre le couvert dans le salon. Emily avait posé son livre et discutait à présent avec Bosco. L'adolescente leva les yeux vers sa mère et leur regard se croisa un instant.
« Tu as besoin d'un coup de main ? osa-t-elle demander.
- Non.
- D'accord… Dis-le si jamais tu changes d'avis.
- Comme si ça allait changer quelques chose, maugréa-t-elle pour elle-même. »
Emily baissa la tête, visiblement blessée par sa remarque, et récupéra son livre avant de se réinstaller le dos contre le dossier du canapé.
« T'es pas juste avec Emily.
- Je ne t'ai pas demandé ton avis, Bosco.
- Eh bien moi je te le donne, déclara-t-il en se levant du canapé. Que tu sois énervée c'est une chose. Que tu t'en prennes à moi, à la limite, passe encore. Mais Emily a absolument rien fait de mal, tu pourrais la traiter avec un peu plus de respect.
- Tu crois être qui pour me dire comment je dois me comporter avec ma fille ?
- Faith-
- Tu n'es pas son père Bosco, le coupa-t-elle d'un ton tranchant. Tu n'as même pas d'enfant. Alors je n'ai aucune leçon à recevoir de toi. »
Elle vit les traits du visage de Bosco se durcir et, même si son estomac se serra douloureusement à cette image, une partie d'elle en demandait encore. Elle avait besoin de plus que ça. Elle avait besoin qu'il s'énerve contre elle une bonne fois pour toute, réalisa-t-elle alors.
C'était complètement insensé, elle s'en rendait compte, et si les rôles étaient inversés elle le prendrait pour un fou. Folle… elle l'était peut-être, finalement. Si elle parlait de tout ça à son psychiatre, estimerait-il qu'elle était bonne à faire enfermer ?
« Faith t'es pas dans ton état normal, déclara Bosco d'un ton froid.
- Ah non ? Ou peut-être est-ce que tu n'apprécies pas d'entendre la vérité ? Qu'est-ce que tu dis de ça ?
- Faith, arrête.
- Sinon quoi ?
- Tu vas finir par dire des choses que tu regretteras.
- Peu importe.
- Je te reconnais pas… »
Faith se mit à rire. C'était nerveux. C'était colérique et incontrôlé. Il ne la reconnaissait pas ? Tant mieux ! Elle en avait marre de se laisser définir par ce que les autres attendaient d'elle, sans se soucier de ce qu'elle voulait.
« La porte est ouverte, je ne te force pas à rester, finit-elle par lui dire d'une voix glaciale qui la fit frissonner elle-même.
- Faith.
- Qu'est-ce que tu attends ? Vas-y !
- Faith ! tonna Bosco.
- Ce n'est pas ça que tu cherches depuis le début ?! Alors va-t'en, je te rends ta liberté ! Tu n'auras plus besoin de materner ta pathétique coéquipière !
- Faith tu nages en plein délire, ça suffit ! s'emporta-t-il à son tour.
- Vas-y, énerve-toi ! Tu ne sais faire que ça, de toute façon !
- C'est vraiment ça que tu veux montrer à ta fille ?!
- Qu'est-ce que ça t'importe ce que pense ma fille ?!
- Tu veux vraiment recommencer ça ?! Comme avec Fred ?!
- Stop ! s'écria l'adolescente en se levant à son tour du canapé. Arrêtez de vous disputer, tous les deux ! Ça suffit ! »
Voir Emily hausser le ton sur eux, sur elle, la déstabilisa sur l'instant. Mais ce furent les larmes brillant dans ses yeux qui évapora sa colère et tua dans l'œuf toute nouvelle réplique acerbe qu'elle n'aurait pas manqué de lancer si sa fille n'était pas intervenue.
Comment en étaient-ils arrivés là, à se hurler dessus comme ils venaient de le faire ?
Après tout ce que Bosco avait fait pour elle, tout le temps qu'il lui avait accordé et toute la patience avec laquelle il l'avait traité ces derniers mois, était-ce vraiment comme ça qu'elle le remerciait ? Avec des mots durs et injustes… des attaques qu'il ne méritait même pas, en réalité. Et Emily… sa fille était revenue vivre ici pour elle.
La culpabilité la prit à la gorge. Un sifflement aigue lui traversa le crâne de part en part, accompagné d'un bourdonnement bien trop familier dans les oreilles. Un nœud se forma dans sa gorge, bloquant l'arrivée de l'oxygène dans ses poumons. Si elle ne respirait pas très vite, elle allait perdre pieds, elle le savait. Alors Faith ne réfléchit pas un seul instant. Elle ne pouvait que fuir cette situation de laquelle elle ne savait comment se sortir, c'était la seule solution. Alors, les plantant tous les deux sur place, elle claqua la porte derrière elle et descendit les escaliers à toute vitesse, ne s'arrêtant qu'une fois dehors lorsque l'air frais de la nuit vint lui gifler le visage. Elle inspira une grande bouffée d'oxygène.
La porte du hall qui claqua dans son dos la fit sursauter, et elle se mit en route rapidement. Elle ne pouvait pas rester là. Il fallait qu'elle s'éloigne le plus possible des gens qu'elle aimait le temps de se remettre les idées au clair, avant de faire plus de dégâts. La poitrine douloureuse, Faith continua de marcher, de plus en plus vite jusqu'à finir par courir. Les gens qu'elle croisait parfois se retournaient sur son passage mais elle n'en avait cure. Elle n'avait qu'une chose en tête : aller plus vite, toujours plus, et ne pas s'arrêter tant qu'elle serait encore capable de respirer. Tant que ses jambes continueraient de la porter. Faith savait qu'elle ne réfléchissait pas clairement. Tant pis.
Elle se retrouva au beau milieu de Central Park sans vraiment savoir comment elle était arrivée là. Tout ce qu'elle retenait c'était la douleur de son corps. Chaque respiration brûlante, comme des milliers de lames de rasoir dans ses poumons. Ses cicatrices étaient douloureuses, si bien qu'elle fut obligée de toucher l'une d'entre elle du bout des doigts pour s'assurer qu'elles ne s'étaient pas rouvertes. Evidemment ce n'était pas le cas. Depuis le temps, le tissu cicatriciel s'était complètement formé et avait acquis toute sa résistance. Il n'y avait plus aucun risque à présent.
Elle fit quelques pas à l'écart du chemin et s'appuya contre un arbre avant de se laisser glisser dans l'herbe. Elle ferma les yeux, la tête rejetée en arrière contre le large tronc, et s'efforça d'inspirer lentement par le nez avant de souffler doucement par la bouche. Elle devait reprendre le contrôle de son corps. Aussi Faith ancra-t-elle ses mains dans l'herbe, ressentant la terre humide du début de soirée sous la pulpe de ses doigts, et se concentra sur les bruits qui l'entouraient. Les oiseaux au-dessus de sa tête, l'écho lointain de la ville qui remontait depuis l'extérieur du parc, et le crissement des cailloux sous les pas des coureurs qui passaient non loin d'elle. Peu à peu elle s'apaisa.
Elle ne rouvrit pas les yeux pour autant, préservant cette sensation de paix qui l'enveloppait enfin. Elle songea à Emily, et à Bosco. Elle s'était montrée injuste avec eux. Pourtant elle n'avait rien pu faire contre cette impression d'étouffement qui l'avait prise de court. Comme si soudain tous les murs de la maison s'étaient resserrés autour d'elle et que tous les sons se répercutaient et se multipliaient à l'infini, créant une cacophonie assourdissante et insupportable. Une agression contre tous les pores de sa peau.
Faith était devenue une tout autre personne. En tout cas c'était l'impression qu'elle en avait maintenant qu'elle avait un peu de recul sur ce qui venait de se passer. Était-elle en train de devenir comme son ex-mari ? Était-elle en train de devenir un monstre à son tour ?
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A l'intérieur de l'appartement un silence de mort suivit le départ de Faith. Emily et Bosco échangèrent un regard confus.
« Je suis désolé, Emily.
- C'est pas ta faute, répondit l'adolescente en haussant les sourcils.
- Je crois que si.
- Je te l'ai dit, maman est à cran ses derniers jours. Elle s'énerve pour un rien et on n'arrête pas de se disputer. »
Il y eut un moment de silence et Bosco se passa une main sur la nuque avant de soupirer.
« Elle t'a dit si quelque chose la tracassait ?
- Non, répondit Emily. J'ai l'impression qu'on revient à comme c'était avant.
- Comment ça ?
- Elle ne parle pas de ce qu'elle a dans la tête, expliqua-t-elle en haussant les épaules. Et puis elle ne dort pas beaucoup et elle a souvent la migraine.
- Elle est allée voir le médecin ?
- Pas que je sache. Mais elle prend des cachets quand ça va pas. En général ça ne dure pas, mais quand c'est le cas… ça peut finir comme ce soir. »
Emily se laissa tomber sur une chaise et soupira.
« Je ne sais pas quoi faire pour l'aider à aller mieux. Je croyais que ses séances avec le psy l'avaient aidé.
- Moi aussi.
- T'as rien remarqué, au boulot ?
- Rien du tout, elle est comme d'habitude. Enfin…
- Quoi ?
- Rien.
- Tu allais dire quelque chose, dis-moi !
- Elle est comme d'habitude depuis qu'elle est revenue.
- Oh. »
C'était comme ça qu'ils parlaient de la fusillade, tous les deux. De son coma. Elle n'avait pas juste failli mourir. Elle n'avait pas juste survécu à l'impact des balles et au coma. Elle en était revenue. C'était tout ce qu'ils retenaient de cela. Ou du moins, c'était tout ce que Bosco veillait à ce qu'Emily retienne de cette histoire. Elle n'avait pas besoin de se raccrocher à tous les détails sombres comme il le faisait lui. Il n'était peut-être pas son père, il ne partageait peut-être pas un lien de sang quelconque, mais c'était son rôle de la protéger. Ça l'avait toujours été depuis qu'il avait rencontré les enfants de Faith. Il voulait la protéger elle, et sa famille n'était que la continuité d'elle-même.
« Est-ce que tu pourrais essayer de lui parler ? lui demanda-t-elle au bout d'un moment. Toi elle t'écoutera.
- J'en suis pas aussi sûr, mais je peux essayer.
- Essayer c'est déjà bien.
- Ouais… »
Bosco soupira de nouveau et récupéra sa veste.
« Tu t'en vas ? fit-elle en se levant soudainement.
- Ouais, ça vaut mieux.
- Mais… et maman ?
- Je lui parlerai demain, d'accord ? lui promit-il. Mais je crois que je suis la dernière personne qu'elle a envie de voir ce soir.
- D'accord. »
Il s'approcha de la jeune fille, lui prit le menton entre ses doigts et déposa un baiser sur son front après lui avoir promis que tout irait bien. Il lui souhaita bonne nuit et se dirigea vers la porte.
« Appelle-moi si jamais elle ne rentre pas, d'accord ?
- Merci Bosco. »
Un dernier hochement de tête et il referma doucement la porte derrière lui. Seulement alors il s'autorisa à ôter le masque de confiance qu'il avait conservé devant Emily pour ne pas l'inquiéter davantage. La vérité c'était qu'il faisait du soucis pour Faith. Il n'avait pas menti à la jeune fille quand il lui avait dit qu'elle ne montrait rien quand elle était au boulot, mais les informations que lui avait donné Emily l'inquiétait. Ce n'était peut-être rien, mais avec un frère qui avait été accro aux substances pratiquement toute sa vie il ne pouvait s'empêcher d'envisager le pire.
Il faudrait qu'il la sonde à ce sujet, histoire d'apaiser ses craintes et mesurer la profondeur des problèmes qu'elle semblait garder sous silence, même vis-à-vis de sa fille. Vis-à-vis de lui. Ils s'étaient toujours voué une confiance aveugle, Faith encore plus que lui parfois – il s'en rendait compte à chaque fois qu'elle mettait en danger tout ce qu'elle avait de plus cher pour lui sauver la mise – et de savoir que ce lien-là était peut-être altéré, il devait bien reconnaître que ça le peinait.
Cette pensée-là, associée à toutes les autres, l'empêchèrent de dormir. Il resta éveillé toute la nuit, tournant et se retournant entre les draps.
Cette année avait apporté un grand changement dans sa vie. Trop de pertes. Trop de morts. Il n'avait pas eu une de ces révélations mystiques que certaines personnes affirmaient vivre dans ce genre de moment, il n'avait pas vu Dieu dans son sommeil, mais quelque chose avait changé ça il en était certain. Il le ressentait là, quelque part dans sa poitrine, et c'était une sensation qui ne semblait pas vouloir s'atténuer avec le temps.
Il y avait quelque chose d'étrange à tout cela. Il connaissait Faith depuis des années maintenant, et ils avaient toujours été très proches, mais ces derniers mois il avait eu l'impression de la découvrir à nouveau. Comme si pendant toutes ses années elle l'avait tenu à distance de qui elle pouvait être réellement. Elle ne l'avait pas fait consciemment, évidemment. Peut-être à cause de son mariage, qui l'avait poussé à préserver cette bulle autour d'elle. Peut-être à cause de sa position de femme dans la police, qui l'avait poussé à se montrer inébranlable. Pourtant elle lui avait déjà laissé voir ses failles par le passé, et elle s'était reposée sur lui un nombre incalculable de fois.
Mais depuis que Fred était parti, elle laissait entrevoir à ses yeux ce côté complètement brut. La matière première dans toute sa splendeur, se moquant de l'image qu'elle pouvait renvoyer d'elle-même. Bosco s'y était habitué et, maintenant que Faith se barricadait derrière des murs nouveaux, il en était déstabilisé.
Il se rendait compte qu'il ne supportait pas la distance qu'il y avait entre eux. Quand il rentrait chez lui après avoir passé un week-end en compagnie de Faith et d'Emily il se retrouvait à tourner en rond dans son propre appartement, comme un idiot. Il finissait alors par ressortir et errer dans les rues de la ville, sans but, avant de finir dans un pub quelconque avec une bière à la main. Parfois il terminait la nuit dans le lit d'une fille, parfois il rentrait simplement se coucher et s'endormait aux premières lueurs du matin.
Ce soir-là, pourtant, il n'avait ni envie de marcher ni envie d'aller s'enterrer dans un bar. Il avait envie de faire demi-tour et de retourner chez Faith pour attendre son retour. Mais ce n'était pas la bonne solution. Elle aurait probablement besoin de temps après ce qui s'était passé. Il l'avait vu se transformer sous l'effet de la colère, puis se décomposer quand Emily s'était mise entre eux. Il avait alors eu envie de l'attraper par le poignet et de l'attirer dans ses bras jusqu'à ce que la tempête passe, mais son corps l'avait privé de tout mouvement jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Voilà où il en était actuellement. Alors, à la place, il se rendit chez sa mère. Rose avait la conversation facile et il lui suffirait de hocher la tête de temps en temps pour lui faire plaisir.
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La policière ne savait pas exactement combien de temps elle était partie de chez elle, mais le jour était à présent complètement tombé sur le parc. Faith se leva, s'épousseta légèrement et retrouva le sentier en direction de la sortie. Il lui fallait encore faire le trajet du retour à pied. Elle n'avait pris ni portefeuille, ni téléphone, ni clés. Rien. Au point où elle en était, elle pourrait presque se retrouver à la porte si Emily décidait de lui faire la tête ce soir.
« Tu es revenue ! constata cette dernière avec soulagement en lui ouvrant la porte. »
Faith hocha la tête avec un léger sourire d'excuse et sa fille vient se glisser dans ses bras. Elle soupira et déposa un baiser dans les cheveux de l'adolescente, ravie de voir que le conflit était passé. Du moins en surface.
« Je vais prendre une douche et ensuite on parlera, si tu veux, proposa-t-elle en s'écartant.
- D'accord. »
Elle referma la porte de l'appartement et s'avança dans le salon. Elle regarda autour d'elle, puis se tourna de nouveau vers Emily.
« Bosco… ?
- Il est rentré. »
Faith baissa la tête un instant puis regarda de nouveau Emily avant de hocher la tête. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Toute cette explosion de colère ne lui était pas personnellement destinée, mais il s'était trouvé là au mauvais endroit au mauvais moment, et elle avait choisi la facilité.
Elle détestait ces élans de colère qui frappaient parfois sans prévenir et qu'elle ne maîtrisait pas. Elle détestait ce besoin de faire du mal aux gens qu'elle aimait juste pour évacuer toutes les émotions négatives qui l'étouffaient parfois. Bon sang, elle n'était plus une enfant ! Faith prit une profonde inspiration. Elle ne pouvait pas juste exploser, tout détruire autour d'elle et attendre que les autres l'accepte patiemment. Si elle voulait arranger les choses, elle devait faire des efforts. Réparer une par une tout ce qu'elle avait brisé. Et accepter que parfois le pardon n'était pas une option.
« Tu nous prépares un chocolat chaud ?
- D'accord, répondit de nouveau la jeune fille, cette fois-ci avec un léger sourire. »
Faith prit le chemin de la salle de bain avant de s'arrêter.
« Em', attends.
- Oui ? »
Faith s'approcha d'elle et prit son visage entre ses mains avant de déposer un tendre baiser sur son front.
« Je t'aime.
- Moi aussi, maman.
- Et je suis désolée pour tout ce que je te fais supporter en ce moment. »
Emily se glissa de nouveau dans les bras de sa mère sans un mot et la serra contre elle. Faith se laissa aller contre sa fille le temps de l'étreinte puis, après un dernier sourire, elle rebroussa chemin.
Sous la douche, alors que le jet d'eau chaude faisait frissonner sa peau et détendait en profondeur ses muscles engourdis par la fraîcheur nocturne, ses pensées se tournèrent vers son partenaire. Après ce qui s'était passé ce soir elle n'était pas certaine de la bonne marche à suivre. Devait-elle l'appeler tout de suite et lui présenter des excuses, sans pour autant avoir une explication suffisante à lui donner ? Devait-elle lui laisser le temps de digérer tout ce qu'elle lui avait dit, peu importe que ce soit justifié ou non, et accepter la possibilité qu'il puisse la tenir à distance à l'avenir ?
La nuit porte conseil, paraît-il. De toute façon Faith allait le voir dès le lendemain en arrivant au commissariat. Enfin… c'était dans l'optique où Bosco ne demanderait pas à Swersky de changer de partenaire pour la semaine, et ça… c'était encore possible.
Chassant ces pensées négatives de son esprit, Faith se dépêcha de se laver et de se sécher avant d'aller retrouver sa fille dans le salon. Les deux tasses de chocolat chaud fumant étaient posées sur la table basse, une épaisse couche de chantilly sur le dessus. Emily avait décidé qu'elles méritaient une bonne dose de réconfort et Faith ne pouvait qu'approuver. Elle vint prendre place aux côtés de sa fille et se cala confortablement contre les coussins.
Elles restèrent assises comme ça sans parler pendant un moment, sirotant leur chocolat chaud en silence, jusqu'à ce que la patience d'Emily atteigne ses limites. Elle poussa sa mère à la discussion, en douceur mais sans lui laisser le choix, ouvrant les vannes de toutes les émotions refoulées. Malgré cela, Faith resta dans la retenue. Il s'agissait d'une discussion avec sa fille et non d'un entretien dans le bureau d'un professionnel.
Faith se confia sur sa difficulté à reprendre une vie normale depuis la fusillade. Ce n'était pas seulement à cause de ses cauchemars, qui eux n'étaient plus qu'un souvenir à présent, mais tout le reste. La façon dont les autres la regardaient au travail, comme s'ils voyaient un fantôme, entre autres choses. La façon dont ses cicatrices, toujours plus nombreuses, détonnaient sur sa peau comme un rappel indélébile que la mort l'avait frôlé d'un peu trop près.
Elle n'évoqua cependant pas ce qu'elle ressentait lorsqu'elle se trouvait sur le terrain, les palpitations et sueurs froides dès lors qu'elle entendait une balle claquer non loin d'elle, de peur qu'Emily lui suggère d'arrêter tout. Ou pire, qu'elle en parle à Bosco. Ce n'était tout simplement pas envisageable. Ce boulot était tout pour elle, et sans ça elle se noierait. C'était égoïste mais vrai.
Elle lui parla en revanche de ces moments où, tout d'un coup, elle se sentait submergée par tout un tas d'émotions, indistinctes et inextricables, comme si l'on piratait sa mémoire sensorielle pour tout lui faire revivre, sans les images. Un tumulte dans lequel elle avait l'impression de perdre pied. De perdre le contrôle. Or, ces derniers mois, le contrôle était tout ce à quoi elle pouvait encore se raccrocher. Si elle n'avait plus ça alors elle n'avait plus rien.
« Pourquoi tu ne me dis rien de tout ça ? demanda la jeune fille quand sa mère eut fini de parler.
- Parce que je n'ai pas envie t'accabler, Em'…
- Maman…
- Je suis ta mère, pas ton amie, lui rappela-t-elle avec douceur. C'est mon rôle de te préserver de tout ça.
- Sauf que tu ne me préserves de rien quand tu exploses comme ce soir. »
Un silence accueillit ce constat. Lourd. Brutal. Et pourtant si vrai.
« Bosco a raison, tu sais ? poursuivit Emily. Moi non plus je ne te reconnais pas quand tu es comme ça. Et ça me fait peur.
- Em' je suis désolée…
- J'ai pas peur de toi, maman. Ce qui me fait peur c'est que tu finisses par te perdre toi-même. »
Les propos d'Emily la touchèrent en plein cœur et, là encore, elle ne sut quoi répondre. Tout ça, tout ce qui se passait en ce moment, ce n'était pas dans l'ordre des choses. Ça devrait être à elle de porter le fardeau de sa fille, et non l'inverse.
« Je sais qu'on ne s'est pas toujours entendue, toi et moi, mais je ne suis plus une enfant.
- Je sais, mon ange.
- Je peux comprendre les choses, si tu m'expliques. Si tu me parles, au moins.
- Je sais. »
Faith attira Emily à elle et l'embrassa tendrement sur le haut de la tête. Elle soupira. Sa fille avait tant grandi. Pourrait-elle toujours la protéger ? Elle se rappela soudain une chose qu'elle avait dite à son partenaire une fois : les enfants, on rêverait de pouvoir les garder enfermés dans une bulle. Bosco lui avait alors répondu que même s'ils ne risqueraient peut-être pas grand-chose au-dehors, ce n'était pas non plus une vie pour autant. Et il avait raison.
« Em' ?
- Oui ?
- Est-ce que tu regrettes ? De ne pas être restée avec ton père ?
- Non ! Bien sûr que non, répéta-t-elle. Pourquoi ?
- Je voulais juste en être sûre.
- Maman je voulais vivre avec toi. Je le veux toujours, insista-t-elle. J'aime papa mais c'est avec toi que je veux être.
- Merci. »
Les paroles d'Emily lui firent l'effet d'un baume au cœur.
« Je ne lui ai jamais pardonné ce qu'il t'a fait, tu sais ?
- Quoi ? fit-elle, un peu perdue.
- Papa. Je ne lui ai jamais pardonné la façon dont il t'a traité après ce qui s'est passé… enfin tu sais, expliqua timidement Emily et Faith hocha la tête pour lui montrer qu'elle avait compris. C'était pas juste. »
Faith baissa la tête. Elle n'avait pas pardonné non plus à Fred, mais elle était passée à autre chose. Les propos d'Emily lui faisaient du bien, d'une certaine façon, mais lui serraient le cœur. Ce n'était pas un problème qui devrait lui peser. Quoi qu'elle en dise, elle n'était toujours qu'une enfant. Or un enfant ne devrait pas avoir à porter le fardeau de ses parents, quel qu'il soit.
« Tu as pensé à ce que je t'ai dit l'autre fois ? repris soudain Emily.
- A quel propos ?
- Rencontrer des gens, lui rappela-t-elle. Puis elle se pencha vers sa mère, lui donnant un léger coup d'épaule, et ajouta avec un sourire : Des hommes.
- Emily…
- Quoi ? Je suis sûre que ça te ferait du bien de sortir un peu !
- Peut-être plus tard, d'accord ? »
La vérité c'était qu'elle avait suivi le conseil de sa fille, prête à tout essayer pour retrouver un semblant de vie normale, mais cela n'avait pas été concluant bien au contraire. Elle ne savait pas si c'était parce qu'elle était peut-être trop vieille pour cela, ou parce qu'elle n'avait connu quasiment que Fred dans sa vie, mais elle n'était pas à l'aise à jouer la carte de la séduction. Et même quand elle ne s'en sortait pas trop mal, les rares fois où finalement elle restait elle-même, elle n'y trouvait aucune satisfaction. Aucun soulagement non plus.
« Il faut que tu parles à Bosco.
- Que vient faire Bosco ici ? demanda Faith, un peu déstabilisée.
- Tu n'as pas été juste avec lui ce soir.
- Je sais…
- Mais vous pourrez arranger ça, pas vrai ? demanda-t-elle avec espoir. Il le faut.
- Tu tiens vraiment à lui, hein ?
- Evidemment. Il a toujours été là pour toi.
- Je ferai de mon mieux, promit-elle. »
Une nouvelle fois, Faith embrassa sa fille sur la tête avant de l'attirer dans ses bras pour un câlin. Ses épaules semblaient bien moins lourdes à présent. Peut-être qu'elle était là la solution.
Alors ? =)
