Bon, comme je l'ai dis, j'ai écris ce récit avant Le Chat et La Souris donc je n'avais pas encore le coup de main pour l'écriture des duels ^^

J'espère que la lecture vous plaira tout de même !


Chapitre 7

J'arpente l'estrade de long en large pour cacher mon stress et jette un œil nerveux aux élèves qui affluent peu à peu dans la grande salle. Pour l'occasion, nous avons pendu les tentures des différentes maisons le long des murs de pierre et allumé toutes les torches pour combattre le froid et l'humidité. Remus s'approche de moi et me fait un petit geste de la main pour me demander de me calmer.

-Ce ne sont que des élèves, uniquement de Gryffondor de surcroît, me dit-il avec un sourire. Tu ne passes pas un examen, je te rassure.

Je vais pour ouvrir la bouche, mais il me devance.

-Et Dumbledore ne fera absolument aucun commentaire sur notre prestation. Il a bien dit qu'il ne sera là qu'en tant que spectateur et qu'il a toute confiance en nos capacités.

Bien sûr, Remus a raison. Mais la panthère ne peut s'empêcher de tourner en rond dans sa cage et de faire des nœuds avec mes entrailles. Je vois les élèves de Gryffondor remplir peu à peu l'espace devant l'estrade et discuter joyeusement entre eux. Le professeur Mc Gonagall nous a raconté, il y a quelques jours, que l'année précédente, un club de duel avait été ouvert mais que la mauvaise gestion des élèves de la part du professeur de défense de l'époque avait rendu la chose peu productive.

Je tire sur les manches de mon pull et frissonne en regrettant ma longue robe doublée. J'ai revêtu, pour plus de confort, ma tenue de moldue composée d'un jean noir, d'un pull col roulé et de grosses chaussures de la même couleur. Je vois quelques élèves me jeter des regards amusés mais les ignore. Je fais également semblant de ne pas voir les jumeaux Weasley se joindre à la foule, et scrute avec attention l'arrivée de Dumbledore.

Gauche, droite, gauche, je continue de faire les cents pas et remarque Remus qui discute avec le jeune Potter. Ils semblent bien se connaître, c'est étonnant, je me souviens que c'est lui-même qui me disait que la distance élève-professeur devait être impérativement conservée. Mais après tout je m'en fiche.

Je continue mon manège encore cinq bonnes minutes et soupire enfin lorsque le Directeur et le professeur Mc Gonagall passent les portes en même temps que ne sonne la grosse horloge de l'école.

Avec un geste de ma baguette, je referme les lourds battants de la grande salle et leur laisse le temps de s'installer sur leur siège respectif, disposés en hauteur. Remus revient ensuite se poster à mes côtés et accueille les élèves et les deux enseignants présents. Il les remercie notamment de s'être inscrits et me présente pour ceux qui ne suivraient pas mes cours.

-Pour commencer, continue-t-il avec un sourire. Sachez que notre but n'est pas de faire de vous des duellistes confirmés.

Là-dessus, il me laisse intervenir et je m'avance d'un pas.

-Nous connaissons tous des noms de très bons sorciers qui défraient, de temps à autre, la chronique pour s'inscrire dans l'Histoire, dis-je d'une voix sonore. Ceux-ci sont capables de défaire quiconque, de contrer n'importe quel sort envoyé par l'ennemi et de riposter immédiatement pour l'anéantir. Les excellents sont même capables d'esquiver les sorts pour s'offrir un coup d'avance sur son adversaire. Cependant, il n'y a aucun sorcier d'exception dans cette pièce, à part notre cher Directeur à qui je ne vais sans doute rien apprendre.

Je reprends ma respiration et jette un œil à Remus, mais celui-ci m'enjoint discrètement à continuer.

-Notre but premier, au professeur Lupin et moi-même, est de vous enseigner les principes essentiels d'un combat, dis-je en me tournant de nouveau vers l'assemblée attentive. Qu'il soit magique ou non, il faut impérativement respecter des règles pour éviter de prendre des coups et espérer remporter sur son adversaire. Ce principe est celui de la parade-esquive-riposte.

Peu d'élèves acquiescent silencieusement et j'en déduis que mon discours n'est pas superflu.

-Pour simplifier : Attaquer, c'est bien. Rester en vie c'est mieux.

Dumbledore semble hocher la tête du fonds de son siège confortable et je recommence à arpenter l'estrade en m'adressant à mon public.

- En combat, peu importe contre qui vous vous battez, bon ou mauvais, fourbe ou courageux, une bonne défense sera invariablement la clef de votre victoire. C'est donc sur cette idée que notre entraînement sera axé les premiers temps. Dès les vacances de pâques, nous attaquerons par des sorts plus complexes et nous évoquerons les cas de métamorphoses et autres joyeusetés.

Je me tourne à nouveau vers Remus et il me rejoint à l'endroit où je me suis arrêté.

-Nous vous demanderons de vous mettre par deux, demande-t-il de sa voix claire. Et le premier sort que nous vous apprendrons sera…

Il s'arrête lorsqu'il s'aperçoit que le professeur Dumbledore s'est levé de son fauteuil. Ce dernier met ses mains derrière son dos et nous sourit tandis que les élèves suivent notre regard.

-Avant toute chose, s'exclame le vieil homme d'une voix forte. Pouvons-nous espérer avoir une petite démonstration de votre part, chers professeurs ? Je suis sûr que bon nombre de nos jeunes gens ici présent espèrent la même chose que moi et il serait dommage de les décevoir.

Tss, je m'y attendais et je pense que Remus aussi car nous échangeons un regard qui en dit long.

-Bien sûr, Monsieur le Directeur, répond finalement mon ami.

Il marche jusqu'à moi tandis que le brouhaha des élèves commence à enfler, et nous nous penchons l'un vers l'autre en collant presque nos fronts.

-Pas de manifestation terrestre, me chuchote-t-il. Et victoire par sortie, désarmement ou immobilisation, ça te va ?

-Aucun problème.

Nous nous séparons et la fébrilité de l'assemblée devient palpable. Avec un regard en coin, je vois la foule qui se déplace imperceptiblement dans différents sens, comme s'ils se sentaient obligés de se mettre du côté de leur champion.

Je fais face à Remus et nous levons nos baguettes ensemble pour faire le salut traditionnel. Puis, nous marchons chacun vers le coin opposé de l'estrade sous les encouragements soufflés des élèves. Une fois au bout, nous nous tournons de concert l'un vers l'autre.

Je ne peux contenir mon sourire jovial. J'ai toujours aimé me battre en duel, l'excitation de monter sur les planches, cette seconde de latence qui fait vibrer tout mon être, juste avant que le premier sort ne parte, et enfin, le plaisir de faire mordre la poussière à mon adversaire.

Le plus grand secret d'un duelliste - que je ne leur apprendrai pas car ils l'acquerront sur le tas - est sans nul doute le calme intérieur. Si l'on n'arrive pas à garder la tête froide en plein combat, il devient alors impossible d'analyser finement le déroulé de celui-ci, de trouver la seconde d'inattention de l'ennemi, d'esquiver ou de contrer un sort décisif et par conséquent de gagner. Il y a bien longtemps que je ne laisse plus mes émotions l'emporter dans ce genre de moment et je sais que peu de sorciers, même les plus doués, peuvent se targuer de rester stoïque face à l'adversaire.

Je laisse cette fameuse seconde passer, celle pendant laquelle nos regards ne se quittent pas à Remus et moi, cette seconde pendant laquelle nous attendons de voir qui va faire le premier geste.

Finalement, c'est lui qui prend la main et je le vois faire bouger sa baguette à une vitesse prodigieuse.

-Locomotor Wibbly, s'exclame-t-il une fois sa gestuelle terminée.

Le sort de jambencoton fuse dans l'air et je sabre l'air de ma baguette en lâchant un Protego sonore. Son sort ricoche contre ma protection, qui explose avec un bruit de verre brisé, avant de s'écraser contre le mur du fond. Les sorts de protection forment normalement d'épaisses barrières anti charme, mais Remus et moi sommes aussi puissant l'un que l'autre et ma protection est lancés trop rapidement pour qu'elle réussisse à se déployer entièrement avant d'exploser.

Cependant, je ne laisse pas une seule seconde passer et riposte instantanément d'un mouvement élégant du poignet.

-Scintillusio !

Pour l'exercice, nous évitons de faire des sortilèges informulés et nous appliquons tous deux à bien prononcer les sort distinctement histoire de leur apprendre quelque chose à toutes ces petites têtes tournées vers nous.

Mon sort fait apparaître un nuage mouvant composé de milliers d'étincelles et celui-ci se précipite alors vers mon adversaire. Remus esquive habilement l'invocation et l'annule d'un simple mouvement de poignet avant de répliquer. Je ne comprends pas tout de suite ce qu'il entreprend et me fais avoir comme une débutante.

-Manuflecte ! crie-t-il après avoir fait faire plusieurs mouvements souples à sa baguette.

Lorsque le sort me touche à travers la protection que je n'ai pas eu le temps d'ériger, la manche droite de mon pull s'entortille immédiatement autour de mon bras. Elle l'agite de soubresauts et le fait bouger dans tous les sens, avant de forcer ma main à s'écarter vers la droite. Je vois Remus sourire et devine son prochain coup à son mouvement de poignet.

Par la suite, Remus m'a reproché d'avoir triché mais, sur le coup, j'avoue avoir été plutôt fière de mon mouvement.

Ne pouvant plus lancer de sort vers mon adversaire et devinant celui me touchant prochainement, je mobilise toute ma volonté dans cette minuscule seconde de battement et modèle le flux que je sens glisser en moi. Mon esprit habitué rassemble une dose massive de magie m'environnant et, au moment où Remus crie Expelliarmus, je donne un coup sec du talon dans le bois de l'estrade.

Le flux est une force primaire. Si on devait le définir, il suffirait d'affirmer qu'il ne possède ni texture ni couleurs et que seule la force mentale de son manipulateur peut éventuellement lui donner forme. Mais de force mentale je ne manque pas, et d'entraînement encore moins, c'est pourquoi une haute barrière immatérielle chatoyante s'élève immédiatement face à moi et dévie le sort.

Mais le flux n'est pas non plus infaillible et je sens tout de même ma baguette qui veut s'échapper de mes doigts avec la volonté d'un petit enfant capricieux. En moins d'une seconde, je fais tomber la barrière qui m'a épuisé psychiquement et modèle la magie pour faire disparaître les résidus de sort.

Lorsque je me remets en garde, Remus ne cache pas un sourire que je compte bien lui enlever. D'un large mouvement en spirale de ma baguette, je modèle un écran de fumée avec un Circufumus crié distinctement et le fais fuser vers mon adversaire. Dans le même temps, je lance un Mobilis Funem qui fait sortir une longue corde de ma baguette qui s'étire jusqu'à l'autre bout de l'estrade, sans pour autant se séparer de mon arme.

Remus n'a pas vu mon deuxième sort. Il fait disparaître la fumée d'un geste, mais il est trop tard, et je tire énergiquement sur la corde qui s'est enroulée autour de son pied une seconde auparavant. Les élèves présents poussent une exclamation de surprise lorsqu'ils voient leur professeur de défense tomber à terre et, en moins de temps qu'il ne lui faut pour se relever, je lance un Balteum Carcerem en faisant des gestes compliqués avec le bout de ma baguette. Je ne suis jamais sûre à cent-pour-cent de réussir ce sort car il est très compliqué, mais de larges liens d'acier sortent finalement du parquet pour venir emprisonner Remus et l'immobiliser au sol.

Une longue seconde silencieuse s'étire jusqu'à ce que tous les élèves comprennent ce qui vient de se passer, et des applaudissements chaleureux s'élèvent finalement sous le haut plafond de la grande salle.

D'un mouvement du poignet, je libère un Remus ravi et viens lui tendre une main qu'il attrape avec force pour s'aider à se relever. Nous nous tapons une franche accolade et saluons ensuite l'assemblée d'un mouvement du buste. Je vois le professeur Dumbledore nous applaudir également, ainsi que le scintillement des gallions que Georges fourre dans les mains ravies de Fred.

-Merci pour cette belle démonstration, s'exclame le Directeur par-dessus les discussions animées des élèves. Je vous laisse continuer votre cours sans vous perturber plus que cela.

Les deux professeurs quittent donc finalement la pièce en refermant doucement les lourdes portes et je me masse discrètement les tempes pour essayer de faire passer mon mal de tête. Cependant, pour nous rien n'est terminé. Remus tente de calmer les élèves, mais ils sont tellement agités qu'il lui faut plusieurs bonnes minutes pour avoir un peu de silence.

-Bien, s'exclame-t-il une fois que tout le monde s'est tu. Comme je vous le disais, le sortilège de Protego est une barrière efficace contre tout type de sort. Cependant, celui-ci demande un minimum de temps pour être mis en place. Une fois entièrement déployé, il offre une très bonne protection, mais le souci est qu'il est fragile durant sa levée. De plus, il offre certains désavantages que tout bon sorcier peut exploiter.

-C'est quoi les désavantages ? demande un troisième année accoudé à l'estrade, sans y avoir été invité. Si on se cache derrière, personne ne peut nous toucher, nan ?

Je vois Remus tourner la tête vers le jeune homme puis vers moi.

-Hors de question, Remus, je souffle lorsque je comprends où il veut en venir.

Il s'approche et arbore son petit sourire satisfait.

-L'enseignement est une tâche ardue, professeur, me dit-il assez bas pour que je puisse être la seule à l'entendre. Il faut savoir payer de sa personne.

-Pas besoin de démonstration, il suffit de leur expliquer.

-Allez vous mettre en place, professeur Tio, et retenez bien votre respiration.

Je crois que je ne l'ai jamais vu aussi heureux de sa vie, comme si malmener son prochain lui donnait des ailes.

-Sadique ! je lui lance avant d'obtempérer avec la motivation d'un condamné à mort.

Je me tourne vers lui une fois quasiment au bout de l'estrade et lève ma baguette pour créer un sortilège de protection qui se lève devant moi tel une haute muraille. À travers la barrière irisée, je l'entends répondre à l'élève.

-Retenez bien, Monsieur Seamus, que le sortilège de Protego, dans son incantation simple, crée une barrière rectiligne entre le lanceur et son adversaire. Celle-ci est d'ailleurs parfaitement étanche.

Je le vois lever sa baguette et prononcer une incantation qui est instantanément couverte par le bruit que font les trois mètres cubes d'eau lorsqu'ils se déversent d'un seul coup au-dessus de moi. J'avais bien retenu ma respiration, mais le poids du liquide me malmène tout de même et je sens mes vêtements se gorger d'eau instantanément tandis qu'elle se répand sur le bois de l'estrade et inonde les dalles de la grande salle. Les élèves lâchent des exclamations de surprise en s'écartant tandis que, pour ma part, je me retrouve trempée et grelottante. Je suis ravie.

Remus s'avance rapidement vers moi et me lance un sort afin de me faire sécher.

-Ai-je répondu à votre question Monsieur Finnigan ? demande-t-il à l'élève hilare. Et merci pour votre participation enjouée, professeur Tio, dit-il en se tournant vers moi. Vous faites un merveilleux cobaye.

Je me retiens de lui envoyer un sort de crache-limace de mon cru et fais une épaisse tresse dans mes cheveux encore humide. Sans nous attarder, nous formons des duos avec les élèves présents et leur apprenons le sortilège comme initialement prévu.

.

En terminant l'entraînement, nous sommes tous les deux vannés. Les élèves sortent ravis de leur premier cours et, pour notre part, nous montons les étages jusqu'à la salle des professeurs pour nous affaler dans deux fauteuils libres. Le professeur Flitwick vient s'installer avec nous pour nous poser de nombreuses questions, mais il nous quitte vite en voyant nos têtes éreintées et peu amène.

-J'aurais dû disparaître en Russie quand j'en avais l'occasion, dis-je avec mauvaise foi. Au lieu de revenir dans cette fichue école.

-Tu serais devenu alcoolique, me répond-t-il d'une voix atone.

Je n'ai même pas la force de hausser les épaules et je grogne mon assentiment.

.

Au bout d'un moment, je me réveille et me redresse douloureusement sur mon séant en jetant un œil à Remus, toujours assoupi. Autour de nous, la pièce s'est vidée et je n'entends plus que le feu crépiter joyeusement dans l'âtre. En tournant la tête, j'aperçois un elfe de maison affairé à ranger le long buffet et mettre à la poubelle des plumes cassées et des parchemins déchirés.

Un vague coup d'œil à la grande horloge accrochée au-dessus de la cheminée m'informe qu'il est bientôt midi et je me décide à réveiller Remus en lui tapotant l'épaule.

-Réveille-toi, le loir, je bougonne en m'étirant et en attrapant un verre d'eau posé non loin que j'avale d'une traite.

-Tu t'es endormi la première, me répond-t-il en se redressant avec peine. Où est passé le reste des collègues ?

-À la grande salle, c'est l'heure du déjeuner.

-Pas un pour nous réveiller, c'est affligeant.

-Ils avaient peut-être peur de se faire noyer si tu te levais de mauvaise humeur.

-Rancunière.

-Tortionnaire.

.

Lorsque nous passons les hautes portes de la grande salle bondée, un brouhaha joyeux nous accueille. Plusieurs élèves de Gryffondor nous saluent lorsque nous passons près d'eux et je vois Georges s'adresser à Remus.

-Votre galanterie m'a fait perdre cinq gallions ! s'exclame-t-il avec fausse mauvaise humeur.

-Allons, mon frère ! Reconnais la supériorité féminine pour une fois, lui rétorque Fred en me lançant un clin d'œil.

Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel. Ces gamins sont décidément beaucoup trop familiers, il va falloir que je résolve ça si je ne veux pas me retrouver, un jour, injustement taxée de favoritisme.

Nous réussissons à atteindre nos places sous le regard courroucé du professeur de métamorphose qui regarde mon accoutrement avec désapprobation. Oui, je n'ai pas eu le temps de me changer, et alors ? Je remettrai une robe quand j'en aurai envie, d'abord !

.

Après le repas, Remus et moi nous séparons et je prends ma cape pour sortir m'aérer l'esprit en marchant d'un pas distrait vers une destination non déterminée. En vérité, ces derniers temps j'ai un peu mis de côté mes recherches pour me consacrer au rituel de Prison-Monde et, maintenant qu'il est sur le point d'avoir lieu, je prends un peu de repos. Avec Remus et le Directeur, nous avons vérifié et revérifié les runes tellement de fois que je ne saurais les compter, alors il est temps de se faire confiance.

J'arrive finalement au bord du lac partiellement gelé et fais crisser mes chaussures sur la grève en observant les hauts arbres, encore blanc, bordant la petite plage de galets. Je retire la neige d'une grosse pierre saillante située à deux pas de l'eau et m'y assois pour laisser mon esprit vagabonder. Le goutte à goutte de l'eau qui tombe des arbres m'apaise et la brise encore fraîche de ce mois de janvier vient rosir mes joues que j'ai caché derrière une grosse écharpe de cachemire bordeaux. J'ignore combien de temps je reste là, seule tâche de couleur dans ce paysage monochrome, mais je m'y sens définitivement bien.

Soudain, le silence cotonneux se brise lorsque des aboiements sonores se réverbèrent sur l'eau et que le bruit d'une galopade me fait me retourner. Je sors ma baguette dans le cas où je me retrouverai face à un animal sauvage, mais ce n'est que le chien de Hagrid que je vois sortir des fourrés à une allure dingue pour se jeter sur un gros rat fuyant à toutes jambes.

Ce dernier esquive son poursuivant au dernier moment et se jette sur la fine couche de glace qui s'est formée aux abords du lac, pour rejoindre la petite île non loin. En cette période de l'année, une grosse partie du plan d'eau devrait être gelée mais, avec le redoux exceptionnel de ces dernières semaines, la glace n'est plus suffisamment épaisse pour patiner.

Avec stupeur, je vois le chien suivre le rongeur sur la fine couche de gel et, à peine a t-il fait deux mètres, qu'un craquement sonore résonne dans l'air immobile et qu'il s'enfonce dans l'eau glaciale. Je sors vite de ma torpeur et lève ma baguette pour extraire le molosse de sa gangue liquide. Celui-ci gémit en sentant son corps s'élever et s'agite pour tenter de rejoindre l'île à son tour.

Malgré ses couinements de protestation, je le ramène à terre et le dépose doucement près de moi.

-Idiot de clebs, je râle en voyant ses membres tremblant et sa carcasse famélique. Tu ne peux pas dormir devant la cheminée et bouffer des croquettes comme tout bon chien bien élevé ?

Il me lance un jappement de protestation et je consens à lui lancer un sort de Corpocalor. L'effet est immédiat et je vois ses pattes cesser de sursauter tandis qu'il se détend peu à peu.

-T'as failli y passer, nigaud, je l'apostrophe en m'asseyant sur les pierres inégales. T'es vraiment le chien le plus idiot que je connaisse.

En retour, j'ai droit à un grognement peu convaincant et je cesse de l'observer pour faire courir mon regard vers le château. Au loin, une fine fumée grise s'élève de la maisonnette d'Hagrid.

-Allez viens, je te ramène à ton maître, dis-je au cabot toujours couché sur le sol mais dont la tête est tournée en direction de la petite île. Avec un peu de chance il m'offrira une tasse de thé pour me remercier, je crève de froid.

D'un mouvement vif, je me relève et encourage le chien à faire de même. Cependant, au lieu de me suivre il fait demi-tour de son pas lourd et fatigué, et va s'enfoncer dans les fourrés. J'imagine qu'il va se poster là en attendant que le gros rat se décide à revenir sur la terre ferme.

Avec dépit, je quitte à mon tour la grève et remonte jusqu'au château. Il faudra vraiment que je touche deux mots au garde-chasse.

.

Le reste de la semaine passe dans une espèce de langueur que je n'arrive pas à m'expliquer. Peut-être les deux entraînements suivants que nous dispensons aux autres maisons de l'école me fatiguent-ils au point que je me sente si loin de tout cela ? Je l'ignore. Le tout étant que, lorsque dix-sept heures sonne, le lundi, je suis déconnectée de tout ça.

-Concentre toi, me répète pour la énième fois Remus, assit à côté de moi. Vas-y, répète moi la formule dans son entier, je t'écoute.

-C'est bon, je la connais par cœur, je t'assure. S'il te plaît, laisse-moi.

Il fronce les sourcils mais ne dit rien. Je crois que, malgré le change que j'essaye de donner, il distingue parfaitement la fatigue et la léthargie inexplicable qui pèse sur mes sens.

-Très bien, me dit-il en refermant l'épais volume qu'il tient à la main. Mais je pense que tu devrais te…

Il n'a pas le temps de finir sa phrase, que les jumeaux Weasley pénètrent dans la pièce comme des Trolls dans une argenterie. Nous les accueillons avec chaleur et Remus va verrouiller la porte de la salle avant de lui appliquer un sortilège d'impassibilité. De mon côté, je vérifie que tout est en ordre du côté des herbes et je pointe un doigt vers les pieds des deux jeunes hommes.

-Retirez vos chaussures pour commencer, s'il-vous-plaît. Et tous les objets en métal que vous possédez. Est-ce vous avez mangé ?

-Non, on a rien avalé depuis midi comme vous avez demandé, me répond Fred en délaçant une première chaussure.

-D'ailleurs, j'espère que vous avez prévu une collation pour la fin d'heure, continue Georges en retirant sa ceinture et en la posant sur un fauteuil. Sinon on risque de faire de l'hypoglycémie.

-Et c'est dangereux de jouer avec la santé de vos cobayes... Pardon, de vos élèves !

-Surtout des cobayes aussi agréables que nous... Pardon, des élèves.

Leurs pitreries m'arrachent un vague sourire et, une fois mes consignes appliquées, nous nous retrouvons tous les quatre au centre du cercle peint au sol.

-Quinze minutes, pas plus, me prévient Remus pour la centième fois. Ce rituel demande beaucoup d'énergie et je ne pense pas qu'il soit très sage d'aller au-delà pour ta première fois.

Je hoche la tête sans lui montrer mon agacement et m'accroupis au centre pour toucher l'un des deux petits cercles accolés.

-Fred, tu vas venir t'allonger en posant ta tête dans ce cercle, d'accord ? Georges dans celui-ci. Vos pieds doivent se situer à l'extrême opposé l'un de l'autre.

Pour une fois, aucun des deux ne fait de commentaire et ils s'allongent docilement sur le parquet.

-Vous croyez que si on est vraiment sage, on aura le droit à un coussin la prochaine fois ? me demande Fred en me lançant un regard désapprobateur.

Ok, j'ai parlé trop vite.

-Je vais y penser Monsieur Weasley. Pour le moment, je vais vous demander de ne pas trop bouger.

Je me relève et me défais à mon tour de mes baskets pour les lancer à l'autre bout de la pièce. J'ai revêtu la même tenue que pendant les entraînements, pour plus de confort, et je m'aperçois avec étonnement que ces vêtements moldus me plaisent de plus en plus.

Je prends le bol de bois d'olivier que me tend Remus et hume le romarin séché qu'il contient. Il recule hors du cercle et je vais le poser sur un des bords couvert de runes. Une fois fait, je lève ma baguette et récite une longue incantation en latin. Je reviens par la suite vers Remus pour récupérer celui contenant la verveine. Je reproduis le même schéma sur le bord opposé et remarque l'œil attentif des jumeaux qui suivent mes pérégrinations.

-Je dois marquer les points cardinaux de l'Est et de l'Ouest pour que l'anneau puisse fonctionner correctement, je les informe tandis que Remus me tend un dernier bol rempli de sel.

J'en répands progressivement une bonne dose le long du cercle extérieur et viens en disposer autour de la tête des deux frères tandis que leur professeur de défense ferme les volets des fenêtres.

Enfin, tout est prêt. Je prends quelques secondes pour m'assurer que nous n'avons rien oublié, puis, je m'assois sur mes genoux, à trente centimètre de leur tête. De son côté, Remus se poste face à moi, toujours en dehors du cercle, et conserve sa baguette à la main.

-Prête ? me souffle-t-il d'une voix tendue.

J'acquiesce et lève ma propre baguette.

-Amorem Fraternitatis !

Pendant une seconde, il ne se passe rien, à part un léger scintillement à la lisière de ma vision. Puis, une épaisse fumée blanche inodore s'élève en grosses volutes du plancher et vient lécher nos corps immobiles. Fred et Georges semblent peu sereins et je conserve un air déterminé pour les rassurer.

En posant ma main à même le sol, je ressens comme un tressaillement dans le flux qui nous entoure et, d'un seul coup, toute magie disparaît, aspirée par ces émanations évanescentes. Au bout de quelques secondes d'incertitudes, l'épais nuage laiteux se disperse dans l'air et notre visibilité revient enfin. Je remarque alors que mon ami s'est levé sur ses pieds et qu'il semble prêt à intervenir au moindre souci. Il sait cependant qu'il ne doit en aucun cas pénétrer dans le cercle une fois le rituel en marche.

Je reporte rapidement mon attention sur Fred et Georges, et je manque un hoquet de stupeur. Devant moi, brille dorénavant un puissant flux de magie d'une pureté sans pareil qui les entoure d'une lumière jaune vive et les relient l'un à l'autre par un épais flot mouvant. Mon air estomaqué ne passe pas inaperçu aux jeunes hommes et je vois Georges relever la tête pour observer cette lumière liquide qui glisse entre ses doigts avec grâce.

D'un geste doux mais néanmoins autoritaire, j'appuie sur son front et le force à reposer sa tête au sol. Je n'arrive pas encore à parler, je suis estomaquée et en même temps si fière de Remus et moi. Nous avons réussi, enfin. Il y a tant à faire, tant à découvrir, mais je me permets ces longues secondes de félicité que je partage avec mon ami, et dont le regard ravi fait écho au mien.

Puis je me reprends. Je pose mes mains fraîches sur le front des deux adolescents et ouvre mes sens en grand. Sans avoir besoin d'un quelconque rebond, je ressens avec force le lien magique qui les transperce de part en part. Celui-ci est si pur et si puissant qu'il vibre à travers mes paumes en chatouillant le bout de mes doigts.

En me concentrant, je remarque que, contrairement à ce que j'avais imaginé, ce n'est pas un seul flux unique qui les entoure, mais bien deux flux distincts qui s'entremêlent. Leurs couleurs sont quasiment similaires et, bien que ça soit trop léger pour être repéré du premier coup d'œil, ça n'échappe pas à mon examen attentif.

Je sais que j'ai peu de temps. C'est pourquoi je choisis de le passer à analyser chaque parcelle de ce flux en forçant ma magie à se lier à la leur, sans pour autant interférer car j'ai trop peur des éventuelles conséquences. Je note mentalement chaque détail qui pourrait paraître insignifiant, chaque rupture, ne serait-ce que minime, dans l'écoulement du lien.

Au bout de quinze minutes, Remus me fait un signe signifiant que le temps est écoulé. J'acquiesce pour moi-même et lève ma baguette en prononçant la formule de révocation du rituel.

-Splendide ! s'exclame-t-il une fois assuré que le rituel est terminé. Je ne pensais pas que ça fonctionnerait aussi bien !

Il se penche vers les jumeaux et les aide à se relever.

-Comment ça, vous n'étiez pas sûr que ça marcherait ? s'exclame Georges une fois remis sur ses pieds.

Remus ne répond pas et attrape ma main pour me hisser à mon tour.

-Nous devons faire un rapport à Dumbledore, me dit-il en me donnant une tape joyeuse sur l'épaule. Il voudra être mis au courant et il faut absolument...

Cependant, il n'a pas le temps de finir sa phrase que mon esprit vrille sur lui-même. La réalité échappe à ma conscience et une obscurité comateuse m'envoie chuter violemment sur le sol tandis que les cris de mon ami se délitent en un écho infini.