Avoir l'esprit qui part en vrille (et l'envie de hurler).

- CRÉATURE 66 : Le Ténébreux

- Poisson : Personnage : Neal Cassidy / Baelfire (OUAT)

Ce n'était pas Milah.

Pas vraiment en tout cas, enfin, il le supposait, cela pouvait être tout aussi bien une ombre qu'un fantôme pour ce qu'il en savait, mais vu que certaines autres personnes qu'il avait vues n'étaient pas mortes aux dernières nouvelles, il penchait plutôt pour la première option.

Ce n'était pas la première fois qu'il la voyait d'ailleurs, et il savait pertinemment ce que ça voulait dire au sujet de sa santé mentale (ou plutôt de son absence totale de santé mentale à dire vrai), mais il préférait cela à devoir faire face aux autres ombres nichées sous son crâne.

Au moins, la voix de sa mère ne ressemblait pas à un hurlement, et c'était plus que ce qu'il pouvait espérer recevoir de la plupart des anciens Ténébreux, même si la femme qui se trouvait devant lui n'était de toute façon définitivement pas sa mère.

Mais sa mère était morte depuis maintenant plus de deux cents ans de toute façon, alors dans les faits, en ne l'ayant côtoyé que durant huit ans dont il ne se souvenait pas plus que ça, il ne savait plus qui elle était, enfin, avait été.

Peut-être ne l'avait-il jamais réellement su dans le fond, puisqu'elle avait apparemment laissé éclater sa véritable personnalité d'aventurière et de pirate une fois qu'elle avait pris la mer, et puisqu'il ne l'avait jamais revue depuis, et qu'elle était morte maintenant, non, en effet, il ne savait effectivement plus rien d'elle.

Et peut-être n'était-elle pas la meilleure personne avec qui discuter, pas alors qu'il se sentait encore si en colère contre elle.

Mais il était seul, fatigué, épuisé, son père n'était plus là, il avait toujours aussi peur de devenir ce qu'il haïssait le plus au monde, alors, même si c'était faux, parfaitement mensonger, illusoire, et que cela ne pouvait être que temporaire, il avait besoin d'un soutien sur lequel s'appuyer.

Et ce même si ce soutien n'existait en réalité que dans sa tête, ce qui, à nouveau, était une preuve que sa santé mentale était tout sauf en bon état.

« On dirait que tu avais besoin de me voir…

- J'en ai bien l'impression… Même si du coup ça fait de moi quelqu'un de plutôt pathétique, si la seule personne avec qui je peux réussir à dialoguer c'est une ombre représentant ma mère et issue de mon cerveau… donc avec moi-même. C'est plutôt triste quand on y pense… »

Et triste, ça l'était en effet, il avait du mal à déterminer si il s'agissait d'un fantôme, d'une création de son esprit pour échapper à la folie qui le menaçait (ou au contraire pour s'y jeter à pieds joints, après tout, son esprit n'allait pas bien en ce moment, il s'attendait à tout à ce stade), ou encore si elle était envoyée par les ombres des autres Ténébreux pour le pousser à faire tous les mauvais choix possibles.

Ça n'aurait pas été invraisemblable, son père avait bien halluciné Belle lorsqu'il était au Pays Imaginaire, dont l'ombre de Peter Pan avait endossé les traits, et il avait ensuite cru qu'il était lui-même un fantôme, ou une ombre, ou une hallucination.

De la part des anciens Ténébreux, ça ne l'aurait aucunement étonné.

Alors oui, depuis maintenant plusieurs semaines, il voyait régulièrement des gens qui n'étaient pas là.

Sa mère.

Son père, mais réellement son père, tel qu'il était à Storybrooke, l'homme qui était mort pour tous les sauver, pas le Ténébreux, pas le monstre, pas l'immortel, pas le sorcier à la peau de crocodile, pas le fou au sourire maniaque et au rire hystérique qu'il était forcé de voir partout tout le temps et dont la voix aiguë ne le quittait jamais vraiment.

Il voyait Emma aussi, Henry, Wendy, Morraine, Crochet parfois, et il leur parlait bien sûr, même s'ils n'étaient jamais vraiment là, et qu'il ne faisait que se parler à lui-même dans le fond, il parlait dans le vide.

Parce qu'il n'arrivait de toute façon pas à dormir, et que quitte à faire quelque chose, autant ne pas réveiller quelqu'un pour rien et ne pas aggraver le délitement de son cerveau en discutant avec les ombres des anciens Ténébreux.

Au moins avec ceux-là, il avait à peu près l'assurance de conserver le peu de santé mentale qu'il lui restait encore.

Même si parfois c'était plus difficile de le faire à certains moments qu'à d'autres.

Son esprit était en train de sombrer de plus en plus, et il le savait bien, quelque chose partait en vrille en lui, il peinait souvent à distinguer le vrai du faux, le réel des visions, à chaque instant qui s'écoulait, les voix dans sa tête, la magie qu'il devait utiliser de plus en plus, et qui devenait de plus en plus grisante, presque… addictive.

Quelque chose ne tournait plus rond chez lui depuis qu'il était devenu le Ténébreux, et c'était à prévoir, vraiment.

Il le savait depuis le début en un sens, que c'était un combat perdu d'avance, sa défaite était annoncée depuis longtemps, comme l'avait été celle de son père à l'époque (même si ça n'avait pas été une défaite totale et plus un marché avec les ténèbres qu'autre chose), mais têtu comme il l'était, il refusait de le reconnaître.

La magie noire lui avait déjà volé son père, son enfance, toutes les familles qu'il avait jamais eues, ou aurait pu avoir, et malgré tous ses efforts, elle était en train de briser son esprit à lui aussi, mais elle ne parviendrait pas à le briser complètement.

C'était une promesse.

Une promesse qu'il n'était pas sûr de pouvoir réussir à tenir.

(Comme toutes celles qu'il avait jamais faites en un sens.)

§§§§

Neal Cassidy avait maintenant peur de beaucoup de choses en tant que Ténébreux (ironique, vraiment, il était immortel, invincible, surpuissant, il aurait dû ne plus avoir peur de quoi que ce soit), mais la chose dont il avait le plus peur actuellement, c'était de perdre le contrôle.

Il ne s'agissait pas seulement de la peur de ne plus avoir la dague en sa possession (il l'avait bien cachée pour que personne ne la retrouve jamais, de ce côté-là, il se savait tranquille), même s'il y avait un peu de ça, non, c'était autre chose.

Il avait encore et toujours peur de ses pouvoirs.

C'était idiot, vraiment, il savait s'en servir désormais, il n'aurait pas dû encore en être terrifié, mais…

Mais les Ténébreux, quels qu'ils soient, excepté son père, avaient fini par passer du côté obscur de la Force, ou par sombrer dans la folie, ou comme Zoso, à finalement manipuler quelqu'un afin d'être tués et qu'on abrège leurs souffrances.

Et encore, son père lui aussi s'était perdu de nombreuses fois dans les ténèbres, au point de ne presque jamais réussir à en revenir, et c'était cela aussi qui le terrifiait, que ça puisse lui arriver à lui aussi.

Lui et Belle avaient lu absolument tout ce qui concernait les Ténébreux, et il n'avait pu faire que ce constat amer.

Quand on devenait le Ténébreux, ça ne finissait jamais bien…

Il n'aurait pas dû être étonné, c'était une malédiction, mais désormais, à chaque fois qu'il se servait de ses pouvoirs, peu importe l'occasion, il y avait toujours cette crainte qui envahissait son esprit, et cette petite voix pernicieuse qui se raillait de lui.

Et cette question, atroce, terrible, qui revenait sans cesse.

Quand allait-il bien finir par sombrer puisque apparemment c'était l'issue inévitable quand on devenait le Ténébreux ?

§§§§

Revenir dans la Forêt Enchantée n'avait pas spécialement été l'un des projets de Killian Jones lorsqu'il avait quitté le Pays Imaginaire avec les autres.

Alors déjà, il n'avait pas non plus prévu d'être pris de nouveau (enfin la première fois il n'avait pas vraiment subi la malédiction elle-même mais c'est un détail) dans une malédiction, mais le fait est qu'il ne savait alors pas exactement ce qu'il ferait une fois Peter Pan vaincu.

(Ils ne l'avaient pas vaincu, pas vraiment, ils n'avaient rien vu venir, et ça avait été une grossière erreur, qui avait failli leur être fatale, et sans Rumplestiltskin, ils auraient tous fini par perdre la mémoire et auraient été piégés dans un monde façonné par Peter Pan, un cauchemar en somme.

Oui il devait sa liberté à son plus ancien et pire ennemi, quelle magnifique ironie c'était là.)

Et puis, de toute façon, la malédiction avait balayé d'un revers de la main tous les quelconques plans qu'il avait jamais pus avoir au sujet de son avenir, tout en lui donnant un autre but : retrouver son précieux navire.

Ce qui, il devait le reconnaître était pour l'instant… un échec complet.

Il ne pouvait donc que reconnaître qu'apprendre qu'il y avait un nouveau Ténébreux dans la Forêt Enchantée avait au moins eu le mérite de le sortir de sa routine.

« Le Crocodile n'est pas resté si mort que ça en fin de compte ? Marmonna-t-il à Mouche lorsque celui-ci lui apprit la nouvelle, ne sachant pas s'il devait se sentir agacé de savoir que son némésis était peut-être revenu, ou heureux que Baelfire soit réuni avec son père.

- Pas… exactement non, fit alors le pirate. Il est toujours mort à vrai dire. En fait… c'est son fils qui a pris sa place. »

Le capitaine se figea immédiatement, stupéfait.

« Quoi ? Depuis combien de temps ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Aux dernières nouvelles la fonction de Ténébreux n'était pas héréditaire (et quant bien même Neal n'aurait-il pas dû le devenir au moment de la mort de son père ?), alors comment est-ce que ça avait bien pu arriver ?

- Hé bien… Apparemment, il a ouvert le caveau du sorcier en espérant que ça ramènerait son père à la vie et… enfin disons que ça n'a pas très bien marché.

- Un bel euphémisme, il s'est complètement foiré en somme, rétorqua-t-il avec un air maussade. »

Il ne savait pas vraiment quoi penser de tout ça, Baelfire, enfin, Neal était…

Il était devenu le Ténébreux.

Il était devenu comme son père, était devenu ce qu'il haïssait le plus, sans l'avoir réellement voulu, voilà qui était à la fois cocasse et terriblement triste, tragique aussi, et lui et l'ancien enfant perdu n'étaient pas vraiment proches, enfin pas autant qu'ils avaient pu l'être au Pays Imaginaire avant que Baelfire ne voit finalement son vrai visage, mais il se sentait véritablement peiné pour lui.

Il était maintenant un sorcier surpuissant immortel, et l'était devenu non pas en tuant quelqu'un mais en voulant sauver son père de la mort.

Le destin avait vraiment un sacré sens de l'humour de merde quant même…

Malgré tout, le pirate était plutôt curieux de la manière dont les choses allaient tourner, et si son ami (enfin, ami, le mot était peut-être un peu fort, allié convenait mieux, et au vu des circonstances et de leur passé commun, c'était déjà mieux que rien) allait devenir un Ténébreux comme son père ou tout à fait différent de lui.

Il aurait aimé être là pour voir ça, vraiment…

A suivre…