.

"Je vais déjeuner dans dix minutes. Pensez-vous que vous pourrez avoir fait ce mémo pour que je puisse l'approuver ?" demande-t-il sarcastiquement depuis la porte de son bureau.

"J'ai presque fini. Puis-je souligner que vous venez de me le donner il y a cinq minutes ?" dis-je, avec un doucereux écœurement. Une fois qu'il a eu soufflé et tourné le dos pour regagner son bureau, je lui ai tiré la langue.

J'ai vérifié l'orthographe puis relu ce que j'ai tapé. Merde, ce mec est un âne exigeant. Cette note dit aux chefs de services de renvoyer les stagiaires chez eux s'ils ont plus de cinq minutes de retard pour les visites et de les suspendre pendant une semaine, sans salaire.

"Mademoiselle Swan !" crie-t-il.

Je roule des yeux et lui tends le papier et je ne suis pas surprise quand il me l'arrache de la main.

Il le relit.

"Vous pouvez l'envoyer avant de déjeuner. Il suffit de le poster par mail sur le site de l'hôpital."

"Quoi, vous n'avez pas besoin de moi pour séduire les vieux grigous du Conseil ?" je rétorque.

"Non, ça c'est pour demain, habillez-vous."

"Je suis toujours habillée convenablement," j'objecte. "Oh vous voulez peut-être que je montre plus mes seins. Je vois."

Il regagne son bureau précipitamment en claquant la porte.

Je rigole tranquillement.

"Bonjour ? Pouvez-vous vous occuper de moi ?"

Je fais pivoter mon fauteuil pour faire face à la personne à laquelle cette voix appartient. C'est la blonde du Lounge. Celle de la laitue, concombres et vinaigrette sur le côté pour ne pas grossir.

"Comment puis-je vous aider ?" je demande.

"Dites à Edward que je suis là pour le rendez-vous du déjeuner," dit-elle en insistant davantage sur les mots rendez-vous.

"Puis-je lui dire pour qui est-ce ?"

"Il le saura," dit-elle hautainement.

"Oui mais moi je ne le sais pas," dis-je poliment.

"Faites-le," insiste-t-elle.

Bien alors.

Je prends le téléphone et l'appelle sur l'interphone.

"Quoi ?!" aboie-t-il.

"Votre rendez-vous… de déjeuner est ici," dis-je.

"Dites à Kate que j'arrive dans quelques minutes," dit-il puis il raccroche.

"Il sera là dans quelques minutes," dis-je à Kate.

Elle soupire et s'assied dans le canapé. Elle croise ses longues jambes et a l'air de s'ennuyer.

La porte s'ouvre trois minutes plus tard. Elle sourit modestement et se lève. Elle s'approche de lui et lui donne un baiser.

"Tu sais que je déteste attendre. J'ai une chirurgie à deux heures," dit-elle doucement.

Cette femme est médecin ? Et qui déjeune régulièrement. Où dois-je signer ? Ah oui c'est vrai... il faut que je finisse mes études de médecine d'abord.

"Je sais. J'ai dû attendre pour le mémo," dit-il sciemment.

"Vous l'avez eu avant midi," je lui rappelle en le regardant par dessus l'écran de l'ordinateur.

Il plisse des yeux vers moi.

J'ai dit quelque chose de mal ?

"Bon j'ai faim, allons-y. Je suis sûre qu'elle peut gérer les choses pendant que tu es absent… je sais bien à quel point ça peut être difficile," dit-elle dédaigneusement.

Il attrape son manteau et l'escorte. J'attends qu'ils partent avant d'envoyer le mémo et de déjeuner. Il y a deux jours j'ai décidé que manger à la cafétéria n'était source que d'ennui. On me considère comme de la viande fraîche. Un gars m'a dit que c'était parce que j'avais moins de trente ans, n'avais aucune maladie physique et que j'étais sexy. Je lui ai répondu que j'étais ici pour le traitement de la syphilis. Le gars m'a dit que la pénicilline m'en débarrasserait en sept à dix jours et de l'appeler ensuite.

Ouais, non merci.

Une fois que j'ai fini de manger, j'appelle Alice pour avoir des nouvelles de Charlotte. Elle me dit qu'elle a dû augmenter les médicaments parce qu'elle avait eu une crise d'asthme et qu'il me fallait une nouvelle ordonnance pour plus de Ventoline. J'ai raccroché en soupirant jusqu'à ce que je réalise que j'avais une assurance et que je pouvais réellement en profiter puisqu'elle ne bénéficie plus de l'aide jusqu'à la semaine prochaine. Oh waouh! Il faudrait aussi que j'appelle la personne qui s'occupe du dossier de Charlotte pour voir comment mon travail pourrait affecter les aides de l'état. Je ne suis pas du genre à profiter du système mais même avec une assurance, les factures seraient toujours difficiles à payer sans l'aide médicale.

Je fredonne un petit air optimiste quand Edward revient avec Blondie à sa suite. Elle lui sourit avec séduction et l'embrasse longuement.

Je hausse les sourcils en voyant cela. Ok Edward Cullen a une petite-amie. Intéressant.

J'espère qu'il se lâche un peu au lit.

Et pourquoi est-ce que je pense à lui au lit ?

Je secoue la tête pour m'éclaircir les idées.

"Quoi ? Vous n'approuvez pas ?"

Je regarde Edward.

"Je suis désolée ?"

"Vous secouez la tête. Je suppose que vous n'approuvez pas Kate."'

"Kate est la moindre de mes préoccupations. Et c'est votre bureau donc vous êtes libres de faire ce que vous voulez," dis-je.

Sa réponse est de claquer la porte de son bureau après y être entré.

Quel est son problème ?

Il est presque l'heure d'arrêter et j'essaie de me calmer pour demander à Edward de me conseiller un médecin ici car le médecin qui prescrit la ventoline est en vacances et le secrétariat ne peut pas approuver un autre renouvellement.

Mais avant que je puisse faire ça ma porte claque contre le mur et cette petite femme aux cheveux rouges fait son entrée.

Je jure que je peux voir de la fumée sortir de ses oreilles.

"En quoi puis-je vous aider ?" je demande en hésitant.

"Où. Est. Il ? demande-t-elle.

Sans un mot je fais signe vers son bureau fermé. Je ne vais pas me mêler de ça.

Elle hoche la tête et ouvre la porte de son bureau.

"Enfer qu'est-ce que c'est que ça ?" hurle-t-elle.

J'essaie de me pencher le plus possible dans mon fauteuil pour voir ce qu'il se passe dans le bureau.

"C'est un mémo."

"Je sais que c'est un mémo mais pourquoi est-il dans ma boîte?"

"Vous êtes le Chef du service Cardio non ?"

"Vous voulez que je renvoie mes stagiaires s'ils sont en retard ? Est-ce que je suis leur mère ? Et pire que ça... comment pourrai-je faire mon propre travail s'il fallait que je gère ça ? C'est la meilleure façon d'énerver les infirmières."

"Qu'est-ce que les infirmières viennent faire là-dedans ?" demande-t-il.

"Si les stagiaires ne sont pas là pour changer les bassins et prendre les températures, ça retombe sur les infirmières que je suis sûre que je ne mettrai pas le doigt dans le cul de quelqu'un à moins que ce ne soit au troisième rendez vous et que je me sentirai vraiment perverse."

Je ricane et ensuite mets ma main devant ma bouche et j'espère vraiment qu'il ne m'ont pas entendue.

La chance n'est pas de mon côté cependant puisqu'Edward sort et s'installe sur mon bureau.

"On dirait que nous amusons ici mademoiselle Swan alors pourquoi ne pas continuer ?" dit-il.

"Je me fiche de savoir où nous le faisons, Edward. Cela peut être devant le putain de pape pour tout ce que je veux... je ne respecterai pas ce mémo."

Il réfléchit un moment.

"Bien, je vais l'enlever. Rappelez-leur seulement que s'ils continuent à être en retard c'est à moi qu'ils auront affaire..."

Elle hoche la tête vivement puis s'éloigne pour partir.

"Pas si vite O'Connell !"

Elle se tourne pour lui faire face.

"Oui votre Altesse ?"

Oh je l'aime vraiment.

"Je veux vous présenter Bella Swan."

Quoi ?

"D'accord ? Salut." Elle me fait un signe sarcastique de deux doigts. "On a fini maintenant ?" Elle lui demande.

"Non." Il prend la photo sur mon bureau. Je commence à objecter mais son regard féroce me fait taire.

Il lui tend la photo. Elle roule les yeux et la regarde. Puis son expression 'j'en ai rien à foutre bordel de merde' se transforme en "Sainte merde". Elle me regarde avec stupeur.

"Oui, je suis de la famille d'Alice, et alors ?" dis-je.

"J'emmerde Alice. Quel est le diagnostic de l'enfant ?" demande-t-elle.

Oh.

"HLHS".

"Quel âge a-t-elle ?" demande-t-elle.

"Trois ans, presque quatre." je réponds.

"Dans quel établissement est-elle ?"

"Aucun. Elle est à la maison, avec moi."

"Vous déconnez ?"

"Non, je déconne pas."

"Quel est son pronostic ?" demande-t-elle, en s'asseyant sur le canapé et en se mettant à l'aise.

Je déglutis et repousse mes larmes.

"Elle est inscrite à l'UNOS. Nous... attendons."

Elle regarde de nouveau la photo.

"Elle ne peut pas attendre plus longtemps," remarque-t-elle.

"Je le sais."

"Je veux que tu t'occupes d'elle, Maggie," dit Edward.

Nous le regardons toutes les deux, choquées.

"C'est une bombe à retardement, Cullen," objecte Maggie.

"C'est précisément pourquoi tu dois être proactive maintenant."

"Elle a besoin d'un cœur, Edward. Je ne peux pas simplement appeler le 1-800-AcheteUnOrgane."

"Bien sûr, tu ne peux pas. Cela ferait beaucoup trop de chiffres," dit-il sèchement.

J'aurais pu apprécier cette preuve d'humour s'ils n'avaient pas parlé de ma fille.

"Excusez-moi ? La mère de l'enfant en question, est ici !" Je leur fais remarquer.

"Amenez-la demain ! " exige Maggie.

Je regarde Edward pour avoir sa permission.

"Ah oui. Tu dois travailler. Demande à Swan de l'amener. Bon sang, demande à Dumbo l'éléphant volant de l'amener mais fais-la venir ici. Neuf heures pile," dit-elle.

Je hoche la tête. "Attendez, pouvez-vous lui donner de la Ventoline pour ce soir ? Je ne sais pas si j'en aurai assez pour tenir jusqu'à demain. Son médecin traitant est en vacances."

"Les médecins prennent des vacances... ?" Elle a l'air sincèrement confuse.

"Assez fréquemment, il semblerait."

"Je vais appeler la pharmacie de l'hôpital dans les quinze prochaines minutes. A demain."

"Merci." Je crie pendant qu'elle s'éloigne.

" Vous êtes prête ?" demande Edward.

"Je peux prendre le bus." lui dis-je.

"Il pleut."

"C'est Forks. Il pleut toujours."

"C'est sombre."

"C'est la nuit."

" Vous pourriez vous faire violer ou attaquer," fait-il remarquer

Maintenant, il se raccroche vraiment à n'importe quoi.

"J'ai l'air d'une droguée épuisée qui s'amuse à se déguiser dans les vêtements d'une dame riche qu'elle a donnés à Emmaüs quand elle a vidé son placard de la dernière saison ?" dis-je en faisant référence à mon apparence hagarde, maigre et fatiguée.. Il me faudrait beaucoup plus de sommeil et de repas avant que je puisse ressembler à ce que j'étais avant Charlotte. "Je suis sûre qu'il y a des femmes plus attirantes qu'ils poursuivraient."

Puis je réalise à quoi ça ressemble.

Je gémis.

"Je suis vraiment désolée. C'était complètement inapproprié à bien des niveaux."

Il s'éclaircit la gorge et se lève.

"Je vais juste aller chercher mon manteau," dit-il d'un ton guindé.

Je l'ignore juste et maudis mon manque de filtre avant d'attraper mes affaires. Je décide qu'après ça je ne peux pas faire face à un trajet de retour avec lui et je pars avant qu'il ne sorte.

J'attends à l'arrêt de bus sous la pluie froide alors que je pourrais être au chaud et déjà à la maison. La vie craint parfois. Le bus vient de s'arrêter et je fais la queue pour monter, cherchant ma carte de bus dans mon sac, quand une main forte me saisit le bras et me fait sortir de la file. Tout ce que je peux penser est qu′Edward avait raison et que c'est mon karma pour avoir été si désinvolte.

"Je n'ai pas d'argent !" dis-je.

"J'en ai plein," chuchote-t-il à mon oreille.

Je me dégage de la prise d'Edward et je le frappe sur la poitrine. Son torse est dur et musclé.

"Connard ! Pourquoi fallait-il que vous m'effrayiez comme ça ?"

"Eh bien, si vous m'aviez attendu au lieu de fuir, je n'aurais pas eu à vous effrayer. Ça vous apprendra à me désobéir."

"Vous obéir ? Je n'obéis à personne. De plus, je ne suis plus en service, Dr. Cullen." Je lui fais remarquer, horrifiée par son audace. "Maintenant, si ça ne vous dérange pas, j'ai un bus à prendre." Je l'esquive et me dépêche de monter.

Je l'entends souffler puis il se pousse devant moi pour accéder à la porte du bus.

"Je vous paierai cinq cents dollars si vous refusez de la laisser monter," dit-il au chauffeur du bus, qui écarquille les yeux.

"Vous êtes cinglé ? " je crie.

Je regarde le chauffeur d'un air suppliant.

"Désolé, madame, ça va nourrir ma famille pendant un mois," dit-il en prenant l'argent et en fermant les portes devant moi.

Choquée, je regarde le bus s'éloigner. Je me retourne pour lui faire face.

"C'est quoi ce bordel ?" je crie.

Il se penche très près de moi.

"J'ai toujours ce que je veux, Mlle Swan. Et là, ce que je veux, c'est que vous mettiez votre petit cul maigre, fatigué et hagard dans ma voiture et que vous me laissiez vous ramener chez vous. Maintenant !" dit-il.

Je souffle juste, croise les bras et le regarde.

"S'il vous plaît !" crache-t-il.

Je regarde l'arrêt de bus vide et ensuite mes vêtements mouillés puis sa voiture au ralenti sur le trottoir et probablement très chaude.

Argh.

"Bien. Mais seulement parce que vous avez dit s'il vous plaît..." dis-je, en levant le nez et en montant dans sa voiture.

J'espère que j'ai ruiné ses sièges en cuir.

"Pour l'amour de..." marmonne-t-il avant de claquer ma portière et de monter de son côté.

Il continue à marmonner en mettant sa ceinture de sécurité.

"Imbécile têtue, ne sait pas ce qui est bon pour elle. Je vais... argh."

Je me redresse juste dans mon siège et je souris.

Maintenant, il sait ce que je ressens.