Chapitre 8 :

Le cabinet de la psychomage Linda Cross était en fait son salon. La pièce était chargée de bibelots magiques en tout genre. Des dessins d'enfants étaient fièrement encadrés sur les murs, même si de l'avis de Draco ils étaient moches mais comme la sorcière les regardait avec fierté dès qu'elle passait devant il s'était gardé de donner son avis sur la chose –et pourtant il s'y connaissait en art-. Les fauteuils étaient vieux, dépareillés mais confortables et il y avait aussi beaucoup de plantes vertes de toutes sortes. En fait, où qu'on posa les yeux, il y avait quelque chose à voir. Et il y avait tout le temps du bruit aussi, que ce soit les horloges, le gramophone ensorcelé, le chat, ou les deux fantômes qui hantaient la maison depuis des décennies (un vieux couple décédé dans les années 1910 après avoir mangé quelque chose d'avarié d'après ce que Draco avait compris). Le silence n'était jamais complet dans cette maison.

Bref, c'était à l'opposé des cabinets de tous les autres psychomages que Draco avait fréquenté. Peut-être pour ça que ça ne le dérangeait pas de venir ici. Il aimait bien les gens qui sortaient un peu des sentiers battus même si cette affection pour eux datait plutôt d'après la guerre. Quand il était devenu une sorte de paria lui-même.

-Toujours des cauchemars ? demanda le docteur Cross après leur avoir servi le thé.

La sorcière avait la soixantaine, une chevelure grisâtre négligée et un léger embonpoint. Mais elle avait des traits fins, des yeux bleus superbes, légèrement en amande et une bouche bien dessinée. Elle était encore jolie mais Draco était persuadé qu'elle avait été à couper le souffle autrefois.

Et si Draco aimait les gens originaux, il avait aussi un gros faible pour les personnes belles et tant pis si ça faisait de lui quelqu'un d'un peu superficiel. Il était toujours plus agréable de converser avec quelqu'un à l'esthétique agréable qu'avec un Rubeus Hagrid.

-Beaucoup moins, admit Draco.

Les exercices de relaxation moldus que la sorcière lui avait appris et qu'il devait faire avant de se coucher semblaient faire leur effet, même si Draco n'y avait guère cru au début.

Linda Cross lui envoya un sourire soulagé, comme si elle se souciait vraiment de son bienêtre. Ça aussi ça différait des autres psychomages à qui Draco avait eu à faire.

-J'en suis ravie. Un bon sommeil est nécessaire pour que vous puissiez réapprendre à utiliser la magie. Comment s'est passé votre week-end ?

Draco n'avait pas envie de s'appesantir sur le weekend qu'il avait passé chez Potter, il voulait en venir au vif du sujet aujourd'hui. Ce n'était pas toujours le cas, parfois il faisait traîner les choses avant d'en arriver à parler de la magie noire, de Voldemort et de toutes les parties sombres qui entouraient son passé. Mais cette fois il était plutôt content de lui.

-Bien. Je n'ai fait de la magie noire qu'une fois depuis notre dernier rendez-vous.

-Une seule fois ? C'est un progrès énorme ! En quelle occasion ?

Draco se renfrogna et s'enfonça un peu plus dans son fauteuil.

-C'était vendredi, après le dernier cours, j'ai reçu une beuglante d'un parent d'élève. Ce connard m'a un peu énervé. Du coup lorsque je suis rentré dans ma chambre j'ai malencontreusement fait exploser ma réserve de bouteilles d'alcool.

-Quel gâchis, souffla Cross navrée mais Draco l'entendit.

-Ouaip, dans les pertes à déclarer, il y avait entre autre un inestimable whisky pur feu de mon année de naissance….

-Une bonne année je suppose ?

-J'aime à le penser, se rengorgea Draco.

Cross eu un léger rire et après un léger mouvement du poignet sa cuillère tourna toute seule dans sa tasse. Draco regarda la magie en œuvre presque hypnotisé. Envieux était le mot juste, il se demanda pour la millième fois si un jour il parviendrait à réaliser de nouveau un sortilège aussi simple. Cross était confiante…lui ne savait pas trop. Mais il avait promis à Potter (et plus important il se l'était promis à lui aussi) d'essayer, alors il continuait à venir ici trois fois par semaine.

-Et que disait la beuglante ?

Draco se crispa imperceptiblement avant d'essayer de prendre un air détaché.

-Oh, les trucs habituels, comme quoi je ne devrais pas enseigner à des enfants car j'étais un fichu déviant sexuel qui aimait la prendre dans le cul, doublé d'un enfoiré de mangemort, saupoudré d'un salopard de sang-pur dont la famille doit probablement pourrir en enfer. Ça m'apprendra à mettre un « Désolant » sur la copie du fils d'un ancien sous fifre de mon père, la prochaine fois, je lui mettrais directement un « Troll ».

-Vous en avez parlé à votre…ami ?

Draco jeta un coup d'œil agacé à sa psychomage. Potter n'avait vraiment pas besoin d'être au courant du moindre petit harcèlement sur sa personne.

-Je ne suis pas certains qu'il apprécie que je rabaisse la note d'un élève juste pour me venger de son père, grimaça-t-il. Il est plutôt du genre à faire ce qui est juste et bon…Il dirait un truc comme «Malfoy, les enfants ne sont pas responsables des actions de leurs parents, toi-même devrait le savoir plus que quiconque. Et maintenant, je vais faire quelque chose d'incroyablement courageux comme protéger une veuve et un orphelin au péril de ma vie car il est déjà midi et je n'ai encore sauvé personne aujourd'hui. »

-Je ne parlais pas de ça mais du fait qu'on vous envoie encore des beuglantes. Ça fait partie des choses qu'on se dit dans un couple, vous ne pensez pas ? Vous ne voudriez pas savoir si il lui arrivait la même chose ?

Bien sûr qu'il voudrait savoir mais Harry n'avait pas besoin de gérer ses problèmes, surtout en ce moment où il stressait de peur de louper ses examens. Etre un poids pour Potter était la dernière chose que Draco voulait.

-J'ai sur-réagis avec cette histoire de beuglante, répondit-il avec un sourire faussement contrit, ça n'aurait pas du m'atteindre autant, mais la journée avait été éreintante. J'imagine que je suis plus à fleur de peau quand je suis fatigué. La prochaine fois je ne perdrais pas mon sang froid.

-Peut-être est-ce là le fond de votre problème Draco ? Vous voulez tellement tout contrôler que votre magie finit par exploser. Il est plus sain d'hurler un coup, voir de frapper dans un sac de sable. C'est normal d'être en colère quand on se fait injustement insulter. J'aurais été furieuse aussi. Il ne faut pas vous en vouloir d'avoir perdu le contrôle, c'est humain.

-Humain, renifla Draco dédaigneusement. Les humains sont capables du meilleurs comme du pire ce n'est pas pour ça qu'il ne faut pas leur en vouloir quand ils font le pire. Et je ne veux pas tout contrôler.

Linda Cross soupira comme si elle avait à faire à un enfant buté. Draco détestait quand elle faisait ça.

-Vous avez fait exploser des bouteilles d'alcool, dit-elle d'une voix douce, les vôtres en plus, pas un élève, pas Poudlard. L'incident n'a fait aucune victime(1) Draco, il n'y a donc rien à pardonner. Et oui vous êtes constamment dans le contrôle. Ça va faire deux mois qu'on se voit et nous sommes liés par le serment inviolable, je ne peux donc rien répéter de ce qui se dit dans cette pièce mais vous n'avez encore jamais laissé échapper le nom de votre amant. Je crois juste avoir deviné qu'il est Auror ou médicomage, qu'il aide les gens en tous cas et qu'il ne veut pas que son entourage sache qu'il sort avec un homme. Avec vous.

Ce n'est pas son entourage le problème, pensa Draco, c'est le reste du monde sorcier !

-Bien joué Sherlock ! Mais il tient à sa vie privé et je respecte ça. A vrai dire, je n'ai pas vraiment envie qu'il reçoive des beuglantes lui aussi. Il ne mérite pas ça.

-Très bonne référence moldue ! s'extasia la sorcière impressionnée, j'en déduis donc aussi qu'il est un né-moldu ou un sang mêlé tout du moins… à moins que votre gout pour les classiques moldus comme Sherlock Holmes ne vienne pas de lui. Mais je vous taquine. Je me fiche de savoir son nom, de toute façon qui que ce soit je devrais le garder pour moi. Ce qui m'indiffère moins c'est que vous l'aimez plus que vous ne vous aimez. Vous ne pouvez pas continuer à vous détester.

Draco allait protester, après tout il s'aimait assez, merci bien. D'ailleurs tout le monde s'accordait pour dire qu'il avait une assez haute opinion de lui-même et c'était la première fois qu'on lui disait l'exact opposé…Non, c'était faux, Potter ne lui avait jamais dit aussi clairement mais lui aussi pensait que Draco ne s'aimait pas assez. Mais Harry le voyait plus grand et plus digne qu'il ne l'était en réalité. Il le voyait avec les yeux d'un homme amoureux, donc son jugement était forcément biaisé. Et forcément temporaire aussi mais l'ancien serpentard n'aimait pas penser à ça. Ça lui donnait envie de mordre quelque chose ou de s'écrouler et de se mettre à pleurer. Ou faire les deux en même temps.

Linda Cross poursuivit d'une voix à la fois impitoyable et douce et chacun de ses mots lui firent l'effet d'un coup de massue.

« -Il faut vous aimer Draco Malfoy. Voldemort vous a obligé à faire des choses affreuses. Oui, obligé, quoi que vous en pensiez : torturer ou être tuer ce n'est pas un choix, ça s'appelle de la survie. Vous avez survécu. Maintenant il vous faut vivre.»

°O°O°O°

-Comment vas-tu mon fils ?

Draco profita de l'étreinte de sa mère encore quelque instant avant de la relâcher pour lui répondre.

-Très bien. Et toi, maman ?

-Toujours quand je te vois, répondit-elle tout en glissant ses mains derrière le col de sa veste pour semble-t-il l'arranger.

Draco se demanda si c'était des reproches déguisés pour ne pas venir la voir aussi souvent qu'un bon fils devrait le faire. Ils s'assirent sur le banc, profitant du parc pour les premières chaleurs printanières de l'année. Narcissa ne le recevait presque jamais chez elle. Draco savait qu'elle avait honte de son appartement trop petit et bas de gamme, ce qui était ridicule, la voir vivre en dessous de sa condition sans se plaindre et avec son éternelle distinction de lady le rendait incroyablement fier. Il espérait parvenir un jour à lui offrir une maison où elle aimerait vivre mais pour l'instant son salaire de professeur à mi-temps ne lui apportait que de maigres économies. Heureusement que Pouldard lui fournissait le gite et le couvert.

-Comment va ton travail ? Je sais que les jeunes étudiants peuvent être difficiles surtout quand les beaux jours approchent… Ils ont des envies de liberté.

-Et de batifoler du moins pour les plus vieux d'entre eux, soupira Draco en regardant un couple de canard s'ébattre dans l'étang en face de lui comme s'ils cherchaient à illustrer ses propos. Le printemps leur donne des ailes.

-Ah, les amours de jeunesse…souffla sa mère doucement. Ce sont à la fois les meilleures et les pires. Toutes les filles voulaient aller au bal avec ton père mais nos familles avaient décidé qu'il irait avec moi. Il m'a dit « Mon père m'a demandé de t'inviter » comme s'il s'agissait d'une corvée, je l'ai détesté pour ça. J'ai décidé de le faire tomber éperdument amoureux de moi et de piétiner son cœur ensuite. Mais je suis tombée amoureuse aussi, prise à mon propre piège.

-Tu regrettes ? demanda Draco la gorge soudainement sèche, c'était la première fois qu'il osait lui poser la question. De l'avoir choisi lui…

Narcissa soupira et attrapa sa main. Les doigts fins et délicats de sa mère tremblaient un peu, il les serra doucement.

-Je regrette de ne pas avoir vu qu'il faisait les mauvais choix. Je regrette d'avoir été aussi aveuglée que lui par le pouvoir et par la vision d'un monde purifié qu'avait le seigneur des Ténèbres. Un monde où on aurait dû vivre en maîtres. Je regrette de ne pas avoir su le protéger de lui-même et qu'il t'ai entrainé dans tout ça malgré lui. Et plus que tout, je regrette que les détraqueurs soient ceux qui ont eu son dernier baiser alors que ça me revenait de droit, et que son âme était à moi, pas à ces monstres. Mais regretter de l'avoir choisis, de l'avoir aimé…jamais je ne pourrais.

Draco ne sut pas quoi dire, une énorme boule avait pris place dans sa gorge et ses yeux commençaient à piquer. La dernière chose qu'il voulait était de pleurer devant sa mère alors qu'elle lui parlait de à cœur ouvert pour la première fois de sa vie. L'entendre parler ainsi de son père le rendait absurdement émotif. L'homme lui manquait. Il y avait longtemps qu'il ne portait plus Lucius aux nues. Il avait été aux premières loges quand son père avait été descendu de son piédestal, soumis dans sa propre maison, traité comme un pion, ridiculisé…L'homme que Draco pensait si puissant avait failli, avait courbé l'échine encore et encore, et ses choix avaient impacté dans la vie de Draco de la pire façon possible mais ça n'empêchait pas que sa perte continuait de le faire souffrir.

Il supposait que les liens entre pères et fils étaient trop complexes pour se résumer à juste de la haine ou juste de l'amour.

-Je l'ai aimé, reprit Narcissa. Mais je me dis qu'une autre femme que moi aurait peut-être fait de lui un homme différent, un homme qui aurait survécu. Nous nous sommes confortés l'un et l'autre dans le fait que nous méritions d'être les rois de ce monde. Je n'aime pas les sangs de bourbe, ni les sangs mêlés et les cracmols sont d'après moi, simplement une aberration…Je déteste cette société dans laquelle on vit, où les vieilles familles ne sont plus respectées, où les traditions sont bafouées. Une société qui me traite en paria, moi Narcissa Malfoy née Black.

La boule dans la gorge de Draco était carrément devenue douloureuse à présent. La culpabilité déferla sur lui par vagues glaciales. Le fait d'avoir un fils dont l'homosexualité avait été étalée en grosses lettres dans les journaux à scandales ne devait pas aider sa mère à être acceptée par la bonne société sorcière.

-J'essaie de redonner ses lettres de noblesse à notre nom, parvint-il à dire d'une drôle de voix un peu croassante.

Sa mère posa sur lui un regard effaré.

-Oh Draco, ce n'était pas un reproche ! Tu es la seule raison pour laquelle je peux encore marcher la tête haute dans les rues sorcières. Tu es un battant, tu es plus fort que ton père, plus fort que moi. Je t'ai vu t'adapter à tous les changements de cette nouvelle société. Je t'ai vu te relever à chaque fois que tu es tombé, seul, sans l'aide de personne. Draco, tu ferais la fierté de n'importe quelle mère. Tu n'as pas besoin de redorer quoi que ce soit, tu n'as jamais cessé de briller à mes yeux.

Draco eut un petit rire nerveux et lâcha la main de sa mère. Il ne méritait pas autant de considération mais il supposait que les mères étaient toujours un peu aveugles quand il s'agissait de leur progéniture.

-Je ne pense pas que j'ai brillé à tes yeux quand tu as compris pour mes inclinations contre-nature, se crut-il obligé de dire pour salir l'image de fils prodige qu'elle semblait avoir de lui aujourd'hui.

Narcissa pinça les lèvres et fixa l'horizon. Ils n'avaient jamais vraiment parlé de l'homosexualité de Draco. Il ne lui avait jamais dit pour Potter mais parfois il avait l'impression qu'elle savait.

-Je ne peux pas dire que ton choix de vie me transporte de joie, dit-elle enfin avec une moue dédaigneuse. J'aurais aimé que tu poursuives la lignée des Black et des Malfoy. Être grand-mère n'a pas l'air d'être si affreux que ça, j'aurais pu m'y faire.

-Ce n'est pas vraiment un choix, précisa Draco essayant de se dédouaner, ça m'est plutôt tombé dessus.

Sa mère lui envoya un regard condescendant. Il détourna les yeux, un peu agacé sans savoir pourquoi.

-Je pense que je l'ai su avant toi, dit-elle soudainement.

Su quoi ? Qu'il était gay ? Il grimaça, fixant résolument l'étang, se demandant ce qu'il avait laissé échapper dans son adolescence, lui qui était tellement sur de tout maitriser. Il espérait surtout qu'elle n'était pas tombée sur lui alors qu'il faisait un rêve humide sur ses joueurs de quidditch préférés –l'équipe des Faucons de 1995 était composée, entre autre, de quatre gars absurdement torrides-.

-J'ai compris que tu l'aimais la première fois que tu as parlé de lui, reprit-elle comme si il avait posé la question à haute voix. J'espérais me tromper bien sûr, ou que ce ne soit qu'un béguin d'enfant qui perdrait vite son intérêt…Je me souviens de ton regard brillant d'excitation et d'inquiétude en même temps, comme si tu venais d'attraper une fièvre et que tu ne savais pas comment t'en dépêtrer tout en étant ravi de sentir ta tête tourner pour la première fois. « Le garçon de chez Guipure ». C'est comme ça que tu l'as appelé ce jour-là.

En comprenant qu'elle faisait référence à Potter, Draco tourna si brusquement la tête vers elle qu'il entendit son cou craquer.

-C'est-c'est tout bonnement ridicule ! balbutia-t-il se sentant rougir.

Il ne souvenait même plus d'avoir parlé de cette malheureuse rencontre à qui que ce soit. Et il était positif sur le sujet, dès le début, à chaque fois qu'il parlait de Potter c'était pour le tourner en ridicule ou bien faire valoir à quel point il l'exécrait. Que sa mère ait trouvé de l'amour là-dedans dépassait l'entendement.

Pour toute argumentation, sa mère se contenta de tapoter son bras.

°O°O°O°O°

-Peut-être qu'on pourrait manger avec ma mère un de ces jours ?

Potter cessa sa discussion en fourchelangue avec Marc-Antoine et se tourna vers lui en clignant des yeux.

-Pardon ?

Draco termina d'essuyer le verre avec application avant d'en attraper un autre. C'était étrange la quantité de courage que ça lui avait demandé pour poser cette question mais maintenant qu'elle flottait encore dans l'air de la cuisine, autant aller jusqu'au bout. Il avait toujours trouvé ça incroyablement ridicule que les gens stressent à l'idée d'une rencontre parents-amants, peut-être était-ce parce que durant toute son enfance et une grande partie de son adolescence il avait pensé qu'il épouserait une femme qui servirait les intérêts de la famille Malfoy et dont son père aurait validé depuis longtemps la simple existence. Mais à présent qu'il se retrouvait avec toutes ses certitudes bouleversées il comprenait un peu mieux les enjeux d'un tel rendez-vous.

-Je l'ai vue samedi dernier et elle sait pour nous, dit-il d'une voix neutre comme si le fait que sa mère ait compris qu'il était fou amoureux de l'homme qui avait fait tourner la guerre en leur défaveur n'était pas une grosse affaire.

-Tu lui as dis ?

Potter avait l'air presque offusqué et une désagréable sensation d'oppression prit place dans l'estomac de Draco.

-Elle a deviné, rectifia-il en plissant les yeux. Ma mère me connait et elle est loin d'être stupide.

Draco se sentait comme un crétin de devoir se justifier. Après tout, les seuls au courant de leur mise en couple étaient des proches de Harry, il aurait été normal voir attendu que Draco l'annonce aussi à sa propre mère. Mais il n'avait rien fait, Narcissa avait compris toute seule.

-Elle a deviné, répéta Harry en fourrageant une main dans ses cheveux noirs et en évitant son regard. Génial…

-C'est quoi le problème ? demanda Draco sèchement.

Il se sentait acculé en voyant l'ancien gryffondor aussi agité pour cette histoire.

Harry ouvrit la bouche avant de la refermer.

« -Il n'y en a aucun », dit-il finalement. Mais visiblement il mentait et du même coup, il le prenait vraiment pour un con. « Il est prévu pour quand ce repas ?

-Non. Tu ne vas pas t'en sortir comme ça, s'agaça Draco se retenant de croiser les bras sur son torse en signe de défense. Il y a clairement un problème donc on va le régler. Ce n'est pas ça ton nouveau crédo ? Tout se dire, percer l'abcès…à moins que toutes ses conneries soient juste valables pour moi.

Potter poussa un soupir excédé.

-Tu n'es pas obligé de monter sur tes grands chevaux à chaque fois, dit-il en attrapant le torchon que Draco tenait lâchement dans sa main pour finir d'essuyer la vaisselle. J'ai tout à fait le droit d'être inquiet par le fait que Narcissa Malfoy soit au courant pour nous.

-De quoi ? Inquiet pour quoi ? s'offusqua Draco.

Le brun haussa les épaules, comme si la discussion était clause, puis la lumière se fit dans le cerveau de Draco, qui agrippa furieusement l'épaule de l'autre homme.

-Tu crois que ma mère va te vendre ? demanda-t-il forçant sur sa poigne sans s'en rendre compte, le brun grimaça mais ne se débattit pas. Qu'elle va aller crier à la presse que son fils se tape leur fabuleux et parfait héros ?

Les yeux verts se posèrent sur lui avec une sorte de pitié mêlée à du ressentiment et ce regard fut pire que tout, peut-être qu'un coup de poing lui aurait fait moins de mal.

-Je sais que c'est ta mère et que tu l'aimes mais ça reste une serpentarde, expliqua l'ancien gryffondor visiblement à contre cœur, et l'une des plus habiles que je connaisse. Si elle a quelque chose à y gagner alors oui, désolé mais une partie de moi ne peut s'empêcher de penser qu'elle peut, en effet, me jeter en pâture aux journalistes. Ou me faire chanter. Ou que sais-je encore…J'ai été bien trop manipulé dans ma vie pour ne pas prendre en compte ces possibilités.

Draco le lâcha comme si son contact lui était soudainement devenu douloureux.

-On parle de ma mère, elle ne ferait jamais rien qui puisse me blesser. Et te blesser, c'est ME blesser !

Potter haussa de nouveau les épaules et tourna la tête, indifférent à son raisonnement.

-Alors quoi ? reprit Draco halluciné. Ça va si ce sont tes amis gryffondors qui sont au courant de ton sale petit secret. Même ce taré de Crivey tu as confiance en lui, mais ma mère, non, car c'est une serpentarde ? J'ai un scoop pour toi, Potter, je suis aussi un serpentard. Est-ce que ça veut dire que tu t'attends à tout moment à ce que je te plante un couteau dans le dos ?

-Ne crois jamais ça ! répondit Potter les yeux soudainement brillants derrière ses lunettes et la mâchoire serrée. Les gens à qui je confierais ma vie se comptent sur les doigts d'une main et tu en fais partis !

-Les gens à qui je confierais la mienne sont au nombre de deux, répliqua Draco mortellement calme. Ma mère et toi.

Potter soupira et s'appuya contre le comptoir.

-On se dispute pour rien, maugréa-t-il sauf que Draco n'était pas d'accord. Cette dispute n'était en rien anodine. Écoute, reprit le brun plus clairement, je n'ai jamais dis que je refusais de la voir, je respecte beaucoup ta mère et je serai ravi de manger avec elle. Crois-moi, je sais ce que je lui dois. Mais en effet, ça ne me rend pas hyper serein de savoir qu'elle possède une arme contre moi.

Draco eut un rire amer et leva les mains en signe de reddition avant de reculer d'un pas. Potter parlait carrément d'arme à présent. Comme si sa vie serait détruite si on venait à apprendre qui il aimait. Et ça faisait plus mal qu'il n'aurait voulu l'admettre.

-Tu sais quoi ? cracha-t-il en le toisant. Oublie le repas. C'était une mauvaise idée. Je n'ai aucune envie que ma mère apprenne à te connaitre finalement. Je ne suis pas sûr qu'elle apprécie ce qu'elle pourrait découvrir. Personnellement, moi là j'ai plutôt envie de gerber.

Le brun lui lança un regard blessé et choqué qui parvint à donner l'impression à Draco qu'il venait de donner un coup de pied à un chiot sans défense. Il regretta immédiatement sa dernière tirade et fut sur le point de le prendre dans ses bras et de demander pardon mais sa fierté fut la plus forte. Il en avait marre de devoir à chaque fois excuser la peur chronique de sortir du placard de Potter. Il était fatigué de se cacher mais surtout il ne savait pas comment leur couple allait pouvoir perdurer si la situation n'évoluait pas et ça, ça l'effrayait plus que tout. Potter était l'homme qu'il voulait. Il le sentait, jusqu'au fond de ses os, dans la moindre de ses terminaisons nerveuses. Le garçon de chez Guipure n'avait cessé de ramper sous sa peau jusqu'à tout posséder de lui. Mais Draco le voulait tous les jours et partout, pas seulement planqué chez lui un week-end sur deux.

-Je m'en voudrais de donner des nausées à ta mère, dit finalement Potter entre ses dents. Surtout que je suis certain que le repas aurait eu lieu en public, histoire que le monde sache que les Malfoy copinent avec le survivant.

-Oui, ironisa douloureusement Draco, tu sais nous, dès qu'on peut manipuler quelqu'un pour redorer notre image, on saute sur l'occasion.

-Quoi, c'est pas vrai peut-être ? demanda Harry qui semblait prêt à mordre mais d'une façon qui ne plaisait pas à Draco. Tu n'avais pas prévu de nous emmener dans un des restaurant les plus en vues de la société sorcière londonienne ? railla-t-il.

Draco se sentit blêmir. C'était vrai, il avait pensé que si sa mère était vue aussi en compagnie de Potter ça aurait été mieux pour elle. Il voyait ça comme une sorte de bénéfice collatéral à cette rencontre, mais l'ancien gryffondor lui appelait ça de la manipulation. Cette réalisation et la culpabilité qui en résultèrent durent se voir sur le visage de Draco car Harry esquissa un sourire amer.

-Je crois qu'on a tous les deux nos réponses, lui dit-il tandis que ses épaules s'affaissaient comme si le poids du monde pesaient de nouveau sur elles. Je vais réviser maintenant.

Le brun passa devant lui sans le regarder. Draco voulut l'arrêter, mettre ses bras autour de sa taille et sa bouche contre son oreille, et tout en se repaissant de sa chaleur et de son odeur, lui dire qu'il se fichait de tout ça. Que sa mère pouvait bien le rencontrer ici. Bordel, il était même prêt à la contraindre à un serment inviolable si Potter voulait bien remiser sa déception quelque part tout au fond de lui, à un endroit où Draco ne pourrait plus jamais la voir. Mais il resta où il était et garda le silence avec le sentiment confus et désagréable que tout était en train de lui échapper.

A suivre…

1) Bohort sort de ce corps !