Les bons drames comme on les aime !


Chapitre 8 : De la semoule ou rien

Hanji était tétanisée. Elle peina même à attraper la couverture que lui jetait Livai alors qu'il se dégageait d'elle. Hanji ne regardait que Moblit et Erwin. Erwin qui venait de la surprendre directement dans les jupons de l'homme vers qui elle le poussait. Moblit qui avait été le seul compagnon correct qu'elle avait eu. Une personne respectable qu'elle avait jetée comme un mal propre et qui la découvrait désormais dans sa plus simple tenue à califourchon sur son meilleur ami. Hanji se sentit alors comme la dernière des connes.

Elle ressentit une violente douleur à la joue. Ses yeux clignèrent plusieurs fois. Livai venait de la gifler. Hanji tourna la tête vers la porte. Moblit avait tourné les talons et était entrain de partir.

- TES FRINGUES !hurla Livai en retournant tous les draps, semblant oublier la présence d'Erwin. COURS LUI APRÈS !

Hanji sembla se réveiller. Elle se leva brusquement et commença à chercher partout autour du lit. Elle enfila sa culotte à l'envers.

- Je trouve pas mon soutif !paniqua-t-elle, la voix tremblante.

- On s'en tape, prends ma chemise et cours !cria Livai en lui jetant le vêtement.

Hanji le réceptionna et l'enfila à la hâte. Elle le boutonna à peine, et sans même mettre de chaussure elle passa la porte. Elle jeta un dernier regard à l'appartement, puis elle fit face un instant à Erwin.

- Je suis désolée, souffla-t-elle simplement sous le regard dur du grand blond.

Puis elle courut dans le couloir et commença à dévaler les escaliers de l'immeuble. Son coeur battait plus que jamais. Bien que Livai ne soit pas grand, sa chemise baillait sous les bras d'Hanji. Elle arriva dans l'entrée et se jeta dehors sans même songer à sa tenue. Le froid lui mordit la peau. Il pleuvait, et ses orteils venaient d'atterrir droit dans une flaque d'eau. Hanji n'en eut cure. Elle regarda partout autour d'elle. Il y avait encore du monde dans la rue, et ce monde la regardait comme si elle était folle. Mais lorsqu'elle vit au loin la silhouette qu'elle cherchait, Hanji reprit sa course sans se soucier de qui que ce soit. Elle sentit ses pieds se couper sur quelques bouts de verre, mais elle ne s'arrêta pas pour autant. Elle galopa jusqu'à pouvoir saisir Moblit par le bras. Ce dernier se stoppa et se retourna.

- Moblit !cria Hanji, à bout de souffle.

Moblit haussa les sourcils. Il paraissait surpris de la trouver ainsi, mais pas pour autant joyeux, aussi le coeur d'Hanji se serra un peu plus. Elle se sentait plus stupide et honteuse qu'elle ne l'avait jamais été.

- Je sais même pas quoi te dire…murmura-t-elle en baissant les yeux.

- Je n'arrivais pas à te joindre, alors ma dernière option c'était Livai, lâcha Moblit, les sourcils durement froncés. Mais si tu ne sais pas quoi me dire, alors je vais rentrer.

Il engagea un geste pour partir à nouveau, mais Hanji serra fermement ses doigts autour de son bras, jusqu'à le faire grimacer de douleur.

- Si, en fait, je sais quoi dire, se reprit la jeune femme. Je sais que j'ai été horrible. J'aurais pas du te jeter. Mais mets toi à ma place ! Tu voulais qu'on s'installe ensemble, après un mois de relation ! Je suis pas ce genre de fille. Je suis plutôt du genre à ne pas me démaquiller avant de me coucher, à oublier de mettre mes culottes de la veille dans le panier à linge. Je me coiffe jamais, parfois je me douche pas, je connais pas l'épilation du maillot, et je mange mon taboulé direct dans la boîte parce que j'ai la flemme de faire la vaisselle. Et je m'en fous. Je suis indépendante. Heureuse, je ne sais pas, mais au moins indépendante. Et je veux garder ça. Comprends le. J'ai eu la trouille. C'était très con, mais c'est la vérité.

Le visage de Moblit sembla se radoucir un peu, aussi Hanji le lâcha. Elle pinça les lèvres, puis se mordit carrément la langue de honte. Elle venait de sentir quelques larmes rouler contre son visage.

- Et maintenant tout le monde me regarde parce que je suis en petite culotte dans la rue et que je chiale mes grands morts, acheva-t-elle en reniflant.

Moblit ne dit rien. Il se contenta de retirer son manteau, et de le passer sur les épaules d'Hanji. Le vêtement la couvrit jusqu'à mi cuisse. La pluie tombait plus fort. Les cheveux d'Hanji lui collaient à la nuque.

- Tu devrais retourner chez Livai, dit finalement Moblit. Tu vas mourir de froid.

Hanji sentit son souffle se couper. Elle eut l'impression qu'on lui enfonçait un pieu dans le coeur. Jamais il n'allait la pardonner. Il lui prêtait son manteau car il était une bonne personne. Moblit avait toujours été une bonne personne. Mais il n'était pas bête, alors qu'Hanji l'était de plus en plus. Aussi elle le regarda lui tourner le dos et s'éloigner, la pluie trempant sa chemise bleu ciel. Hanji serra ses doigts contre le tissu du manteau. Elle allait s'écrouler au sol, mais Moblit se retourna une dernière fois. Il lui adressa un semblant de sourire qui rattrapa Hanji comme une véritable bouée de sauvetage.

- J'aime bien le taboulé, dit Moblit.

Puis il se détourna définitivement d'Hanji, et entama son chemin dans la nuit pour rentrer chez lui, laissant la jeune femme seule face à elle même à une rue de l'appartement de Livai où devait sans aucun doute se dérouler un second drame.

ooo

- Entre, s'il te plaît, tu vas pas rester sur le palier.

- Je ne veux pas entrer.

Livai soupira et se pinça l'arrête du nez. Il avait retrouvé son pantalon, et se tenait torse nu face à un Erwin visiblement particulièrement contrarié. Livai remarqua le bouquet de roses au sol. Il eut envie de hurler.

- Et bah on est mal barrés...souffla-t-il simplement, tâchant de se contenir autant que possible. Mais par pitié, entre, on va pas rester sur le palier. Je chauffe mon appart, pas le couloir.

- C'est un vulgaire problème de chauffage ?demanda Erwin avec une pointe d'ironie.

Livai eut soudainement envie de lui asséner un poing en plein visage. Cet homme le mettait dans tous ses états, mais pour une fois, il réalisa que c'était de bonne guerre. En effet, Erwin n'avait absolument pas apprécié la scène à laquelle il avait fait face, et c'était une chose que Livai parvenait à comprendre.

- Entre, tonna-t-il.

Erwin resta vissé au sol.

- Tu m'avais dit que tu étais fiancé, dit finalement le grand blond. Que tu avais une vie. Que tu ne voulais de personne. Alors pourquoi quelques jours après cela je te retrouve à coucher avec Hanji sans plus te soucier de rien ? Il y a des manières plus élégantes de dire à quelqu'un qu'on ne veut pas de lui dans sa vie. Il y a des manières moins humiliantes de prendre un râteau, en d'autres termes.

- C'est pas un râteau, maugréa Livai en baissant les yeux.

Erwin n'ajouta rien et Livai comprit que c'était à lui de continuer la conversation. Conversation pour l'instant tout à fait hermétique étant donné que chacun campait sur ses positions. De plus, Livai ne pouvait retenir une petite pensée pour Hanji qui cavalait dans Paris avec rien de plus sur le dos qu'une culotte et une chemise trop large.

- J'avais jamais couché avec un homme, s'expliqua finalement Livai. Alors il y a de quoi être perdu.

- Parce que tu crois qu'à moi ça m'est déjà arrivé ?demanda Erwin, son visage semblant s'adoucir. Il y a bien eu des flirts, mais jamais rien de plus.

Livai ouvrit de grands yeux.

- Et c'est tout ce que ça te fait ?s'énerva-t-il. Tu me domines de ton mètre quatre vingt écoeurant en me boudant comme une écolière pour finalement me dire que tu n'es pas un gay confirmé bafoué et trahi par son âme sœur rencontrée lors d'une soirée de beuverie ? Je suis sensé accepté ça ?

- Je me suis posé des questions, figure toi, s'agaça à son tour Erwin. Ce n'est pas pour autant que j'ai couché à droite et à gauche pour me tester. Et puis je ne te domine pas, je fais la taille que je fais, je n'y suis pour rien.

Livai se claqua le front.

- Non mais je rêve !s'exclama-t-il. Tu pourris mon espace vital avec tes grands discours. T'arrive comme un cheveux sur la soupe dans ma super vie, et je suis sensé t'accueillir à bras ouverts ? Je ne te connais même pas ! Tu es terriblement pénible à regarder, t'as des sourcils énormes, et t'as même une gueule de fragile. Je sais pas comment j'ai pu foutre ma vie en l'air pour un type comme toi, qui a en plus le culot de m'apporter des fleurs. Et en plus …

Livai n'eut pas le temps de prononcer un mot de plus. Il se retrouva plaqué au mur de son appartement, les lèvres d'Erwin scellées aux siennes. Livai sentit la langue du grand blond glisser contre ses dents, et il monta en lui une lourde vague de chaleur.

- C'est bon, t'as fini ?demanda Erwin en s'écartant finalement de lui.

Livai se mordit la lèvre. Il baissa les yeux, et se sentit rougir comme jamais ça ne lui était arrivé en constatant la bosse dans son pantalon. Il n'osa même pas relever les yeux vers Erwin. Ce dernier du lui tapoter l'épaule pour attirer son attention. Livai leva les yeux. Erwin venait d'écarter son manteau. Il lui désigna son propre pantalon, et Livai plaqua une main contre ses lèvres.

- On est peut-être pas des gays confirmés, mais à mon avis il y a tout de même quelque chose, dit Erwin d'une voix calme.

Livai ne put résister plus longtemps. Il se jeta sur Erwin et saisit violemment son manteau pour lui retirer. Il le balança au sol sans délicatesse, alors qu'Erwin le saisissait par la taille pour le porter à hauteur de ses lèvres. Livai passa ses mains dans ses cheveux blonds, enfonça ses doigts sous sa chemise et palpa ses muscles saillants. Rapidement, il débarrassa Erwin de sa chemise. Erwin le serra un peu plus contre lui, lui faisant sentir avec plus d'insistance son érection grandissante. Livai passa une main dans le pantalon d'Erwin et sentit un frisson le parcourir.

- Ah bah je comprends mieux pourquoi vous avez pas entendu l'interphone. Heureusement que les voisins sont cool. Et qu'ils se promènent pas dans les couloirs. Parce que, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, la porte est grande ouverte.

Livai crut que ses yeux allaient sortir de leurs orbites lorsqu'il vit Hanji sur la moquette du couloir de l'étage. Il retira immédiatement ses mains, et Erwin resserra sa ceinture. Ils avaient tous les deux le teint rougi et semblaient chercher à cacher leur virilité gênante avec tout ce qui leur passait sous la main. Pour Livai ce fut la lampe de l'entrée, et pour Erwin son propre bouquet de fleur. Hanji éclata de rire.

- Les mecs, je sais à quoi ressemble un pénis dans un pantalon, fit-elle remarquer. Alors détendez vous. Ça passera plus vite.

- Qu'est ce que tu fous là, grommela Livai.

Hanji entra finalement dans l'appartement et ferma la porte. Elle était trempée de la tête aux pieds, et partit s'asseoir sur le lit. Elle tremblait, transie de froid. Livai haussa un sourcil.

- Je pensais que tu serais allée chez lui, dit-il.

- Et bah non, murmura Hanji.

Elle n'avait pas pour autant l'air chagrinée. Livai sentit à cela que l'échange qu'elle avait eut avec Moblit n'avait pas été si mauvais.

- Et du coup, il t'a dit quelque chose ?insista-t-il en s'excusant d'un regard auprès d'Erwin.

- Ouais, répondit Hanji.

Elle se releva, et se dirigea vers le frigo. Livai et Erwin la suivirent du regard. Hanji sortit une bouteille de vin entamée, la déboucha, et en avala plusieurs grandes gorgées directement au goulot.

- Il aime le taboulé, acheva alors Hanji avec un sourire.