Numéro Trois (Fenrir Greyback)

Vendredi 14 octobre 2005

Fenrir Greyback reniflait dans son sommeil et faisait de drôles de petits bruits canins. Dans la couchette juste au-dessus de la sienne, Yaxley fronça les sourcils.

Il n'aimait pas cette période du mois. La pleine lune était dans trois jours et Fenrir irait en cellule d'isolement seulement à ce moment-là. En attendant, il fallait être attentif.

C'était comme dormir à côté d'un chien enragé. Si ça ne tenait qu'à lui, il éloignerait le loup-garou du groupe mais Rodolphus ne voyait pas les choses de la même façon. Rodolphus aimait avoir sa petite cour et son animal semi-apprivoisé à ses côtés. Il n'y avait qu'à voir de quelle manière il avait accueilli le nouveau prisonnier.

Ce De Lucia était tout ce que Lestrange aimait : jeune, sang pur, excessivement orgueilleux et venant d'un clan aussi puissant qu'autonome. Le mari de Bellatrix était rusé et charismatique, il rêvait d'être le nouveau Seigneur des Ténèbres et d'attirer des recrues ayant le profil du jeune Rom. Mais Yaxley savait que c'était peine perdue. Il manquait la puissance à Rodolphus, il lui manquait le génie.

Il n'y avait qu'un Seigneur Ténébreux pour Yaxley et il était mort, tué par cette vermine d'Harry Potter.

Mais la roue allait bientôt tourner. Rodolphus n'était peut-être pas le nouveau Voldemort mais il possédait quelque chose qui faisait que pour le moment Yaxley lui obéissait aveuglement : Lestrange allait le sortir d'entre ces murs.

Greyback émit un grondement qui résonna dans leur cellule minuscule. Yaxley s'agita dans son lit, mal à l'aise.

Greyback devait rêver. Il avait remarqué que le sommeil du loup-garou était plus agité au fur et à mesure que la pleine lune approchait. Cependant, lui qui adorait pourtant être informé de tout, il ne voulait pour rien au monde savoir ce qui pouvait bien peupler les rêves de quelqu'un comme Fenrir Greyback.

°O°O°O°

Dimanche 16 octobre 2005

Draco n'aimait pas les douches communes mais c'était les seules douches qui existaient à Azkaban. Les gardiens les surveillaient, bien entendu, cependant ça n'empêchait pas les remarques graveleuses ou certains coups d'oeil trop appuyés. Le but du jeu quand on se douchait était de ne surtout pas avoir l'air de se pavaner. C'était comme ça que certains prisonniers faisaient savoir qu'ils étaient « d'accord » et qu'ils voulaient bien servir de vide couilles au plus offrant.

L'ancien serpentard essaya de ne pas penser aux autres prisonniers de sa file et laissa l'eau plus tiède que réellement chaude couler sur sa peau. Il ne perdit pas de temps et commença à se savonner énergiquement. Aujourd'hui, il devait voir Zabini. Il espérait qu'il aurait des informations sur son co-détenu.

Ce Sean Harrison semblait bien trop amical. Il n'agissait pas comme les autres prisonniers. Il aurait dû le rabaisser plus bas que terre pour rentrer dans les petites papiers de son oncle et des autres Mangemorts mais il s'échinait à vouloir se lier avec lui. Comme si obtenir son amitié pouvait lui servir entre ces murs. Et pourquoi son père n'avait-il pas pu le virer de sa cellule ? Il y avait trop de mystères qui planaient autour du banal Monsieur Harrison. Et Draco n'aimait pas ne pas savoir. Il n'aimait pas avoir des surprises. Surtout ici. Azkaban ne permettait pas la moindre erreur.

-Plus que deux minutes ! cria le gardien. Groupe suivant, préparez-vous à entrer.

Draco observa les prisonniers qui attendaient leur tour. Il y avait Avery dans le lot. L'homme ne le quittait pas des yeux.

Draco s'obligea à ne pas détourner les siens mais il se sentait comme si une boule d'acide venait de prendre place dans son ventre et qu'elle grossissait encore et encore. Avery le bouffait clairement du regard. Ses yeux étaient fixés sur son sexe et Draco aurait voulu se retourner ou mettre ses mains devant pour le cacher mais ça reviendrait à montrer sa peur. Et tout ce qu'il voulait montrer à cet homme, c'était sa haine.

Il y eut un coup de sifflet, Draco s'empressa de sortir de sa douche et se dirigea rapidement vers sa serviette. Il la noua autour de sa taille avec plus de précipitation qu'il n'aurait fallu et s'en alla vers les vestiaires.

Il n'eut pas le temps de les atteindre qu'on l'attrapa par le bras. Draco frémit quand il s'aperçut qu'il se retrouvait face à Greyback. Ce n'était pas précisément le bon moment du mois pour une confrontation.

-Alors Malfoy, on fait dans son froc ? murmura dangereusement Fenrir à son oreille. Avery n'est pas ton plus grand souci pourtant. Sais-tu que ton codétenu a les hormones en ébullition dès qu'il pose les yeux sur toi ? Pire qu'une chienne en chaleur. Ne me demande pas pourquoi mais il en veut à tes petites fesses de planqué. Je serais toi, je ferais attention la nuit, tu risques de te retrouver avec une bite dans le cul avant d'avoir pu appeler ton père.

-Lâche moi, gronda Draco en se dégageant brusquement.

Mais Greyback l'attrapa de nouveau. Son visage était devenu en un instant un masque de fureur et sa main semblait vouloir broyer son bras.

-Ne me parle pas comme ça, trou du cul ! cracha le loup-garou.

-Numéro trois, lâche Malfoy ! ordonna Finn-Lange en s'approchant.

-Ta gueule, le négro! s'énerva Greyback en secouant Draco en même temps. J'ai un nom tu sais ça ? Ta mère doit le crier à chaque fois qu'elle prend son pied, alors écoute cette salope un peu mieux la prochaine fois que tu la laboures.

Le gardien eut un rictus dégoûté et jeta à Greyback un sort qui l'obligea à lâcher prise et l'envoya bouler quelques mètres plus loin.

-Putain de pleine lune, grogna le gardien en regardant le loup-garou à demi assommé mais qui se relevait déjà. Vivement que ça se termine.

Draco recula sans demander son reste. Il valait mieux ne pas se trouver dans le champ de vision de Greyback lorsque la pleine lune approchait et qu'il cherchait vraisemblablement à passer ses nerfs sur quelqu'un. Demain le monstre partirait en cellule d'isolement. Mais si on demandait son avis à Draco, c'était toute l'année qu'il faudrait l'isoler, ce taré.

Oui, le foutre dans une cage et l'envoyer dans un zoo ou un cirque quelconque.

-Ça va ? demanda 42 soudainement à ses côtés.

Draco resserra sa serviette autour de lui. Qu'est-ce qu'il foutait là celui-là ? Il grimaça en se souvenant des paroles de Greyback et de la fois où son codétenu s'était caressé en le matant. C'était sûrement pour ça qu'il était gentil avec lui.

Ce naze pensait l'avoir.

Il fallut deux secondes à Draco pour comprendre ce qu'il pourrait obtenir de cette observation.

-Je vais bien, dit-il en le dévisageant. Greyback est juste un peu nerveux.

Harrison parut soulagé. Draco le trouva stupide. Il ne savait pas encore à quoi pourrait bien lui servir ce type. Ce qu'il savait, c'est qu'il avait un certain pouvoir sur lui.

Et Draco n'avait jamais tourné le dos au pouvoir. Quel qu'il fut.

°O°O°O°

-Tu ne vas pas au parloir ? demanda Harry à Louis Djih en montrant la dizaine de prisonniers qui se rendaient avec Price dans le bâtiment pour les visites mensuelles.

Malfoy et Avery faisaient partie du lot.

-Ça fait peu, hein ? répondit Djih. Et encore là, avec dix parloirs, on tient presque un record. Les gens ont plutôt honte d'avoir quelqu'un de leur famille à Azkaban. Personnellement, personne n'est jamais venu me rendre visite.

-Désolé, grimaça Harry.

-Y'a pas de mal.

Il y eu un silence gêné. Harry n'avait pas voulu rendre l'homme triste mais il voyait bien que le mal était fait. Avant, il pensait que tous les prisonniers d'Azkaban n'avaient que ce qu'ils méritaient mais ce n'était plus le cas. Il n'y avait rien d'humain à vivre entre ces murs et certains détenus - comme Djih - ne semblaient pas y avoir leur place. Peut-être qu'il serait temps d'installer des centres de détention moins durs pour les criminels peu ou pas dangereux.

-Malfoy et Avery vont voir leur avocat, reprit Djih songeusement.

-Malfoy a tabassé Avery. Apparemment, il risque de voir sa peine s'alourdir.

-Je sais, j'étais là.

Harry regarda le prisonnier avec étonnement.

-Tu as vu Malfoy tabasser Avery ?

-Je crois même que mon intervention l'a empêché de le tuer, acquiesça le numéro 16 sombrement. Parfois la peur peut vous faire perdre la raison.

-Il s'est passé quoi ?

Djih le dévisagea un instant, puis haussa les épaules.

-Je fais partie du groupe du ménage, expliqua-t-il, avec entre autres, McLeod et ce cher Avery. Sauf que Avery n'a pas à nettoyer l'étage où se trouve la bibliothèque. C'est le secteur de McLeod. Moi je suis juste à l'étage en-dessous.

-Et Avery était à la bibliothèque, devina Harry. Avec Malfoy.

-Tout juste, confirma Djih avec une grimace. Tu sais, en général, je ne me mêle pas des histoires des autres, surtout quand ça concerne les anciens Mangemorts. A Azkaban, on apprend vite à s'occuper de ses affaires. Mais là, je l'ai entendu crier. J'étais juste en-dessous et ça m'a figé sur place. Malfoy criait à McLeod de lui venir en aide. J'ai grimpé les escaliers, quatre à quatre. La première chose que j'ai vu, c'était le fichu numéro 81, juste devant la porte de la bibliothèque, qui continuait à nettoyer le sol. Tu y crois à ça ? Continuer son travail comme si un viol n'était pas en train de se produire sous ses yeux.

-Avery a violé Malfoy ? demanda Harry en se sentant soudainement nauséeux.

-Quand je suis arrivé, il avait une sacrée ecchymose sur la tempe, les fesses à l'air et Avery le maintenait sur le sol, tout en essayant de se débrailler à son tour. Je pense qu'il avait dû l'avoir par surprise et il l'avait à moitié assommé. Tu sais, Malfoy n'est pas aussi malin qu'il y parait. Lui et les autres Mangemorts ne s'aiment pas beaucoup mais à part Greyback, il les prenait tous de haut. Il aurait dû s'écraser et faire attention à celui qui la ramenait le moins. Avery ne parle pas beaucoup mais ce type aime faire du mal et il désire Malfoy. C'est une combinaison dangereuse.

-Il le désire ?

-Avery aime les hommes. Il aime dominer. Il les lui faut plus jeunes. Plus faibles.

-Malfoy n'est pas faible, contra Harry.

Djih lui jeta un drôle de regard et haussa à nouveau les épaules.

-En effet, reprit-il, Avery doit l'avoir compris à présent. Quand j'ai déboulé, il a été plutôt surpris et il a relâché sa pression sur Malfoy qui est parvenu à se dégager et qui lui a sauté dessus. Il a commencé à frapper, encore et encore.

Il semblait enragé. J'étais tellement sous le choc de le voir dans cet état, lui qui semble toujours impassible, que j'ai mis du temps à réagir. Et puis je pensais sincèrement qu'il allait s'arrêter. Mais non, il le frappait, à la fin il avait même les poings en sang, alors je l'ai ceinturé et quand il a compris qui le touchait, ça a été radical. Il m'a hurlé de le lâcher et quand je l'ai fait, il s'est éloigné quasiment à l'autre bout de la pièce, avec ses mains écorchées et ses vêtements défaits. Après ça, les gardes sont enfin arrivés.

-Il ne risque rien alors, constata Harry étrangement satisfait que Malfoy se soit acharné contre Avery. Je veux dire, au départ il s'est quand même défendu d'une tentative de viol. Je ne vois même pas pourquoi Avery l'assigne en justice, ça va juste se retourner contre lui.

-Parce que tu crois vraiment que Malfoy va aller raconter qu'il a failli se faire violer ? Pour lui, ça reviendrait à avouer qu'il a été le plus faible. C'était du un contre un. Personne ne montre qu'il est faible à Azkaban. C'est une question de survie. Et il n'a pas vraiment besoin qu'on s'acharne un peu plus contre lui. Le fait qu'il ait tabassé Avery joue d'ailleurs plutôt en sa faveur.

Harry secoua la tête. Les règles sociales de cette prison étaient bien trop éloignées de sa réalité.

-Il va détruire toutes ses chances de pouvoir sortir un jour pour bonne conduite juste par fierté ?

-Je peux me tromper. Je ne suis pas dans sa tête. Mais tu commences à le connaître non ? Il est plutôt du genre à encaisser sans rien dire. Et à ce niveau-là, ce n'est pas qu'une question de fierté.

-Mais il n'était pas seul. Tu as tout vu, McLeod aussi. Ne peux-tu pas témoigner pour lui ?

-McLeod a trop peur des Mangemorts, il préférerait bouffer ses testicules plutôt que de faire quelque chose qui puisse faire sourciller Avery ou ses amis. Et Malfoy ne veut pas de mon aide. Je la lui ai déjà proposée. Il m'a aimablement répondu d'aller me faire enculer par un troll des Montagnes.

Harry grimaça. Ça ne l'étonnait pas vraiment de Malfoy ce genre de réaction. Il se demanda pourquoi ça le perturbait autant que l'ancien serpentard ne fasse rien pour se défendre. Mais après tout, ce n'était pas son problème s'il voulait signer pour quelques années de plus en prison - Malfoy n'en était plus à ça près -. Cette histoire ne le regardait pas.

Il observa l'air de rien, Lestrange et ses amis qui étaient à l'autre bout de la cour. Ron était au milieu d'eux, l'air affreusement arrogant et Harry ignorait ce qu'il pouvait bien raconter mais cela semblait captiver les Mangemorts. Il fut même choqué au plus haut point en entendant Lestrange rire soudainement aux éclats.

Merde, Ron était vraiment plus doué que lui pour ce genre de mission. Harry ne pouvait qu'admirer la façon dont il s'intégrait à leurs anciens ennemis. Si ça n'avait pas été son meilleur ami qui se pavanait là bas, Harry aurait même trouvé ça un peu angoissant.

Comme s'il suivait le fil de ses pensées Djih secoua la tête en déplorant que Lestrange ait fait un nouvel adepte.

Harry arriva à ne pas sourire et acquiesça en se composant une mine sombre.

°O°O°O°

-Je t'ai apporté le journal du jour ! annonça Zabini en secouant la gazette sous son nez comme s'il était un vulgaire chien. Le gardien veut bien que je te le donne.

Draco rumina intérieurement. C'était quasiment une aubaine d'avoir une gazette du jour, celles qui trainaient en salle de repos dataient le plus souvent de deux ou trois jours. Mais Zabini semblait trop content de lui. Comme s'il lui faisait une insigne faveur. Qu'il aille se faire foutre.

-Je n'avais justement plus de papier pour me torcher le cul, répondit Draco.

Zabini soupira et fit passer le journal à travers la barrière magique. Le système le scanna pour vérifier que tout était en ordre et le quotidien tomba finalement du côté de Draco.

Il jeta un rapide coup d'oeil sur le titre et la photographie de la première page. Cela parlait d'une nouvelle attaque qui avait eu lieu au Ministère cette fois. Elle avait fait cinq morts et la marque des ténèbres planait, mouvante et menaçante, sur le cliché en couleur.

-Regarde à la page trois, dit Zabini. Ça devrait t'intéresser.

Draco avait envie de l'envoyer paître mais la curiosité fut la plus forte. A la page trois, Harry Potter posait en compagnie de ce qui se trouvait être une famille de fouines et chacune d'elles portait une petite pancarte autour du cou. Draco fut mortifié de constater que l'une de ces fichues boules de poils portait son prénom.

-Il perd la tête ou quoi ? grogna-t-il les yeux fixés sur le visage souriant de l'ancien gryffondor.

-Je ne sais pas. Je pense qu'il a dû faire des paris débiles avec Weasley. Et qu'il a dû perdre. En tous cas, ça faisait longtemps qu'on ne le voyait plus sourire. Je trouve ça plutôt rafraîchissant.

-Il passe pour un idiot. Ça n'a rien de rafraîchissant.

Il le regarda encore un instant. Ça faisait un moment que Potter n'avait pas été vu en train de se pavaner au bras d'un de ses amants. Peut-être qu'il s'était assagi ? Non, c'était l'effet « anniversaire de la victoire ». Potter se calmait toujours à cette période de l'année. On avait dû lui faire comprendre qu'il devait se faire discret. Après tout, le monde entier avait les yeux tournés vers l'Angleterre en ce moment.

Enfin cette fois-ci, il n'étalait peut-être pas son homosexualité mais il se rattrapait sur sa connerie. Draco ne pensait pas que le monde y gagnait forcément au change.

-Pas de changement pour Lupin ? demanda-t-il en repliant soigneusement le journal.

-Il ne se réveille toujours pas. Je n'en sais pas plus.

-Tu ne sais pas grand-chose, constata Draco.

Zabini sembla irrité. Draco espérait qu'il le soit. Il n'avait rien su lui dire pour Harrison, à part pourquoi il était en prison - ce que Draco savait déjà -. Mais il ne lui avait trouvé ni famille, ni amis. Comme si ce type sortait de nulle part.

-Je ne suis pas détective, rappela Zabini qui semblait lire dans ses pensées. Et les Aurors n'aiment pas les fouineurs.

-Certains les aiment si on y met le prix, argua Draco. Si ce sont eux qui font blocage, alors c'est par là qu'il faut chercher. Qui a arrêté ce type ? Trouve son dossier d'arrestation. Celui de son jugement ne nous apprend rien.

-Il se passe quoi avec ce type ? Tout ça parce que tu ne peux pas le virer de ta cellule...Tu ne crois pas qu'il y a plus urgent à s'occuper ? Tu sais que Avery ne parle pas d'enquête foireuse avec son avocat lui. A cet instant, ils sont en train de monter un dossier en béton pour essayer de te démolir.

-Avery n'est pas important. Je sais ce qu'il veut. Il m'a surpris une fois et ça ne se reproduira plus. Mais ce mec...je ne sais pas ce qu'il cherche. Je ne veux pas faire d'erreur avec lui. Il faut que je sache où je mets les pieds.

Zabini soupira. Ça l'ennuyait visiblement de s'occuper de cette affaire mais Draco n'en avait cure. Il se leva et fixa son avocat avec mépris. C'était lui qui était enfermé mais il ne voulait pas laisser passer l'occasion de rabaisser Zabini.

-Cette affaire est ta priorité, ordonna-t-il. Demande du fric à mon père, si besoin est. Un avocat qui s'occupe de cas désespérés, ça ne doit pas gagner beaucoup n'est ce pas ?

Son ancien camarade de classe ne sembla pas goûter la plaisanterie. Il se leva à son tour et le toisa de toute sa hauteur. Ce connard resterait sans doute à jamais plus grand que lui.

-Je gagne toujours plus que toi Draco, susurra-t-il. Et tu es mon seul cas désespéré. Je vais chercher de mon côté pour cet Harrison, si c'est ce que tu veux. Mais je pense qu'il serait plus simple que tu le questionnes toi-même. J'ai cru comprendre que c'était ta spécialité, les interrogatoires, du temps du Seigneur des Ténèbres. Je ne pense pas qu'on puisse perdre la main pour ce genre de chose. Ça doit rester gravé dans son âme, n'est ce pas ?

-Sûrement autant que la délation, répondit Draco glacial. Mais je ne pense pas que tu veuilles vraiment débattre de ça avec moi, Blaise.

Zabini fronça les sourcils et Draco le connaissait assez bien pour savoir qu'il venait de remporter une victoire. Son avocat ne s'aventurait jamais sur le terrain glissant de leur passé commun. C'était la différence entre eux deux, pensa Draco en quittant le parloir. Lui faisait face à ses erreurs.

Tous les jours il y pensait. Il n'avait que ça à faire à Azkaban. : Se souvenir et s'inventer un passé où il aurait été moins lâche. Il pensait au choix qu'il avait fait. A Potter qui lui avait dit de ne pas faire le con, qu'il avait besoin de lui.

Mais il avait fait le con. Il avait obligé Potter à lâcher son bras. Il l'avait laissé.

Alors parfois, il s'imaginait qu'il attrapait la main que Potter lui tendait et qu'il le suivait. Et tant pis pour son père. Et tant pis pour sa propre vie. Et merde à cette peur qui ne le lâchait plus. Les yeux verts en face de lui ne promettaient pas que tout irait bien mais ils brillaient. Ils étaient beaux.

Alors parfois, quand la prison était trop dure, Draco reniait ses choix le temps d'un battement de coeur et s'inventait un autre destin.

Un destin où il suivait Potter et où ils étaient ivres de liberté.

Puis la porte d'une cellule claquait ou un des prisonniers se mettait à gueuler. Et le songe s'interrompait. Il n'y avait pas d'ivresse. Pas de liberté. Pas de seconde chance... Pas de sauveur.

Il ne restait qu'Azkaban.

°O°O°O°

Harry dut à nouveau attendre la soirée pour se retrouver avec Malfoy. Le prisonnier lisait un livre, allongé sur sa couchette, comme toujours.

-Tu lis quoi ? demanda Harry pour essayer d'engager une conversation.

Pensant que comme d'habitude Malfoy allait l'ignorer, Harry attrapa le journal qui traînait sur la table. Il fut étonné de voir qu'il datait de la journée.

-« Sorts et enchantements anciens et oubliés », répondit Malfoy de sa voix traînante.

-Ça a l'air...intéressant, commenta Harry, surpris d'avoir eu une réponse.

-Ça parle de magie alors ça l'est en effet.

-Il y a beaucoup de livres sorciers ici ? demanda Harry qui aurait plutôt pensé que la prison interdirait ce genre de bouquins.

-C'est toute la perversité de notre bibliothèque, répondit Malfoy en se redressant. Elle regorge d'écrits de mages, de grimoires et de manuels de sorcellerie, histoire qu'on n'oublie pas de quoi on nous a amputés.

-C'est malsain, réalisa Harry.

-Tu viens de trouver un synonyme tout à fait acceptable d'Azkaban, le félicita Malfoy.

-Et toi tu passes ton temps à lire et à trier ces bouquins...tu es masochiste ?

Malfoy eut un léger sourire et Harry se demanda vraiment ce qu'il lui prenait ce soir. Il était beaucoup trop sympathique.

-J'ai toujours aimé lire. Et ça reste une compagnie bien plus agréable que celle qu'on trouve habituellement entre ces murs.

-Les prisonniers ne sont pas tous des pourris, répliqua Harry en pensant à Louis Djih. Je reconnais que beaucoup d'entre eux ne t'apprécient pas mais tu ne cherches pas vraiment à te faire des amis.

Malfoy toussota un instant, comme pour cacher une envie de rire avant de le dévisager longuement. Harry résista à l'envie de détourner la tête. Il préférait largement quand Malfoy faisait comme s'il n'existait pas, même si c'était mauvais pour sa mission. De toute façon, il commençait à la haïr, cette mission. A haïr le fait de devoir le voir tous les jours. Ce n'était plus si amusant finalement.

Et ce salopard qui regardait habituellement les gens de manière à les faire se sentir comme des tas de merde, faisait cette fois semblant de s'intéresser à lui. Restait à savoir pourquoi.

-C'est une prison ici, répondit finalement le blond. Pas une colonie de vacances. Tu comprendras par toi-même qu'une amitié sincère ne peut pas exister entre ces murs.

Harry haussa les épaules et ses yeux tombèrent sur la première page du journal.

-Il y a encore des attaques de Mangemorts dehors, dit-il secrètement ravi d'une telle aubaine.

Puisque l'ancien serpentard était d'humeur à bavarder, autant en profiter.

-Les Mangemorts sont tous morts ou en prison.

-Il faut croire que non. C'est la marque des Ténèbres qui est sur la photo.

-N'importe qui peut l'avoir fait, balaya Draco. Dis-moi 42, est-ce que tu as participé à la guerre ?

-Non. Je n'étais pas en Angleterre durant cette période. L'ambiance y était mauvaise.

-Alors tu ne peux pas comprendre. C'était une guerre sans merci. Aucun Mangemort n'a pu fuir les conséquences de ses actes. L'Ordre du Phoenix ne l'aurait pas permis. Pour que le Monde Sorcier se relève de cette guerre il fallait faire place nette. Dumbledore était peut être le seul partisan de la « seconde chance ». Mais il est mort.

-Il y a des crimes qui ne méritent pas d'être pardonnés.

-Je ne suis pas de cet avis. Je pense que quand on aime, on peut tout pardonner.

Harry eut un sourire amer. Il avait soudainement envie d'éclater le visage de Malfoy contre le sol.

-As-tu déjà été amoureux ? demanda-t-il à la place en contenant sa fureur.

Malfoy sembla étonnamment décontenancé par la question. Il se reprit vite pourtant et haussa les épaules.

-Non, répondit-il en le regardant droit dans les yeux. Jamais.

Le sourire de Harry se fana.

-Alors ne présume pas de ce qui peut ou non être pardonné.

-On a eu une peine de coeur 42 ? railla Malfoy.

-Pas vraiment, il s'agissait plutôt d'une regrettable erreur. Mais c'est du passé.

-Pas tant que ça si tu y penses encore.

Harry jeta un regard noir à Malfoy et décida qu'il était plus prudent de changer de conversation. Il n'arrivait pas à mettre sa rancoeur de côté. Ça faisait sûrement de lui un mauvais Auror mais pour le moment il s'en fichait. Il voulait juste que Malfoy passe à autre chose.

-Dis-moi, demanda-t-il, si jamais tu étais libre. Si tu pouvais sortir d'ici. Où irais-tu en premier ?

-Extinction de feux ! cria un gardien à l'extérieur, les faisant tous les deux sursauter et empêchant Malfoy de répondre.

Harry se dépêcha de monter sur sa couchette et l'ancien serpentard se rallongea en soupirant sur la sienne. L'Auror fut soulagé de cette interruption. Il avait la désagréable impression que c'était Malfoy qui avait mené toute la discussion. Et il n'aimait pas beaucoup le fait de subir un interrogatoire déguisé de la part de ce type.

Les lumières s'éteignirent. La prison était à présent plongée dans les ténèbres. Harry se demanda combien de temps il allait encore pouvoir supporter cette situation. Plus le temps passait et moins il avançait. Comme tous les soirs, il écouta la respiration de Malfoy, douce et régulière, et il la détesta parce qu'il savait qu'il allait encore une fois s'endormir, bercé par elle.

Soudainement, un prisonnier se mit à entonner un tube des années 60 qui résonna incongrument dans toute l'aile.

-Ta gueule Greyback ! hurla un des gardiens.

-Je t'emmerde Price ! Vas te faire sodomiser par Finn-Lange une fois qu'il aura fini de s'occuper de sa mère ! gueula le loup-garou avant de se remettre à chanter avec encore plus de coeur.

Harry entendit Price jeter un sort et la voix de Greyback se tut. Le silence s'installa à nouveau. Harry ferma les yeux, se demandant à quel point Azkaban changeait les gens.

-Il y a une chambre quelque part, murmura soudainement Malfoy lui coupant le souffle. Une chambre blanche avec juste un lit et des livres. On y voit le ciel à la place d'un plafond. Et il y a de la musique... C'est là où j'irais en premier, 42. Si j'étais libre, c'est là que j'irais.

Harry ne répondit rien.

Il serra les draps à s'en faire mal.

Il fallait qu'il sorte d'ici.

°O°O°O°

Nuit du Dimanche 16 octobre 2005 (moins de 24h avant la pleine lune)

Greyback rêvait.

Il rêvait au passé. Il rêvait à la guerre et au sang.

Il rêvait au massacre.

Sauf que ce n'était pas vraiment un rêve mais plutôt un mélange de ses souvenirs.

Il y avait une constante dans les songes de Fenrir : il n'y était jamais seul.

Elle était toujours avec lui, haut dans le ciel, belle, ronde, énorme, veillant sur lui comme le ferait une mère. La lune était sa mère, sa femme, son amie, sa soeur, sa fille. Elle était son Monde et elle lui appartenait autant qu'il était à elle.

Cette fois-ci, elle était encore là, déchirant les Ténèbres de sa lumière blafarde. Elle était encore blanche.

Elle se badigeonnerait de rouge avant la fin du rêve et elle grossirait encore comme une sangsue obèse qui s'emplirait de sang frais.

Car la lune était aussi sa catin, sa dealeuse, son venin, sa folie.

Il ne l'en aimait que plus.

Il marchait dans une rue du vieux Londres, jeune et impatient.

La bataille allait bientôt avoir lieu et la meute l'attendait.

Il avait dix-sept ans et c'était le jour de la mort de la musique(1) et il avait en même temps 59 ans et il n'était plus en février mais au mois de mai.

Il fredonnait une chanson de Buddy Holly, « Words of love » tout en se demandant ce qu'il allait faire de sa soirée. Il avait envie de se trouver une petite nana pas mal roulée et de la baiser, même s'il n'était jamais allé plus loin qu'un bon pelotage en bonne et due forme. Il avait dix-sept ans.

Non, il en avait 59, il ne chantait plus rien mais il souriait à l'avance en pensant au sang qu'il ferait couler et il avait une meute qui l'attendait.

La lune brillait mais il était humain. Il ne se voyait jamais en loup dans ses rêves, même quand il égorgeait les gens. Il était toujours parfaitement lui-même et le goût du sang de ses songes le faisait bander jusque dans la réalité.

Il arriva enfin au point de rendez-vous. La meute était là, tous des loup-garous déguisés en Mangemorts. Lucius Malfoy plia l'échine et recula d'un pas. Lestrange eut un geignement plaintif et recula aussi. Ils reculèrent tous en baissant les yeux. Bellatrix le renifla un instant et lui mordit l'oreille. Cette nana l'avait toujours fait fantasmer : cinglée mais vraiment trop excitante.

Mais celle qu'il avait vraiment voulu, ça avait été sa soeur. La femme de Lucius, aussi blonde et froide que sa lune, qui n'avait cessé de le regarder de haut, comme s'il ne méritait pas de fouler le sol de son manoir. Il avait souvent imaginé cette chienne à quatre pattes devant lui, la croupe offerte, suppliant pour qu'il la défonce avec sa grosse queue - « Oh oui tellement meilleure que celle de mon mari ! » -. Mais elle n'était pas là. Elle était déjà morte. Tuée dans une ruelle sordide en voulant protéger sa portée.

L'autre lui, celui de dix-sept ans, avait vu le sorcier sortir de nulle part. Ça l'avait arrêté net dans sa chanson. Il n'aimait pas les sorciers - ces salauds le traitaient comme un monstre -, même s'il en était un jadis. Avant de se faire mordre.

Tout comme il avait été un homme. Maintenant il était autre chose : plus fort qu'un sorcier, meilleur qu'un homme. Il était un loup-garou

-Bonsoir, avait murmuré l'homme.

-Que voulez vous ? avait répliqué Fenrir avec sa hargne d'adolescent.

L'homme avait retiré sa capuche. Il était beau et laid à la fois. Fenrir avait frissonné et l'homme avait souri.

-Je m'appelle Lord Voldemort, avait-il susurré. J'ai un travail à te proposer Fenrir.

Comment ce type connaissait-il son nom ? Il savait qui il était alors il allait vouloir l'enfermer ! Les sorciers n'aimaient pas sa façon d'être lors des pleines lunes. Mais ce n'était pas de sa faute à lui. Il était un loup-garou. Les loups-garous aimaient l'odeur du sang et celui du meurtre. C'était sa nature.

-Je ne te veux aucun mal, avait repris l'homme. J'ai besoin de quelqu'un comme toi. Tu es spécial Fenrir.

Spécial. Oui il l'était, c'était comme ça que tout avait commencé. Parce que l'homme dans la ruelle lui avait tendu la main. Il n'avait pas dit « monstre », il avait dit « spécial ».

Dans sa couchette Fenrir poussa un grognement et se retourna.

Il avait 59 ans et c'était la guerre dehors. Il n'utilisait pas sa baguette et courait avec sa meute à la chasse au Potter. La lune serait contente s'il ramenait sa tête. Le Maître aussi mais Fenrir n'avait aucun maître, juste une maîtresse, une reine, une déesse qui primait sur tout. Elle avait souri quand Voldemort lui avait proposé de travailler pour lui. Alors Fenrir avait accepté.

Le rejeton de Lucius courait avec eux, la queue entre les jambes. Suintant la peur comme toujours. Ce merdeux ne valait rien. Il n'aimait pas se battre. Il n'aimait pas tuer. Ce qu'il aimait c'était Harry Potter. Fenrir pouvait entendre le coeur du merdeux battre plus vite et plus fort quand quelqu'un prononçait le nom de Celui-Qui-A-Survécu.

Fenrir ne comprenait pas. Il n'y avait que la lune qu'on devait aimer à ce point. Il avait voulu faire tomber le fils de Lucius. Il avait voulu le tuer ce soir-là. Ça aurait pu passer pour un accident.

Les sorts fusaient.

La lune se gorgeait de sang petit à petit. Devenant de plus en plus belle.

Quelqu'un avait jeté un sort de bouclier sur Draco Malfoy et ce n'était pas quelqu'un de la meute.

Harry Potter.

Puis il y avait eu un cri affreux qui n'en finissait pas et l'odeur métallique de sang.

-J'en ai eu un ! s'était exclamé Rabastan Lestrange.

Fenrir s'était retourné. Un des ennemis de la lune gisait en contrebas, les jambes coupées au niveau des genoux.

-SEAMUS ! hurla quelqu'un.

Fenrir éclata de rire et se précipita en direction du corps qui se vidait de son sang.

Il arriva trop tard, les merdeux l'avaient fait transplaner. Mais les bouts qui étaient restés étaient succulents.

Et Draco Malfoy l'avait regardé manger, les yeux agrandis par l'horreur.

-Tu en veux un morceau ? lui avait-il demandé en lui tendant un reste de mollet.

°O°O°O°

Greyback continua de rêver encore longtemps. Yaxley avait raison de ne pas vouloir connaître ses rêves, surtout quand

ceux-ci n'étaient rien d'autre que des souvenirs.

A suivreuh