Chapitre VIII : Un Duel par le Jugement.
— Excusez-moi ? demanda Eren en interpellant un des brigadiers qui le surveillait, je dois aller aux toilettes.
— Tu viens juste d'y aller, répliqua-t-il sans croiser son regard.
Le Rebelle fronça les sourcils.
— Alors, est-ce que je peux avoir de l'eau ?
— Hé, l'interrompit l'autre garde. T'auras rien du tout, compris ?! Putain de monstre…
Deux jours de cachot avaient suffit à mettre sa santé mentale à rude épreuve, sans la lettre de son « ami puissant », qui l'avait informé du temps qui le séparait de son procès et l'excellent repas qu'il avait reçu de cette même personne, il serait probablement devenu fou. Son séjour en cellule n'aurait cependant pas été si grave s'il n'avait pas été enchaîné au mur. À cause de ça, il ne pouvait pas bouger de son lit, et il ne pouvait même pas se tenir debout. Chaque fois qu'il voulait faire quelque chose, il était obligé de demander aux gardes de l'aider, et ceux-ci semblaient le détester avec une haine viscérale. Son seul espoir d'améliorer sa situation était le procès qui se déroulait aujourd'hui.
— « Est-ce que mon « ami » peut vraiment m'aider à sortir de ce guêpier ? » se demanda-t-il inquiet. « Je veux dire, le Major Erwin avait l'air confiant… Et le diner qu'il m'a envoyé était le meilleur que j'ai jamais mangé… Mais… Qui est ce type ? Et comment peut-il avoir le pouvoir de m'aider si c'est un cadet ? Peut-être que ce n'en est pas un, peut-être qu'il a juste interrogé les autres et que c'est comme ça qu'il a découvert mon surnom… Je… »
Quelles que soient les questions qu'il s'apprêtait à se poser, elles s'envolèrent quand un visage maléfique vint s'encastrer entre les barreaux de sa cellule en le fixant comme si elle allait dévorer son âme. Il laissa échapper un léger cri d'effroi et effectua un mouvement de recul.
Pendant un moment qui paru durer une éternité abominable, la femme à lunettes le fixa juste avant d'esquisser un sourire mielleux.
— Alors, c'est toi Eren, dit-elle d'une voix tout aussi mielleuse. Tu vas bien ? R.A.S. ?
— Euh…, fut le seul son qui s'échappa de ses lèvres.
— Je suis désolée que tu ai dû attendre si longtemps, dit-elle sincèrement, mais tu devrais bientôt pouvoir sortir d'ici.
Ceci lui fit pousser un soupir de soulagement.
— Par contre, fit-elle rapidement remarquer en sortant une paire de menottes. Tu devras mettre ça, d'accord ?
Avec un soupir de résignation cette fois, Eren hocha la tête. Au moins, il ne serait plus enchaîné au mur.
Très vite, il fut libéré de ces chaînes avant d'être menotté. Il remarqua alors qu'il y avait un homme aux cheveux blonds avec sa visiteuse, celui-ci le regardait avec méfiance. Le Rebelle serra un peu les dents en remarquant l'écusson du Bataillon d'exploration sur sa poitrine. Il s'était fait une raison quant aux regards des brigadiers, mais il avait vraiment espéré que les éclaireurs le traiteraient différemment après la visite du Major Erwin. Il supposa qu'il allait devoir s'habituer à ce traitement pendant un certain temps. Les deux éclaireurs et les deux brigadiers commencèrent à l'escorter hors du bloc cellulaire, tandis que la binoclarde entamait la conversation.
— Je m'appelle Hanji Zoë, se présenta-t-elle. Chef d'escouade pour le Bataillon.
Soudain, le blond se pencha vers Eren et commença à le renifler sans la moindre retenue.
— Lui, C'est Mike Zacharias, également chef d'escouade, ajouta-t-elle nonchalamment.
Eren fit part de son dégoût en essayant de s'éloigner de ce dernier.
Hanji rit en le voyant.
— Ah il fait toujours ça avec les gens qu'il rencontre. Et il les prend de haut, mais ne t'en fait pas, il n'en a peut-être pas l'air mais il est parfaitement apte à remplir son devoir.
Mike esquissa un sourire narquois, qui ne fut guère du goût d'Eren
— Alors… euh… commença-t-il pas très sûr pour changer de sujet. Où est l'ami dont m'a parlé le Major Erwin ?
— Oh, lui, dit Hanji avec un sourire, je dois admettre que je ne m'attendais pas à ça, comment tu as fais pour faire ami-ami avec un membre de la famille Hannibal ?
— Un quoi ? demanda le jeune homme confus.
Mais il n'eut pour seul réponse qu'un triste soupir.
— Flûte, j'ai trop bavardé et maintenant on est déjà arrivés…
Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il fixa les doubles portes devant lui, un profond sentiment d'inquiétude lui noua l'estomac.
Hanji, elle, haussa les épaules.
— Eh bien, je suis sûr que ça va aller. C'est probablement mieux si je ne t'explique pas tout.
Les deux brigadiers commencèrent à pousser Eren de force à l'intérieur, pour son plus grand déplaisir.
— Hé, attendez, s'exclama-t-il en regardant en arrière.
Hanji prit une expression très sérieuse, qui allait à l'encontre de tout ce qu'elle avait montré jusque là.
— Cela peut sembler insensible et égoïste, mais souviens-toi : nous avons tous placé notre confiance en toi, Eren. Bonne chance.
Sur ces mots, elle claqua les portes derrière lui malgré ses protestations.
Eren fut alors forcé de regarder devant lui, ce qu'il vit le stupéfia. La prison, ou du moins la cellule de détention dans laquelle il avait été détenu, se trouvait sous le palais de justice, qui était plein à craqué d'inconnus qui le regardaient dans un silence tendu. Il fixa l'allée qui se terminait par un podium destiné au juge et à ses assistants. Au milieu de tout cela se trouvait un poteau qui était clairement destiné à retenir les prisonniers, c'est-à-dire à lui.
Voyant qu'il ne bougeait pas, l'un des gardes le poussa en avant avec son fusil.
— Avance, gronda-t-il.
Une fois qu'ils furent suffisamment proches, les brigadiers l'attachèrent au poteau de métal. C'était la position la plus inconfortable dans laquelle le rebelle se soit jamais trouvé, mais il devait endurer quoi qu'il lui en coûtait.
Soudain, la porte près de la tribune des juges s'ouvrit, et toutes les personnes présentent posèrent un genou à terre et inclinèrent leur tête.
— Sa Majesté, Philippe Fritz ! annonça quelqu'un.
Un jeune garçon d'environ treize ans à la corpulence grassouillette, aux cheveux blonds et aux vêtements luxueux entra dans la pièce, il constata la présence de ses occupants avec dédain, avant de jeter un coup d'oeil en direction d'Eren qui écarquilla les yeux en découvrant sa couronne.
— « C'est le Roi ?! » songea-t-il effaré. « Ce gros gamin est le Roi des Murs ?! »
Le Suzerain attendit qu'un de ses valets tire sa chaise pour s'y asseoir, au grand soulagement d'Eren, sa place n'était pas celle du centre, ce qui signifiait que ce ne serait pas lui qui rendrait le verdict.
— Le Général Darius Zackley ! annonça toujours la même personne.
Eren était trop stressé pour la chercher du regard.
Un homme avec une barbe et des cheveux gris fit son entrée au sein du tribunal. Son manteau portait de nombreuses médailles, indiquant ainsi son statut de chef militaire suprême de l'Humanité. À la grande surprise d'Eren, lui non plus ne prit pas la place centrale, et alla s'installer sur celle de droite.
— « M-mais… » songea le Rebelle. « Si ce n'est ni le Roi, ni le Général qui décidera de mon sort, alors qui… ? »
— Son Excellence, le Premier Ministre, Lord Peter Hannibal !
Aussitôt, un espoir fou s'empara d'Eren, était-il possible que ce soit lui, son « ami puissant » ? Ça expliquerai le festin de Roi qu'il avait reçu dans sa cellule, ça expliquerait la confiance du Major Erwin, ça expliquerait…
Dès le moment où le regard du cadet croisa celui de Peter Hannibal, il sut d'emblée qu'il était son ennemi. Le Premier Ministre était un homme dans la soixantaine, au visage parfaitement rasé et aux cheveux blancs coiffés vers l'arrière. Son regard bleu saphir digne du Diable en personne incendiait Eren comme s'il était une abomination de la nature. Le Rebelle était paralysé de terreur devant l'aura effroyable qui se dégageait de celui qui s'installa à la place de juge central.
— « Je suis foutu, » comprit-il alors que des gouttes de sueur froide coulait sur son front.
— Témoin de la défense ! tonna une voix qu'Eren reconnaitrait entre mille. Amos Hannibal ! Héritier de la Maison Hannibal !
Le grand blond vêtu de son uniforme de cadet s'écarta des rangs des soldats pour venir se tenir aux côtés de son camarade enchaîné. Celui-ci avait l'expression hagarde et confuse, fort heureusement, il était trop anxieux pour prononcer le moindre son.
— « Qu'est-ce que c'est que ce délire ?! » songea-t-il ébahi. « Il a dit Amos Hannibal, pas Amos Nox. C'est un noble ?! Mais pourquoi est-ce que le Premier Ministre porte le même nom ?! Ils sont parents ?! Pourquoi est-ce qu'ils s'opposent alors ?! »
C'est alors qu'il aperçut Armin et Mikasa au premier rang de la tribune réservée au soldat, et si sa soeur adoptive paraissait très inquiète, son meilleur ami lui adressa un sourire confiant. Ce qui suffit à lui redonner un peu espoir.
Il entendit ensuite les murmures qui parcouraient les rangs de l'assemblée :
— Est-ce que c'est le petit-fils de Lord Peter ?
— Pourquoi porte-t-il un uniforme ?
— Pourquoi est-ce qu'il défend ce monstre ?
— Il est complètement fou.
— Vous croyez qu'il va réussir à l'acquitter ?
— Lord Peter a l'air furieux.
— « On dirait que j'ai trouvé mon ami puissant, » pensa Eren avant de remarquer quelque chose de perturbant.
En effet, Amos et son grand-père se livraient un authentique duel de regards, où saphir et émeraude s'entrechoquaient. Peter Hannibal semblait épris d'une colère froide à l'égard de son petit-fils, tandis que ce dernier semblait le mettre au défi de réussir à gagner ce procès. Eren avait le désagréable sentiment de n'être que le ballon de leur match.
— Mon cousin ! s'exclama soudainement le Roi de sa voix en pleine mue.
L'accusé haussa les sourcils de surprise, pas seulement parce que son ami était apparenté au Suzerain des Murs, mais surtout parce qu'il était apparenté à quelqu'un de gras.
— Votre Majesté, salua Hannibal en s'inclinant, c'est un plaisir de vous revoir après tant d'années.
— Le plaisir est partagé, répondit Philippe sur un ton qui signifiait tout le contraire, dis-moi, tous les procès ont-ils lieu ici ?
Les spectateurs échangèrent quelques regards d'incompréhension, et Eren se joint à eux. Que diable se passait-il ?
— C'est le Palais de Justice votre Majesté, fit remarquer Amos en conservant une expression neutre. Comme son nom l'indique, c'est ici qu'on rend la justice.
— Donc si je comprends bien, dit le Suzerain d'un ton plaintif, chaque fois qu'il me prendra l'envie d'assister à un procès, il me faudra parcourir toute la distance qui sépare le Palais Royal de cet endroit ?
Cette fois, Amos ne prit pas la peine de cacher son agacement, et à la surprise générale, il s'avança pour monter les escaliers menant au podium des juges.
— Que fout ce morveux ? grogna Levi à l'oreille de son Major.
Celui-ci lui intima le silence d'un regard.
Sans avoir rencontré la moindre résistance au cours de son ascension, Amos se tint debout aux côtés de son royal cousin en le toisant de haut, avant que la prédation ne vienne s'emparer de ses yeux d'émeraude. Il posa une main sur le bureau, et approcha sa terrifiante figure de celle du petit garçon effrayé.
— La prochaine fois nous ferons en sorte que vous soyez porté durant l'intégralité de votre trajet, lui dit-il d'une voix impassible tout en lui promettant une mort lente par le regard.
Tandis que le Roi déglutissait, son cousin releva la tête pour s'adresser à leur grand-père.
— Pouvons-nous commencer, votre Honneur ? demanda-t-il comme s'il ne venait pas de menacer le Suzerain des Murs.
Sans attendre de réponse, il redescendit pour revenir se tenir à la position qu'il avait quitté il y a moins de deux minutes.
Eren ne comprenait absolument pas la situation.
— « Est-ce qu'Amos vient de dire au Roi de fermer sa gueule ? »
Le Rebelle cru alors détecter une pointe de fierté dans le regard du Premier Ministre, avant que celui-ci ne réponde à son petit-fils de sa grosse voix de baryton :
— Il est en effet grand temps de débuter cette audience, Général ?
Zackley inclina légèrement la tête, avant de lire la feuille qu'il tenait.
— Tu es le cadet Eren Jaeger, en tant que soldat tu as juré de donner ta vie pour le bien commun, est-ce que tout ceci est exact ?
— Oui, répondit l'accusé d'une petite voix.
— Ce procès a pour but de débattre de ton sort, as-tu une objection quant à cela ?
— Non, répondit-ill en baissant la tête
— Tu es bien coopératif, nota le Général, voilà qui va faciliter les choses. Je vais être direct : la révélation concernant l'existence de tes pouvoirs n'a pas pu être contenue. En fin de compte, nous devons divulguer publiquement les faits au peuple, sinon nous serons confrontés à des troubles civils généralisés. Le régiment dans lequel nous te placerons déterminera ton sort : les Brigades Spéciales ou le Bataillon d'Exploration. Quelle est la proposition des Brigades Spéciales ?
— Oui, votre Honneur, dit le Commandant Nile Doc. Notre recommandation est que, après une dissection approfondie sur le corps du cadet Jaeger afin d'en apprendre le plus possible concernant ses étranges pouvoirs, celui-ci soit supprimé sur le champ. Bien que sa présence et ses capacités nous aient aidés dans cette récente campagne de reconquête du district de Trost, comme indiqué précédemment, sa simple existence suscite des pensées et des discours rebelles et séditieux. Après avoir rassemblé toutes les informations possibles à son sujet, nous ferons de lui un guerrier déchu lors de la reconquête de Trost, un martyr pour l'humanité.
— Inacceptable ! s'exclama le pasteur Nick. Ce démon vermineux a souillé le puissant mur; par conséquent ...
— Pasteur ! aboya Amos sans prévenir. Ayez l'obligeance de contrôler vos pulsions. Ce « démon vermineux » est né au sein des puissants murs, a exterminé plus d'une vingtaine de « démons vermineux » qui ont pénétré non pas un, mais deux murs, et a même réparé le puissant mur Rose. Vous devriez le remercier au lieu de l'insulter.
Le religieux fixa le témoin de la défense avec horreur, et commença à bégayer des paroles inintelligibles.
— Silence ! tonna la voix de Peter Hannibal, agacé de voir son petit-fils marquer un point à cause d'un imbécile. Contenez-vous si vous ne voulez pas être jeté hors de la salle !
Nick passa de l'horreur à la terreur en un claquement de doigt et baissa prestement la tête.
— Maintenant, reprit Zackley en se tournant vers sa droite, nous souhaiterions entendre la proposition du Bataillon d'Exploration. Major Erwin ?
— Oui Général, répondit ce dernier en faisant un pas en avant. Moi, Erwin Smith, en tant que commandant du Bataillon d'Exploration, je propose ce qui suit : Nous acceptons le cadet Jaeger dans nos rangs. Rétablissant ainsi son statut de soldat afin que les éclaireurs puissent utiliser ses capacités de Titan pour reprendre le mur Maria.
Une foule de murmures parcourue les rangs des différentes assemblée, le général se contenta de hausser un sourcil :
— Est-ce tout ?
— Oui, Général, répondit Erwin. Avec son aide, je suis convaincu que nous pouvons reprendre le mur Maria.
— Cela semble être la meilleure proposition, nota le Roi depuis son siège, mon royaume parait bien étroit depuis cinq ans.
Si Amos se retint de sourire, son grand-père se retint de gifler son royal petit-fils.
— Votre Majesté, ce titan pourrait tout aussi bien décider de se rebeller contre la Couronne.
— Oh, s'exclama Philippe, alors pourquoi n'a-t-il pas été exécuté sur le champ ?
— Parce que nous sommes actuellement en train de débattre si Eren Jaeger est un atout pour l'Humanité ou un danger, votre Altesse, répondit son cousin en le fusillant du regard une fois de plus pour le faire taire.
— Je vois…
— Votre Majesté, interrompit Zackley, pouvons-nous reprendre ?
Un geste nonchalant de la main lui servit de réponse.
— La proposition des éclaireurs est assez audacieuse. En supposant que vous receviez l'autorisation, d'où prévoyez-vous de lancer cette opération ? Commandant Pixis, les portes de Trost ont été complètement scellées. N'est-ce pas ?
— Oui, les informa le chef de la Garnison d'une voix grave. Je doute qu'elles s'ouvrent à nouveau un jour.
— Nous partirons du district de Karanes à l'est, expliqua Erwin. De là, nous nous dirigerons vers Shiganshina. Une nouvelle route peut être établie au fur et à mesure que nous nous déplaçons et…
— C'est absurde ! interrompit un marchand. Notre temps et notre argent seront mieux dépensés en scellant toutes les portes. Ce sont les seules parties du Mur que le Titan Colossal peut briser, non ? Renforçons ces fichues faiblesses et lavons-nous les mains de toute cette affaire !
— Tais-toi, chien de marchand ! cria un éclaireur. Avec ce pouvoir, nous pouvons enfin reprendre le Mur Maria !
— Nous ne pouvons plus nous permettre davantage de singeries enfantines ou d'illusions de grandeur, rétorqua ce même marchand. Vous ne faites que gaspiller notre or !
Amos était sur le point d'intervenir, afin d'éviter que les choses ne s'enveniment, mais quelqu'un le devança :
— Crier plus fort n'aidera pas ton cas, gros porc, lâcha le capitaine Levi d'une voix froide. Tu crois que les Titans vont attendre que tu renforces les portes ? Et quand tu dis « nous », tu parles de l'Humanité ou de toi et de tes porcs de copains ?
— Votre Honneur ! intervint Amos en contenant son exaspération. Pouvons-nous s'il vous plait nous concentrer sur cette affaire qui nous a tous réunis ?
Peter Hannibal abattit violemment sa main sur sa table, et foudroya de son regard perçant toutes les personnes présentes.
— Assez ! Gardez vos querelles pour un moment plus approprié !
Une fois le calme revenu et les différents partis intimidés -sauf Levi-, Zackley reprit la parole :
— Souhaitez-vous répondre à une question que j'ai pour le cadet Jaeger, Lord Amos ?
— « Lord Amos ? » songea le Rebelle.
— Eren ? l'interpella son camarade. C'est toi qui voit.
— Je vais y répondre, monsieur, dit-il confus par toutes les querelles qui l'entouraient et le statut de son ami.
— Cadet Jaeger, en tant que soldat, tu as pris l'engagement solennel d'offrir ton coeur à l'Humanité. Pouvez-vous toujours servir l'Humanité en contrôlant vos capacités ?
Voilà bien un langage que le natif de Shiganshina savait parler :
— Oui, Général ! Je le ferai !
— Vraiment ? demanda Zackley sceptique. Le rapport de mission que j'ai de Trost contredit cette déclaration. Après t'être transformé, tu as attaqué Mikasa Ackerman.
Eren n'en crut pas ses oreilles, et tourna son regard affolé vers sa soeur adoptive, celle-ci tenta de dissimuler la cicatrice sur sa joue avec ses cheveux, et incendia Rico du regard.
— Cela n'est pas si étonnant, fit remarquer Amos en haussant les épaules.
Immédiatement, l'accusé dirigea vers lui une paire d'yeux vert furieux.
— « Qu'est-ce qu'il a osé dire ?! »
— Ah non ? fit le Premier Ministre. Et pourquoi donc ?
— Le cadet Jaeger n'a découvert sa capacité de transformation que le jour même de l'invasion de Trost. Il tombe sous le sens qu'un tel pouvoir ne se contrôle pas en l'espace de quelques heures, il lui faudra sans doute un peu plus de temps pour réussir à pleinement maîtriser sa nouvelle habilité.
— Et qu'est-ce qui vous fait dire qu'il y arrivera ?
À cela, Amos se permit un sourire.
— Le cadet Jaeger n'a aucun talent particulier en dehors de son nouveau pouvoir, il n'est pas plus malin que les autres, il n'est pas plus fort que les autres, pas plus rapide, pas plus doué, et pourtant il a finit cinquième de sa promotion. Savez-vous pourquoi ? Parce que s'il y a bien une chose qu'on ne pourra jamais lui retirer, c'est sa volonté de fer. Ce simple cadet dispose d'une détermination sans pareille mesure, et c'est pourquoi s'il vous dit qu'il fera quelque chose, il le fera.
— « Merci, » songea Eren sincèrement touché.
— Le commandant Pixis peut lui-même témoigner de sa détermination.
Tous les regards se tournèrent alors vers le commandant de la Garnison qui acquiesça.
— C'est vrai, votre Honneur. Lorsque j'ai demandé au cadet Jaeger s'il allait reboucher le trou, il m'a répondu qu'il ne savait pas s'il pouvait ou non, mais qu'il allait le faire. Et il a tenu parole.
Le sourire d'Eren s'élargit, heureux de constater qu'il avait plus d'amis dans ce tribunal qu'il ne l'avait anticipé.
— Je vois, reprit Zackley, où est Mikasa Ackerman ?
— Ici, Monsieur, dit la jeune fille en levant la main.
Soudain un glapissement abrupte se fit entendre, et toutes les paires d'yeux se tournèrent vers sa source.
L'orientale reconnut sans mal le gros noble qu'elle avait dû menacer de mort, pour que lui et son ami marchand dégage le tunnel d'évacuation de Trost.
— Y'a-t-il un problème, Lord Syral ? demanda Peter Hannibal avec une étrange lueur dans le regard.
Une lueur qu'Amos reconnu sans mal.
— « Il sait. Et il croit qu'il me tient, il va avoir une sacrée surprise. »
Comme si elle l'avait entendu, une jolie jeune fille à la robe soyeuse et aux cheveux auburnes se pencha à l'oreille de l'homme à la moustache fringante pour lui murmurer quelques mots. Ce dernier se racla la gorge avant de répondre à son Premier Ministre :
— Ce n'est rien votre Honneur, assura-t-il en essuyant la sueur qui perlait sur son large front, j'ai simplement reconnu la jeune fille qui m'a sauvé la vie lors de l'invasion de Trost.
Mikasa écarquilla les yeux de surprise tandis qu'une foule de murmures impressionnés se répandait au sein de l'assemblée.
Peter Hannibal fronça les sourcils, avant de regarder son petit-fils qui soutenait son regard sans peine. Il ne lui fallut guère longtemps pour faire le lien entre la jeune fille et le jeune homme, et il grimaça de mécontentement.
L'orientale, de son côté, se demandait ce qu'Amos avait fait pour accomplir cette prouesse. Avant de remarquer le regard lubrique que la jeune fille aux côtés de Lord Syral jetait à son rival. Ses yeux s'élargirent d'horreur.
— Je vois, reprit Zackley pour mettre un terme à cette distraction, Cadet Ackerman, est-ce qu'Eren Jaeger vous a agressé sous forme de Titan ?
— Oui ... il l'a fait, votre Honneur, répondit Mikasa avec hésitation, mais avant cela, il m'a sauvé la vie deux fois en utilisant ses capacités ! Une fois quand le cadet Amos et moi-même étions sur le point d'être attaqué, et une deuxième fois quand le cadet Arlet et moi étions sur le point d'être abattus par un canon. J'aimerais que vous preniez cela en considération.
— Objection ! appela Nile. J'ai des preuves et une raison de croire que le témoignage de la cadette Ackerman peut être biaisé !
— « Abruti, » songea Amos en roulant des yeux avant de répondre tout haut : Objection ! Comme la Cadette Ackerman l'a énoncé plus tôt, j'étais présent lors de la première fois et je peux également témoigner de sa véracité. Quant à la seconde il y a au moins quarante soldats de la Garnison qui peuvent témoigner. J'en vois une de là d'où je me tiens.
Toutes les personnes présentes suivirent le regard d'Amos jusqu'à Rico, qui acquiesça à contrecoeur :
— C'est vrai, votre Honneur.
Le Commandant des Brigades Spéciales grogna de mécontentement, mais n'était pas prêt de rendre les armes.
— Cela ne change pas le genre de personne qu'est le cadet Jaeger !
— Et quel genre de personne est le cadet Jaeger ? contra Amos curieux de connaitre sa réponse.
— Un tueur, déclara froidement le brigadier. Après que la famille Jaeger ait adopté Mikasa Ackerman, nous avons lancé une enquête complète concernant les circonstances de cette adoption. Eren Jaeger et Mikasa Ackerman, à l'âge de neuf ans, ont abattu trois ravisseurs adultes en les poignardant à mort.
De nombreux murmures inquiets suivirent cette déclaration, mais le témoin de la défense n'était pas du tout impressionné :
— Je connais les détails de ce dossier, Commandant. Ces « ravisseurs » étaient des trafiquants de chair humaine pour la Ville Souterraine. Auriez-vous préféré qu'ils se laissent faire par ces monstres et qu'ils passent le restant de leurs jours en tant qu'esclaves concubins ?
Cette réponse sournoise fit grimacer le brigadier.
— Je n'ai jamais…
— Ayez l'obligeance de regarder dans les yeux de Mikasa Ackerman quand vous vous justifiez, Commandant, dit le noble en pointant sa rivale du pouce. Vous êtes après tout en train de parler des meurtriers de ses parents.
— « Allez Mikasa, ne me déçois pas, donne-lui ton meilleur regard. »
Nile grimaça de nouveau, avant d'obtempérer… et de sursauter d'effroi en découvrant les yeux de jais assassins qui l'incinérait sur place.
— « Cette fille est un ange, un ange de la mort, » sourit intérieurement le grand blond avant de reprendre tout haut en conservant une expression neutre : c'est ce que je pensais. Voici la vérité, Commandant : Eren Jaeger, à l'âge de neuf ans, a fait preuve d'un courage qui fait affreusement défauts à certains de vos propres hommes.
Sur ces mots, il sortit une feuille pliée en quatre de sa poche, et la déplia pour la lire :
— Pas plus tard que le mois dernier, deux membres des Brigades Spéciales ont fui devant un meurtrier armé d'un couteau de cuisine, qui avait égorgé une vieille femme dans le district de Stohess. Je précise que ces brigadiers étaient armés de fusils tandis que le criminel n'avait que son couteau, car ils ont trouvés le moyen de prétendre être allé chercher des renforts. Le temps qu'ils reviennent avec cinq fois plus d'effectifs - soit dix minutes après avoir été témoins de l'incident-, le meurtrier avait déjà fait deux autres victimes.
Eren grimaça de colère et de dégoût en entendant cela, et fusilla le commandant des brigadiers du regard.
— Je pourrai vous citer d'autres exemples, reprit Amos en souriant innocemment, mais je crois que vous voyez le tableau. En sachant cela, peut-on vraiment reprocher à Eren Jaeger son manque de confiance envers l'efficacité des brigadiers ?
— Douteriez-vous des compétences des Brigades Spéciales, Lord Amos ? demanda Nile visiblement trop sûr de lui.
— Bien sûr que non, répondit le jeune homme en haussant les épaules, je nie catégoriquement les existences de telles compétences. Ne serait-ce que ce que j'ai entendu aujourd'hui a suffit de me convaincre de ce fait irréfutable.
— Vraiment ? gronda Nile en froissant le papier qu'il avait en main. Peut-être accepteriez vous de partager vos observations avec le reste de ce tribunal ?
— Comme cela concerne notre affaire, c'est avec plaisir que je le ferai, sourit-il en se plantant face à son interlocuteur. Dites-moi Commandant, cette dissection que vous avez l'intention de pratiquer sur Eren Jaeger, pourriez-vous en détailler la procédure devant ce tribunal ? Quelles garanties offrez-vous qu'aucun incident dramatique n'aura lieu pendant que vous jouez au petit scientifique ?
Nile se permit un sourire en coin.
— Eren Jaeger sera sédaté durant l'intégralité de la procédure, votre Honneur. Celle-ci se déroulera sous la surveillance armée de cinquante de mes meilleurs hommes.
— Je vois… dit Amos en feignant d'être impressionné. J'imagine que vous avez dû tester ce sédatif dont vous parlez sur de nombreux titans pour être aussi sûr de vous.
Le visage du Commandant des Brigades Spéciales se décomposa comme un château de cartes, ce fut au tour du capitaine Levi d'esquisser un sourire moqueur.
— Je veux dire… reprit le jeune noble sur un ton volontairement pompeux. Ça me parait tellement évident, excusez-moi de ne pas y avoir pensé. Seul un parfait imbécile pourrait être certains qu'un sédatif tout à fait normal pour un humain fonctionnerait sur un titan. J'imagine que vous avez dû expérimenter sur bons nombres de nos prédateurs pour avoir autant confiance en votre… Oh ! Attendez une minute… vous n'avez jamais vu de titan de votre vie. Comment diable pouvez-vous affirmer devant ce tribunal que votre sédatif fonctionnera alors que vous-même ne le savez pas ?
Quelques gloussements et ricanements moqueurs s'échappèrent des rangs des éclaireurs, Eren lui-même avait du mal à se retenir de rire.
— Enfin, continua le grand blond, je suppose qu'à défaut d'avoir un produit efficace, vos cinquante meilleurs hommes seront parfaitement capables de défaire un titan de quinze mètres de haut à l'intelligence humaine… Et ce malgré le fait qu'ils n'ont jamais vu de titan de leur vie eux non plus. Savent-ils encore au moins se servir de leur équipement tridimensionnel ? Vous savez, le machin qui sert à tuer des titans. Le truc dont vous et vos hommes êtes les experts supposés dans le maniement malgré le fait que vous n'ayez jamais vu de titan de vos vies.
Cette fois, d'authentiques éclats de rire fusèrent dans les rangs des éclaireurs, bien vites tut par les regards perçants du Major Erwin et du Capitaine Levi. Mais même eux étaient amusés, même Darius Zackley et le Roi Philippe Fritz semblaient trouver la scène particulièrement distrayante.
Nile avait la bouche ouverte et le visage rouge, il voulut dire quelque chose, mais il n'avait rien à répondre aux arguments du jeune homme. Celui-ci leva les yeux au plafond.
— Monsieur Doc… reprit-il d'une voix exaspérée en ignorant son grade, êtes-vous en train de nous dire que vous n'avez pas les compétences requises pour mener à bien et en toute sécurité, la proposition que vous avez amenée devant ce tribunal ? Que vous n'avez absolument aucune garantie à nous offrir ?
Un silence de cathédrale lui servit de réponse.
— Je vois… conclut-il d'un ton désolé avant de se diriger vers les rangs des éclaireurs, voyons à présent les compétences du Bataillon d'Exploration. En terme d'expérimentation scientifique sur les titans, je suppose qu'il est inutile de préciser que nous devons la grande majorité de nos récentes découvertes à la Chef d'escouade Hanji Zoë que je vois là-haut. S'il y a bien quelqu'un qui peut en apprendre plus sur le mystère que représente l'étrange pouvoir d'Eren Jaeger, c'est elle. Je doute que nous puissions trouver une meilleure experte à l'heure actuelle.
La jeune femme en question rayonna à l'éloge du jeune noble, et regarda l'accusé avec des yeux avides de connaissances qui firent frissonner ce dernier.
— Pour ce qui est de la garantie qu'Eren Jaeger sera maitrisé si jamais il venait à perdre le contrôle, il s'arrêta pour se tourner vers le chef du Bataillon, Major Erwin ? Quelle garantie pouvez-vous offrir à ce tribunal concernant ce point crucial ? Que feriez-vous si jamais Eren Jaeger venait à perdre le contrôle durant votre opération de reconquête ?
À peine eut-il finit de prononcer ces mots que le pied du Capitaine Levi entra en collision avec le visage de l'accusé. Le coup fut si puissant qu'une des dents de ce dernier s'en alla ricocher sur le sol, Eren releva la tête pour découvrir l'identité de son assaillant, avant de recevoir une raclée en bonne et due forme de la part du Soldat le plus fort de l'Humanité qui n'épargna aucun centimètre carré du corps de sa victime.
— Eren ! s'exclama Mikasa avec un regard assassin. Elle se leva pour aller le sauver, mais Armin la retint par le bras tandis qu'Amos lui saisissait l'épaule. L'expression agacée sur le visage de ce dernier suffit à convaincre les cadets qu'il n'avait pas prévu ça.
— Un simple : « le Capitaine Levi sera chargé de sa surveillance » aurait suffit, marmonna-t-il entre ses dents.
— Personnellement, je vis sous la philosophie que les actes valent mieux que les paroles, déclara Levi froidement en continuant de tabasser Eren à coups de pompes.
— Plus fort ! s'écria Philippe Fritz fou de joie depuis son siège. Faites saigner ce titan !
Le capitaine obtempéra sans dire un mot.
— Levi, attends, protesta Nile terrorisé.
Le concerné pressa son pied contre le visage du Rebelle et demanda d'une voix lasse :
— Quoi ?
— Si tu continues comme ça, il va… il va transformer.
— Tu crois ? ironisa l'éclaireur en flanquant un autre coup de pied à l'accusé. Vous vouliez le disséquer, Nile. Où était ta prudence à ce moment ? Il attrapa Eren par les cheveux et tint son visage battu à la vue de tous. J'ai entendu dire que quand il était un Titan, il a éliminé 20 Titans avant de s'effondrer d'épuisement. Son intelligence le rend dangereux, mais il n'a pas l'expérience que j'ai. Tuer le morveux ne sera pas un problème s'il franchi la ligne jaune. Est-ce que l'un de vous peut dire la même chose ? Est-ce que cela vous suffit ?
Zackley hocha la tête.
— À titre personnel, dit-il en regardant son Premier Ministre et son Roi, je suis convaincu que la meilleure décision, compte tenu de tous les éléments et des témoignages que nous avons reçu, est de transférer Eren Jaeger sous la garde du Bataillon d'Exploration.
— Je suis heureux pour vous, Général, répondit Peter Hannibal d'une voix froide, mais cette affaire ne concerne pas que l'armée. Quelle garantie avez-vous à offrir à la Couronne qu'Eren Jaeger ne participera à aucune rébellion visant à la renverser ?
— Je serai cette garantie.
Le Premier Ministre se paralysa instantanément sur place, et tourna sa tête tel un automate vers son héritier. Celui-ci arborait un sourire triomphant, l'opportunité qu'il avait patiemment attendue pendant plus de trois ans venait de lui être servie sur un plateau d'argent, et ce, par la même personne qui représentait son seul et unique obstacle.
Amos s'éclaircit la gorge, puis il reprit :
— Avec la bénédiction de sa Majesté et la permission du Major Erwin, je rejoindrai les rangs du Bataillon d'Exploration et je m'assurerai personnellement qu'Eren Jaeger ne fomente aucun complot visant à détrôner le Roi. Je suis son cousin après tout.
Pour la première fois depuis le début de ce procès, Peter Hannibal ne parvenait pas à maitriser ses émotions. Il tremblait de rage, le visage rouge de colère et le regard fou, Amos ne broncha pas d'un cil.
— Et ma bénédiction tu as, mon cousin, lança Philippe Fritz sans prévenir.
— Votre Majesté ! s'exclama le Premier Ministre outré.
— J'ai parlé, coupa le Suzerain grassouillet, si mon cousin souhaite aller risquer sa vie à l'extérieur pour assurer la sauvegarde de mon règne, alors il ne fait que son devoir. Je me réjouis de le voir prendre ses responsabilités après avoir passé tant d'années à jouer au petit soldat.
Amos n'était pas dupe un seul instant, il savait que son Roi ne cherchait qu'à se débarrasser définitivement de lui. Mais cela n'importait pas.
Darius Zackley était vraiment très amusé par ce qui était en train de ce produire, même il se gardait bien de le montrer.
— « Le Grand Peter Hannibal trahi par ses propres héritiers, voilà bien un tableau que je n'aurais jamais cru voir un jour. »
Le Major Erwin prit alors la parole :
— Étant donné le dossier du cadet Amos et ses prouesses lors de la Bataille de Trost, ce serait un privilège de le compter dans nos rangs.
Le concerné effectua un salut parfait en souriant, les civils de l'assemblée étaient désormais persuadés que l'héritier du Premier Ministre était complètement fou.
Ce dernier avait perdu les mots, et avait dû plonger son visage dans sa main afin de reprendre ses esprits. Aujourd'hui il avait perdu contre son petit-fils. Si quelque part il était fier de sa performance, la raison pour laquelle il l'avait effectué était insensée. Mais il ne pouvait rien faire, pour l'instant.
— Très bien, finit-il par concéder à contrecoeur. Eren Jaeger est dès à présent transféré sous la responsabilité du Bataillon d'Exploration. S'il prouve sa valeur, l'humanité l'acceptera. Sinon, il sera transféré sous la garde des Brigades Spéciales. Le tribunal est ajourné.
Sur ces mots, il jeta un dernier regard mécontent à son héritier, avant de quitter les lieux de sa défaite. Amos laissa échapper un large sourire de satisfaction, avant de s'approcher de son camarade bien amoché.
— Ça va Eren ? demanda-t-il alors qu'un brigadier le détachait.
— Ça fait mal, marmonna ce dernier toujours au sol.
— C'était le but, répliqua Levi.
Le noble lui jeta un regard consterné, avant d'aider son camarade à se relever en passant un bras autour de son cou.
— Je pensais que tu serais plus heureux que ça, commenta-t-il sur un ton moqueur, tu as officiellement rejoins le Bataillon d'Exploration, n'est-ce pas là le plus beau jour de ta vie ?
— Ha ha, maugréa Eren en s'efforçant de se tenir debout.
— Vous discuterez plus tard, interrompit Levi, pour l'instant il vaudrait mieux pas qu'on reste ici.
Le métamorphe jeta un coup d'oeil en direction des civils qui l'observaient toujours avec crainte et méfiance.
— Oui, il vaudrait mieux.
(-)
Mike, Levi, Hanji, Amos, Eren et le Major Erwin se retirèrent dans l'intimité d'une chambre du Palais de Justice. La scientifique du groupe était en train de soigner le métamorphe tandis que le noble avait ouvert la fenêtre pour s'asseoir sur le rebord en y posant une jambe pliée.
— Tu n'as pas trop mal ? demanda Hanji soucieuse.
— Si, un peu.
— Mal comment ?
— Hein ?
Amos haussa un sourcil devant le manque de tact de la jeune femme.
— Excuse-nous, dit le Major Erwin en s'approchant d'Eren, on a fait ça pour qu'ils te confient à nous. Dis-toi que ta douleur nous a permis de sortir la bonne carte au bon moment.
Il s'agenouilla et lui tendit la main.
— Tu as tout mon respect.
Le Rebelle était vraiment touché par ces paroles, c'était la deuxième fois aujourd'hui que quelqu'un pour qui il éprouvait une profonde admiration reconnaissait sa valeur.
— Je compte sur toi pour la suite.
— Bien sûr, s'empressa-t-il de répondre en lui serrant la main, à votre service.
Levi s'approcha à son tour, et s'assit aux côtés du cadet qui se crispa.
— Dis Eren, tu m'en veux ?
— Non, répondit-il en regardant ses pieds, je sais que cette mise en scène était nécessaire.
Amos souffla du nez en l'entendant, Levi le remarqua.
— Tu as quelque chose à dire ? demanda-t-il en penchant la tête de côté.
— Je ne pense pas c'était nécessaire, admit le noble en haussant les épaules, mais ça ne sert à rien de regretter ce qui est déjà passé. Par contre j'ai peur que vous ne vous soyez attiré les foudres de la seule cadette capable de vous égaler, Capitaine.
Levi haussa un sourcil intrigué, tandis que le regard d'Erwin témoignait d'un intérêt tout particulier.
— Tu parles de Mikasa ? s'étonna Eren. Tu penses vraiment qu'elle pourrait égaler le Capitaine ?
— Il lui faudra quelques années, mais oui je le pense.
— T'as l'air bien sûr de toi, fit remarquer le Soldat le plus fort de l'humanité, qu'est-ce que tu sais qu'on ne sait pas ?
— Une promesse m'empêche de vous répondre, répondit simplement le jeune homme en descendant de son perchoir. C'est quelque chose que vous devriez savoir à mon sujet : je tiens toujours mes promesses.
Levi n'était pas satisfait mais se contenta de cette réponse pour le moment. Eren regarda son camarade sous un jour nouveau, incertain quant à la façon dont il devait aborder le sujet qui le tracassait.
— Je dois dire que votre performance était remarquable, complimenta Erwin en s'approchant du noble pour lui tendre la main, vous avez tout mon respect.
— C'était un plaisir et un honneur, Major, répondit-il en la serrant, et vous n'avez pas à me vouvoyer, à compté de ce jour je suis l'un de vos subordonnés, appelez-moi Amos.
— Très bien, Amos, sourit le chef des éclaireurs.
Le regard de ce dernier se posa alors sur Eren, ce dernier se trémoussa, mal à l'aise.
— Je suppose que je te dois quelques explications, soupira le noble en s'asseyant aux côtés de son camarade, qu'est-ce que tu veux savoir ?
Le métamorphe hésita, mais finit par se dire qu'il valait mieux en finir tout de suite :
— Donc… commença-t-il pas très sûr, tu es un noble.
— Oui, répondit ledit noble en soupirant, tu m'en veux ?
— Non, assura-t-il surprenamment, je veux dire, je suis un peu déçu par les mensonges… Ouais…
Il soupira de frustration, il devait être honnête avec lui-même, mais il n'arrivait pas à le regarder en face.
— En fait non, je suis même carrément déçu. En dehors de Reiner tu étais le gars que j'admirais le plus, je pouvais même m'identifier à toi par rapport à l'histoire de ta mère… Ce mensonge… C'est celui qui fait le plus mal…
— Eren, coupa-t-il, ce n'était pas un mensonge.
Le métamorphe tourna la tête vers son camarade, surpris.
— J'ai menti sur mon nom et mes origines, admit le noble, et j'en suis désolé. C'était nécessaire pour éviter un traitement de faveur de la part des instructeurs et un traitement injuste de la part des autres recrues. Je veux dire, tu m'aurais sans doute haïe sans me connaître si tu avais su dès le départ que j'étais noble.
Eren prit un air embarrassé, il savait que c'était vrai.
— De plus, continua Amos, si le bruit avait couru que le petit-fils de « Peter le Terrible » était exposé sans la moindre escorte, j'aurais sans aucun subit de nombreuses tentatives d'assassinat ou de kidnapping. L'anonymat était ma meilleure protection. C'est pourquoi j'ai menti, mais je n'ai jamais menti sur mes motivations, je n'ai jamais menti à propos de ma mère et comme tu peux le constater : je n'ai jamais menti sur le fait que je voulais rejoindre le Bataillon d'Exploration.
Eren se sentit un peu mieux, mais il était toujours un peu déçu.
— Tu aurais pu nous faire confiance, fit-il remarquer, après qu'on ait appris à te connaître, après que tu nous ai sauvé la mise pendant l'exercice de survie. Tu aurais pu nous dire…
Amos poussa un profond soupir de tristesse.
— J'aurais pu, admit-il avec regret, mais… j'adorais vraiment être Amos Nox… j'adorais la façon dont vous me regardiez avec un respect authentique, un respect que j'avais réussi à mériter… pas le superficiel auquel j'ai toujours eu droit à cause de mon statut. Je sais que j'ai été égoïste, mais… je ne voulais pas perdre ça.
Eren avait du mal à croire qu'un type aussi doué et sûr de lui qu'Amos puisse avoir de telles insécurités. Quelque part il était rassuré de voir que même les génies avaient leurs doutes et leurs défauts.
— Je crois que je vois à peu près ce que tu ressens, finit-il par dire. Je suis toujours un peu déçu, mais franchement je me vois mal t'en vouloir après tout ce que t'as fais pour moi. Je t'en dois une.
— Tu me dois que dalle, répondit le noble en affichant un sourire rassuré. Même si ça a toujours été mon intention de rejoindre le Bataillon, mon grand-père ne m'aurait jamais laissé l'intégrer. Et je n'avais aucun moyen de contourner son autorité avant ton procès, tu ne l'as peut-être pas fait exprès, mais tu m'as donné l'opportunité que j'attendais depuis trois ans. Alors disons qu'on est quittes.
Eren sourit en retour, exposant malencontreusement sa dentition.
Alors que les éclaireurs avaient laissés les cadets s'expliquer jusque là pour éviter une situation malaisante à l'avenir, Hanji poussa soudainement un glapissement de surprise avant d'attraper le métamorphe par les joues, et de tourner son visage vers le sien.
— La dent a déjà repoussé, s'exclama-t-elle fascinée.
— Est-ce qu'elle ignore le concept « d'espace privé » ? demanda Amos en remarquant l'embarras d'Eren.
— Oui, répondit Levi impassible, avec cette folle furieuse pas besoin de dissection.
— Ne me compare pas aux brigadiers, se défendit-elle vexée, moi je ne tuerai jamais Eren.
— C'est rassurant, ironisa Amos tandis que le concerné était mortifié.
— Tes capacités de régénération sont quand même impressionnantes, reprit la scientifique avec enthousiasme. Est-ce que tu peux faire repousser tes membres ?
Comme le Rebelle était trop gêné pour répondre, son camarade vola à son secours :
— Selon Armin, tu as perdu un bras et une jambe pendant la bataille de Trost, on peut donc considérer que tu es difficile à tuer.
Eren regarda sa main gauche alors qu'un frisson parcourait son échine.
— C'est si bizarre de me dire que ce n'est pas la main que j'ai toujours eu…
— C'est dommage que ton pouvoir se contente de te rendre ce que tu as perdu, soupira Amos, on ne peut rien faire pour ta pauvre bouille.
Eren fronça les sourcils et lui colla un coup de poing sur l'épaule.
— Connard, grommela-t-il.
Le grand blond lui adressa un sourire moqueur.
— Frapper et insulter un noble est considéré comme un acte de trahison, plaisanta-t-il.
Le Rebelle lui fit un doigt d'honneur en guise de réponse, mais il avait retrouvé le sourire.
La porte s'ouvrit soudainement, et les éclaireurs eurent la mauvaise surprise de voir le Roi Philippe Fritz entrer dans la pièce avec deux brigadiers à ses côtés.
Les militaires s'empressèrent de poser un genou à terre et d'incliner leurs têtes, Eren les imita maladroitement.
Amos quant à lui, se leva et se contenta de se pencher légèrement en avant.
— Que pouvons-nous faire pour vous, Majesté ? demanda-t-il d'une voix monocorde.
— Je suis venu te présenter mes félicitations, mon cousin, répondit le gamin grassouillet en affichant un sourire méprisant, après tout tu as enfin réaliser ton rêve de devenir un casse-croûte ambulant.
— Je ne fais que mon devoir, votre Majesté, répondit le jeune homme sans laisser transparaitre la moindre émotion, servir sa famille est le devoir de tout bon noble.
— Et pourtant il semblerait qu'embarrasser et humilier notre famille soit ta spécialité, cracha Philippe avec mépris. Est-il vrai que tu as invité de banals roturiers à coucher sous notre toit ?
— Notre toit ? Vous êtes un Fritz, votre Majesté, le Manoir Hannibal est, comme son nom l'indique, la demeure des Hannibal.
Le Roi renâcla grossièrement, faisant grimacer Levi de dégoût.
— Seuls les rebuts de NOTRE noble Maison tels ton soulard de paternel et toi, s'abaisseraient à salir la mémoire de nos ancêtres en transformant leur demeure en bordel.
La prédation apparut dans le regard d'Amos comme un coup de tonnerre dans la nuit, Philippe tressaillit, mais il savait que la présence de témoins le protégeait de la colère de son cousin.
— Et qu'entends-tu par là, Phil ?
Ce dernier serra les dents, mais finit par élargir son sourire.
— J'entends que comme le répugnant porc qu'était mon oncle Arthur, tu as plongé ta queue dans le con d'une orientale !
Eren écarquilla les yeux de rage et tenta de se relever pour s'en aller tabasser ce petit merdeux, mais Levi l'attrapa par la nuque le maintint fermement incliné.
Amos ne répondit pas, la prédation dans ses yeux émeraudes était désormais à son maximum.
— Tel père tel fils comme le dirait le vieil adage, ricana le Roi, est-ce que la pute que tu appelais « Maman » te manque tellement que tu as dû te jeter sur la première catin qui lui ressemble ? Je suis prêt à parier qu'elle t'a laissé la sauter pour que tu sois si désespérément accroc aux chattes de sa race.
Sans crier gare, Amos le saisit par la gorge avec sa main gauche, et serra suffisamment fort pour l'étouffer.
— Vous deux, ordonna-t-il aux brigadiers d'une voix gutturale, allez attendre dehors.
Ceux-ci échangèrent un regard entendu, et déguerpirent sans demander leur reste. Les éclaireurs relevèrent légèrement la tête pour observer la suite des évènements. Eren savoura l'effroi dans les yeux du garçon grassouillet avec un immense sourire aux lèvres.
Amos plaqua son cousin contre le mur, ce dernier laissa échapper des gargouillements étouffés et tenta vainement de se défaire de l'emprise mortelle de son bourreau.
Hannibal lui retira sa couronne, et la laissa simplement tomber sur le sol dans un tintement métallique avant de forcer son Roi à regarder dans ses yeux monstrueux.
— Écoute-moi très attentivement petit merdeux, siffla-t-il d'une voix glaciale en se saisissant d'un des bourrelets de sa victime qu'il pressa de toutes ses forces, si jamais tu oses ne serait-ce que mentionner mes parents à nouveau, j'arracherai vingt kilos de ton immonde chair pour te la faire bouffer. N'oublie jamais que tu ne dois ton pouvoir qu'à l'influence de la famille Hannibal. N'oublie jamais que grand-père est un vieil homme, et qu'à sa mort ce sera à moi d'assurer la prospérité de ta lignée. N'oublie jamais que contrairement à toi, je ne suis pas remplaçable. Si tu fais ne serait-ce qu'un autre pas de travers, Phil, je te plongerai dans un sommeil permanent et je poserai la couronne sur la tête de ton frère. Est-ce que j'ai été clair ?
Malgré son visage bleu, le Suzerain des Murs parvint à acquiescer faiblement. Une fois qu'Amos le relâcha, il s'écroula à quatre pattes, et essuya une très violente quinte de toux.
Mais alors que le grand blond se penchait pour ramasser la couronne, il remarqua la flaque qui s'étendait des pieds aux genoux de son cousin.
— Tu t'es pissé dessus, nota-t-il sobrement.
Levi effectua un mouvement de recul écoeuré tandis que le souverain écarquillait les yeux en sentant l'humidité de son pantalon
— Grand-père va être furieux, ajouta Hannibal en ramassant l'ornement royal avant de ramasser Philippe par le col.
Il le traina jusqu'à l'entrée, lui enfonça la couronne sur la tête, et le poussa dehors sous les yeux des deux brigadiers choqués.
Ce ne fut que lorsqu'il eut refermé la porte que les éclaireurs se redressèrent.
— Bon, sourit le noble comme si de rien était, où en étions-nous ?
— Tu étais sur le point de nettoyer la saloperie de ton cousin, gronda Levi d'une voix intransigeante.
