Fun fact : je parle anglais comme un grand-père espagnol alors je rame toujours un peu sur ce site de publication. Par conséquent, j'ignore complétement comment répondre aux gentilles reviews que vous me faites ! Je tenais donc à profiter de cette petite note de haut de chapitre pour vous remercier chaleureusement et vous dire que sans elles je n'aurais sans doute pas eu le courage de continuer cette histoire. ^^ Quand je rentre chez moi et je je me retrouve devant ma page blanche, savoir que des gens attendent la suite et me laissent des mots adorable me donne un bon coup de pied aux fesses XD

Bref, merci à vous qui venez de tous horizons, et j'espère être à la hauteur !


Chapitre 8

Néfertari ne mentit pas, elle revint le lendemain soir, puis les soirs suivants jusque très tard malgré ses journées chargées. Elle conservait le souvenir de chacune de ces conversations comme des moments volés. Elle s'aperçut cependant vite que la fatigue la rattrapait chaque jour un peu plus lorsqu'elle se mit à somnoler en pleine mission. Chat Noir ne lui fit aucun reproche, lui aussi montrant de sérieuses marques de contrariété face au piétinement de leur enquête. Ils se retrouvèrent en effet vite dans l'impossibilité de mettre la main sur une nouvelle piste et durent laisser tomber l'affaire pour le moment face à la pile de tâches annexes et administratives que le pharaon leur avait déléguées.

Un soir, ils rentrèrent tous deux par l'artère principale en direction du palais et échangèrent sur leurs actions prochaines.

-Un contact m'a donné un lieu et une heure qui correspondrait à une livraison de poudre explosive en provenance de l'étranger, lui indiqua Chat Noir en jetant un regard las vers les échoppes fermées pour la nuit. Je n'ai que peu confiance en cet individu, mais c'est la seule piste que nous ayons pour le moment.

-Je croyais que nous devions accompagner la princesse Sekhmet jusqu'à la ville voisine pour la semaine, lui répondit la jeune coccinelle en mâchonnant une datte. Nous ne risquons pas une sévère remontrance comme la dernière fois ?

Le jeune homme se renfrogna et ses oreilles s'inclinèrent vers l'arrière, signe de contrariété.

-Je demanderai à la garnison d'Huchant de nous remplacer, nous avons mieux à faire que servir de jouet d'apparat pour la royauté. Quand ce n'est pas servir à autre chose.

Néfertari acquiesça sans grande conviction et espéra que son partenaire savait ce qu'il faisait. Ils tournèrent à l'angle de la rue pour arriver sur la place du marché faisant face au palais et furent surpris lorsqu'ils entendirent une voix les interpeller. À cran, ils dégainèrent tous deux leurs armes et pivotèrent pour accueillir l'ennemi.

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-Satis !

Néfertari ouvrit de grands yeux devant le visage avenant de son amie de toujours et rangea son yoyo avant de lui tomber dans les bras. Toutes deux rirent en s'enlaçant et leurs joie communicative tira un vague sourire à un Chat Noir éreinté.

-Tu m'as tellement manqué, Néfri, tu as disparu sans plus jamais donner de nouvelles !

-Arrête, ça fait seulement deux semaines et demie et j'avais prévu de venir te voir.

-Mon œil !

Avec une joie non contenue, Néfertari se tourna vers son partenaire et tendit une main vers lui.

-Chat Noir, je te présente mon amie Satis. Satis, voici mon nouveau bourreau de travail, Chat Noir, protecteur de cette belle citée.

Le jeune homme leva un sourcil fatigué mais néanmoins amusé et ses oreilles se penchèrent lorsqu'il inclina la tête pour saluer la nouvelle arrivante. Celle-ci rougit jusqu'à la pointe de ses cheveux tressés et s'inclina très bas.

-Ravie de vous rencontrer enfin, protecteur, réussit-elle à dire d'une petite voix timide. Je suis… Non, enfin j'aime beaucoup ce que vous faites, heu… votre travail…

Néfertari retint son hilarité et vint au secours de son amie en lui posant une main salvatrice sur son épaule.

-Satis apprécie tout particulièrement la dévotion dont fait preuve notre cher protecteur envers son peuple, résuma-t-elle d'une voix amusée en omettant l'attirance de son amie pour le beau jeune homme.

Chat Noir sourit mais ne fut pas dupe, Néfertari se doutait qu'il devait avoir l'habitude que des femmes se pâment devant lui. Il resta cependant humble et son sourire s'étira.

-Je ne fais qu'honorer les Dieux en remerciement des pouvoirs qu'ils m'ont remis. Tout comme Néfertari, je dévoue ma vie à la protection de notre pays et de notre souverain.

-Hum, ce ne serait pas ton discours de la semaine dernière devant l'ambassadrice de Grèce, par hasard ? lui lança la jeune coccinelle, piquante.

Chat Noir ouvrit de grand yeux et, prit sur le fait, croisa les bras avant de présenter un visage faussement contrit.

-Que veux-tu que je raconte d'autre ? se gaussa-t-il. Que toi et moi en avons plein les bottes de déambuler dans la rue à des heures indues et que nous rêvons juste d'un bain et d'un repas copieux ?

Néfertari ne put que rire devant l'air abasourdi de son amie qui découvrait son héros sous un nouveau jour et l'attrapa par le bras.

-Que dirais-tu de manger au palais avec moi, Satis ? On a pleins de choses à se raconter et il faut que je te fasse rencontrer Tikki.

La jeune femme hocha joyeusement de la tête, mais elles furent interrompues par Chat Noir qui s'approcha pour les mettre en garde.

-Tu n'as pas le droit de faire venir qui tu souhaites, Néfertari, la prévint-il. Toute personne entrant dans l'enceinte du palais doit avoir reçu une invitation du pharaon ou faire partie du personnel trié sur le volet. Vous risquez gros à entrer sans autorisation.

La jeune femme fronça des sourcils tandis que Satis rougissait devant le protecteur désormais à moins d'un mètre d'elle. Contrariée, elle croisa les bras et fixa pensivement son partenaire.

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-Non, Néfertari, ne me mêle pas à ça je te prie.

Chat Noir hocha la tête de dénégation en soupirant de fatigue devant la demande de la jeune femme. Sa moue boudeuse et son insistance appuyait lourdement sur sa volonté et c'est avec un second soupir de dépit qu'il accepta de l'aider. Il avait toujours tenu à se montrer professionnel et intransigeant lorsqu'il était Chat Noir, mais, depuis qu'il voyait la jeune femme tous les soirs, il lui tenait tête de plus en plus difficilement.

Sans s'en apercevoir, il commençait à apprécier leurs rendez-vous journaliers et même à les attendre, tout en ayant conscience de l'immense bêtise qu'il commettait. Le premier baisé qu'il avait reçu sur la joue l'avait décontenancé et il se sentait désormais chaque fois piteux dès qu'elle réitérait ce chaste geste d'affection. Chaque soir qu'Osiris faisait, il se demandait pourquoi il entretenait sciemment cette supercherie qui leur ferait bien plus de mal que de bien lorsqu'elle serait éventée. Mais une fois la jeune femme assise sous les étoiles à ses côtés, ses belles résolutions disparaissaient et il se refusait alors à envisager qu'il puisse faire pareille chose. Car cela aurait signifié devoir tout briser. Perdre sa confiance, son amitié, ainsi que la chaleur de ses lèvres sur sa peau.

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-Très bien, je te dis par où passer pour éviter les gardes, mais tu me revaudras ça un de ces jours, c'est compris ?

La jeune coccinelle lui lança un regard furibond et se mordit la lèvre en réfléchissant intensément. De son côté, il voyait l'amie de cette dernière faire passer son regard de l'un à l'autre sans trop savoir que faire. Finalement, sa partenaire tendit sa main vers lui avec un air mutin collé sur le visage.

-Ça marche, lui dit-elle.

Il regarda ses doigts fins dont les poignets étaient cerclés de larges bracelets d'or et ne put s'empêcher de sourire devant sa force de caractère qui n'avait d'égal son espièglerie. Il empoigna finalement sa main et les mena en vue du mur les séparant du jardin Est. Il leur désigna un point légèrement sur la droite et ils se coulèrent dans l'obscurité de cette fin de journée jusqu'à un pan de mur protégé par plusieurs palmiers touffus.

-À cette heure-ci, personne ne surveille le jardin, quelques flambeaux sont allumés mais rien de plus. En montant par là, vous pourrez ensuite rejoindre la terrasse de tes appartements en vous cachant entre les buissons.

-Très bien, passe devant pour t'assurer que la voie est libre et siffle lorsque c'est bon.

Chat Noir la fusilla du regard et, sachant qu'il n'avait pas le choix, sortit son bâton pour s'élever jusqu'au faîte du mur. Au bout de plusieurs longues secondes, il modula un sifflement discret pour leur indiquer qu'elles pouvaient venir. Sa partenaire lança son arme vers les hauteurs et s'éleva souplement au-dessus du mur de pierres en tenant son amie contre elle. Toutes deux atterrirent enfin dans le fourré épais ou il les attendait.

-Vous allez me suivre en étant le plus discrète possible, d'accord ? les prévint-il en pointant un doigt agacé vers elles. Au moindre bruit suspect, vous sautez dans un bosquet et vous contournez l'obstacle en restant bien cachée. Je me suis bien fait comprendre ?

-C'est bon, Chat Noir, on a compris, on fera attention, lança la jeune coccinelle qui trépignait d'impatience.

Avec une souplesse féline qui n'avait d'égal que sa discrétion, le jeune homme se coula dans le jardin silencieux et traversa les allées sombres en évitant les rares flambeaux disposés aux alentours. Il entendit les deux femmes se déplacer derrière lui et estima qu'il leur faudrait un peu moins de trois minutes pour arriver aux appartements s'ils conservaient cette allure. Plusieurs fois, il leur fit faire une pause afin d'éviter de croiser un serviteur et ils ne tardèrent pas à rejoindre la large mare trônant au centre des jardins.

Chat Noir parti ensuite devant et leur fit signe de le rejoindre près d'un long banc de marbre blanc. Cependant, avant même qu'elles ne furent à proximité, ses oreilles s'agitèrent et il fit un grand signe aux deux femmes qui se jetèrent derrière un large tronc caché dans les ombres.

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-Chat Noir ? dit alors une voix à l'autre bout de l'allée. Que fais-tu ici à cette heure?

Le jeune homme se composa un visage avenant et sourit à Chlitis arrivant à contresens.

-Tu n'es pas occupé à biberonner ta nouvelle partenaire ? lui demanda la jeune femme en faisant bruisser sa robe de lin légère. Peut-être la fuis-tu comme tu m'as fui la dernière fois ?

Le jeune homme se força à ne pas grimacer devant la pique salée et marcha jusqu'à elle. Il devait l'occuper assez pour que Néfertari et Satis aient le temps de les contourner discrètement, c'est pourquoi il attrapa ses mains fines et déploya ses talents d'orateur.

-Ecoute Chtilis, je voulais te dire que…

-Inutile, Chat Noir, lui répondit-elle vertement, avant même qu'il n'ait eu le temps de finir. Tu ne m'intéresses plus, je suis passée à autre chose et en plus… Mais attends, j'entends du bruit par là.

Son regard se braqua vers les ombres du jardin et il sut alors que tout était fichu. Elle allait les démasquer et ils allaient avoir de graves problèmes. Il la vit avancer d'un pas et il réfléchit à toute allure. Saisi d'une inspiration subite, il l'attrapa par la taille et la ramena à lui pour coller ses lèvres contre les siennes en un long baiser. La jeune femme résista le temps d'un instant, avant de se détende et de répondre à son étreinte avec ardeur. Il ferma les yeux mais resta à l'écoute des discrets bruits de pas dans les fourrés, désormais perceptibles pour lui seul.

Ses sens hyper développés suivirent les pérégrinations des deux jeunes femmes et, lorsqu'il fut sûr qu'elles n'étaient pas loin de la sortie, il tenta de gagner les dernières précieuses secondes qui leur manquaient. Pour cela il serra davantage la belle porteuse contre son torse et força le barrage de ses lèvres pour glisser sa langue contre la sienne. Celle-ci se laissa faire et répondit davantage à son baiser.

Il relâcha finalement la jeune femme aux pommettes rosées et afficha un sourire contrit.

-Je comprends, Chlitis, je n'étais pas à ta hauteur et j'en suis désolé. Accepte ce baiser comme un cadeau d'au revoir et sache que je resterai ton ami quoi qu'il arrive. Je te souhaite une belle vie avec ton nouvel amant.

La belle porteuse ne répondit rien, encore déstabilisée par ce baiser inattendu, et ses yeux écarquillés le suivirent lorsqu'il la quitta pour se glisser à son tour dans les ombres du jardin. Le retour fut aisé et, lorsqu'il fut en vue des appartements de Néfertari, il put apercevoir deux personnes découpées par la lumière des flambeaux allumés dans la chambre. D'un pas souple, il rejoignit la terrasse et se glissa à son tour dans la pièce à la chaleur bienfaitrice. La coccinelle et son amie étaient déjà assises dans un coin de la chambre sur de gros coussins moelleux et discutaient joyeusement en grignotant les plats disposés par des serviteurs zélés.

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-Belle diversion, l'accueillit sa partenaire avec une pointe de sarcasme dans la voix. Je ne savais pas que le Chat s'était fait piqué par l'abeille récemment.

Satis lui envoya une tape sur l'épaule et la foudroya du regard, mais Néfertari n'en avait cure. Ses yeux étaient braqués sur le jeune homme masqué et son regard s'était fait pénétrant. Peut-être s'attendait-elle à ce qu'il réagisse à sa pique acerbe, qu'il s'excuse ou bien même qu'il s'explique, mais il avait passé l'âge de jouer à ce genre de jeux.

Il se contenta de marcher jusqu'à elle, se baissa à sa hauteur et ses cheveux effleurèrent ceux de la jeune femme tandis leurs yeux verts se noyaient dans ceux de l'autre.

-Tu penses qu'en deux semaines tu peux tout savoir de moi, petite coccinelle ? souffla-t-il d'une voix audible pour elle seule.

Il vit ses joues rosir et, souriant, attrapa une brochette de bœuf posée sur le plateau à ses pieds. Il l'engloutit en une bouchée et fit enfin demi-tour. Il se permit même de claquer le lourd battant de bois de la porte en partant et cela lui fit un bien fou. Une fois rentré dans son appartement, il se détransforma et esquiva le regard moqueur de son kwami.

-Vos réactions sont de plus en plus sarcastiques mon maître, se permit-il tout de même de souligner. Je ne vous connaissais pas ainsi.

Avec un haussement d'épaule, le jeune homme lui tourna le dos et marcha jusqu'à sa vasque d'or.

-C'est cette péronnelle, se justifia-t-il en se lavant les mains. Ses paroles sont des flèches acérées. Que voulais-tu que je lui réponde ? Je l'aide, et voilà tout ce que j'écope en retour.

Le kwami se contenta de lever les yeux au ciel avant de disparaître aux cuisines sans un bruit. Silas en fut satisfait, il n'avait aucune envie de disserter avec son ami ce soir. Il jeta un regard furibond à son reflet l'observant de l'autre côté du grand disque de laiton et attrapa sa cape pliée sur le buffet. Une fois qu'il s'en fut vêtu, il parcourut les couloirs silencieux pour rejoindre le toit du palais et s'allongea à même la pierre froide. Il savait que Néfertari ne le rejoindrait pas ce soir et c'était mieux ainsi.

Ses yeux accrochèrent les milliers d'étoiles piquetant la toile du ciel et ses pensées se calmèrent peu à peu pour s'égarer vers des temps plus cléments ou Hastaya était encore en vie. Sa douleur était toujours vive, même s'il savait parfaitement la cacher, et de fines larmes finirent par couler le long de ses joues fraîches sans qu'il ne réussisse à les retenir.

Plagg avait raison, comme toujours. En deux semaines, ses relations avec la nouvelle coccinelle ne s'étaient pas simplifiées, loin de là, et leurs échanges pouvaient passer de cordiaux à totalement acerbes. Elle riait parfois à ses facéties, mais restait sombre la plupart du temps, quand elle ne remettait pas carrément en question ce qu'il lui disait par une remarque caustique.

Et pourtant, lorsqu'il repensait aux longues conversations qu'ils échangeaient tous deux en haut de ce même toit, il en éprouvait une pointe de tristesse. Comment pouvait-elle apprécier une part de lui tout en rejetant l'autre ? Il n'avait pas le sentiment d'être si différent lorsqu'il était Chat Noir, de lorsqu'il était Hurakim, et pourtant, cela devait être le cas à n'en point douter. Fatigué, il se releva et rentra s'enrouler dans ses couettes pour s'enfoncer dans un sommeil de plomb.

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Le lendemain fit naître une aube lumineuse encore nappée d'une brume s'accrochant aux faîtes des arbres et se reflétant dans le lit calme du Nil. Chat Noir se sentait bien reposé et, au petit déjeuner, il avait établi un plan d'action pour l'après-midi afin de ne rien laisser au hasard. Néfertari le rejoignit alors qu'il patientait en haut d'une terrasse du palais en chantonnant une vieille comptine.

-Cours de chant aujourd'hui messire Chat ? lui demanda-t-elle au moment où il entamait le second couplet.

-Si vous préférez cela à la pêche aux malfrats, dame coccinelle, alors vos souhaits sont des ordres.

Il tourna son minois rieur vers la jeune femme et la vit sourire plus que de coutume. Revoir son amie Satis avait dû lui mettre du baume au cœur et c'est avec une bonne humeur évidente qu'elle vint s'asseoir pour voir se réveiller la ville de Memphis à ses côtés. Chat Noir évita d'évoquer les événements de la veille et lui présenta la carte de papyrus sur laquelle il s'était permis de faire quelques modifications.

-Le rond rouge représente le lieu de la livraison et j'ai inscris l'heure au-dessus. Tu connais le coin ou pas du tout ?

-Oui, lui répondit-elle d'une voix ayant perdu quelque peu de sa bonne humeur. C'est le quartier des prostituées, le trafic se passe dans une maison de passe ?

-En effet, du moins c'est ce qui m'a été indiqué. J'ai pour idée d'aller interroger les personnes y travaillant afin de savoir si nous pouvons recueillir des noms et, si possible, tendre une embuscade afin d'en capturer un ou deux, en vie idéalement.

-Tu penses que l'on va accepter de nous parler ?

-Je n'en sais rien, nous verrons.

D'un bond, Chat Noir se remit sur ses pieds et sonna l'heure du départ en s'élançant à travers la ville. Il fut suivi de près par sa partenaire et courut le long des toits pour rejoindre les berges du Nil déroulant leurs champs de papyrus à l'Ouest de la ville. Tous deux prirent de nombreuses précautions pour ne pas se faire reconnaître lorsqu'ils abordèrent le quartier. Pour cela ils recouvrirent leurs corps de capes de lin rêche affublées de larges capuches qui cachèrent leurs atours de protecteur.

Néfertari lui avait demandé pourquoi ils ne retiraient pas simplement leurs costumes magiques et Chat Noir avait éludé la question en évoquant le risque de subir une attaque sans être protégé par la magie des kwamis. La vérité était qu'il faisait maintenant très attention à ne jamais se détransformer devant la jeune femme pour ne pas qu'elle découvre la supercherie.

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Le jeune homme tapa trois coups au battant de bois peint d'une large bâtisse et attendit qu'une vieille femme rondelette leur ouvre avec un sourire de circonstance. En entrant dans le haut vestibule, Chat Noir se fit assez insistant pour obtenir une entrevue avec la gérante de l'établissement. À cette heure-ci la maison n'était pas encore ouverte aux clients et ils retirèrent leurs lourdes capes avec un soupir de soulagement tandis qu'on les faisait patienter sur des bancs cerclant la pièce aux murs blancs.

-Je ne suis jamais venue dans ce genre d'endroit, lui confia Néfertari en s'asseyant à la droite du jeune homme et en observant son environnement. On dit que les prostituées d'Egypte sont les représentantes de la déesse Hathor et que leur mission sur terre est sacrée.

Chat Noir s'adossa à son siège et leva le nez vers les peintures écaillées du plafond représentant une scène de badinage.

-C'est vrai pour une partie d'entre elles, lui précisa-t-il. Mais, depuis quelque temps, leurs conditions se sont détériorées et seules les prostituées dévouées à la haute noblesse conservent un statut enviable.

-Tu as l'air bien au courant, ma foi…

Le jeune homme haussa un sourcil et tourna un visage mutin vers la jeune femme quelque peu boudeuse. Celle-ci le regardait avec ce petit air qu'il connaissait désormais trop bien et elle attendait patiemment une réponse de sa part.

-J'ignore quelle image tu as de moi, jolie coccinelle, finit-il par dire en brisant le silence qui s'était installé. Mais je pense très clairement que tu te fourvoies sur mon compte.

Elle leva un menton volontaire et haussa, elle aussi, un sourcil.

-Disons que j'ai entendu des choses et que, jusqu'ici, rien ne m'a laissé penser le contraire.

Chat Noir accusa le coup du mieux qu'il put et entrouvrit la bouche sous la surprise. Quelqu'un avait parlé de lui à la jeune femme et, d'après ses dires, ça ne devait pas être en termes très élogieux. Son esprit cavala pour essayer de deviner de qui il pouvait bien s'agir et s'arrêta sur un nom d'une évidence claire. Lorsqu'il comprit ce que cela impliquait, il explosa d'un rire sonore qui le tint plié pendant quasiment une minute entière.

Néfertari sembla passablement agacée qu'il se moque aussi ouvertement de ses dires et parut vouloir se lever, mais il l'arrêta d'un geste.

-Pardonnes mon hilarité, Néfertari, lui dit-il en s'essuyant les yeux du plat de la main. Mais je trouve la situation très cocasse.

-Je vois ça, lui répondit-elle sèchement.

Il se redressa sur son siège inconfortable et lui présenta un sourire d'excuse.

-Si tu veux un conseil, je pense que tu devrais éviter de croire quiconque dans ce palais, et surtout pas ce prétentieux de Sass.

Démasquée, la jeune femme croisa les bras et le toisa sombrement tandis qu'il retenait un second fou rire.

-Et pourquoi est-ce que je devrais te croire toi, plus que lui ? Je t'écoute.

Chat Noir se pencha vers elle et riva ses yeux aux siens.

-Parce que, contrairement à Sass, je ne cherche pas à te mettre dans mon lit en répandant de fausses rumeurs sur tes autres éventuels prétendants.

Ce fut au tour de Néfertari d'encaisser le coup et ses yeux s'agrandirent. Elle s'enfonça dans un mutisme pensif et ne lui adressa plus la parole pendant un bon bout de temps.

À un moment, la vieille dame revint et leur offrit un plateau chargé de pâtisseries.

-Pour patienter, leur précisa-t-elle. Z'allez bientôt êtr' reçu.

Elle referma ensuite le battant séparant le vestibule du reste de la maisonnée et Chat Noir devina que les habitantes du lieu se réveillaient peu à peu. Pour qui travaillait jusque tard dans la nuit, leur venue devait leur paraître fort cavalière.

-Tu vas vraiment bouder toute la journée ? demanda-t-il finalement à sa partenaire en se servant d'une sucrerie posée face à eux.

-Je ne boude pas, je suis juste… Je ne sais pas trop. Décontenancée serait un mot approprié.

La jeune femme se servit à son tour d'une pâtisserie au miel et la fixa sombrement avant de l'engloutir en une bouchée.

-Décontenancée ? Tu vas me faire croire que, jolie comme tu es, tu n'as jamais eu affaire à des bonimenteurs de foire tel que Sass ?

Elle lui lança un regard bougon et réattaqua.

-Pardonnez-moi, messire Chat, de ne pas avoir pour habitude d'embrasser chaque individu que je croise au détour d'une allée.

Chat Noir ne put s'empêcher de rire et posa sa main sur son cœur en un simulacre de tragédie grecque.

-Ah, que de fiel, je saigne, se gaussa-t-il. On ne m'y reprendra plus à aider une ingrate pareille. La prochaine fois je vous laisserai prendre, foi de Chat ! Si ça peut m'éviter d'embrasser une pimbêche comme Chlitis, alors je signe !

Néfertari ne put s'empêcher de sourire face aux grimaces comiques de son partenaire qui s'agitait ridiculement sur son siège.

-Ça suffit, ria-t-elle à son tour. J'accepte de reconnaître ma mauvaise foi. Cesse donc tes simagrées grotesques !

Le jeune homme se rassit correctement sur son siège et recouvra son sérieux.

-Je ne voulais pas te blesser tout à l'heure mais, si tu acceptes un conseil, fais attention à ce que pourrait te dire Sass. C'est un beau parleur et je suis sûr qu'il voudrait bien ajouter une coccinelle à son palmarès de chasse.

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Néfertari ne savait pas comment ils en étaient venu à évoquer de tels sujets, mais elle s'aperçut avec étonnement qu'ils tenaient là leur première réelle conversation. Elle ne connaissait à vrai dire rien du jeune homme masqué et elle avouait avoir un peu trop prêté l'oreille aux dires des autres protecteurs. Elle le découvrait plein d'espièglerie et vif d'esprit, tout l'inverse de ce qu'il lui avait montré ces dernières semaines.

-Désolé pour hier, finit-elle par dire d'une voix quelque peu contrite à un Chat Noir au visage malicieux. Merci de m'avoir aidé à revoir une amie très chère, c'était… Important pour moi. Et pardonne-moi d'avoir été indélicate, tu as tout à fait le droit d'embrasser qui tu veux.

-Pour ta gouverne, je ne suis pas en couple avec la porteuse de l'abeille, si c'est la question que tu te posais.

-Tu n'es pas obligé de me dire ça, ça te regarde et...

-Tu m'as posé la question hier et je n'y ai pas répondu. Je me permets donc de le faire maintenant.

Néfertari ne répondit rien et, après un instant, elle releva ses yeux sur lui.

-Alors comme ça, tu lui as dit que tu me biberonnais ? lui lança-t-elle avec une moue faussement vexée.

Le sourire du jeune homme s'élargit d'autant plus et il croisa de nouveau les bras sur son torse.

-Ne dit pas n'importe quoi. Chlitis sait juste être blessante quand elle veut et elle possède des sorties encore plus cinglantes que les tiennes, il va falloir que tu t'y fasses, petite coccinelle.

La jeune femme voulu rétorquer, mais la porte s'ouvrit à cet instant et leur hôtesse leur demanda de bien vouloir la suivre. Ils s'exécutèrent poliment et pénétrèrent dans un immense salon aux murs blanchis à la chaux. Ici, le sol était entièrement recouvert de gigantesques tapis persan aux couleurs lumineuses et des divans et gros coussins de plumes meublaient le lieu afin d'accueillir confortablement leurs clients. Des rideaux fins de lin blanc pendaient aux nombreuses entrées et fenêtres, aussi larges que hautes, et flottaient nonchalamment portés par la brise matinale. Néfertari huma l'odeur capiteuse des bouquets de fleurs fraîches disposées à divers endroits et apprécia la vue qu'elle avait du Nil à travers les fenêtres sans volet.

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Leurs pas les menèrent vers un large escalier et plusieurs femmes de tout âge incroyablement peu vêtues sortirent de derrière les tentures pour venir les saluer d'un sourire enjôleur. Leurs regards gourmands se fixèrent presque immédiatement sur Chat Noir et celui-ci se retrouva rapidement entouré d'une dizaine d'entre elles, battant de leurs paupières fardées pour attirer son attention.

-Un protecteur ! s'exclama l'une d'entre elle d'une voix admirative. Nous en voyons peu ici, vous savez.

Une autre renchérit en louant la beauté du jeune homme et son air noble. Peu à peu, des mains baladeuses se glissèrent le long de ses bras et de son dos en effleurant sa peau hâlée. De son côté, Néfertari se gaussa du malaise croissant de son partenaire et de son sourire crispé.

-Je suis sûre que la maison peut faire une réduction pour un si beau protecteur, gloussa l'une d'entre elles en posant ses doigts bagués sur son torse.

-Je fais tout gratuit, pour ma part, s'exclama une autre en se rapprochant davantage du jeune homme et en lui caressant les fesses.

Considérant qu'il avait assez payé de sa personne, Chat Noir les remercia et esquiva adroitement leurs attentions pour rejoindre sa partenaire qui l'attendait au milieu des marches.

-Je ne savais pas que tu avais autant de succès, lui dit-elle en voyant ses joues rouges et son air piteux.

-Moi non plus…

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Ils montèrent le reste des marches sous le regard attentif des habitantes des lieux et traversèrent un long couloir, avant de déboucher dans une pièce de taille moyenne meublée avec goût. Face à eux, une large fenêtre donnait sur une belle cour arborée dont le feuillage dense masquait en partie le fleuve au loin. Sur leur droite, une petite table basse supportait plusieurs tablettes d'argile crue et de nombreux stylets ainsi que des outils nécessaires à la gestion administrative de la maisonnée. En tournant la tête de l'autre côté, ils aperçurent une grande femme très mince, assise sur un lourd fauteuil rembourré de coussins épais, et buvant une tisane odorante. En les entendant entrer, elle se leva et les accueillit avec un sourire chaleureux malgré son regard sombre et ses gestes brusques.

-Bien le bonjour, nobles protecteurs, commença-t-elle en s'inclinant bien bas. Je suis Nikkyes, gérante de cette maison, et je vous avoue que je ne pensais pas, un jour, croiser le Chat et la Coccinelle dans mon établissement.

-Nous venons de la part d'un ami à vous, lui indiqua Chat Noir après l'avoir également saluée. Concernant un certain souci de voisinage.

La femme au port altier et dont la longue robe fine ne cachait rien de sa silhouette gracile, congédia leur hôtesse et leur proposa de s'asseoir sur le long divan disposé sous la fenêtre.

-Et de quel ami parlons-nous, protecteur ? demanda-t-elle une fois que chacun se fut mis à l'aise. Je possède de bien nombreux alliés dans cette ville, aussi aurais-je besoin de plus de précision.

-Dighanas, lui répondit le jeune homme en guettant sa réaction. Il est venu à moi il y a quelques jours en m'apportant diverses informations de la plus haute importance.

La gérante hocha gravement de la tête et quelques mèches poivre et sel s'échappèrent de son chignon serré.

-Oui, vous avez raison. Nous avons en effet quelques soucis depuis un certain temps. Mais je ne pensais pas avoir un jour la chance d'obtenir de l'aide des protecteurs de Memphis en personne.

-Je ne vous cache pas que je suis à la recherche de ces gens depuis bientôt deux ans et je m'étonne que vous ne soyez pas venu voir notre pharaon bien avant. Nous serions intervenus.

La femme se pinça les lèvres et lança un regard inquiet par la fenêtre.

-Ils nous ont menacés de mort si nous dévoilions le trafic auquel ils se livrent chaque mois derrière les murs de notre établissement. Ils sont très convaincants et possèdent de puissants alliés politiques, que vouliez-vous que je fasse ?

-Politique ? s'exclama le jeune homme en ouvrant de grands yeux. Vous voulez dire qu'une partie de la noblesse est impliquée, ou du moins finance ce réseau souterrain qui tente de faire tomber notre souverain ?

La femme était nerveuse et jetait fréquemment des coups d'œil par la fenêtre, elle leur cachait quelque chose, Nefertari en était sûre. Elle laissa cependant son partenaire poursuivre la conversation et resta alerte.

-J'aimerais vous en dire plus, mais je n'ai pas la réponse aux nombreuses autres questions que vous brûlez de me poser. Dighanas a dû vous dire tout ce que nous savions et la seule chose que je peux désormais vous donner est la pièce dans laquelle ils stockent leurs marchandises en provenance de l'étranger.

-Vous ne servez que de zone de transit c'est bien cela ?

-Tout à fait. Ils se cachent derrière une façade de revendeur d'encens et estampillent leurs caisses avec un cachet comme celui-ci.

Elle se leva et alla prendre un stylet, ainsi qu'une tablette d'argile meuble sur laquelle elle griffonna un insigne peu reconnaissable.

-La famille Nissam, grogna Chat Noir en foudroyant du regard le dessin approximatif. Sont-ils impliqués ou bien a-t-on juste dérobé leur identité commerciale ?

-Je l'ignore, protecteur. Je sais juste que les caisses cachées dans ma maisonnée possèdent toutes cet insigne.

Après avoir effacé son dessin, elle rangea son outil et se rassit face à eux en se tordant les mains.

-Nous sommes une vingtaine à vivre sous ce toit, nobles protecteurs, leur dit-elle avec anxiété. J'ai peur pour nous toutes, surtout maintenant que je vous ai tout dit. Je vous en prie, promettez-moi que vous arrêterez les suspects et que vous ferez en sorte qu'aucune de nous n'ai à subir une quelconque vengeance.

Ils acquiescèrent tous deux gravement mais ne purent promettre quoi que ce soit.

-Je demanderai à ce que l'on vous octroie deux soldats qui se relayeront dans le cas où cela devait arriver, lui proposa le jeune homme. Ce n'est pas grand-chose mais, une fois que nous aurons mis la main sur ces trafiquants, nous pourrons remonter la piste jusqu'au noyau de cette organisation souterraine et ainsi faire disparaître la menace. Maintenant, dites-moi où sont entreposées les marchandises.

La gérante se leva à nouveau et leur désigna une petite annexe aux murs de terre séchée, visible au fond de la cour. Celle-ci était solidement cadenassée et ils décidèrent d'aller y jeter un œil. Ils la remercièrent et s'engagèrent dans le couloir pour descendre le large escalier. Cependant, ils n'avaient pas fait trois mètres hors du bureau, qu'il perçurent le bruit d'un nouvel arrivant dans le grand salon. Instinctivement, ils se glissèrent dans une pièce inoccupée et tendirent le cou pour l'apercevoir.

-Sass ?